Révolution française. 1792. Robespierre, et la République (24/09/2018)

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Hervé Leuwers, l'Humanité

Histoire. Pour Maximilien Robespierre, au lendemain des 21 et 22 septembre 1792, la République et son exigence démocratique sont un idéal et une œuvre à accomplir.

La Révolution française a cette particularité, par rapport aux révolutions qu’ont connues à la fin du XVIIIe siècle les États-Unis, les Provinces-Unies (Pays-Bas) et les Pays-Bas autrichiens (Belgique), de ne pas s’être d’abord opérée par le rejet d’un prince ; au contraire, pendant plus de trois années, les députés de la Constituante (1789-1791), puis de la Législative (1791-1792), ont voulu conserver à Louis XVI certaines de ses prérogatives… Ce n’est qu’à l’issue de l’insurrection du 10 août 1792, dans les deux premières séances d’une nouvelle Assemblée, la Convention nationale, que la France est pour une première fois entrée en République.

Robespierre n’est pas étranger à l’événement. Sans l’avoir préparé, il l’a appelé de ses vœux. Alors que les armées étrangères menacent les frontières, que le roi est soupçonné de trahison, il s’indigne de la complaisance de la Législative pour le général de La Fayette, en qui il craint un Cromwell prêt à se saisir du pouvoir, ou un Monck capable de restaurer l’Ancien Régime. Le 29 juillet 1792, au club des Jacobins, il n’est pas seul à envisager une défaite militaire et un triomphe de la contre-révolution ; à la tribune, il succède au militant Legendre, qui vient d’appeler à l’insurrection.

« Les grands maux appellent les grands remèdes, commence Robespierre. Les palliatifs ne font que les rendre incurables. » En formules fortes, il appelle à la déchéance de Louis XVI, au renversement de la Constitution et à la convocation d’une Convention ; loin de vouloir être élu, il propose que les députés qui ont siégé à la Constituante ou qui œuvrent à la Législative renoncent à leur réélection. Il veut croire en des hommes « neufs, purs et incorruptibles » – ce sont les mots qu’il emploie.

Quelques semaines plus tard, élu premier député du Pas-de-Calais et premier député de Paris, il choisit de représenter la capitale. Le 21 septembre 1792, il assiste à la séance inaugurale de la Convention où, sur proposition de Collot d’Herbois, les représentants décrètent l’abolition de la royauté. Le lendemain, l’Assemblée décide « que tous les actes publics porteront dorénavant la date de l’an premier de la République française ».

Désormais, Robespierre se dit républicain. L’était-il avant l’été ? La question a été d’autant plus débattue qu’au printemps 1792, au moment de l’entrée en guerre, il a publié un journal intitulé le Défenseur de la Constitution. L’ancien député entend y soutenir celle de 1791, dont il continue pourtant à déplorer les défauts ; il croit en la Déclaration des droits qui l’ouvre, et considère que le texte constitutionnel protège contre de possibles abus de pouvoir de l’exécutif, des généraux ou de certains députés. L’essentiel, selon lui, n’est pas dans la forme du gouvernement : « J’aime mieux, écrit-il en mai 1792, voir une assemblée représentative populaire et des citoyens libres et respectés avec un roi, qu’un peuple esclave et avili sous la verge d’un Sénat aristocratique et d’un dictateur. »

Il n’oublie pas, pourtant, qu’il a un moment cru en l’abolition de la royauté. C’était moins d’un an auparavant, au temps de Varennes. Le soir même de l’annonce de la fuite de Louis XVI, le 21 juin 1791, n’a-t-il pas affirmé aux Jacobins : « Ce jour pouvait être le plus beau de la Révolution ; il peut le devenir encore, et le gain de 40 millions d’entretien que coûte l’individu royal serait le moindre des bienfaits de cette journée. » La Constituante en a cependant décidé autrement.

« La République est proclamée plutôt qu’établie »

Si l’élu s’est alors plié à ce choix, c’est que, au mot de « république », Robespierre préfère la chose. La démocratie qu’il espère ne se définit pas d’abord par un mode de gouvernement, mais par des principes, qui sont l’égalité politique et une pleine souveraineté de la nation, qui ne s’aliène jamais, les citoyens devant pouvoir débattre dans des assemblées librement réunies (sections, clubs), voter, émettre des vœux, voire révoquer un député avant la fin de son mandat.

Au lendemain des 21 et 22 septembre 1792, cette exigence démocratique, qui est aussi une exigence républicaine (au sens traditionnel du mot), n’a pas changé chez Robespierre. Pour le conventionnel, la République n’est pas achevée parce que décrétée. « La République est proclamée plutôt qu’établie, écrit-il en décembre 1792. Notre pacte social est à faire, et nos lois ne sont encore que le code provisoire et incohérent que la tyrannie royale et constitutionnelle nous a transmis. » Il attend une nouvelle Constitution, de nouvelles lois, mais aussi un Code civil et l’instauration d’une éducation nationale ; il attend aussi l’exécution de Louis XVI, par laquelle il entend « cimenter la République naissante »… Pour Robespierre, la République est un idéal, une quête, une œuvre à accomplir, souvent dans la douleur ; elle se mérite.

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