19/12/2015
Auschwitz… par Louis Aragon
Moi, si je veux parler, c’est afin que la haine
Ait le tambour des sons pour scander ses leçons
Aux confins de Pologne, existe une géhenne
Dont le nom siffle et souffle une affreuse chanson.
Auschwitz ! Auschwitz ! Ô syllabes sanglantes !
Ici l’on vit, ici l’on meurt à petit feu.
On appelle cela l’extermination lente.
Une part de nos cœurs y périt peu à peu
Limites de la faim, limites de la force :
Ni le Christ n’a connu ce terrible chemin
Ni cet interminable et déchirant divorce
De l’âme humaine avec l’univers inhumain…
Puisque je ne pourrais ici tous les redire
Ces cent noms, doux aux fils, aux frères, aux maris,
C’est vous que je salue, en disant en cette heure la pire,
Marie-Claude, en disant : Je vous salue Marie.
A celle qui partit dans la nuit la première,
Comme à la Liberté monte le premier cri,
Marie-Louise Fleury, rendue à la lumière,
Au-delà du tombeau : je vous salue Marie. …
Les mots sont nuls et peu touchants.
Maïté et Danielle…Y puis-je croire ?
Comment achever cette histoire ?
Qui coupe le cœur et le chant ?
Aragon écrivit ce texte en 1943, le 6 octobre…
NOTES
Danielle, c’est Danielle Casanova, Maîté n’est autre que Maï Politzer, et Marie-Claude s’avère être Marie-Claude Vaillant-Couturier. Toutes de brillantes intellectuelles communistes, des Résistantes aussi. Elles furent déportées à Auschwitz au sein d’un convoi parti de Romainville le 24 janvier 1943 comprenant 230 femmes, des Résistantes communistes, gaullistes ou des conjointes de Résistants, le fameux « convoi des 31.000 ». 49 survivantes. Parmi les mortes, Danielle Casanova et Maï Politzer, décimées par une épidémie de typhus – autre moyen de régulation des effectifs du Lager par les S.S..
Aragon, traumatisé, ne put que crier sa rage, sous le pseudonyme révélateur de « François la Colère » – . Toute à sa tristesse, il commit une erreur de détail, ce faisant, parlant de Marie-Louise Fleury au lieu de Marie-Thérèse Fleury. J’y reviens plus bas, car cette petite erreur de sa part va nous donner la possibilité de déterminer la source du poème.
La deuxième strophe permet de faire la lumière de ce qu’Aragon connaissait sur Auschwitz : « Ici l’on vit, ici l’on meurt à petit feu/On appelle cela l’extermination lente ». Un tel passage tendrait à indiquer que le poète communiste ignorait la présence de chambres à gaz à extermination rapide dans ce Lager, et l’assimilait à un camp de concentration où les déportés mouraient en esclaves, accablés de douleur, affamés et assoiffés, brutalisés par les S.S. (« Limites de la faim, limites de la force »).
Il est vrai que la première mention du nom d’Oswiecim – Auschwitz, en polonais – dans la presse internationale date, si je ne m’abuse, du 25 novembre 1942 (Raul Hilberg, La destruction des Juifs d’Europe, Gallimard, coll. Folio-Histoire, 1991, p. 965-966). Ce jour là, dans un article qui n’est pourtant pas paru en « une », le New York Times évoquait le meurtre programmé des Juifs de Pologne dans les camps de Belzec, Sobibor et Treblinka : les nazis avaient déjà tué, précisait le Times deux millions de Juifs.
Enfin, l’article mentionnait la présence de chambres à gaz sur l’ancienne frontière russe, et de fours crématoires à Oswiecim. Les Alliés avaient, à cette date, reçu une moisson de renseignements de la part de la Résistance polonaise, de leurs services de décryptage des codes nazis et d’autres fuites, sur la politique nazie d’extermination (voir Richard Breitman, Official Secrets. What the Nazis planned, what the British and Americans knew, Hill & Wang, 1998). Mais elles se noyaient dans une masse d’autres données relatives aux massacres et aux famines touchant l’Europe orientale et l’U.R.S.S. occupée. Les Américains et les Britanniques ne surent pas faire le tri, ou ne réalisèrent pas ce qu’impliquait un tel scoop.
L’information selon laquelle les Juifs étaient supprimés par gaz en Pologne occupée fut introduite en France à l’automne 1942. Sans préciser le nom d’aucun camp, le journal clandestin J’accuse mentionnait ces gazages. D’autres journaux reprirent la nouvelle à leur compte. C’est au mois de mars 1943 que J’accuse, pour la première fois en France, cita le nom d’Auschwitz, mais l’assimiaite à un camp de concentration (mort lente), et non à un camp d’extermination (mort à l’arrivée). Or, Auschwitz était un camp mixte, camp de travail et site d’annihilation de masse.
L’émission de la B.B.C. Les Français parlent aux Français mentionna les camps d’extermination le 8 juillet 1943. Il fallut attendre le 17 août pour que cette émission évoquât assez précisément Auschwitz, à partir du témoignage d’un évadé recueilli par la Résistance polonaise.
Mais l’information avait déjà été diffusée en France par le biais de tracts. Comme le note l’historienne Claudine Cardon (Un témoignage sur l’horreur d’Auschwitz. Le tract du Front national de lutte pour la libération de la France) :
[En mai 1943, N.D.L.R.], un tract édité par le Comité directeur du Front national de lutte pour la libération de la France (zone Sud), créé par le Parti communiste clandestin [ledit Front national ne doit surtout pas être confondu avec notre F.N. actuel, N.D.L.R.L.], était distribué sous le titre : Un cas parmi mille. On constate que ce tract est composé de trois parties, dont la première est consacrée aux « 31.000 » ou, plus exactement, aux « cent femmes françaises [qui] furent emmenées en janvier dernier du fort de Romainville ». Il cite les noms de huit d’entre elles et notamment Maï Politzer, Hélène Solomon, Marie-Claude Vaillant-Couturier, Danielle Casanova. Il annonce que ces cent femmes se trouvent à Auschwitz alors que depuis leur départ vers l’Est en janvier 1943, personne n’avait reçu de leurs nouvelles jusqu’à ce qu’en mai, les parents de Marie-Thérèse Fleury soient avisés par les autorités occupantes que leur fille était décédée dans ce camp.
La seconde partie du tract contient, pour l’essentiel, une description du camp d’Auschwitz occupant la moitié du tract et tirée du témoignage d’un homme qui vécut 4 mois dans ce camp. Cette description du camp est la première à paraître en France dans la presse clandestine.
Claudine Cardon précise, s’agissant de Marie-Thérèse Fleury :
En réalité, les parents de M.-T. Fleury avaient été informés, en avril 1943, par un télégramme rédigé ainsi : « Marie-Thérèse Fleury décédée le 16 avril 1943, insuffisance myocarde, à l’hôpital d’Auschwitz ». D’autres familles de « 31.000 » avaient été prévenues de la mort de leur parente à la même époque et dans des conditions similaires (Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Editions de Minuit, 1965 et 1985). Cette date est confirmée par Les livres des Morts d’Auschwitz (Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995).
C’était à cette déportée que s’adressait Aragon dans une espèce de symbiose laïco-christique, à ceci près qu’il l’appela Marie-Louise, au lieu de Marie-Thérèse.
Par la suite, les communistes diffusèrent un mémorandum détaillant les conditions de vie à Auschwitz mais sans mentionner les chambres à gaz – l’évadé polonais à la base de cette description ne les décrivait pas parce qu’elles n’étaient peut-être pas encore pleinement élaborées à la date de sa fuite. Au contraire, le mémorandum soulignait que les Polonais qualifiaient Auschwitz de « camp de l’exécution lente ». Propos qu’Aragon reprit dans le vers « On appelle cela l’extermination lente ».
Ainsi, Aragon s’inspira de sources polonaises, transmises à Londres, puis relayées en France par la Résistance communiste en mai-juin 1943 et reprises par la B.B.C. en juillet. Lui-même communiste, il ne pouvait qu’y avoir accès. D’où son poème, qui ignore – et pour cause : ses sources n’en faisaient pas mention – l’existence des chambres à gaz dans ce camp précis. Mais il ne pouvait manquer d’ignorer le fait pour les camps de Belzec, Sobibor et Treblinka, à propos desquels des renseignements précis et fiables avaient été diffusés depuis 1942. Là encore, reste à évaluer l’impact de cette information « extraordinaire » sur les territoires euopéens occupés. Les crimes nazis étaient si nombreux, l’extermination des Juifs paraissait si « incroyable », parce que si inconcevable…
Nicolas Bernard
Photo ML
18:04 Publié dans Déportation, Deuxième guerre mondiale, Livre, Occupation, Résistance | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : auschwitz, casanova, aragon, poème | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook |
12/02/2014
ELSA TRIOLET / LOUIS ARAGON
Triolet Romancière française d’origine russe, Elsa voit le jour à Moscou le 12 septembre 1896. Belle-sœur du célèbre poète Maïakovski, elle entretiendra tout au long de sa vie d’étroits contacts avec sa sœur, Lili Brick. Depuis toute jeune, elle a fréquenté les milieux intellectuels de la capitale russe ainsi que le groupe futuriste.
Elle se marie en 1919 avec un Français, André Triolet, avec lequel elle séjournera l’année suivant leur mariage à Tahiti. En 1921, elle le quitte et part vivre à Londres et Berlin.
C’est en 1928, au café «La Coupole» à Paris, qu’elle rencontre Louis Aragon dont elle ne se séparera plus. Son premier roman écrit en français s’intitule «Bonsoir Thérèse». Par la suite, elle fera également la traduction en français des œuvres de Maïakovski et Tchékhov, et elle traduira aussi des romans d’Aragon en russe. C’est en février 1939 qu’elle se marie avec Aragon. Pourquoi si tard? Rappelons qu'à la veille de la seconde guerre mondiale, il était très dangereux d'être russe et juive.
Durant les années 1942 à 1944, ils seront tous deux résistants dans la zone Sud. Soutenant Aragon dans ses combats, elle n’a cependant jamais été membre du parti communiste. C’est également en 1945 qu’elle obtient le prix Goncourt pour son recueil de nouvelles «Le Premier accroc coûte 200 francs» Faisant partie du C.N.E (Comité national des écrivains), elle s’occupera pendant plusieurs années à promouvoir la lecture ainsi que la vente des livres.
Aragon et Elsa feront tout au long de leur vie des voyages dans les pays socialistes, et les allers-retours Paris-Moscou seront fréquents.
De santé fragile, Elsa meurt d’un arrêt cardiaque le 16 juin 1970 dans leur propriété du Moulin de Villeneuve à St-Arnoult dans les Yvelines. Elle y sera enterrée, selon ses vœux.
Peu après, Aragon léguera la totalité des lettres, manuscrits et autres documents personnels d'Elsa au CNRS. (Centre national de la recherche scientifique)
Petite biographie de Louis Aragon
Louis Aragon est né probablement du côté de Toulon le 3 octobre 1897. Il est le fils illégitime de Marguerite Toucas et d’un homme politique célèbre, Louis Andrieux, notable, ex-procureur de la république (à Lyon, lors de la Commune de 1871), puis député, préfet de police et ex-ambassadeur de France en Espagne.
Pendant des années, il vit dans le mensonge, car sa mère se fait passer pour sa sœur, sa grand-mère, pour sa mère adoptive, ses tantes pour ses sœurs et son père pour son parrain. Il comprendra seulement au bout d’un certain temps, qui est cet homme qu’il rencontre régulièrement avec sa «sœur».
Tout petit déjà, le jeune Louis dicte à ses «sœurs» de petits récits. Il est passionné de lecture et fréquente assidûment la librairie d’Adrienne Monnier après l'obtention de son bac. Après son baccalauréat latin-sciences et de brillantes études, il s’inscrit à la faculté de médecine. Mobilisé en 1917, il suit des cours de médecine au Val de Grâce à Paris où il rencontre André Breton avec qui il se lie immédiatement d'une amitié profonde.
Il est ensuite nommé médecin auxiliaire et part au front en 1918. C'est juste avant son départ que sa mère lui apprend très officiellement la vérité sur ses origines. Il fondera par la suite le mouvement surréaliste, avec André Breton et Philippe Soupault
En 1920, il publie son premier recueil de poésies, «Feu de joie».
C’est en 1922, et malgré l’opposition des siens qu’Aragon renonce définitivement à la médecine, au profit de sa carrière littéraire.
En 1927, Aragon s’inscrit au parti communiste, comme beaucoup de ses amis de l’époque. Une année plus tard, au café «La Coupole» à Paris, il rencontre Elsa dont il ne se séparera plus et avec laquelle il se mariera en 1939.
En 1932, Aragon rompt avec le mouvement surréaliste, suite à de multiples différends qui se sont aggravés au fil du temps.
En 1943-1944, Aragon a, quasiment seul, fait un journal de Résistance intitulé «Les Etoiles». Ce journal eut 17 numéros sur 14 mois.
Lors de la seconde guerre mondiale, Aragon et Elsa poursuivront leur combat dans la résistance, tout en continuant leurs œuvres littéraires.
Ils créent ensemble le Comité National des Écrivains pour la Zone Sud, et en 1944, fondent le journal «La Drôme en Armes» (5 parutions du 10 juin au 6 septembre 1944). Aragon écrira sous des pseudos, tel que François la Colère ou Arnaud de Saint-Roman, des poèmes appelant à la lutte contre l'occupant. Par ailleurs, Aragon recevra la Médaille Militaire et sa deuxième Croix de guerre, le récompensant pour ses nombreux actes de courage, la première, datant de 1918.
Après la mort d’Elsa en 1970, il continuera son œuvre poétique et politique. C’est Jean Ristat, poète et écrivain, également désigné par Aragon exécuteur testamentaire, qui lui fermera les yeux le 24 décembre 1982.
Aragon repose aux côtés d’Elsa dans leur propriété à Saint-Arnoult dans les Yvelines.
Parcours de Louis Aragon en dates
1927 : Membre du Parti communiste
1933- 1939 : Secrétaire de rédaction puis membre du comité directeur de la revue Commune
1936-1939 : Secrétaire général de la «Maison de la Culture»
1937-1939 : Secrétaire général de l'Association internationale des écrivains pour la Défense de la Culture
1947-1953 : Directeur de Ce soir (il avait déjà eu ce poste avant la guerre)
1950 : Membre suppléant du Comité central du PCF
1954 : Membre titulaire du CC (Comité Central)
1957 : Président du C.N.E (Comité national des écrivains)
1953-1972 : Directeur des Lettres françaises
1957 : Prix Lénine de littérature
Source : Populus
Les Yeux d'Elsa
Tes yeux sont si profonds qu'en me penchant pour boire
J'ai vu tous les soleils y venir se mirer
S'y jeter à mourir tous les désespérés
Tes yeux sont si profonds que j'y perds la mémoire
À l'ombre des oiseaux c'est l'océan troublé
Puis le beau temps soudain se lève et tes yeux changent
L'été taille la nue au tablier des anges
Le ciel n'est jamais bleu comme il l'est sur les blés
Les vents chassent en vain les chagrins de l'azur
Tes yeux plus clairs que lui lorsqu'une larme y luit
Tes yeux rendent jaloux le ciel d'après la pluie
Le verre n'est jamais si bleu qu'à sa brisure
Mère des Sept douleurs ô lumière mouillée
Sept glaives ont percé le prisme des couleurs
Le jour est plus poignant qui point entre les pleurs
L'iris troué de noir plus bleu d'être endeuillé
Tes yeux dans le malheur ouvrent la double brèche
Par où se reproduit le miracle des Rois
Lorsque le coeur battant ils virent tous les trois
Le manteau de Marie accroché dans la crèche
Une bouche suffit au mois de Mai des mots
Pour toutes les chansons et pour tous les hélas
Trop peu d'un firmament pour des millions d'astres
Il leur fallait tes yeux et leurs secrets gémeaux
L'enfant accaparé par les belles images
Écarquille les siens moins démesurément
Quand tu fais les grands yeux je ne sais si tu mens
On dirait que l'averse ouvre des fleurs sauvages
Cachent-ils des éclairs dans cette lavande où
Des insectes défont leurs amours violentes
Je suis pris au filet des étoiles filantes
Comme un marin qui meurt en mer en plein mois d'août
J'ai retiré ce radium de la pechblende
Et j'ai brûlé mes doigts à ce feu défendu
Ô paradis cent fois retrouvé reperdu
Tes yeux sont mon Pérou ma Golconde mes Indes
Il advint qu'un beau soir l'univers se brisa
Sur des récifs que les naufrageurs enflammèrent
Moi je voyais briller au-dessus de la mer
Les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa
Louis Aragon
Extrait de "Les Yeux d'Elsa"
édition Séghers.
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08/07/2013
GERDA TARO, L’ETERNELLE JEUNESSE !
1911-1937, journaliste reporter de Ce Soir, tuée en juillet 1937, sur le Front de Brunette, Espagne, dans l’exercice de sa profession.
Sur sa tombe, au Père Lachaise, cette stèle enlevée par la préfecture de Paris en 1942 parce que la référence à la guerre d’Espagne était considérée comme une insulte à la politique de collaboration était rappelée en quelques mots qui était Gerda Taro.
A côté de la stèle une petite statuette représentant Horus, le dieu oiseau, symbole de la vie et de la résurrection dans l’Egypte ancienne porte à cette combattante, cette journaliste photographe exceptionnelle l’éternelle jeunesse.
Louis Aragon, le directeur de ce Soir sur sa tombe, avec à ses côté Pablo Neruda, le futur prix Nobel de Littérature, et Paul Nizan, le jour de son enterrement précisait que pour ce voyage, pour l’éternité « toutes les fleurs du monde s’était donné rendez vous ». Quel bel hommage…
Capa, son ami photographe et dans la vie, créateur de l’agence Magnum, l’a immortalisé quelques jours avant , avec une photo où Gerda Taro est accroupie sur une borne. Prédilection ?
Sur cette borne est inscrit PC, un clin d’œil aux idées de Gerda, très proche du Parti communiste, mais qui en réalité signifiait « partido communal », c’est-à-dire limite de la commune.
GERDA TARO : LA PREMIERE FEMME REPORTER DE GUERRE
Gerda Taro a été considéré comme la première femme photographe reporter de guerre, la première aussi tué au combat , mais d’autres femmes aussi l’avaient précédés dans des missions difficiles.
Marie Claude Vailland Couturier pour Vu, Regard, et l’Humanité avaient aussi réalisés des reportages photographiques périlleux en Allemagne des 1933, deux mois après l’accession d’Hitler au pouvoir ou elle avait réalisé clandestinement les clichés des camps d'Oranienburg et de Dachau, publiés à son retour en France, et également en Espagne en suivant les Brigades internationales.
Déporté à Auschwitz en 1943 pour faits de résistance, rescapée des camps de la mort, Marie Claude Vaillant Couturier sera élue députée communiste pratiquement sans discontinuer de 1945 à 1973.
Kati Horna, hongroise d’origine, 25 ans aussi avait aussi réalisé un reportage photos pour le compte du gouvernement Républicain espagnol en 1937.
Tina Modotti, communiste convaincu était aussi venue en Espagne et avec cette conviction qui sûrement était partagée par Gerda Taro qu’elle avait encontre souvent : « La photographie est faite pour enregistrer la vie objective dans toutes ses manifestations. Si l’on ajoute la sensibilité, la compétence du sujet, en ayant une idée claire de la place qu’elle doit occuper dans l’Histoire, je crois Qu’elle est digne de jouer un rôle dans la révolution sociale à laquelle nous devons contribuer ».
Tina Modotti est morte en 1942, au Mexique dans des conditions inexpliquées.
Gerda Taro partageait bien aussi, le même idéal éthique et probablement politique que Marie Claude Vaillant Couturier. Pour elles l’expression de Robert Capra qui disait « Dans une guerre, il faut détester ou aimer quelqu’un, en tout cas prendre position, sinon on ne supporte pas ce qui se passe » avait tout son sens.
Gerda Taro avait pris position, clairement pour les Républicains Espagnols dans ses reportages et dans la vie et pour le Front Populaire en France.
Née le 1er aout 1910, à Stuttgart, en 1933, à 23 ans elle est arrêtée avec l’arrivée de Hitler au pouvoir pour avoir distribué des tracts anti-nazis. Elle est libérée quelques jours plus tard en faisant valoir son passeport polonais. Elle part ensuite en France.
Elle vit quelques temps à Paris, devient secrétaire de l’agence Allianc-Photo où elle rencontre Robert Capa qui la forme à la photographie et qui deviendra son ami.
Gerda Taro ( de son vrai nom Gerda Pohorylles) s’inscrit à l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires (Aear, proche du PCF), alors dirigée par Louis Aragon.
Elle est remarquée pour sa beauté naturelle ( la « pequeña rubia » - la petite blonde) comme le disait amicalement les espagnols, son intelligence, sa culture, sa spontanéité.
Aimant passionnément la vie, sentant sans doute son éphémérité, elle était qualifié par Hemingway de «putain» lui qui a collectionné les conquêtes féminines toute sa vie, mais il est vrai que ce mot n’a pas d’équivalent chez les hommes.
En 1936, au déclenchement de la guerre civile elle se rend en Espagne, où comme le disait avec juste raison, Louis Aragon elle s’est conduit en « héroïne » apportant son soutien et son encouragement aux soldats républicains et aux civils et effectuant des reportages photographiques exceptionnels dans les zones de guerres les plus dangereuses pour porter témoignage dans le monde entier de cette tragédie qui préparait la deuxième guerre mondiale.
C’est en effectuant un de ces reportages qu’elle meurt le 25 juillet 1937 après avoir été heurté par un tank près de Brunete alors qu’elle était sur un marchepied d’une voiture où elle était montée pour quitter le village tombé aux mains des insurgés fascistes sur une la route de Brunete à Madrid, alors que les Stuka et les Heikel allemands de la Légion Condor bombardaient sans relâche les troupes républicaines.
En la ramenant à Madrid grièvement blessée pour ces dernières heures l’infirmière américaine présente a témoigné de ces derniers mots : « Est-ce que mes appareils (caméras) sont cassés ? Ils sont neufs. Est-ce qu’ils sont bien là ? ».
Son appareil de photo c’était son arme, plus puissant et efficace qu’un fusil-mitrailleur, qu’un stuka, témoignage pour l’histoire et l’éternité de la barbarie humaine, fasciste et nazie et de la souffrance d‘un peuple.
C’est le 1er aout 1937, le jour de ces 27 ans qu’elle est enterrée au Père Lachaise à Paris.
Pour écrire cet article j’ai utilisé plusieurs sources et notamment les écrits de François Maspéro dans son livre « L’ombre d’une photographe, Gerda Taro », publié au Seuil et que je vous recommande
Photos Capa, Gerda Taro, Anonyme
14:51 Publié dans Biographie, International, Occupation, Photos, Résistance | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gerda taro, espagne, guerre civile, ce soir, aragon, capa | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook |