Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

21/04/2014

Fernand Grenier, ce communiste qui a permis le droit de vote des femmes !

grenier.jpg

Il y a 70 ans, le Général de Gaulle signait l’ordonnance pour le droit de vote aux femmes. Mais que l’on doit en fait à Fernand Grenier, un Tourquennois.

RÉCIT

Si l’ordonnance donnant le droit de vote aux femmes a été prise il y a 70 ans jour pour jour par le Général de Gaulle, cette avancée, on la doit à un Tourquennois. Fernand Grenier rédigera l’amendement, un mois plus tôt, lors de l’assemblée constituante provisoire, installée à Alger : « Les femmes seront électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes ». Un texte sans ambiguïté mais qui suscita le débat. Un amendement adopté par 51 voix sur 67 votants.

En janvier 1943 pourtant, lorsque se constitue l’assemblée consultative provisoire, « les débats sur l’organisation des pouvoirs publics ne prévoyaient pas le vote des femmes », relate Fernand Grenier dans un article de L’Humanité (18/04/1991). En 1943, le Tourquennois, au nom du parti communiste rejoint à Londres le Général de Gaulle. « C’est ainsi que je fus amené à poser la question du vote des femmes pour la première fois quand le Général de Gaulle me proposa de faire partie d’une commission de réforme de l’État, écrit-il encore. Je pensais qu’il serait injuste de continuer à considérer les femmes comme incapables de se servir du bulletin de vote ».

Mais comment ce Tourquennois a-t-il gravi les échelons ? Pour le comprendre, il faut remonter à la jeunesse de Fernand Grenier. Et cette figure du père qui va le marquer profondément. Édouard Grenier, marié à Léontine Ghesquière, tous deux belges, va donner naissance à Fernand le 9 juillet 1901. « Mon père arrivé illetré de sa Wallonie, va apprendre à lire et écrire par les cours du soir », raconte Fernand Grenier dans Ce Bonheur là.* Un père livreur, militant socialiste, organisateur du syndicat des transports de Tourcoing. En raison de son action syndicale, il sera licencié plusieurs fois.

C’est durant cette période que Fernand découvre l’univers socialiste : les lectures du père, l’achat du pain à la coopérative La solidarité ouvrière, les dimanches à la maison du peuple, siège du parti ouvrier, alors qu’il n’a que 11 ans. Cette figure paternelle va disparaître en 1917. Arrêté par les Allemands, il décédera dans une compagnie disciplinaire des travailleurs. « C’est une épreuve qui devait marquer ma jeunesse, j’avais 16 ans ». Et il était orphelin. Fernand Grenier avait perdu sa mère alors qu’il n’avait que 9 ans. « J’étais fier de mon père. À chaque événement marquant de ma propre vie de militant, le souvenir de mon père s’imposera », écrit Fernand Grenier.

Apprenti mouleur à la fonderie, apprenti boulanger où il sera licencié car syndiqué, Fernand est ensuite embauché comme aide comptable à l’école des Mutilés de Tourcoing. Il habite alors Neuville – où il épousera en 1926 Andréa Beulque – et, en février 1922, adhère à la section communiste. « J’avais sans m’en rendre compte découvert le chemin de la vie : la joie de servir le peuple auquel on appartient ».

Après le service militaire, Fernand Grenier intégrera l’école centrale du Parti et en sortira instructeur pour le Roubaisis et le Valenciennois. Élu au comité exécutif régional en 1925, Fernand sera dépêché à Halluin, comme employé de mairie pour « aider la municipalité communiste contre laquelle le puissant patronat de Roubaix Tourcoing concentrait tous ses moyens ».

Au début des années 30, Fernand Grenier est appelé à Paris, non sans hésitation. « À Neuville, en adhérant au parti, j’avais commencé à ouvrir les yeux aux réalités sociales. L’âpreté de la lutte sociale contre la bourgeoisie, Halluin me l’avait apporté », raconte-t-il.

Président des amis de l’URSS, Fernand Grenier bataillera à Saint-Denis où il sera élu conseiller municipal en 1937, puis en deviendra le député jusqu’en 1968. « C’était quelqu’un de très attaché à sa région, raconte Claudie Gillot-Dumoutier, fille d’Auguste Gillot, ancien maire de Saint-Denis. Il chantait tout le temps Le P’tit Quinquin ».

Arrêté en 1940, il s’évadera de Châteaubriant. En1943, il partira à Londres représenter le parti communiste clandestin auprès du Général de Gaulle. Il décédera en 1992 à Saint-Denis.

Ce bonheur Là, de l’horizon d’un homme à l’horizon de tous », Fernand Grenier, Éditions sociales, 1974

14/04/2014

Espagne 14 avril : Commémorer mais surtout partir à la conquête de la République

espagnerepublique.jpg

Jean Ortiz pour l'Humanité

Le 14 avril 1931 était proclamée la Deuxième République espagnole. Les listes monarchistes avaient perdu les élections municipales et le roi Alphonse XIII, désavoué, dut prendre le chemin de l'exil.

Le premier avril 1939, Franco, après une Guerre d'extermination, se vantait de "la défaite de l'armée rouge".Le 14 avril 1931 était proclamée la Deuxième République espagnole. Les listes monarchistes avaient perdu les élections municipales et le roi Alphonse XIII, désavoué, dut prendre le chemin de l'exil.

Le premier avril 1939, Franco, après une Guerre d'extermination, se vantait de "la défaite de l'armée rouge". Ecrasée, la République, le dernier référent démocratique, fut à nouveau bradée à la mort du dictateur, dans la période de pactes connue sous le nom de "transition".

La constitution de 1978 instaura une monarchie parlementaire. Le peuple espagnol ne fut pas consulté par référendum sur "république ou monarchie". En fait, la "transition" enfanta le rétablissement de la monarchie des Bourbons, corset qui permet au capitalisme de prospérer.

Un week-end de Pâques 1977, Adolfo Suarez, et quelques "aperturistas" (partisans d'un lifting démocratique) légalisèrent le PCE, moteur de l'antifranquisme. Il sortit d'une longue clandestinité. Dans la négociation, le secrétaire du PCE, Santiago Carrillo, renonça à la République et à son drapeau. Pour la majorité des communistes d'alors, le choix était entre "démocratie et dictature".

La "transition" se fit donc sans rupture avec l'architecture du régime précédent. Le pouvoir social se transvasa tout en restant aux mains de la bourgeoisie. La "transition", présentée comme "modélique", et exportée en Amérique latine, permit aux classes dominantes de maintenir le statu quo social, de pacifier la situation en faisant oublier les antagonismes de classe.

Aujourd'hui, tout l'édifice de cette "transition" aux conditions des "vainqueurs", son pacte (bancal) social, démocratique, territorial, sont épuisés. Le mythe fonctionne de moins en moins. La "transition" a servi essentiellement à recycler le système (issu du franquisme), désormais en crise totale. Derrière le rideau jadis consensuel, les forces conservatrices, sous la houlette du monarque (62% des Espagnols souhaitent qu'il abdique), sont à nu.

La tsunamique crise économique, et les résistances populaires acharnées, les nouveaux mouvements sociaux (comités et plateformes issus des "Indignés", organisations contre les expulsions locatives, "marées" enseignantes, des personnels de la santé, Syndicat andalou des travailleurs, plateformes "Podemos" des universitaires Iglesias et Monedero, "Somos Mayoria" de Julio Anguita, associations des "sans", comités de voisins...) ont entraîné une crise du modèle politique, du bipartisme, de la monarchie, des pactes de la fin des années 1970...Le peuple se républicanise; pour la première fois depuis la mort du dictateur, la popularité de la monarchie, illégitime et corrompue, en chute libre, est passée sous la barre des 50%.

Les grandes manifestations populaires se hérissent désormais de drapeaux républicains.

On assiste à un début de jonction entre le mouvement social, globalement anticapitaliste, et le mouvement mémoriel. Sont-ce les prémisses d'une deuxième et véritable "transition", sous la poussée des manifestations qui se multiplient, telles les énormes "Marches de la Dignité" du 22 Mars? L'exigence d'un processus constituant gagne du terrain.

La crise catalane , la forte revendication indépendantiste, exigent, pour de nombreux militants d'horizons différents, la reconnaissance de la réalité plurinationale de l'Espagne, une refonte du fédéralisme, vers un état plurinational, le droit à l'autodétermination et à la souveraineté de chaque composante, dans un cadre souple, renégocié, équilibré, radicalement renouvelé: une République fédérale et sociale, comme le proposent Izquierda Unida, les communistes, les libertaires de la CGT, des secteurs des Commissions Ouvrières, de l'UGT, des groupes de gauche alternative, des associations mémorielles, etc.

Au parlement de Madrid, socialistes et "populaires" (la droite bien dure) viennent de refuser ensemble aux Catalans le droit de voter lors d'un référendum en fin d'année. C'est jeter de l'essence sur le feu. Les Catalans veulent avant tout, pour qui sait décoder, une autre Catalogne, une autre Espagne; ils rejettent non pas l'Espagne mais l'Etat espagnol, le "centralisme castillan".

Pour les Républicains catalans, refuser d'entendre peut conduire au pire... Alors vite- vite, sortons de la plainte, de la mémoire exclusivement nostalgique, sentimentale. Oui vite-vite: la Troisième République. Les commémorations du 14 avril en portent plus que jamais cette année l'exigence, le sens politique.

espagne,république,gouvernementVOIR NOTRE DOSSIER : L'ESPAGNE ETAIT UNE REPUBLIQUE !

 

09:42 Publié dans Espagne, Monde, Résistance | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : espagne, république, gouvernement | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook |

07/04/2014

Voyage au bout de l'horreur. De l'envoyé spécial au Rwanda de l'Humanité !

rwanda1_0.jpg

30 avril 1994, de notre envoyé spécial au Rwanda.

L'HORREUR, c'est d'abord une odeur. L'odeur de corps suppliciés, en voie de décomposition. Angoissante quand on s'approche. Apre et donnant le vertige lorsqu'on se trouve au bord du trou. La preuve avec celui découvert dans le secteur de Kiziguro.

A quelques dizaines de mètres de la route, un énorme trou au milieu des arbres. Au fond, plusieurs centaines de cadavres. D'en haut, on distingue nettement les vêtements aux teintes vives ainsi que la coloration blafarde et cendrée des visages et des mains. Au-dessus de ce magma humain, une femme gît dans une pose grotesque et obscène.

Gamaliel Segnicondo, enseignant à l'école primaire, témoigne: «Les massacres ont commencé à partir du 8 avril (la mort du président rwandais remonte au 6 au soir). Depuis deux jours, les gens venaient se réfugier à la paroisse (l'église et les bâtiments environnants). Les «padre» étaient partis.» D'après lui, ils ont été près de huit cents à rejoindre ce «refuge». Ils ont été massacrés dans l'église. Silence. «On a sauvé en tout et pour tout treize personnes. Une est morte par la suite. Il ne reste que douze survivants.» La plupart des morts sont des Tutsis. La plupart car d'autres ont été tués aussi en raison de leur appartenance politique. Certains étaient des Hutus.

«Tous ont été tués à la machette, au bâton ou avec une barre de fer. Juste un coup sur le sommet du crâne, insiste Gamaliel. Pour certains, on avait pris soin, avant, de leur lier les mains. Pendant ce temps, j'étais caché car je savais que j'étais sur la liste. Puis, j'ai appris l'existence de ce trou. C'est là qu'ils jetaient les cadavres même si certains étaient encore vivants.» A l'approche des troupes du Front patriotique rwandais (FPR), les massacreurs s'enfuient. Alors Gamaliel décide d'agir pour sauver des vies: «J'ai été à la paroisse chercher des fils électriques. Avec un Blanc, un Suisse, on les a tressés pour faire un câble. Grâce à lui, nous en avons retiré huit qui étaient vivants. Ils sont parmi les douze dont je vous ai parlé.»

Gamaliel l'affirme: «Ce sont les milices MRND (le parti au pouvoir) et CDR (formation la plus extrémiste créée par les partisans de la dictature) qui ont perpétré ces massacres. Avant de fuir, ils ont ensuite détruit la paroisse et l'hôpital. Le FPR est arrivé ici le 14 au soir. Aujourd'hui, nous n'avons plus de médicaments. Nous mourons de la malaria.»

Ce charnier n'est qu'un parmi tant d'autres dans cette région. Mais il est le premier que je découvre. Hébété par le choc, je demande un peu stupidement à un des combattants du FPR si les craintes d'épidémie ne devraient pas conduire à boucher le trou le plus rapidement possible. Avec un sourire amer, l'officier me répond: «Nous y pensons. Mais nous voulions d'abord montrer ça à des journalistes. Il y a des choses qu'il faut connaître. Sinon, on ne nous croirait peut-être pas.»

Ce charnier existe, je l'ai vu, et puis après? Les premiers cadavres se trouvent à cinquante mètres au-dessous de moi. Je les regarde, mais ne peux les photographier. Un flash est inutile à cette distance. Il faudrait au moins un projecteur et un téléobjectif. Au Rwanda, il n'y a plus d'électricité depuis des semaines... Autant dire que la photo-preuve est matériellement impossible aujourd'hui. Ce charnier, il faudra bien un jour pourtant le combler avant que les conditions ne soient réunies pour produire «la» démonstration irréfutable devant la postérité.

Alors, cette atrocité sera-t-elle gommée de la mémoire? Après tout, il y a bien en Europe des gens qui nient les chambres à gaz et les crimes nazis contre l'humanité! Si l'on peut nier un génocide, pourquoi n'en réfuterait-on pas un autre? Y aura-t-il un jour des «révisionnistes» rwandais et un Faurisson africain?

Je découvrais le lendemain que cette fixation sur le puits de Kiziguro a quelque chose de dérisoire. A Rukara, non loin de là, les milices gouvernementales ont fait entrer 1.500 et 2.000 morts dans un trou similaire. Au bas mot, 700 à 800 cadavres (comment les compter?) pourrissent au soleil ou fermentent dans l'ombre intérieure des maisons.

Leur vision est repoussante, insoutenable. Quelques kilomètres plus loin, dans la paroisse de Mukarange, il y a ce bûcher improvisé où pendent bras et jambes, ainsi que des corps qui semblent s'obstiner à ne pas brûler. Un de mes interlocuteurs me dit: «Les morts, on n'a pas fini de les trouver. Dans les paroisses, c'est facile, on sait qu'ils sont là. Mais dans les forêts, combien sont-ils?»

Il a raison. De la voiture, je repère les cadavres gisant dans les fossés. De la bananeraie voisine, une puanteur horrible s'élève. Partout, l'odeur de la mort semble régner dans ce pays...

Jean Chatain pour l'Humanité

20:01 Publié dans Actualité, Guerre, International, Monde, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook |