27/09/2013
LE CINEMA SOUS L'OCCUPATION
La défaite de 1940 semblait devoir être fatale à un cinéma français qui avait déjà vu sa production réduite de près de la moitié en 1939. De nombreux acteurs et réalisateurs s'expatrient.
Jean Renoir, René Clair, Charles Boyer, Jean Gabin, Michèle Morgan rejoignent Julien Duvivier à Hollywood. Jacques Feyder se replie en Suisse.
Les Allemands s'installent à Paris et le flot de leurs films envahit les écrans. Goebbels défini la ligne de conduite : "Notre politique en matière de cinéma doit être identique à celle des Etats Unis envers l'Amérique du Nord et du Sud. Nous devons devenir le pouvoir cinématographique dominant sur le Continent Européen. Dans la mesure où des films seront produits dans d'autres pays ils devront garder un caractère purement local. Nous avons pour but d'empêcher, autant que possible, la création de toute industrie nationale du Cinéma". (1)
Pourtant malgré la création d'une société de production allemande, la Continental, les Nazis échouèrent.
Goebels se déclara ainsi furieux après la diffusion de la "Symphonie Fantastique", inspirée par la vie et l'oeuvre de d'Hector Berlioz de Christian-Jacque, produit par la Continental. "Je suis furieux que nos bureaux de Paris montrent aux Français comment représenter le nationalisme dans leurs films. J'ai donné des directives très claires pour que les Français ne produisent que des films légers, vides, et si possible, stupides. Je pense qu'ils s'en contenteront. Il n'est pas besoin de développer le nationalisme."
Paradoxalement la période de 1940-1944 apparait encore aujourd'hui comme un "âge d'or" pour le cinéma français qui, débarrassé de la concurrence américaine et contraint de composer avec lea censure de l'occupent, du trouver de nouvelles sources d'inspiration et aborder de nouveaux sujets qui rencontrèrent des succès auprès du public.
Deux cents films furent ainsi produits durant ces quatre ans dont plusieurs marquent l'histoire du cinéma :
- La Fille du Puisatier de Marcel Pagnol, Volpone de Jacques de Baroncelli, Les Inconnus dans la Maison d'Henri Decoin, La Nuit Fantastique de Marcel l'Herbier, Les Visiteurs du soir de Prévert et Marcel Carné, Goupi mains rouges de Jacques Becker, et bien d'autres comme L'Assassin habite au 21, Lumière d'été, Le Corbeau, L'éternel retour, Le Ciel est à vous et Les Enfants du Paradis.
(1) Journal intime du Dr Goebbels retrouvé après son suicide et la défaite d'Hitler
LAISSER PASSER !
Un film réalisé par Bertrand Tavernier en 2002 retrace cette période de l’histoire du cinéma
Avec Jacques Gamblin, Denis Podalydès, Christian Berkel plus
A Paris, le 3 mars 1942, sous l'Occupation allemande, deux hommes voient leurs destins se croiser et s'entremêler.
D'un côté, Jean-Devaivre, un assistant-metteur en scène, trouve le moyen de camoufler ses activités clandestines de résistant en travaillant pour la Continental, une firme cinématographique allemande dirigée par le Docteur Greven et qui produit des films français depuis 1940.De l'autre, Jean Aurenche, un scénariste-poète, refuse de travailler pour les Allemands et s'engage par la plume dans une lutte héroïque contre l'envahisseur nazi.
Critique de Jean Roy publié par l’Humanité
Le résultat est un film à l'ambition évidente mais discrète, ni poussiéreux ni clinquant, simplement moderne, un très beau film qu'il ne faut surtout pas manquer.
17:20 Publié dans Cinéma, Culture, Occupation, Vidéo | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, occupation, le corbeau, les enfants du paradis | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook |
19/05/2013
LE FESTIVAL DE CANNES EN CINQ ETAPES !
1-La création du festival est un geste politique d’opposition aux fascismes.
A la fin des années 30, la France refuse de laisser les gouvernement fascistes Allemand et Italien faire de l’entregent pour placer leurs productions à la Mostra de Venise. Alors que Goebbels inaugure le festival transalpin, Jean Zay, alors Ministre de la Culture, décide de créer un Festival International du film en France. En 1939, et alors que le film de propagande Nazi Les Dieux du Stade, de Lena Riefenstahl a remporté un prix à Venise l’année précédente, Louis Lumière accepte de devenir le premier Président du festival, qui se déroulera à Cannes en septembre. La première édition de ce qui deviendra le plus grand festival de Cinéma du monde est prête, adoubée par l’un des inventeur du 7e Art.
-
2-Les Nazis ont empêché la première édition du festival.
Cette première édition est largement soutenue par les gouvernements Français, Britannique et Américain, qui voient là le moyen d’empêcher les fascistes d’imposer leurs vues sur le cinéma Européen. Christian-Jaque, Julien Duvivier et Jacques Feyder, entre autre, représenteront la France. Hollywood, alors en pleine âge d’or, n’y va pas de main morte, avec rien moins que Victor Fleming (Le Magicien d’Oz), Cecil B. DeMille et Sam Wood envoyés par les studios pour montrer que l’American Dream n’est pas qu’un mythe. Mieux, la Metro-Glodwyn Meyer affrète un paquebot rempli de stars (Tyrone Power ou Gary Cooper par exemple), et les Américains prévoient de lancer des fêtes dantesques. Notamment en projetant de construire une réplique de Notre-Dame de Paris sur la plage de Cannes (!!!).
Seulement, le 1er septembre 1939, date d’ouverture de la compétition, les troupes d’Hitler envahissent la Pologne.La Seconde guerre Mondiale est sur le point de commencer, le premier Festival de Cannes est annulé. Une raison de plus de détester les Nazis.
-
3- La CGT est l’un des membres fondateur du Festival de Cannes.
En 1946, le Ministère de la Culture, à peine remis sur pieds, souhaite relancer le festival, mais manque de fonds. C’est finalement en la CGT, alors toute puissante, qu’elle trouve un allié de poids! La ville de Cannes et le gouvernement complètent le financement de cette première édition.
Pourtant, alors que l’évènement est un grand succès, le Ministère refuse d’apporter de l’argent pour un second round, l’entreprise étant jugée trop chère pour devenir annuelle. Dans la précipitation, la CGT décide d’aligner les billets pour la construction d’un Palais des Festivals, qui accueillera l’édition de 1947.
Aujourd’hui encore, la CGT siège au conseil d’administration de l’évènement. D’ailleurs, pour la 60e édition, Bernard Thibault, dirigeant du syndicat, est invité aux festivités, et déclare saluer la volonté de « marquer sa fidélité à l’histoire d’un Festival où la CGT est presque chez elle, même s’il a beaucoup changé ». On rappelle que le tapis du Festival est rouge.-
4-1959 : Nouvelle Vague et Marché du Film
En 1959, François Truffaut remporte le Prix de la Mise en Scène pour Les 400 coups, tandis qu’Alain Resnais présente en section parallèle Hiroshima mon amour. La Nouvelle Vague est adoubée par le Festival et ne tardera pas à laisser des traces durables dans le Cinema Mondial, notamment aux Etats-Unis où elle inspirera les réalisateurs du Nouvel Hollywood (Spielberg, Scorsese, Lucas, Coppola et les autres).
C’est cette même année qu’est lancé le premier Marché du Film, où producteurs et distributeurs négocient l’achat de leurs films. Il deviendra le premier marché du cinéma du monde, avec celui de Los Angeles. 1959, symbole de l’opposition du Cinema d’Artiste et du Cinéma Commercial. Et cette année, Jean-Luc Godard, dieu de la Nouvelle Vague, présentera son film en 3D.
-
5- Mai 68 : les pavés et la plage.
Moins de 10 ans après, on retrouve Truffaut, Resnais et Godard, mais aussi Polanski, Lelouch, Claude Berri, Louis Malle et Jean-Pierre Léaud en croisade sur la Croisette. La colère gronde en France, et les cinéastes de la Nouvelle vague, ainsi que leurs collègues internationaux (Milos Forman, Carlos Saura) veulent montrer leur solidarité avec les mouvements étudiants étudiants.
Résultat : André Malraux, Ministre de la Culture, démet Henri Langlois de son poste de directeur de la Cinémathèque. Les hostilités sont lancées, et les artistes décident de pirater le festival. Resnais et d’autres cinéastes retirent leurs films de la compétition, et le Festival subit les assauts des plus engagés. Après 8 jours chaotiques, le Festival ferme ses portes. Le film d’ouverture était "Autant en Emporte le Vent".
Extrait de l'article publié par Cinemoustache
-
11:58 Publié dans Actualité, Cinéma, Culture, International, Occupation | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : festival de cannes, cinéma, cgt, occupation | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook |
28/04/2013
VEL D'HIV. Vincennes, 1942 : cent " disparus "
Maurice Rajsfus, historien et témoin nous parle de la rafle, telle qu'elle eut lieu dans une ville de la région parisienne.
Il avait quatorze ans à peine, sa soeur Jenny, seize, le jour où " ils " sont venus. Témoin " atrocement privilégié ", il continue de questionner l'histoire. Elle le renvoie à la sienne propre : Vincennes, 1942, 16 juillet.
Si les finances familiales excluaient tout projet de voyage au-delà du bois, c'était quand même les vacances, les enfants mangeaient à leur faim. " Ils sont venus. " Pas les Allemands. Toute la famille portait alors l'étoile jaune depuis " quarante jours ", la durée, dit-on, du Déluge. Cinq heures du matin n'avaient pas sonné quand la police de Pétain s'est mise à cogner du poing sur la porte du logis : vingt-cinq mètres carrés d'une maison des années trente ; non loin du bois d'où, dit-on, parfois sortent les loups. Mais ceux-là venaient de la ville.
Maurice Rajsfus (1) : " Le problème, pour mes parents comme pour tous les juifs immigrés et une grande partie des juifs français, c'est qu'en octobre 1940, après la première ordonnance allemande obligeant les juifs de la zone occupée à se déclarer dans les commissariats, ils ont obéi. Pourquoi ?
La réponse est simple : rien n'est pire, pour un étranger, que d'être en rupture avec la légalité. Ils ne pouvaient se soustraire, parce qu'ils étaient connus et reconnaissables, ne serait-ce qu'à leur accent : mon père avait fui la Pologne en 1923. Ils ont obéi, parce que ne pas se déclarer, cela voulait dire se cacher, avoir de l'argent (mon père travaillait sur un chantier de travaux publics, depuis qu'on lui avait interdit, en tant que juif, de tenir son commerce sur les marchés) ; se cacher, ça voulait dire changer d'identité, de localité. Ils ont obéi, parce qu'en octobre 1940 tout le monde, à peu près, avait le sentiment qu'on en avait pris pour cinquante ans.
Le malheur, c'est que cette déclaration a permis de constituer des listes qui, à leur tour, ont permis les arrestations de mai 1941, puis la rafle du Vél' d'Hiv'. Les nazis avaient demandé aux responsables de la collaboration de se saisir de 35 000 juifs étrangers. Pour tenir le chiffre, par zèle, ces responsables ont fait embarquer les enfants, ce qui ne figurait pas dans l'ordonnance nazie. " C'est ainsi qu'à Vincennes plus d'une centaine de personnes " disparurent " du jour au lendemain.
On les entassa quelques heures dans un petit pavillon, sorte de " camp de concentration miniature ", avant de les expédier à Drancy, direction Auschwitz.
Pour Maurice Rajsfus, ce fut comme si sa mère avait une seconde fois mis au monde, un autre monde, ses deux enfants : " C'était un centre de regroupement secondaire. Nous y avons passé la journée. Puis un gradé a dit que les enfants de plus de quatorze et de moins de seize ans pouvaient sortir. Ma mère nous fit comprendre qu'il fallait y aller. Son intuition fit que, sur la trentaine d'enfants entassés là, ma sour et moi nous fûmes les seuls à ressortir. Nous sommes partis comme poussés dehors, avec le pressentiment que mieux valait prendre du champ, et vite...
De retour au logement, j'ai voulu récupérer les clés. La concierge n'y était pas. J'ai grimpé à l'étage, trouvé la porte ouverte, la concierge était chez nous. Elle "faisait" les placards. " C'est ainsi qu'à l'automne 1944, le lycéen Maurice Rajsfus ne retrouva pas les bancs d'une classe. Apprenti joaillier, il passa des billes de verre colorées aux pierres précieuses, ce qui n'était pas précisément sa vocation ; tandis que Jenny, sa sour, poursuivait des études qui, évidemment, ne rapportaient pas un centime de salaire...
Plus tard, en 1980, il se mit à écrire. Un nombre assez impressionnant d'ouvrages. Dans les trois derniers publiés, il relate des souvenirs, retourne des archives. Au registre des bons souvenirs, citons une belle tranche de gruyère reçue en pourboire et une rencontre avec l'acteur Michel Simon.
Parmi ceux qui tiennent du cauchemar, il faut citer le jour où il croisa le chemin d'un diamantaire antisémite (Maurice portait toujours l'étoile jaune), qui finit, en guise de " cadeau de Noël " par écraser sur le crâne de l'adolescent affamé un ouf ; et cet autre jour où un " bon Français ", avisant son insigne, lui ordonna de quitter la voiture du métro dans laquelle il s'était engouffré, pressé, pour monter dans la dernière, réservée aux juifs.
Citons, enfin, le crachat reçu d'un officier allemand inconnu, en pleine rue. Maurice Rajsfus, aujourd'hui : " Celui-là, il était plus dans son rôle que le salaud de lapidaire avec son ouf ! " Il évoque aussi la commande reçue un jour par son patron pour une dizaine de bagues en platine ornée de croix gammées en saphirs... Ça réveille en lui sa colère contre les acteurs économiques et industriels profiteurs de guerre : " Ils faisaient comme si la guerre n'était pas passée par là, comme si les Allemands n'étaient pas là.
J'ai retrouvé un document par lequel une célèbre entreprise textile offrait ses services pour la production de 5 000 mètres de tissu destiné à la confection des étoiles jaunes. J'ai aussi retrouvé trace du fondeur qui prépara la forme, et celle de l'imprimeur. Alors que le travail de nuit était interdit sous l'Occupation, j'ai mis la main sur une demande de dérogation envoyée par ces gens-là, pour cause de " commande urgente " !...
Maurice a une pensée particulière pour les personnes qui, non juives, ont porté l'étoile, en signe de solidarité, et se sont retrouvées à Drancy, avec une véritable étoile jaune cousue sur leur vêtement, assortie de la mention " amis des juifs " : " C'était un acte véritable de résistance !
L'un d'eux, Michel Reyssat, m'a prêté un portrait de lui réalisé à Drancy, au mois d'août 1942, par un artiste, David Brainin, disparu en déportation. " Évidemment, Maurice Rajsfus ne porte pas la police française dans son cour : " Ils ont volé des années de vie à mes parents.
Tous ont participé aux rafles quand ils étaient requis. Pratiquement pas un seul n'a démissionné. Si la police française ne s'était pas mise aux ordres, jamais il n'y aurait eu autant de dégâts. Il y a eu 250 000 déportés de France, dont 76 000 juifs, les autres étant, pour l'essentiel, des communistes et des gaullistes... Et que dire de ce policier qui, rendant compte à la préfecture de sa mission, ose écrire, le 22 juillet : " Le Vél' d'Hiv' est évacué. Il restait 50 juifs malades et des objets perdus, le tout a été transféré à Drancy ." Maurice Rajsfus a aussi des colères présentes. "
On commémore, certains à tour de bras, mais on oublie. Surtout, on évite de tirer les leçons, de voir ce qui se passe aujourd'hui. Il y en a, ce qui les intéresse, c'est un certain passé, mais pas le présent. Cela dit sans nier les spécificités. " Maurice Rajsfus continue de questionner l'histoire. Passionnément. Depuis 1942. Ses questions peuvent se résumer en une seule : " M'man, p'pa, pourquoi ? " Elle a des tas de réponses. Aucune n'épuise la question.
Jean Morawski
Maurice Rajsfus a publié trois livres : en janvier, dans la collection Que sais-je ? (PUF), la Rafle du Vél' d'Hiv' ; en février, Paris, 1942, chronique d'un survivant (éditions Noesis, collection Moisson rouge), et Opération étoile jaune, suivi de Jeudi noir (éditions du Cherche Midi).
Témoignage publié dans l’Humanité du 16 juillet 2002
10:01 Publié dans L'Humanité, Occupation, Résistance | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : résistance, occupation, rafle, juifs, vel d'hiv | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook |