Seconde guerre mondiale. Avril-mai 1943 à Varsovie, l’insurrection du ghetto
11/05/2019
Depuis l’an mille, une importante communauté juive prospère en Pologne, pays de vraie tolérance jusqu’au XVIIe siècle, au contraire de ses voisins. Le nouvel État polonais d’après 1918 compte 3 500 000 juifs, 10 % de sa population, représentés à la Diète. Et le tiers des habitants de Varsovie, soit 400 000, sont juifs. La culture yiddish, enseignée dans de nombreux établissements, compte de nombreux artistes, romanciers et poètes, metteurs en scène.
Mais le poison de l’antisémitisme, un temps diminué, connaît une recrudescence à partir de 1937. Septembre 1939 : les nazis agressent la Pologne. Si la Grande-Bretagne et la France déclarent la guerre à Hitler, ils ne tentent strictement rien à l’Ouest pour soulager leur alliée. Après la conclusion du pacte germano-soviétique, conséquence du refus des démocraties de conclure une alliance défensive avec l’URSS, celle-ci récupère les territoires perdus en 1920, majoritairement peuplés de Biélorusses et d’Ukrainiens, l’Armée rouge avançant dès la mi-septembre jusqu’à la ligne Curzon. L’armée polonaise est submergée sur terre et dans les airs, et les nazis, les mains libres à l’ouest, entrent dans Varsovie le 29 septembre.
La persécution des juifs commence dès l’hiver 1940. Le 2 octobre, Ludwig Fischer, gouverneur allemand du district de Varsovie, fait délimiter un quartier juif. Les habitants non juifs le quittent, tandis que les juifs demeurant en dehors – les plus nombreux – doivent s’y installer, rejoints un peu plus tard par ceux qui résident dans les villes de la périphérie.
Le ghetto comprend alors 450 000 habitants. Derrière les 1 kilomètres du mur d’enceinte, au centre de la ville, s’entassent dans les pires conditions 40 % de la population de Varsovie dans 18 % de sa superficie.
L’antisémitisme latent ne va pas simplifier la survie des malheureux habitants des ghettos, dont celui de Varsovie, désormais coupés du reste du monde, en recherche d’alimentation, puis de quelques armes pour se défendre.
Comme dans les autres ghettos, les nazis en délèguent la gestion au judenrat, un conseil juif. Sénateur, ingénieur de métier, Adam Czerniakow, président de la communauté juive de Varsovie, est désigné à sa tête. Homme de bien, il fera tout pour défendre ses compatriotes et, constatant qu’il ne peut empêcher leur extermination, il se suicide le 23 juillet 1942. Il y a également une police juive, la Jüdischer Ordnungsdienst, vite détestée à l’égale de la Gestapo, corrompue et pratiquant le marché noir. Ce pourquoi le premier coup de feu tiré par un résistant du ghetto touche l’un de ses chefs.
S’ajoutant aux milliers de morts de faim et d’épidémies, les déportations débutent à l’été 1942 vers le camp de Treblinka tout proche. Les rafles quotidiennes, de jour comme de nuit, dans les habitations et les lieux de travail, touchent des dizaines de milliers de juifs et vident le ghetto : à la fin juillet, il ne compte plus que 70 000 habitants.
Communistes et sionistes de gauche forment le Bloc antifasciste
Les premières formes de résistance se manifestent par le surgissement de tout un réseau d’œuvres d’assistance, de solidarités matérielle et culturelle, auquel s’ajoutent les publications des organisations politiques et de jeunesse, jusqu’à ce que les auteurs et diffuseurs de cette presse clandestine soient arrêtés et fusillés. Quant à la résistance armée, envisagée dès le début 1942 en lien avec des résistants des ghettos de Bialystok et de Vilnius, elle s’affirme quand il devient évident que l’on va vers l’extermination totale des juifs, comme ceux des territoires soviétiques occupés.
Communistes et sionistes de gauche se rassemblent dans le Bloc antifasciste, qui cherche sans succès à se procurer des armes à l’extérieur. Il est vite détruit par l’ennemi. L’Organisation juive de combat (OJC) se constitue alors fin 1942. À sa tête, un militant sioniste d’extrême gauche, Mordechai Anielewicz, 23 ans, capitalise déjà une grande expérience. L’OJC rassemble les combattants de toutes opinions, à l’exception de la centaine appartenant à l’AMJ, marqués à droite.
Les juifs du ghetto comprennent que leurs jours sont comptés lorsque, le 9 janvier 1943, un convoi blindé escorte Heinrich Himmler en personne, venu inspecter les lieux. Le 18 avril, attaque de 200 gendarmes allemands, accompagnés de 800 auxiliaires lettons et lituaniens, ainsi que de détachements de policiers polonais. Face à la rafle destinée à liquider les quelque 50 000 derniers habitants, l’insurrection s’enflamme. Citons le poète yiddish Itzik Fefer :
«… Des rois pâles se sont levés dans le ghetto,
Des reines maigres sous la blancheur de l’étole,
Et la haute perruque. Et que l’on fût pauvre ou riche
On allait se jeter sur d’énormes panzers,
Les mains nues mais le cœur embrasé de colère… »
L’héroïsme de ses combattant·e·s, dont une poignée d’entre eux survivront, étonnera le monde. Entre le 19 avril et le 16 mai 1943, la résistance se prolongera un mois durant dans les décombres du ghetto.
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