Louis Jaurès, un soldat inconnu !
15/01/2015
«Quand on est le fils de Jean Jaurès on doit donner l’exemple. »
Jaurès avait un fils, on l’a oublié, peu de gens le savaient, d’ailleurs. Louis Jaurès, né en 1898, mort à Pernant, dans l’Aisne, avant d’avoir atteint sa vingtième année.
Donner l’exemple, pour lui, c’était s’engager, avant l’âge, être fidèle à sa façon à son père, mort pour avoir tenté d’empêcher cette guerre. « L’internationalisme philosophique n’est pas incompatible avec la définition de la patrie, quand la vie de celle-ci est en jeu », disait le jeune homme.
Jean-Emmanuel Ducoin est hanté, depuis 2008 et un numéro spécial de l’Humanité sur la der des der, par la figure de ce presque enfant abattu pendant les derniers mois de la guerre.
Que sait-on de lui ? À dix-sept ans, son baccalauréat en poche, il devance l’appel de sa classe et rejoint un régiment de dragons.
En 1918, il est aspirant dans un bataillon de chasseurs à pied.
Pendant l’offensive Ludendorff, où l’Allemagne jette ses dernières forces et obtient presque la percée décisive, il est blessé à Chaudun, en tentant de retarder l’avancée allemande.
On le transporte à Pernant, où il meurt le 3 juin 1918. Voilà tout ce qu’on sait.
Ce qu’on ne sait pas, c’est à la littérature de le dire, non de l’inventer, mais de le reconstruire, d’« inciser le corps de la mémoire commune » avec les outils de l’enquête pour le faire décoller sur les ailes de la fiction.
C’est l’ambition de ce livre, qui se revendique roman et l’est à plus d’un titre. D’abord pour la part d’imagination qui fait de Louis Jaurès, titulaire d’une simple notule dans les dictionnaires érudits, un véritable personnage.
Ensuite par le caractère proprement romanesque de ce destin paradoxal. De brillants jeunes hommes tués au front, il n’en manqua pas. Tous n’étaient pas les fils de dirigeants assassinés précisément pour avoir voulu empêcher cette tuerie.
Surtout, Soldat Jaurès est à la fois le roman d’apprentissage du jeune Louis et celui du narrateur dont l’enquête prend pour objet, autant que cet inconnu de l’histoire, l’enquêteur lui-même.
Longtemps porté, toujours reporté, le livre commence à s’écrire en un moment de crise familiale du narrateur. La plongée dans les paroxysmes de l’histoire est un moyen de la tenir à distance, peut-être de commencer à la surmonter.
Fouillant dans les papiers de la famille Jaurès, suivant son personnage jusqu’à s’y fondre, Jean-Emmanuel Ducoin prend les paris risqués de conjuguer exactitude et imagination, intimité et histoire. Et le livre est à la hauteur des défis qu’il s’est lui-même lancés.
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