Peintures et parcours d’André Fougeron
06/03/2014
La Piscine, à Roubaix, consacre une importante exposition au peintre. De la guerre d’Espagne au pays des mines, il se confronta à la réalité sociale et le paya.
L’importante exposition consacrée à André Fougeron à la Piscine, à Roubaix, est sans aucun doute l’une des plus intéressantes du moment. D’abord en donnant à voir le parcours et les œuvres réelles d’un peintre aujourd’hui méconnu, ensuite par les questions qu’elle amène, aussi bien sur les notions d’engagement et de réalisme que sur les enjeux esthétiques et politiques des années qui suivirent la Seconde Guerre mondiale, et particulièrement au sein et autour du Parti communiste, dont il faut rappeler qu’il pesait alors un quart des voix dans le pays. Né en 1913, ouvrier métallurgiste, Fougeron commence à peindre dans les années 1930, inspiré en particulier par la guerre d’Espagne. Il adhère au PCF en 1938. Résistant, il crée le Front national des arts et sera par la suite de tous les combats progressistes en France, toujours aux côtés du PCF.
En peinture, son parti pris est clair. « Le problème essentiel en art est celui de l’affrontement avec la réalité sociale », dira-t-il encore sur le tard, en 1982. Cette position ne peut être caricaturée. Car en réalité, elle traverse l’histoire de la peinture et les œuvres de Jacques Callot, de Goya, de Delacroix même, des expressionnistes allemands, Otto Dix ou Georg Grosz en témoignent. Pourtant, directeur de la Piscine, Bruno Gaudichon relève avec pertinence que la place paradoxale de Fougeron est « celle d’un peintre d’images tout autant que celle d’un peintre sans images ».
Peintre d’images. Si dans ses débuts il cherche du côté de Matisse et de Picasso, mais aussi de l’expressionnisme, il s’inscrit dans les années 1950, avec la série le Pays des mines, avec des toiles comme les Parisiennes au marché, dans une veine réaliste tournée vers la représentation du peuple, des travailleurs. Il évoluera par la suite, sans se départir de son attachement aux réalités sociales vers une manière proche de la figuration narrative des années 1970-1980 (Rancillac, Télémaque, Fromanger, Cueco…).
Un grand témoin de l’Histoire du XXe siècle
Mais s’il est un peintre sans images, c’est aussi qu’il y a une légende noire de Fougeron pas tout à fait infondée. Si Picasso fut, dans l’après-guerre, l’immense peintre « venu au communisme comme on va à la fontaine », Fougeron est en fait le peintre préféré d’une partie de la direction communiste, autour d’Auguste Lecœur, qui le voit plus proche alors d’un réalisme militant.
À la mort de Staline, la publication à la une des Lettres françaises, dirigées par Aragon, de son portrait par Picasso donne lieu à une violente campagne de critiques largement suscitées par la direction du PCF en l’absence de Thorez, alors soigné à Moscou. Fougeron y prend part avec une lettre qui ne l’honore pas et qu’il regrettera par la suite. Thorez dès son retour de Moscou sifflera la fin de la récréation en rendant visite à Picasso mais, pour l’histoire, le costume de Fougeron est taillé. Il nous faut aujourd’hui le regarder, en toute sincérité, en tant que peintre – et, là, les avis sont partagés – et comme un grand témoin de l’Histoire du XXe siècle, de ses conflits, ses impasses et ses espoirs.
Jusqu’au 18 mai.
Les commentaires sont fermés.