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22/05/2019

L’entrée des communistes dans la Résistance avant le 22 juin 1941 : la preuve par le sang

résistance communiste.jpgLes communistes n’ont pas attendu l’invasion de l’URSS par l’armée nazie pour entrer dans la Résistance. Ils s’organisent à partir de 1940, forment les premiers noyaux clandestins de la Résistance armée. La lecture du dictionnaire des fusillés permet de mesurer la réalité de cet engagement des militants.

Nous sommes en 1940. Marcel Delattre, jeune militant, est arrêté à Bègles (Gironde) suite à une distribution de tracts du Parti communiste clandestin. Interné au camp de Mérignac, il est fusillé le 21 octobre 1941 au camp de Souge. 148 communistes sont arrêtés dans la région bordelaise le 22 novembre 1940. La plupart seront fusillés…

Jean Lemoine vit à Romainville (Seine-Saint-Denis). Le 26 avril 1941, il y est interpellé par des policiers français pour « activités de propagande communiste ». Il est condamné à dix ans de travaux forcés, transféré à la prison de Caen (Calvados). Le 11 mai 1942, il est désigné pour faire partie du contingent d’otages exécutés en représailles d’une action de la Résistance en Seine-Maritime. Recherché pour « menées communistes » et pour avoir participé à la grande grève des 100 000 mineurs du Nord et Pas-de-Calais de mai-juin 1941, Léon Bailleux est fusillé le 14 avril 1942 au fort du Vert-Galant, à Wambrechies (Pas-de-Calais).

Ouvrier tourneur chez Hispano-Suiza, Georges Vigor est interpellé à son domicile le 20 janvier 1941 par des policiers de Gentilly (Val-de-Marne), étant considéré comme un « meneur très actif et dangereux ». Fin septembre 1940, la mairie avait informé le commissariat que l’ouvrier était susceptible de s’occuper d’impression et de distribution de tracts communistes clandestins. Il est fusillé le 15 décembre 1941 à Châteaubriant (Loire-Atlantique).

Ces vies retirées par l’occupant nazi avec l’aide active de l’État vichyssois que l’on retrouve parmi les milliers de biographies de fusillés dans le dictionnaire qui vient de paraître à l’occasion du soixante-dixième anniversaire de la Libération (1) illustrent tragiquement à quel point l’engagement des communistes est considéré comme une menace à anéantir aux premières heures de l’Occupation. Les militants du PCF qui s’organisent dans les premiers réseaux clandestins se voient sévèrement réprimés. Emprisonnés dès 1940, nombreux sont internés. Certains sont exécutés. D’autres, dont de nombreuses femmes, sont déportés…

Force clandestine et Organisation spéciale : l’engagement est total

Au regard de ce travail biographique sans précédent, la thèse qui voudrait que les communistes aient attendu l’invasion de l’URSS le 22 juin 1941 pour entrer en résistance ne tient pas. L’engagement incontestable des militants mené au péril de leur vie dans de nombreuses régions de France et secteurs de travail se trouve mis en lumière.

Par dizaines, ils participent ou sont à l’initiative des premières manifestations antinazies et actes de sabotage, comme le note la Gestapo le 21 février 1941 (2). Les communistes pour leur part commencent à se constituer en force clandestine, capable de mener des campagnes de distribution de tracts, de journaux et des attentats. Au niveau national : Charles Tillon, futur responsable des FTP, lance un appel le 17 juin 1940, les deux dirigeants politiques du PCF Maurice Thorez et Jacques Duclos le 10 juillet de la même année.

L’Organisation spéciale (OS) est constituée, elle est chargée de protéger les imprimeries clandestines, ainsi que les responsables pourchassés. À la Libération, l’OS est reconnue « unité combattante à partir d’octobre 1940 ». On en retrouve les acteurs, pour la plupart fusillés entre 1941 et 1942. La liste des noms est trop longue pour qu’ils soient tous énumérés, citons Gaston Carré, Raymond Losserand, Antonin Revéreault, Louis Coquillet, Louis Marchandise, Marcel Viaud…

Autres organisations ayant joué un rôle important dans la lutte armée, les FTPF et les FTP-MOI combattent à partir de mai 1941. En zone occupée ou « libre », les militants dans leur entreprise, leur ville ou village, les anciens des Brigades internationales ayant combattu en Espagne, les étrangers, juifs, Arméniens, antifascistes italiens, ceux de l’Affiche rouge… Là encore, leurs biographies jalonnent le dictionnaire et sont éloquentes. Une preuve irréfutable. Les communistes, par milliers, ont pris une part conséquente à la lutte contre l’occupant et ont subi la répression nazie à partir de 1940 et jusqu’aux dernières heures de la Libération.

(1) Les Fusillés (1940-1944). 
Éditions de l’Atelier, 1 952 pages, 30 euros. 

(2) Lire la France dans la tourmente, 1939-1944, de Roger Bourderon et Germaine Willard. Éditions sociales, 1982.
 
Pierre Chaillan, l'Humanité
 

11/05/2019

Seconde guerre mondiale. Avril-mai 1943 à Varsovie, l’insurrection du ghetto

Ghetto Varsovie.jpg

La résistance armée et acharnée des habitants juifs de la capitale polonaise pour échapper aux rafles et à l’extermination finale, face aux troupes nazies, va durer près d’un mois, entre le 19 avril et le 16 mai.

Depuis l’an mille, une importante communauté juive prospère en Pologne, pays de vraie tolérance jusqu’au XVIIe siècle, au contraire de ses voisins. Le nouvel État polonais d’après 1918 compte 3 500 000 juifs, 10 % de sa population, représentés à la Diète. Et le tiers des habitants de Varsovie, soit 400 000, sont juifs. La culture yiddish, enseignée dans de nombreux établissements, compte de nombreux artistes, romanciers et poètes, metteurs en scène.

Mais le poison de l’antisémitisme, un temps diminué, connaît une recrudescence à partir de 1937. Septembre 1939 : les nazis agressent la Pologne. Si la Grande-Bretagne et la France déclarent la guerre à Hitler, ils ne tentent strictement rien à l’Ouest pour soulager leur alliée. Après la conclusion du pacte germano-soviétique, conséquence du refus des démocraties de conclure une alliance défensive avec l’URSS, celle-ci récupère les territoires perdus en 1920, majoritairement peuplés de Biélorusses et d’Ukrainiens, l’Armée rouge avançant dès la mi-septembre jusqu’à la ligne Curzon. L’armée polonaise est submergée sur terre et dans les airs, et les nazis, les mains libres à l’ouest, entrent dans ­Varsovie le 29 septembre.

La persécution des juifs commence dès l’hiver 1940. Le 2 octobre, Ludwig ­Fischer, gouverneur allemand du district de Varsovie, fait délimiter un quartier juif. Les habitants non juifs le quittent, tandis que les juifs demeurant en dehors – les plus nombreux – doivent s’y installer, rejoints un peu plus tard par ceux qui résident dans les villes de la périphérie.

Le ghetto comprend alors 450 000 habitants. Derrière les 1  kilomètres du mur d’enceinte, au centre de la ville, s’entassent dans les pires conditions 40 % de la population de Varsovie dans 18 % de sa superficie.

L’antisémitisme latent ne va pas simplifier la survie des malheureux habitants des ghettos, dont celui de Varsovie, désormais coupés du reste du monde, en recherche d’alimentation, puis de quelques armes pour se défendre.

Comme dans les autres ghettos, les nazis en délèguent la gestion au judenrat, un conseil juif. Sénateur, ingénieur de métier, Adam Czerniakow, président de la communauté juive de Varsovie, est désigné à sa tête. Homme de bien, il fera tout pour défendre ses compatriotes et, constatant qu’il ne peut empêcher leur extermination, il se suicide le 23 juillet 1942. Il y a également une police juive, la Jüdischer Ordnungsdienst, vite détestée à l’égale de la Gestapo, corrompue et pratiquant le marché noir. Ce pourquoi le premier coup de feu tiré par un résistant du ghetto touche l’un de ses chefs.

S’ajoutant aux milliers de morts de faim et d’épidémies, les déportations débutent à l’été 1942 vers le camp de Treblinka tout proche. Les rafles quotidiennes, de jour comme de nuit, dans les habitations et les lieux de travail, touchent des dizaines de milliers de juifs et vident le ghetto : à la fin juillet, il ne compte plus que 70 000 habitants.

Communistes et sionistes de gauche forment le Bloc antifasciste

Les premières formes de résistance se manifestent par le surgissement de tout un réseau d’œuvres d’assistance, de solidarités matérielle et culturelle, auquel s’ajoutent les publications des organisations politiques et de jeunesse, jusqu’à ce que les auteurs et diffuseurs de cette presse clandestine soient arrêtés et fusillés. Quant à la résistance armée, envisagée dès le début 1942 en lien avec des résistants des ghettos de Bialystok et de Vilnius, elle s’affirme quand il devient évident que l’on va vers l’extermination totale des juifs, comme ceux des territoires soviétiques occupés.

Communistes et sionistes de gauche se rassemblent dans le Bloc antifasciste, qui cherche sans succès à se procurer des armes à l’extérieur. Il est vite détruit par l’ennemi. L’Organisation juive de combat (OJC) se constitue alors fin 1942. À sa tête, un militant sioniste d’extrême gauche, Mordechai Anielewicz, 23 ans, capitalise déjà une grande expérience. L’OJC rassemble les combattants de toutes opinions, à l’exception de la centaine appartenant à l’AMJ, marqués à droite.

Les juifs du ghetto comprennent que leurs jours sont comptés lorsque, le 9 janvier 1943, un convoi blindé escorte Heinrich Himmler en personne, venu inspecter les lieux. Le 18 avril, attaque de 200 gendarmes allemands, accompagnés de 800 auxiliaires lettons et lituaniens, ainsi que de détachements de policiers polonais. Face à la rafle destinée à liquider les quelque 50 000 derniers habitants, l’insurrection s’enflamme. Citons le poète yiddish Itzik Fefer :

«… Des rois pâles se sont levés dans le ghetto,

Des reines maigres sous la blancheur de l’étole,

Et la haute perruque. Et que l’on fût pauvre ou riche

On allait se jeter sur d’énormes panzers,

Les mains nues mais le cœur embrasé de colère… »

L’héroïsme de ses combattant·e·s, dont une poignée d’entre eux survivront, étonnera le monde. Entre le 19 avril et le 16 mai 1943, la résistance se prolongera un mois durant dans les décombres du ghetto.