29/03/2019
À la Monnaie de Paris, l'Histoire de France résumée sur des pièces d'argent
La Monnaie de Paris lance une collection de 12 pièces (onze en argent et une en or), reproductions de deniers et de monnaies frappés à travers le temps.
D'Artagnan, Louis XVI ou Philippe le Bel, etc. Chacune des 12 pièces a été choisie par Stéphane Bern, missionné par Emmanuel Macron pour défendre le patrimoine, et Marc Schwartz, directeur de la Monnaie de Paris. Les pièces sélectionnées sont parmi les quelques 80 000 objets conservés précieusement au sein du médaillier national installé au cœur du Palais de la Monnaie, Quai Conti à Paris. Elles illustrent toute une page de notre Histoire. De 10 euros à 200 euros, chaque vente rapportera un euro à la Fondation du patrimoine.
Échanger une simple pièce de monnaie est un lien social du quotidien mais c'est aussi un lien avec notre histoire. La Monnaie de Paris est chargée de conserver toutes ces pièces et ces médailles ayant traversé le temps.
Marc Schwartz, directeur de la Monnaie de Paris :
"La Monnaie de Paris est la plus ancienne entreprise du monde puisqu'elle a été créée en 854, il y a près de 12 siècles, par le petit-fils de Charlemagne. Et les pièces que nous éditons ont, depuis la nuit des temps, symbolisé l'histoire de notre pays".
Dagobert, Richard II Duc de Normandie, le grand-père de Guillaume Le Conquérant, Louis XIV, la Déclaration des droits de l'homme, Bonaparte, Jean le Bon ou la Tour Eiffel et la France, ces pièces ont chacune une histoire bien précise.
Marc Schwartz, directeur de la Monnaie de Paris, évoque notamment cette pièce de 10 euros à l'effigie de Louis XVI :
" C'est la pièce grâce à laquelle Louis XVI, au moment de la fuite du roi à Varennes, épisode marquant de la Révolution Française, a été reconnu dans un relais de poste puisque son profil figurait sur la pièce comme c'était le cas jusqu'à une période récente de notre histoire. Grâce à cette pièce, le roi et la reine Marie-Antoinette à ses côtés ont été arrêtés et ont été ramenés à Paris".
Art et minutie au service de l'Histoire
Chaque pièce reproduite est joliment insérée dans un étui en carton à l'effigie du personnage et accompagnée d'un texte de Stéphane Bern. Joachim Jimenez est le directeur (avec Yves Sampot) de la création de l'atelier gravure.
Toute l'équipe de l'atelier a travaillé sur le projet. Ils sont ceux que l'on appelait dans le temps les "graveurs généraux" :
"Après sélection, il a fallu reproduire ces pièces. C'est une collection dont toutes les monnaies ont la même taille : 31 millimètres. Il a fallu les redimensionner et les re-sculpter. On les a moulées, on les a scannées. Nous sommes une entreprise de 1 150 ans mais aussi une entreprise moderne qui travaille avec des techniques actuelles, c'est-à-dire les scanners laser. Donc on a pu les re-scanner avec une précision extrême et nous les avons retranscrites à cette dimension. Ça ne se fait pas tout seul. Il s'agit de refaire les coins, c'est-à-dire les matrices, les outils face-revers qui permettront de refaire ces pièces et nous le faisons avec un galbe exagéré pour augmenter le volume par rapport aux pièces initiales et tout est repris à la main pour rendre le plus possible la fidélité de ces pièces. Ce sont des pièces en argent 333 millièmes, ce qui contribue à en faire un objet collectionnable et précieux."
Cette collection est une belle façon sonnante et trébuchante de revisiter les trésors de la Monnaie de Paris et de réviser du même coup nos leçons d'histoire.
En coffret ou présentées individuellement, ces pièces en argent (et une en or), sont disponibles à la Monnaie de Paris, dans les bureaux de tabac, les bureaux de poste et les maisons de la presse. A terme la collection sera composée de 23 pièces.
17:54 Publié dans Révolution, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : monnaie de paris, histoire | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook |
12/03/2019
Douarnenez Ces sardinières qui ont su tenir tête à leurs patrons
En 1924, une immense grève éclata à Douarnenez. Les « Penn Sardin », ouvrières des usines de conserverie de sardines, ont bataillé pour obtenir une augmentation de salaire. Elles ne lâchèrent rien, malgré les nombreuses intimidations des patrons.
Douarnenez (Finistère, Bretagne), envoyée spéciale.
À ces mots, la France du début du XXe siècle imagine un lieu de conformisme où les familles vivent de l’exploitation des champs et où règne un certain conservatisme. Pourtant, cette commune de 12 259 habitants étonnera lors des municipales de 1921 en élisant le premier maire communiste de France, Sébastien Velly. Mais un autre souvenir marque également la mémoire collective. Car, trois ans plus tard, une formidable grève qui, dans son domaine n’avait pas de précédent, va éclater. Les sardinières, ouvrières travaillant dans les usines de conserverie, vont se soulever violemment contre leurs patrons. Penn Sardin (Tête de sardine) était leur surnom.
Munies de sabots et de coiffes bretonnes, pas pour le folklore mais bien par mesure d’hygiène, elles travaillaient jour et nuit. « Quand le poisson débarquait, les ouvrières devaient accourir jusqu’à l’usine pour le traiter rapidement », se souvient Michel Mazéas, maire PCF de Douarnenez pendant vingt-quatre ans, dont la mère fut l’une d’entre elles. Et, pour le savoir, des jeunes filles couraient à travers la ville en criant « À l’usine ! À l’usine ! » Douarnenez comptait alors 21 conserveries. Les rues vivaient au rythme de l’arrivée des poissons. À ce moment-là, la majorité des femmes travaillent, excepté les épouses de notables. Les « petites filles de douze ans » prennent aussi le chemin de l’usine, écrit Anne-Dénès Martin dans son livre Ouvrières de la mer. « Aucune législation du travail n’était respectée, pour les patrons cela ne comptait pas », renchérit Michel Mazéas. Et si la pêche était bonne, les femmes pouvaient travailler jusqu’à soixante-douze heures d’affilée !
Pour se donner du courage, elles chantaient. « Saluez, riches heureux / Ces pauvres en haillons / Saluez, ce sont eux / Qui gagnent vos millions. » Certaines sont licenciées pour avoir fredonné ce chant révolutionnaire dans l’enceinte de leur usine. Conditions de travail déplorables, flambées des prix, salaires de misère, c’en est trop. Le 20 novembre 1924, les sardinières de la fabrique Carnaud vont décider de se mettre en grève. Elles demandent 1 franc de l’heure, alors que le tarif de rigueur est de 80 centimes. Les patrons refusent. « L’ambiance est tendue », écrit Jean-Michel Boulanger, dans un livre consacré à une figure locale qui deviendra mythique par son engagement auprès des sardinières : Daniel Le Flanchec, maire communiste de 1924 à 1940. « Pour cette classe sociale très à part, il n’était pas envisageable d’entamer des discussions avec les ouvriers. C’était même en accord avec le préfet », raconte encore Michel Mazéas.
Trois jours plus tard, un comité de grève est mis en place. Le lendemain, ce sont les 2 000 sardinières qui arrêtent le travail et marchent dans les rues de Douarnenez. Une pancarte est dans toutes les mains : « Pemp real a vo » (« Ce sera 1,25 franc »).
Aux côtés des femmes, Daniel Le Flanchec. Ce « personnage éloquent, tonitruant », comme le décrit Michel Mazéas, et que les sardinières appellent leur « dieu », leur « roi », accompagne le mouvement. Un meeting se tient début décembre sous les Halles. Il réunit plus de 4 000 travailleurs et des élus. Le 5 décembre 1924, l’Humanité titre : « Le sang ouvrier a coulé à Douarnenez ». Le journaliste raconte comment une « charge sauvage commandée par le chef de brigade de Douarnenez piétina vieillards et enfants ». Ordre venant du ministre de l’Intérieur. L’élu communiste, en voulant s’interposer devant l’attaque des gendarmes, sera suspendu de ses fonctions pour « entrave à la liberté du travail ».
La tension monte, les patrons ne veulent toujours pas négocier, des casseurs de grève s’immiscent dans le mouvement. Dans le même temps, des représentants syndicaux et politiques de la France entière se joignent aux grévistes. C’est dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier que tout va basculer : des coups de feu retentissent. Des cris se font entendre : « Flanchec est mort ! » Il est retrouvé blessé dans la rue. La colère explose. L’hôtel des casseurs de grève est saccagé. Un chèque y sera retrouvé, signé de la main d’un des patrons d’usine. Les conservateurs, qui ont tenté d’assassiner l’élu, avoueront plus tard qu’ils voulaient « seulement combattre le communisme ». Finalement, le 8 janvier, après près de cinquante jours de bataille acharnée, les patrons céderont. Les sardinières obtiendront 1 franc horaire, avec heures supplémentaires et reconnaissance du droit syndical. L’une d’entre elles sera même élue au conseil municipal. Mais, les femmes n’ayant pas encore le droit de vote, la liste sera invalidée. « Cet épisode aura un impact énorme en France. On en parlait partout : à la Troisième Internationale, à l’Assemblée nationale.
Des vivres et de l’argent arrivaient de tous les coins de l’Hexagone », raconte Michel Mazéas. Daniel Le Flanchec, déporté pour avoir refusé de retirer le drapeau français du fronton de la mairie, périra dans un camp nazi. Aujourd’hui, des vingt et une conserveries que comptait Douarnenez, il n’en reste que trois. Et leur production est pourtant mille fois supérieure à celles d’alors.
Les sardinières au XXIe siècle
À Douarnenez, le port-musée de la ville est ouvert tout l’été et consacre deux parties de son exposition permanente à l’histoire de cette industrie. Informations sur www.port-musee.org. On trouve au musée des Beaux-Arts de Quimper la peinture d’Alfred Guillou sur les Sardinières de Concarneau. À voir, le film les Penn Sardines (2004), de Marc Rivière, fiction qui a pour toile de fond cette révolte. Enfin, Claude Michel, chanteuse locale, a consacré quant à elle des albums à ces airs fredonnés alors dans les usines.
11:44 Publié dans L'Humanité, Résistance | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : douardenez, penn sardin | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook |