ELSA TRIOLET / LOUIS ARAGON
12/02/2014
Triolet Romancière française d’origine russe, Elsa voit le jour à Moscou le 12 septembre 1896. Belle-sœur du célèbre poète Maïakovski, elle entretiendra tout au long de sa vie d’étroits contacts avec sa sœur, Lili Brick. Depuis toute jeune, elle a fréquenté les milieux intellectuels de la capitale russe ainsi que le groupe futuriste.
Elle se marie en 1919 avec un Français, André Triolet, avec lequel elle séjournera l’année suivant leur mariage à Tahiti. En 1921, elle le quitte et part vivre à Londres et Berlin.
C’est en 1928, au café «La Coupole» à Paris, qu’elle rencontre Louis Aragon dont elle ne se séparera plus. Son premier roman écrit en français s’intitule «Bonsoir Thérèse». Par la suite, elle fera également la traduction en français des œuvres de Maïakovski et Tchékhov, et elle traduira aussi des romans d’Aragon en russe. C’est en février 1939 qu’elle se marie avec Aragon. Pourquoi si tard? Rappelons qu'à la veille de la seconde guerre mondiale, il était très dangereux d'être russe et juive.
Durant les années 1942 à 1944, ils seront tous deux résistants dans la zone Sud. Soutenant Aragon dans ses combats, elle n’a cependant jamais été membre du parti communiste. C’est également en 1945 qu’elle obtient le prix Goncourt pour son recueil de nouvelles «Le Premier accroc coûte 200 francs» Faisant partie du C.N.E (Comité national des écrivains), elle s’occupera pendant plusieurs années à promouvoir la lecture ainsi que la vente des livres.
Aragon et Elsa feront tout au long de leur vie des voyages dans les pays socialistes, et les allers-retours Paris-Moscou seront fréquents.
De santé fragile, Elsa meurt d’un arrêt cardiaque le 16 juin 1970 dans leur propriété du Moulin de Villeneuve à St-Arnoult dans les Yvelines. Elle y sera enterrée, selon ses vœux.
Peu après, Aragon léguera la totalité des lettres, manuscrits et autres documents personnels d'Elsa au CNRS. (Centre national de la recherche scientifique)
Petite biographie de Louis Aragon
Louis Aragon est né probablement du côté de Toulon le 3 octobre 1897. Il est le fils illégitime de Marguerite Toucas et d’un homme politique célèbre, Louis Andrieux, notable, ex-procureur de la république (à Lyon, lors de la Commune de 1871), puis député, préfet de police et ex-ambassadeur de France en Espagne.
Pendant des années, il vit dans le mensonge, car sa mère se fait passer pour sa sœur, sa grand-mère, pour sa mère adoptive, ses tantes pour ses sœurs et son père pour son parrain. Il comprendra seulement au bout d’un certain temps, qui est cet homme qu’il rencontre régulièrement avec sa «sœur».
Tout petit déjà, le jeune Louis dicte à ses «sœurs» de petits récits. Il est passionné de lecture et fréquente assidûment la librairie d’Adrienne Monnier après l'obtention de son bac. Après son baccalauréat latin-sciences et de brillantes études, il s’inscrit à la faculté de médecine. Mobilisé en 1917, il suit des cours de médecine au Val de Grâce à Paris où il rencontre André Breton avec qui il se lie immédiatement d'une amitié profonde.
Il est ensuite nommé médecin auxiliaire et part au front en 1918. C'est juste avant son départ que sa mère lui apprend très officiellement la vérité sur ses origines. Il fondera par la suite le mouvement surréaliste, avec André Breton et Philippe Soupault
En 1920, il publie son premier recueil de poésies, «Feu de joie».
C’est en 1922, et malgré l’opposition des siens qu’Aragon renonce définitivement à la médecine, au profit de sa carrière littéraire.
En 1927, Aragon s’inscrit au parti communiste, comme beaucoup de ses amis de l’époque. Une année plus tard, au café «La Coupole» à Paris, il rencontre Elsa dont il ne se séparera plus et avec laquelle il se mariera en 1939.
En 1932, Aragon rompt avec le mouvement surréaliste, suite à de multiples différends qui se sont aggravés au fil du temps.
En 1943-1944, Aragon a, quasiment seul, fait un journal de Résistance intitulé «Les Etoiles». Ce journal eut 17 numéros sur 14 mois.
Lors de la seconde guerre mondiale, Aragon et Elsa poursuivront leur combat dans la résistance, tout en continuant leurs œuvres littéraires.
Ils créent ensemble le Comité National des Écrivains pour la Zone Sud, et en 1944, fondent le journal «La Drôme en Armes» (5 parutions du 10 juin au 6 septembre 1944). Aragon écrira sous des pseudos, tel que François la Colère ou Arnaud de Saint-Roman, des poèmes appelant à la lutte contre l'occupant. Par ailleurs, Aragon recevra la Médaille Militaire et sa deuxième Croix de guerre, le récompensant pour ses nombreux actes de courage, la première, datant de 1918.
Après la mort d’Elsa en 1970, il continuera son œuvre poétique et politique. C’est Jean Ristat, poète et écrivain, également désigné par Aragon exécuteur testamentaire, qui lui fermera les yeux le 24 décembre 1982.
Aragon repose aux côtés d’Elsa dans leur propriété à Saint-Arnoult dans les Yvelines.
Parcours de Louis Aragon en dates
1927 : Membre du Parti communiste
1933- 1939 : Secrétaire de rédaction puis membre du comité directeur de la revue Commune
1936-1939 : Secrétaire général de la «Maison de la Culture»
1937-1939 : Secrétaire général de l'Association internationale des écrivains pour la Défense de la Culture
1947-1953 : Directeur de Ce soir (il avait déjà eu ce poste avant la guerre)
1950 : Membre suppléant du Comité central du PCF
1954 : Membre titulaire du CC (Comité Central)
1957 : Président du C.N.E (Comité national des écrivains)
1953-1972 : Directeur des Lettres françaises
1957 : Prix Lénine de littérature
Source : Populus
Les Yeux d'Elsa
Tes yeux sont si profonds qu'en me penchant pour boire
J'ai vu tous les soleils y venir se mirer
S'y jeter à mourir tous les désespérés
Tes yeux sont si profonds que j'y perds la mémoire
À l'ombre des oiseaux c'est l'océan troublé
Puis le beau temps soudain se lève et tes yeux changent
L'été taille la nue au tablier des anges
Le ciel n'est jamais bleu comme il l'est sur les blés
Les vents chassent en vain les chagrins de l'azur
Tes yeux plus clairs que lui lorsqu'une larme y luit
Tes yeux rendent jaloux le ciel d'après la pluie
Le verre n'est jamais si bleu qu'à sa brisure
Mère des Sept douleurs ô lumière mouillée
Sept glaives ont percé le prisme des couleurs
Le jour est plus poignant qui point entre les pleurs
L'iris troué de noir plus bleu d'être endeuillé
Tes yeux dans le malheur ouvrent la double brèche
Par où se reproduit le miracle des Rois
Lorsque le coeur battant ils virent tous les trois
Le manteau de Marie accroché dans la crèche
Une bouche suffit au mois de Mai des mots
Pour toutes les chansons et pour tous les hélas
Trop peu d'un firmament pour des millions d'astres
Il leur fallait tes yeux et leurs secrets gémeaux
L'enfant accaparé par les belles images
Écarquille les siens moins démesurément
Quand tu fais les grands yeux je ne sais si tu mens
On dirait que l'averse ouvre des fleurs sauvages
Cachent-ils des éclairs dans cette lavande où
Des insectes défont leurs amours violentes
Je suis pris au filet des étoiles filantes
Comme un marin qui meurt en mer en plein mois d'août
J'ai retiré ce radium de la pechblende
Et j'ai brûlé mes doigts à ce feu défendu
Ô paradis cent fois retrouvé reperdu
Tes yeux sont mon Pérou ma Golconde mes Indes
Il advint qu'un beau soir l'univers se brisa
Sur des récifs que les naufrageurs enflammèrent
Moi je voyais briller au-dessus de la mer
Les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa
Louis Aragon
Extrait de "Les Yeux d'Elsa"
édition Séghers.
Les commentaires sont fermés.