28/05/2017
« Le Moyen Âge rêvé est une soupape de sécurité dans le monde moderne »
Propos recueillis par Maxime Lerolle, Humanite.fr
Entretien. À l’occasion de la cinquième édition du festival Bobines et Parchemins, William Blanc, historien du médiévalisme et l’un des organisateurs du festival, revient sur les lectures idéologiques du Moyen-Âge dans le cinéma contemporain.
L'édition de Bobines et Parchemins à eu pour thème le Roi Arthur au cinéma, et vous-même avez récemment publié Le Roi Arthur, un mythe contemporain, qui passe au crible ses adaptations depuis le XIXe siècle. Quelles en sont les lectures dominantes ?
William Blanc. Le cinéma anglo-saxon, où Arthur est très populaire, oscille entre deux tendances. D’un côté, il considère la Table Ronde comme une pré-démocratie et une image du melting-pot américain. Des films comme Le Roi Arthur d’Antoine Fuqua (2004) intègrent des gens issus de la diversité, comme Lancelot (Ioan Gruffudd), un guerrier sarmate, et des femmes combattantes, telle Guenièvre (Keira Knightley). De l’autre, il porte souvent un discours ultra-libéral. Cette histoire d’un homme qui gravit les échelons pour atteindre la royauté correspond à l’imagerie du self-made-man. Mais dans les années 60 et 70, le mythe arthurien était beaucoup plus ancré à gauche. Les mouvements hippies se revendiquaient d’un Moyen Âge contestataire contre les oppressions du monde moderne. Un film comme Knightriders (George Romero, 1981, projeté au festival dimanche soir) garde ce caractère subversif. À la même époque, il y avait une connexion entre le mythe arthurien et le mythe kennedien : Arthur offrait au président l’image idéale d’un jeune roi réformateur.
Dans quelle veine s’inscrit la nouvelle version de Guy Ritchie (en salles ) ?
William Blanc. Le Roi Arthur : La Légende d’Excalibur intègre les minorités ethniques : Arthur (Charlie Hunnam) a pour alliés un maître du kung-fu et le chevalier Bedivere (Djimon Hounsou), devenu Africain. Il reprend également l’image du self-made-man : comme Rocky, Arthur accède au trône par la seule force de l’entraînement physique et de la volonté. Enfin, il oppose de manière manichéenne Bien et Mal, avec la démocratie – libérale – d’un côté et la dictature de l’autre, comme dans la version de Fuqua, où les Saxons étaient des nazis avant l’heure.
Y a-t-il d’autres figures médiévales qu’Arthur aussi prisées par le cinéma ?
William Blanc. Pas vraiment. Dans une moindre mesure, Robin des Bois et Jeanne d’Arc, mais Arthur est vraiment la figure médiévale par excellence. Son succès tient au caractère très plastique du mythe : il court de la Table Ronde reconstituée par Himmler aux écolos hippies des années 70 ! De nos jours, Arthur est beaucoup plus populaire qu’au Moyen Âge, où il se cantonnait aux seules cours aristocratiques européennes. À présent, du fait de sa grande popularité dans le cinéma américain et de la popularité de ce cinéma à l’échelle planétaire, on retrouve ce mythe absolument partout. D’une certaine manière, le Moyen Âge rêvé sert de soupape de sécurité face aux problèmes du monde moderne.
Avec l’émergence des populismes de droite, assiste-t-on au retour de films nationalistes ?
William Blanc. C’est plutôt l’inverse. Historiquement, le médiévalisme en tant que discours critique envers le monde moderne a été porté par l’extrême-gauche. Aujourd’hui encore, Pablo Iglesias a dirigé un ouvrage sur Game of Thrones ! Le médiévalisme américain a beau être machiste et guerrier, il n’est pas nationaliste. On trouve peut-être de tels films en Russie, en Pologne ou en Hongrie, mais ils n’ont pas la portée des productions américaines. Quant au Front National, on observe plutôt un déclin de Jeanne d’Arc, mise de côté par les cadres du parti.
Quelle a été l’ambition du festival Bobines et Parchemins ?
William Blanc. D’abord de mêler des films connus et inconnus du grand public, et ensuite de les commenter. Par un jeu de miroir inversé vis-à-vis du Moyen Âge, ces films disent quelque chose de nous.
11:03 Publié dans Histoire insolite, L'Humanité, Moyen âge | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : moyen âge, cinéma | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook |
27/09/2013
LE CINEMA SOUS L'OCCUPATION
La défaite de 1940 semblait devoir être fatale à un cinéma français qui avait déjà vu sa production réduite de près de la moitié en 1939. De nombreux acteurs et réalisateurs s'expatrient.
Jean Renoir, René Clair, Charles Boyer, Jean Gabin, Michèle Morgan rejoignent Julien Duvivier à Hollywood. Jacques Feyder se replie en Suisse.
Les Allemands s'installent à Paris et le flot de leurs films envahit les écrans. Goebbels défini la ligne de conduite : "Notre politique en matière de cinéma doit être identique à celle des Etats Unis envers l'Amérique du Nord et du Sud. Nous devons devenir le pouvoir cinématographique dominant sur le Continent Européen. Dans la mesure où des films seront produits dans d'autres pays ils devront garder un caractère purement local. Nous avons pour but d'empêcher, autant que possible, la création de toute industrie nationale du Cinéma". (1)
Pourtant malgré la création d'une société de production allemande, la Continental, les Nazis échouèrent.
Goebels se déclara ainsi furieux après la diffusion de la "Symphonie Fantastique", inspirée par la vie et l'oeuvre de d'Hector Berlioz de Christian-Jacque, produit par la Continental. "Je suis furieux que nos bureaux de Paris montrent aux Français comment représenter le nationalisme dans leurs films. J'ai donné des directives très claires pour que les Français ne produisent que des films légers, vides, et si possible, stupides. Je pense qu'ils s'en contenteront. Il n'est pas besoin de développer le nationalisme."
Paradoxalement la période de 1940-1944 apparait encore aujourd'hui comme un "âge d'or" pour le cinéma français qui, débarrassé de la concurrence américaine et contraint de composer avec lea censure de l'occupent, du trouver de nouvelles sources d'inspiration et aborder de nouveaux sujets qui rencontrèrent des succès auprès du public.
Deux cents films furent ainsi produits durant ces quatre ans dont plusieurs marquent l'histoire du cinéma :
- La Fille du Puisatier de Marcel Pagnol, Volpone de Jacques de Baroncelli, Les Inconnus dans la Maison d'Henri Decoin, La Nuit Fantastique de Marcel l'Herbier, Les Visiteurs du soir de Prévert et Marcel Carné, Goupi mains rouges de Jacques Becker, et bien d'autres comme L'Assassin habite au 21, Lumière d'été, Le Corbeau, L'éternel retour, Le Ciel est à vous et Les Enfants du Paradis.
(1) Journal intime du Dr Goebbels retrouvé après son suicide et la défaite d'Hitler
LAISSER PASSER !
Un film réalisé par Bertrand Tavernier en 2002 retrace cette période de l’histoire du cinéma
Avec Jacques Gamblin, Denis Podalydès, Christian Berkel plus
A Paris, le 3 mars 1942, sous l'Occupation allemande, deux hommes voient leurs destins se croiser et s'entremêler.
D'un côté, Jean-Devaivre, un assistant-metteur en scène, trouve le moyen de camoufler ses activités clandestines de résistant en travaillant pour la Continental, une firme cinématographique allemande dirigée par le Docteur Greven et qui produit des films français depuis 1940.De l'autre, Jean Aurenche, un scénariste-poète, refuse de travailler pour les Allemands et s'engage par la plume dans une lutte héroïque contre l'envahisseur nazi.
Critique de Jean Roy publié par l’Humanité
Le résultat est un film à l'ambition évidente mais discrète, ni poussiéreux ni clinquant, simplement moderne, un très beau film qu'il ne faut surtout pas manquer.
17:20 Publié dans Cinéma, Culture, Occupation, Vidéo | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, occupation, le corbeau, les enfants du paradis | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook |
19/05/2013
LE FESTIVAL DE CANNES EN CINQ ETAPES !
1-La création du festival est un geste politique d’opposition aux fascismes.
A la fin des années 30, la France refuse de laisser les gouvernement fascistes Allemand et Italien faire de l’entregent pour placer leurs productions à la Mostra de Venise. Alors que Goebbels inaugure le festival transalpin, Jean Zay, alors Ministre de la Culture, décide de créer un Festival International du film en France. En 1939, et alors que le film de propagande Nazi Les Dieux du Stade, de Lena Riefenstahl a remporté un prix à Venise l’année précédente, Louis Lumière accepte de devenir le premier Président du festival, qui se déroulera à Cannes en septembre. La première édition de ce qui deviendra le plus grand festival de Cinéma du monde est prête, adoubée par l’un des inventeur du 7e Art.
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2-Les Nazis ont empêché la première édition du festival.
Cette première édition est largement soutenue par les gouvernements Français, Britannique et Américain, qui voient là le moyen d’empêcher les fascistes d’imposer leurs vues sur le cinéma Européen. Christian-Jaque, Julien Duvivier et Jacques Feyder, entre autre, représenteront la France. Hollywood, alors en pleine âge d’or, n’y va pas de main morte, avec rien moins que Victor Fleming (Le Magicien d’Oz), Cecil B. DeMille et Sam Wood envoyés par les studios pour montrer que l’American Dream n’est pas qu’un mythe. Mieux, la Metro-Glodwyn Meyer affrète un paquebot rempli de stars (Tyrone Power ou Gary Cooper par exemple), et les Américains prévoient de lancer des fêtes dantesques. Notamment en projetant de construire une réplique de Notre-Dame de Paris sur la plage de Cannes (!!!).
Seulement, le 1er septembre 1939, date d’ouverture de la compétition, les troupes d’Hitler envahissent la Pologne.La Seconde guerre Mondiale est sur le point de commencer, le premier Festival de Cannes est annulé. Une raison de plus de détester les Nazis.
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3- La CGT est l’un des membres fondateur du Festival de Cannes.
En 1946, le Ministère de la Culture, à peine remis sur pieds, souhaite relancer le festival, mais manque de fonds. C’est finalement en la CGT, alors toute puissante, qu’elle trouve un allié de poids! La ville de Cannes et le gouvernement complètent le financement de cette première édition.
Pourtant, alors que l’évènement est un grand succès, le Ministère refuse d’apporter de l’argent pour un second round, l’entreprise étant jugée trop chère pour devenir annuelle. Dans la précipitation, la CGT décide d’aligner les billets pour la construction d’un Palais des Festivals, qui accueillera l’édition de 1947.
Aujourd’hui encore, la CGT siège au conseil d’administration de l’évènement. D’ailleurs, pour la 60e édition, Bernard Thibault, dirigeant du syndicat, est invité aux festivités, et déclare saluer la volonté de « marquer sa fidélité à l’histoire d’un Festival où la CGT est presque chez elle, même s’il a beaucoup changé ». On rappelle que le tapis du Festival est rouge.-
4-1959 : Nouvelle Vague et Marché du Film
En 1959, François Truffaut remporte le Prix de la Mise en Scène pour Les 400 coups, tandis qu’Alain Resnais présente en section parallèle Hiroshima mon amour. La Nouvelle Vague est adoubée par le Festival et ne tardera pas à laisser des traces durables dans le Cinema Mondial, notamment aux Etats-Unis où elle inspirera les réalisateurs du Nouvel Hollywood (Spielberg, Scorsese, Lucas, Coppola et les autres).
C’est cette même année qu’est lancé le premier Marché du Film, où producteurs et distributeurs négocient l’achat de leurs films. Il deviendra le premier marché du cinéma du monde, avec celui de Los Angeles. 1959, symbole de l’opposition du Cinema d’Artiste et du Cinéma Commercial. Et cette année, Jean-Luc Godard, dieu de la Nouvelle Vague, présentera son film en 3D.
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5- Mai 68 : les pavés et la plage.
Moins de 10 ans après, on retrouve Truffaut, Resnais et Godard, mais aussi Polanski, Lelouch, Claude Berri, Louis Malle et Jean-Pierre Léaud en croisade sur la Croisette. La colère gronde en France, et les cinéastes de la Nouvelle vague, ainsi que leurs collègues internationaux (Milos Forman, Carlos Saura) veulent montrer leur solidarité avec les mouvements étudiants étudiants.
Résultat : André Malraux, Ministre de la Culture, démet Henri Langlois de son poste de directeur de la Cinémathèque. Les hostilités sont lancées, et les artistes décident de pirater le festival. Resnais et d’autres cinéastes retirent leurs films de la compétition, et le Festival subit les assauts des plus engagés. Après 8 jours chaotiques, le Festival ferme ses portes. Le film d’ouverture était "Autant en Emporte le Vent".
Extrait de l'article publié par Cinemoustache
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11:58 Publié dans Actualité, Cinéma, Culture, International, Occupation | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : festival de cannes, cinéma, cgt, occupation | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook |