Martha Desrumaux, une vie d’engagements
06/05/2015
Fille du Nord, fille du peuple, ouvrière, syndicaliste, militante politique, Martha Desrumeaux fut la seule femme à participer aux négociations des accords Matignon qui mirent un terme aux grandes grèves de 1936, celles qui suivirent la victoire électorale du Front Populaire. Elle fut également déportée à Ravensbruck en 1942.
Professeur agrégé d’histoire et de géographie, Pierre Outteryck vient de consacrer un ouvrage à Martha Desrumaux, ouvrage intitulé : « Martha Desrumaux, Une femme du Nord, Ouvrière, Syndicaliste, Déportée, Féministe » et publié aux Editions du Geai Bleu, une maison d’édition indépendante que ce professeur non-voyant a créée il y a quelques années.
Les femmes sont souvent été oubliées des historiens, et plus encore les femmes issues des milieux populaires. Les militants savent bien pourtant le rôle essentiel joué par les femmes dans un grand nombre de conflits.
Martha Desrumaux fut une pionnière et son parcours, qui est celui d’une autodidacte, illustre le double combat des femmes pour leur émancipation et des syndicalistes pour lutter contre l’exploitation du monde ouvrier.
Dans sa préface, comme lors de la présentation de cet ouvrage à l’initiative du comité régional CGT, Maryse Dumas, secrétaire de la CGT, souligne d’ailleurs le parcours exceptionnel de cette femme qui était bonne d’enfants à 10 ans et accéda bientôt à des responsabilités nationales sur le plan syndical avant de s’engager dans la Résistance et d’être déportée à Ravensbruck.
Ne jamais se laisser faire
Née dans un milieu modeste en 1897 à Comines, en bordure de la Lys, Martha Desrumaux est très vite orpheline de son père, pompier volontaire qui décède en 1906 des suites d’un accident survenu à l’occasion d’un incendie. La sécurité sociale n’exiiste pas encore et la vie est difficile au foyer Desrumaux : la maman de Matha est handicapée et son frère aîné très malade. Bientôt Martha se retrouve à 9 ans placée comme bonne à tout faire dans une maison bourgeoise de Faches-Thumesnil. A 10 ans, elle fuit ses patrons, revient à Comines et décide qu’elle sera ouvrière dans le textile.
Puis à 12 ans, elle se syndique à la CGT… En 1912, elle adhère à la Section Socialiste de Comines. Puis la Première mondiale éclate après l’assassinat de Jean-Jaurès. C’est l’exode. Martha est évacuée à Lyon où elle travaille dans une usine textile. C’est en 1917 qu’elle organise sa première grève victorieuse aux usines Hassebroucq. Elle n’a que 20 ans et est alors illettrée mais c’est elle qui signe le protocole d’accord qui met un terme à ce conflit qui se solde par une victoire des ouvrières en lutte. C’est là alors sa première grande expérience de syndicaliste.
Elle en retient une leçon : la lutte peut payer lorsque l’on est organisé. La lutte contre l’exploitation de la classe ouvrière et pour son émancipation passe donc par un renforcement de l’organisation syndicale et politique qui défend les intérêts de la classe ouvrière. Et c’est tout naturellement que Martha participe au comité pour l’adhésion à la Troisième Internationale et devient membre du Parti Communiste naissant dès 1921.
Un engagement durable
Revenue dans le Nord à partir de 1921, avec les usines Hassebroucq qui se sont réinstallées dans la vallée de la Lys, elle participe activement à de nombreuses luttes et prend très vite des responsabilités au sein de la CGTU et du Parti Communiste. En 1925, Maurice Thorez lui confit la rédaction d’un télégramme au Président de la République, dénonçant la guerre coloniale faite au Maroc et les sur-impôts Caillaux.
En 1928, elle entre à la Direction de l’Union Régionale Unitaire de la CGTU. Avec une délégation de femmes, elle se rend à Moscou en 1927 bien que le gouvernement français de l’époque lui ait refusé le passeport qui devait lui permettre de sortir du territoire. Dans la foulée, elle est élue au Comité Central du Parti Communiste en 1929.
Comme dirigeante de la CGTU, elle joue un rôle important dans l’agglomération lilloise et est au cœur de l’action lors de la grève des dix sous qui secoue Halluin en 1928. Un an plus tard, elle est au cœur d’une grève qui agite Bailleul. Puis en 1931 dans la lutte contre le Consortium, l’organisation patronale qui a décidé d’une baisse des salaires de 5 % pour toutes les entreprises qui font partie du syndical patronal. Durant toute la période de l’entre-deux guerres, elle organise la lutte des travailleurs du Nord du Textile et en particulier celle des ouvrières.
Une ouvrière féministe
Le combat de Martha s’inscrit dans les luttes pour l’émancipation des ouvrières et des femmes qu’elle n’oppose pas à celles de l’ensemble des travailleurs : Combat pour les revendications des femmes ouvrières : à travail égal, salaire égal – droit concernant le travail pénible. Combat pour le respect dû aux Femmes sur le lieu de travail, dans la vie domestique. Combat pour que les femmes puissent accéder, comme les hommes, à des postes à responsabilités au sein des organisations politiques et syndicales. Combat pour que les femmes puissent avoir toute leur place dans les assemblées délibératives.
Puis pendant deux ans elle part à Moscou se former dans l’une des écoles internationales du mouvement communiste. C’est à cette occasion qu’elle retrouve Louis Marguine, un métallo, comme elle originaire du Nord, de huit ans son cadet et dont elle a pu apprécier le dévouement militant à Roubaix quelques années plus tôt. De retour en France elle participe activement à la grève des quatre métiers des ouvriers à Armentières qui a lieu en 1933. Obligation était faite aux ouvriers et ouvrières « de travailler à la fois sur quatre métiers au lieu de deux. Double technique pour accroître les profits, baisse des salaires et augmentation des cadences. L’année suivante, elle organise la grève de Waziers et à la marche des chômeurs car depuis 1931, le chômage ne cesse de progresser. . Rien d’étonnant donc à ce que Martha Desrumaux joue un rôle central dans les grands mouvements sociaux de mai – juin1936. Elle sera d’ailleurs la seule femme présente lors de la signature des accords de Matignon en 1936 aux côtés de Benoît Frachon et de Léon Jouhaud. Elle a alors des responsabilités confédérales au sein de la CGT qui vient d’opérer sa réunification. Premiers congés payés. Martha et Louis iront passer quelques jours au bord de la mer. Neuf mois plus tard, en avril 1937, Martha donnera naissance à Luis., leur fils.
Déportée à Ravensbrück
De 1936 à 1938, elle organise la solidarité avec l’Espagne Républicaine. 1939 : du fait de le déclaration de guerre, elle entre déjà la clandestinité. Sous l’occupation elle sera un des fers de lance de la Résistance dans le Nord - Pas-de-Calais et organisera plusieurs grèves patriotiques, celles qui permettent de manifester le mécontentement et la colère. Elle verra malheureusement nombre de ses camarades massacrés par les nazis.
De 1939 à 1941, elle réorganisera le Parti Communiste dans le Nord - Pas-de-Calais et la liaison entre Bruxelles et Paris. Arrêtée en août 1941, sur dénonciation du Préfet Carles qui avait fourni une liste de plusieurs dizaines de dirigeants communistes, elle est déportée à Ravensbrück où elle participe à la direction de la Résistance dans le camp au côté de Marie-Claude Vaillant - Couturier et de Geneviève Antonioz de Gaulle. Elle les aidera à assurer la survie et la lutte de toutes les déportées. Elle a raconté par la suite la violence et l’enfer de ce qu’elle a vécu à Ravensbruck.
Revenue à Lille à la Libération, et affaiblie par le typhus, une maladie contractée dans les camps, elle reprend des responsabilités au sein de l’UD du Nord. Et elle entre en 1945 au conseil municipal de Lille où elle devient très vite adjointe au maire. Puis elle sera élue Députée du Nord. Au lendemain de la guerre, le mouvement syndical vit une période de difficultés avec notamment, en 1948, la scission au sein de la CGT entre la majorité et entre la fraction Force ouvrière. En 1954, elle quitte ses responsabilités syndicales et s’occupe en particulier, au sein de la FNIDRP (Fédération nationale des internés, déportés, résistants et patriotes) de la défense des déportés.
Elle meurt le 30 novembre 1982, le même jour que son compagnon et époux, Louis Manguine, qui fut un dirigeant important de la métallurgie et de l’UD du Nord
Une vie solidaire
L’histoire de Martha Desrumaux est une histoire à bien des égards exemplaire. Rien de disposait cette petite fille qui fut bonne d’enfants à dix ans à ce parcours engagé, militant, un, parcours dans lequel au cours duquel elle a fait sans cesse des choix, de dignité humaine et de justice sociale.
Pour Martha, c’est par la lutte, la solidarité et l’entraide que l’on finit par avancer et à faire céder ceux qui s’opposent à l’émancipation du plus grand nombre. Martha a toujours eu la solidarité chevillée au corps, y compris dans les camps lorsque l’adversité est la plus dure et la plus violente et à un moment où la maladie l’avait considérablement affaiblie.
1 commentaire
Une très grand dame qui a fait beaucoup pour la classe ouvrière et qui avait un courage extraordinaire martha qui nous manque merci pour tout
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