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17/05/2015

«Transition» espagnole: assez de bourrage de crâne!

FrancoHitler.jpgQu’appelle-t-on « transition » en Espagne ? En général la période qui va de la mort de Franco (20 novembre 1975) aux élections « démocratiques » gagnées (majorité absolue) par le PSOE, conduisant à l’alternance politique du 28 octobre 1982 ; un PSOE peu présent dans l’anti-franquisme, « dé-marxisé » en 1978 par Felipe Gonzalez pour être plus « présentable », et ramasser la mise. Cette définition de la « transition » est contestable.

Le seul et premier référent démocratique reste la Seconde République de 1931, même si la République a été consensuellement sacrifiée sur l’autel du rétablissement de « la démocratie » ; une démocratie par ailleurs bancale, incomplète, une Constitution non laïque, prônant l’économie de marché, un roi chef d’Etat et d’une armée garante de « l’unité de l’Espagne », une loi électorale profondément injuste favorisant le bipartisme « libéral », et une monarchie illégitime (pas de consultation référendaire du peuple espagnol). Par ailleurs, la monarchie est par définition non démocratique, vu que le pouvoir n’y émane pas du peuple des « citoyens ».

Par conséquent, la véritable « transition » reste, selon nous, à mener à bien.

Aujourd’hui, tout le modèle politique que les « transitionnalistes » nous ont tant et tant vanté, la monarchie prétendument « immaculée », la « transition », ce paradigme exportable que supposément le monde entier enviait, apparaissent obsolètes, en décalage total avec les profondes mutations d’une Espagne plurinationale, et d’une société qui veut sortir de l’étouffoir post et néo-franquiste.

Pour comprendre la situation de crise structurelle, globale, que vit cette Espagne aujourd’hui, ainsi que le moment actuel d’accélération de l’histoire, le jaillissement inédit de « Podemos », il faut partir de cette « transition », de ce mythe qui se décompose, et la-le « déverrouiller » définitivement, en finir avec le bourrage de crâne d’une « démocratie exemplaire », « octroyée »... Les uns et les autres, franquistes « d’ouverture » (« Alliance Populaire », « Centre Démocratique et social »), gauche modérée (PSOE) et communiste (PCE), majoritairement « carrilliste », ont voulu faire de la « transition » un récit fondateur, identitaire, « modélique » ; or nous sommes loin de la réalité.

C’est parce que la « transition » reste une « histoire du présent » que le moment exige de remettre en cause toutes les mythifications, les mystifications, sur cette période déterminante de l’histoire espagnole. Ce sont en fait les classes dominantes franquistes, la finance, qui ont fait la « transition », et qui se sont par ailleurs très vite démocratiquement recyclées dans la monarchie parlementaire, qui ont basculé sans aucun scrupule, à peine maquillées, du côté de la nouvelle donne « démocratique », voire « socialiste».

La principale critique que l’on doit porter à la « transition », c’est qu’elle n’a pas marqué de rupture de fond avec le franquisme, que l’Espagne n’a pas été véritablement défranquisée. Le poids des forces sociales et politiques les plus déterminées n’a pas été suffisant pour imposer une rupture pleinement démocratique avec la dictature.

espagne,franco,hitlerPeu à peu la politique des compromis a entraîné la démobilisation du peuple. C’est donc la politique des « pactes », le projet du système, celui porté par le « centriste » de l’UCD Adolfo Suarez, nommé le 3 juillet 1976 président du gouvernement, qui l’a emporté. Le secrétaire général du puissant PCE, Santiago Carrillo, et A Suarez, franquiste « modernisateur », « réformiste », dernier Secrétaire général du parti unique franquiste (le « Mouvement national ») et recyclé en démocrate UCD, restent les deux principales figures politiques qui ont ourdi l’essentiel de l’architecture de la « transition », avec l’accord global du roi Juan Carlos, héritier du dictateur.

Le PCE était le grand parti de l’anti-franquisme, le principal référent antifasciste. Lors de la Semaine sainte de 1977, le 9 avril, la direction du PCE, par la négociation, « imposa » pour les uns, « troqua » pour les autres, la légalisation du parti contre le renoncement à la République et à son drapeau... Le référendum constitutionnel du 6 décembre 1978 (87,8% de « oui ») paracheva un consensus contre-nature.

Dès lors, le PCE, déchiré entre courants opposés, inscrivit son action dans le cadre des pactes de « la transition », (Loi pour la Réforme politique approuvée par référendum le 15 décembre 1976...) et d’une monarchie « poutre maîtresse » du continuisme franquiste, des intérêts de l’oligarchie. Le PCE implosa et s’affaiblit considérablement...Il changea de cap tardivement mais radicalement, à son 18ième congrès, en 2009 ; il s’engagea dans une mutation difficile, considérant la « transition » « épuisée », l’analysant comme le rétablissement de la dynastie des Bourbons, et prônant désormais une Troisième République anticapitaliste, sociale, fédérale, répondant aux défis d’aujourd’hui, et notamment à la crise du « pacte territorial ».

REPOLITISER

Dans les années 1970, dans le cadre de fortes pressions internationales « occidentales », et d’un climat anxiogène de peur, réel, mais volontairement surévalué, toutes les grandes forces politiques espagnoles ont donc contribué à évacuer de la « transition » le contenu social de classe, à la dépolitiser. Qu’est-ce que le Pacte de la Moncloa (25 octobre 1977), signé par l’ensemble des grandes forces politiques et syndicales, soutenu par le PCE, sinon la volonté de modérer les revendications pour ne pas gêner le processus consensuel en cours, de mettre le pied sur le frein de l’activisme social ?

On sait aujourd’hui que la « transition » a été supervisée, au printemps 1977, par une alliance entre les Etats-Unis, la CIA (Vernon Walters, numéro deux de la centrale, H. Kissinger, déstabilisateur du Chili d’Allende) et la social-démocratie (W. Brandt, président de l’Internationale Socialiste, H. Smith, chancelier allemand). Pour Washington, il fallait ripoliner le franquisme afin de maintenir l’Espagne à tout prix sous contrôle « occidental » (l’Espagne adhéra à l’OTAN en décembre 1981). La « transition » ne fut pas aussi « pacifique » que certains historiens le prétendent encore (répression violente du 1er mai 1977, 5 ouvriers assassinés à Vitoria le 3 mars 1976).

Sans rupture donc, le franquisme social, idéologique, politique, économique, a continué (certes sans le dictateur), à survivre allègrement. La loi d’amnistie du 16 octobre 1977 (votée par tous à l’exception de la néo-franquiste « Alianza Popular » de Fraga Iribarme), amnistiait à la fois les bourreaux et leurs victimes, verrouillait (et verrouille encore, le juge Garzon s’y est cassé les dents) l’impunité du franquisme. Au nom de la « réconciliation » imposée, d’une imposture : la « responsabilité collective », au nom de l’effacement des responsabilités, elle renvoie en quelque sorte dos-à-dos franquistes et antifascistes. Elle ne solde pas véritablement les comptes du franquisme. L’article deux stipule : sont amnistiés « les délits commis par les fonctionnaires et agents de l’ordre public contre l’exercice des droits des personnes ».

Tout au long de la « transition », les classes dominantes ont garanti (et garantissent encore) le statut structurant, hégémonique, du « bloc oligarchique ». De plus, elles ont voulu « tirer un trait sur le passé », qui désormais refait surface. Elles ont imposé «le pacte de l’oubli ». L’oubli (en surface) résulte donc de stratégies politiques, d’un pacte entre deux « camps » très inégaux, et non d’une prétendue amnésie des Espagnols.

Il découle de tout cela que l’Espagne n’a pas fait de l’antifascisme un élément clé de son identité. Elle peut « s’enorgueillir » de posséder le seul parc thématique fasciste au monde : « le Valle de los Caídos », la « Vallée des Morts », à la gloire des « vainqueurs de la croisade », et dont la géante basilique-tombeau de Franco a été creusée dans la roche par des milliers de prisonniers politiques esclaves.

Ce parc national, entretenu aux frais des contribuables, rappelle que le soulèvement politico-militaire de juillet 1936 était bien une implacable contre-offensive de classe afin d’exterminer ces ouvriers des villes et de la campagne qui mirent en cause, par la République (très réformiste) proclamée le 14 avril 1931, et la victoire électorale du Front Populaire en février 1936, les intérêts des classes dominantes. Il leur fallait anéantir à tout jamais tout projet de justice sociale. Sans retour en arrière possible. C’est pourquoi le franquisme fut l’une des dictatures les plus longues et sanglantes de l’histoire contemporaine...et la « transition » un bricolage de classe.

Par Jean Ortiz, universitaire, article publié par l'Humanité

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21:01 Publié dans Espagne, Guerre d'Espagne, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : espagne, franco, hitler | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook |

01/03/2015

De février 1945 à mai 1946, la longue naissance des comités d’entreprise

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Vieille revendication du monde ouvrier, les comités d’entreprise sont nés de la volonté du Conseil national de la Résistance. D’abord sous la forme d’une ordonnance quasiment sans contenu puis 
dans un texte bien plus progressiste soutenu par Ambroise Croizat.

La revendication d’un accès des travailleurs à la gestion des entreprises est aussi vieille que le mouvement ouvrier. Elle traverse les luttes du XIXe siècle, s’affirmant notamment dès 1884 chez Schneider au Creusot par la volonté ouvrière d’imposer une gestion indépendante de la caisse de secours.

Cette aspiration au contrôle des entreprises se prolongera dans les grèves lancées par les fédérations CGT des cheminots et des métaux entre 1914 et 1918 et surtout après 1920. Parce qu’elle était inspirée par l’expérience de la révolution soviétique, elle fut qualifiée de « soviet d’usine » par le Comité des forges. Portées par les mouvements de mai 1936, elles recevront un début d’application sous le Front populaire à travers l’institution des conventions collectives et des délégués ouvriers.

Avec les orages de la guerre, la suppression des libertés syndicales et l’institution de la charte du travail prônant la collaboration du capital et du travail, le régime de Pétain fit taire toutes ces revendications en les noyant dans de vagues « comités sociaux » désignés par le patronat lui-même. Il faut attendre l’affirmation de la résistance et l’espoir nourri au cœur des maquis d’offrir à la France un visage social de dignité pour voir germer ce que l’on appellera les comités d’entreprise.

Ils naissent à la convergence de deux réflexions collectives. La première est menée depuis le sol français par le Conseil national de la Résistance qui mûrit un programme où apparaît l’idée de l’association des travailleurs à la gestion des entreprises. La seconde est initiée sous la maîtrise d’œuvre d’Ambroise Croizat, depuis Alger.

Nommé dès sa libération du bagne pétainiste par la CGT clandestine président de la commission du Travail de l’Assemblée consultative qui entoure le Comité français de libération nationale dirigé par de Gaulle, il façonne au cœur d’une équipe de syndicalistes les grands volets de l’invention sociale de la Libération.

Au centre de cette innovation s’impose l’idée d’un véritable contrôle ouvrier de l’appareil économique.Son intervention sur Radio Alger le 6 janvier 1944 en donne la mesure : « Les larmes n’auront pas été vaines. Elles accoucheront bientôt, sur un sol libéré, la France de la sécurité sociale et des comités d’entreprise. »

Cette double réflexion peaufinée entre Alger et la France clandestine trouvera enfin réalité dans l’un des articles lumineux du programme du CNR publié le 15 mars 1944 : « Nous réclamons l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale impliquant l’éviction des féodalités financières… et la participation des travailleurs à la direction de l’économie. »

Dans le climat insurrectionnel de la France libre, face à un patronat déconsidéré par sa collaboration, la classe ouvrière, grandie par sa résistance, va s’emparer des orientations du CNR pour tenter de créer de multiples « comités spontanés » visant à exiger un réel contrôle ouvrier des entreprises.

« Nous réclamons l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale impliquant l’éviction des féodalités financières… »

Ainsi naquirent une floraison de comités à la production, de comités patriotiques, et même des comités de gestion, comme ce fut le cas dans l’Allier et à Lyon. Il y eut même des réquisitions collectives avec directions provisoires à Marseille. Inquiet devant la poussée subversive de ces « comités d’usine » et poussé par les directions d’entreprise, le général de Gaulle orienta le débat vers la publication d’une ordonnance moins périlleuse pour l’ordre établi.

Promulguée le 22 février 1945 par Alexandre Parodi, ministre du Travail, sous une forte pression patronale et contre les propositions avant-gardistes de l’Assemblée consultative menée par Croizat, elle déçut profondément les syndicalistes. Privant les comités d’entreprise de pouvoirs de décision économique, elle mettra uniquement l’accent sur l’autorité des nouvelles institutions en matière de gestion des œuvres sociales.

Il faudra attendre les élections de la « Constituante » d’octobre 1945 et la forte poussée communiste (26,2 % des voix) pour redonner aux CE les attributions réclamées par la classe ouvrière. Nommé ministre du Travail le 13 novembre 1945, Ambroise Croizat, par la loi du 16 mai 1946, modifie en profondeur l’ordonnance.

Elle double le nombre des entreprises concernées en réduisant le seuil de l’effectif de 100 à 50 salariés, donne au CE un droit d’information (et non plus de consultation) sur l’organisation et la marche de l’entreprise. Doublant les heures de délégation des salariés élus et réduisant l’âge d’éligibilité à 21 ans, elle ajoute au pouvoir de l’institution le droit d’information obligatoire sur les bénéfices et les documents remis aux actionnaires ainsi que la précieuse assistance d’un expert-comptable.

Au total et malgré les déréglementations qui vont suivre, le comité d’entreprise reste l’un des grands conquis sociaux du siècle, formidable outil d’émancipation populaire par le biais des activités sociales et culturelles.

REPÉRES

8 juin 1936. 
Accords 
de Matignon : création des délégués du personnel.

1941. Le gouvernement 
de Vichy crée les comités sociaux d’établissement 
qui ne débattent que des questions sociales.

19 novembre 1944. Ordonnance instituant 
les comités d’entreprise. 
Les questions économiques 
y sont consultatives.

26 mai 1946. Loi défendue par Ambroise Croizat.

LE CCOS EDF-GDF, un cas unique en France… C’est le 8 avril 1946, dans le sillage de la nationalisation d’EDF-GDF et du statut des électriciens et gaziers 
du 21 juin, que naît le Conseil central des œuvres sociales (CCOS). Œuvre essentielle de Marcel Paul, ministre communiste de la Production industrielle dès novembre 1945, il affiche une double originalité.

Géré uniquement par les travailleurs, il est financé sur le 1 % minimum des recettes d’EDF-GDF et non sur la masse salariale. Malgré les attaques dont il fait l’objet dès sa création de la part des gouvernements successifs et du patronat, le CCOS, qui deviendra CCAS en 1964, est à l’origine d’un fabuleux développement des activités sociales et culturelles : centres de santé et de repos, centres de vacances jeunes ou adultes, bibliothèques, expériences culturelles…

Michel Etiévent, L'Humanité
 
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03/02/2015

Maître Marc Peschier, notaire et ancien maire communiste de Vallon-Pont-d’Arc

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Marc Peschier fut notaire de 1938 à 1977 et le seul élu communiste de la profession en France.

C’est pour le moins étonnant d’entendre parler de Maître Peschier, élu du PC et homme de grande valeur sur le plan humain.
Beaucoup à Vallon-Pont-d’Arc, parmi les plus anciens du village, se souviennent de Maître Peschier.
Notamment madame Raymonde Puyrouse qui militait avec lui et qui accepte de m’en parler..

Nous nous entretenons au téléphone. A l’évocation de notre notaire communiste, sa voix prend des timbres enthousiastes. Avec un accent chantant qui renvoie la lumière, l’ardeur du soleil, le vert de la vigne et le chant de l’Ardèche qui passe sous le célèbre pont, elle me parle de lui.

Parfois son mari complète, lui aussi l’a connu, ce sont ses souvenirs d’enfance. Il est très admiratif de « l’homme humain ».

« Je l’ai connu car mon beau père est un de ses grands amis, ils étaient ensemble au maquis, puis ne se sont plus quittés, c’est d’ailleurs mon beau père qui l’a « converti » au communisme. Par la suite, nous avons beaucoup milité ensemble.

Je garde de lui l’image d’un véritable humaniste, toujours prêt à rendre service. Un notaire, mais sans l’image associée du notable. Un homme simple qui se mettait au niveau de tous.

A Vallon-Pont-d’Arc, on se souvient encore de lui, on en parle encore…

Dans son étude, tous les clients sont égaux et même les nécessiteux trouvent chez lui l’écoute, le conseil et la rédaction des actes. Il applique les principes de partage du parti au sein de son étude.

Notaire par tradition, il en sera la 3e génération, et par « injonction paternelle », Il succède à son père en 1938 dans l’étude où il exercera d’abord seul, puis avec sa femme et enfin rejoint par une collaboratrice qui ne les quittera jamais.

Il est rentré au Parti Communiste par le maquis, où il est entrainé par son ami. Les idées communautaires et humanistes et le vécu de celles ci au sein du maquis séduisent le jeune homme élevé dans la tradition protestante.

C’était un homme plutôt petit, aux yeux clairs. Il ne cherchait pas à se faire remarquer, bien au contraire. Il ne se départissait jamais de son calme, mais ce qui touchait quand on le connaissait, c’était son côté chaleureux et attentif aux autres.

Il habitait une belle maison bourgeoise au centre du village où habite encore, Yvette son épouse de 94 ans.

C’était un bon vivant, et lorsqu’il était jeune, possesseur alors d’une des rares automobiles (celle de son père) de la région, il ne dédaigne pas de faire des « virées » avec ses amis, avec des retours souvent « problématiques », les fins de soirée joyeusement arrosées ont plus d’une fois cabossé la belle voiture, ou même l’ont jetée dans le ruisseau après un tonneau.

Il avait commencé sa carrière politique en 1945. A la mairie, d’abord conseiller et adjoint élu de l’union de la gauche, il fut maire de 1977 à 1983, et conseiller général de 1976 à 1982. En 1983, il ne se représente pas, mais laisse la place à un élu communiste. Il était bon gestionnaire, toujours à l’écoute, mais refusa de faire ériger quoique ce soit qui rappelle ses actes et son passé de résistant.

Des anecdotes ?

Il possédait un « cabanon au bord de l’eau », dont on suppose que nous l’appellerions notre résidence secondaire, entouré d’un grand parc. Chaque année, il ouvrait ce terrain pour permettre aux camarades de la fédération régionale du PC de planter leurs tentes ou d’installer leur caravane pour assister à la fête annuelle du parti.

Aujourd’hui le maire de Vallon Pont d’Arc est issu des familles d’exploitants touristiques qui ont transformé ce village, et il n’y a plus de notaires Peschier à Vallon Pont d’arc, juste le bureau annexe de l’étude de Joyeuse.

Le notaire, est très compétent, mais bien éloigné de l’approche de Marc Peschier.

Madame Puyrouse me promet d’essayer de me trouver des photos ou des documents. La conversation s’achève. Je raccroche.
Une figure, ce Notaire communiste, humaniste. Il paraît que c’était et c’est encore le seul notaire affilié au parti. Ce qu’on peut aisément admettre. J’aurais beaucoup aimé le connaître.

Propos recueillis par Caroline Lambert


 La vie de Marc Peschier, notaire et maire communiste de Vallon Pont d’Arc .

Né le 12 septembre 1910 à Largentière, mort le 19 décembre 1994 à Vallon-Pont-d’Arc (Ardèche) ; notaire ; lieutenant de l’Armée Secrète de la Résistance puis FTPF ; membre du comité local de Libération ; maire et conseiller général communiste de Vallon-Pont-d’Arc ; président départemental de l’ANACR.
Fils unique de Marius Peschier, notaire à Vallon (Ardèche) et de Marcelle Bastidon, Marc Peschier naquit dans un milieu familial de tradition protestante. Son enfance fut marquée par un drame familial : il perdit sa mère, victime de l’épidémie de grippe espagnole, alors qu’il était âgé de huit ans. Il fut élevé par sa tante, madame Sully-Eldin, épouse du député-maire socialiste de la localité, Paul Eldin et par la deuxième épouse de son père, Rose Ozil.

Marc Peschier fut élève au lycée de Nîmes où résidaient les Sully-Eldin. Elève rebelle, il n’acheva pas ses études secondaires. Sur injonction paternelle, après son service militaire, il prépara le diplôme du notariat.
Clerc de notaire de 1936 à 1938, (Maître Boissier, notaire à Largentière, suppléa Marius Peschier décédé en 1936), il obtint son diplôme et succéda à son père à Vallon.

Proche du milieu socialiste par ses attaches familiales, mais esprit libre, Marc Peschier n’avait pas de véritable engagement politique dans la période du Front populaire. Il avait épousé en 1936 Andrée Radal dont il eut une
fille. À l’automne 1939, son épouse se tua dans un accident de voiture alors qu’elle rentrait de la côte méditerranéenne où Marc Peschier avait été mobilisé. De retour à Vallon après la défaite et l’armistice, Marc Peschier rencontra une enseignante en poste au cours complémentaire de la localité : il épousa Yvette Garayt (voir Yvette Peschier née Garayt) le 27 décembre 1941 à Apt, dans le Vaucluse.

Hostiles à Pétain et à l’Allemagne nazie, Marc et Yvette Peschier s’engagèrent dans la Résistance locale, en Basse-Ardèche. Marc utilisa son véhicule et son permis de circuler notarial pour assurer les liaisons et le ravitaillement de l’un des premiers maquis FTP installés dans les bois d’Orgnac à la fin de 1943. En contact étroit avec leurs amis Pierre et Huguette Ollier de Marichard*, Marc et Yvette Peschier s’affilièrent à
l’Armée Secrète (secteur D, Ardèche du sud). En mai1944, Marc Peschier participait au commandement du groupe 6/11 de l’AS avec le grade de lieutenant. Lors de l’occupation du village par l’armée allemande en août, il fut placé à la tête d’un détachement stationné à l’entrée des gorges de l’Ardèche.

Son parcours dans la Résistance conduisit Marc Peschier à adhérer au communisme. Il se situa sur les mêmes positions que celles de ses amis de l’AS qui rallièrent les groupes FTP du commandant Ravel (Augustin Ollier*) au début du mois d’août 1944. Il devint membre du comité local de Libération de Vallon et assura dans les mois qui suivirent la présidence du Comité cantonal.

Jusqu’à la fin du siècle, Marc Peschier demeura l’un des très rares membres de sa corporation adhérent du Parti communiste. Les pressions et les manoeuvres des autorités pour le faire céder sur ses convictions ne firent pas défaut. Alors que la Guerre froide battait son plein, les renseignements généraux diligentèrent à la demande des autorités préfectorales une enquête sur les anciens FTP ardéchois. Dans leur rapport du 14 février 1951, ils relevaient le nom de « Peschier Marc, notaire, militant des combattants de la Paix » avec les remarques suivantes : « La région de Vallon, excentrique, se prête à une action clandestine, d’autant que ce canton, de tradition protestante, comporte de nombreux communistes et d’anciens FTP » … « (…) M. Ollier (ex commandant Ravel) attache pour certaines décisions beaucoup d’attention à l’avis de M. Peschier ».

Au printemps 1956, après le vote des pouvoirs spéciaux et le retournement de Guy Mollet sur la question algérienne, le Parti communiste engagea une campagne qui marquait son opposition à l’engagement du contingent dans le conflit colonial. Celle-ci trouva un écho particulier en Ardèche où plusieurs manifestations retardèrent symboliquement le retour de rappelés dans leurs régiments. (Voir les noms de Berge Marcel, Boiron Ernest, Corbier Yves, Renoux Pierre). Dans la région de Vallon, le 25 juin 1956, Marc Peschier participa publiquement à l’une de ces manifestations. Le 24 juillet 1956, le procureur de la République écrivait au Président de la chambre départementale des notaires : « Comme suite à nos diverses conversations concernant l’affaire des incidents de Vallon (…) j’ai l’honneur de vous faire connaître que, pour cette fois-ci mon parquet n’estime pas devoir engager de poursuites disciplinaires contre Me Peschier, notaire à Vallon, mais qu’il n’en demeure pas moins que cet officier ministériel mérite d’être rappelé à l’ordre, ayant manqué à la discrétion qui s’attache aux fonctions qu’il exerce dans ce canton. J’ai l’honneur de vous prier de vouloir faire à votre confrère les représentations nécessaires et l’inviter à l’avenir à ne pas réitérer pareils actes, sous peine de sanctions. »

Marc Peschier fut à diverses reprises candidat sur les listes du PCF aux élections municipales de son village. En mars 1945, il recueillit 433 voix au premier tour et ne fut pas élu. La liste socialiste concurrente emporta l’élection. En 1959, 1965, 1971, Marc Peschier figurait sur la liste d’union de la gauche conduite par le maire sortant, le socialiste Henri Ageron. Il fut élu conseiller. Son score ne cessa de progresser (753 voix en 1971 pour 1265 inscrits, 1037 votants et 962 voix exprimées). Il devint premier adjoint au maire et en 1977, conduisit la nouvelle liste d’union aux municipales. Avec 821 voix, il obtint l’un des meilleurs scores de la liste et fut élu maire de Vallon-Pont-d’Arc. Par ailleurs, Marc Peschier fut élu conseiller général de 1976 à 1982. Gestionnaire compétent, il ne chercha cependant pas à exercer des responsabilités dans la durée. En 1983, Marc Peschier ne se représenta pas et se retira de la vie publique. Le communiste Francis Rochette lui succéda dans la fonction de maire.

L’attachement de Marc Peschier à l’esprit de la Résistance ne se démentit jamais. Dans les dernières années de sa vie, devenu président départemental de l’ANACR, il se plut à expliquer dans un discours public (le 8 mai 1992) pourquoi la place de la Mairie de son village portait le nom de Place de la Résistance, évoquant notamment ses souvenirs personnels du défilé patriotique du 14 juillet 1944 conduit par ses amis Pierre Ollier de Marichard et Jean Roume alors que dans la région Allemands et miliciens continuaient d’exercer la terreur.

Publié par l'Annuaire du Notariat

SOURCES : Arch. Dép. Rhône, 668 W 96. — Arch. Dép. Ardèche 70J (fonds du musée départemental de la Résistance). — ONAC Ardèche, dossier CVR.
Les conseillers généraux du département de l’Ardèche, publication du service des assemblées du conseil général de l’Ardèche, Privas, 1992.
La Voix du peuple de l’Ardèche ; la voix de l’Ardèche (1944-1947). – Le Dauphiné libéré, (1945-1995). — Louis-Frédéric Ducros, Montagnes ardéchoises dans la guerre, t. III, Valence, 1981.
Dossier électoral, mairie de Vallon. — Archives privées et témoignage d’Yvette Peschier.

 

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