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08/02/2025

Il y a 63 ans, Charonne, un crime d'Etat

Le 8 février 1962, une manifestation pour la paix en Algérie se soldait par neuf morts au métro Charonne à Paris et devenait, peu avant la fin de la guerre d’Algérie, un symbole sanglant de la répression d’État sous le général de Gaulle.

C’était il y a 63 ans.

Contexte et déroulement des événements du 8 février

Le drame s’est déroulé le 8 février 1962 à Paris, dans un contexte de tensions exacerbées liées à la guerre d’Algérie (1854-1962). À cette époque, la répression des Algériens en France est particulièrement violente, comme ce fut le cas un an auparavant, alimentée par les actes de l’OAS (l’Organisation de l’armée secrète) qui regroupe des fanatiques de l’Algérie française. Les jours précédents, une série d’attentats avait fait des blessés graves, à l’image de celui visant le ministre André Malraux et qui avait défiguré une fillette de 4 ans.

Ce jour-là, un appel à manifester est lancé par le Comité de liaison des organisations anticolonialistes et des travailleurs algériens, visant à dénoncer les violences policières et à exprimer la solidarité avec le peuple algérien. La manifestation attire des milliers de participants à l’appel du Parti communiste, de la CGT et d’autres organisations. Cependant, les autorités, sous le commandement du préfet de police Maurice Papon, décident de réprimer violemment cette mobilisation interdite au titre de l’état d’urgence en vigueur depuis 1961 (à la suite du putsch raté des généraux à Alger).

Cinq cortèges de manifestants se dirigent vers La Bastille. La police, équipée de matraques et de grenades lacrymogènes, intervient de manière brutale pour disperser les manifestants. La situation dégénère et les forces de l’ordre commencent à pourchasser les manifestants. Les tensions montent alors que des personnes tentent de se réfugier dans la station de métro Charonne fermée par des grilles, ce qui conduit à une bousculade meurtrière.

Conséquences et héritage de la répression

Le bilan de cette journée est tragique. On relèvera 8 morts, dont 3 femmes et un jeune apprenti de 15 ans. Un homme décèdera huit semaines plus tard des séquelles de ses blessures. À l’exception d’une victime, tous sont syndiqués à la CGT et membres du PCF. Les autorités tentent de minimiser l’ampleur des événements, mais la brutalité de la répression suscite une indignation au sein de la population et des médias. 

L’affaire de Charonne devient un symbole des abus du pouvoir. Elle soulève des questions sur la légitimité de la violence policière sous le pouvoir gaulliste et sur le rôle de Maurice Papon, anticommuniste notoire qui sera rattrapé en 1981 par l’histoire pour sa participation à la déportation des juifs lorsqu’il était secrétaire général de la préfecture de Bordeaux et condamné en 1997 pour complicité de crime contre l’humanité. 

Pour l’historien Pierre Vidal-Naquet, décédé en 2006, « c’est le comble de l’absurde. On a du mal à comprendre cette violence de la police alors que le gouvernement est en pleine négociation avec les Algériens (…) Et pourtant, ce fut une répression d’État ; sans doute le gouvernement voulait montrer son autorité et n’avait pas intérêt à ce que les communistes fassent démonstration de force. » Le massacre sera suivi, le 13 février, par un rassemblement de milliers de personnes pour les obsèques des victimes. Leur mémoire est ravivée chaque année par diverses organisations, dont la CGT et le PCF.

 

16:36 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : charonne, crimes | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook |

19/02/2015

Paris, asile des crimes coloniaux

colonies,guerres,crimes,france,parisLe Colonial Tour 2015, organisé par le réseau Sortir du colonialisme, met en lumière les crimes politiques commis dans la capitale.

France, pays des droits de l’homme. Paris, capitale de la liberté, ville refuge des opprimés. Un havre pour tous ceux dont l’engagement fait planer des menaces sur leurs vies. C’est une réalité reconnue. Au cours de l’histoire, combien de poètes menacés, de militants condamnés, de dirigeants exilés ont-ils trouvé asile sur les rives de la Seine ? Et pourtant…

Pourtant : 21 mai 1959, 13, rue Guénégaud, 6e arrondissement. À l’entrée de son cabinet, les autorités expliquent à la femme de l’avocat Amokrane Ould Aoudia que celui-ci est décédé d’un infarctus. Algérien, il était l’un des membres les plus actifs du collectif de défense des militants du Front de libération nationale. Le lendemain seulement, on révélera que l’avocat est mort d’une balle dans le front.
 
Pourtant : 29 octobre 1965, boulevard Saint-Germain, 6e arrondissement. Le fondateur de l’Union nationale des Forces populaires opposées au roi du Maroc Hassan II, Mehdi Ben Barka, chargé de l’organisation de la Tricontinentale qui doit se tenir à La Havane, est abordé par deux policiers alors qu’il se rend à un rendez-vous à la brasserie Lipp. Il les suit sans faire d’histoire jusqu’à leur voiture où l’attendent déjà un agent des services français et un membre identifié du grand banditisme. C’est la dernière fois qu’on le voit. Son assassinat ne fait aujourd’hui plus de doute.
 
 
Pourtant : 8 décembre 1972, 177, rue d’Alesia, 14e arrondissement. Une bombe dissimulée dans sa table de nuit explose, alors que Mahmoud Al Hamchari est alité. Le jeune homme, Palestinien, avait été envoyé trois ans plus tôt en France par Yasser Arafat, afin d’y monter une représentation palestinienne. Il décède des suites de l’attentat le 9 janvier 1973.
 
Pourtant : 4 mai 1978, 4, rue Rollin, 5e arrondissement. Henri Curiel, militant internationaliste ayant grandi en Égypte et disposant d’un réseau étendu, sort de chez lui pour se rendre à un rendez-vous. Depuis quelque temps, il fait le médiateur entre Palestiniens et Israéliens intéressés par la paix. En bas de l’ascenseur, deux hommes l’attendent. Les balles atteignent Henri Curiel à travers la grille.
Il meurt.
 
colonies,guerres,crimes,france,parisPourtant : 29 mars 1988, 28, rue des Petites-Écuries, 10e arrondissement. La militante anti-apartheid Dulcie September, envoyée à Paris pour représenter l’ANC, arrive à son bureau. Elle a récemment été agressée dans le métro. La police lui a refusé une protection. Ce jour-là, elle est attendue sur le palier. Elle meurt de cinq balles dans la tête.
 
Pourtant : 8 novembre 2012, 341, rue des Pyrénées, 20e arrondissement. Nadarajah Mathinthiran quitte le Comité de coordination Tamoul en France, qu’il dirige. Quelque temps auparavant, il a essuyé une agression au sabre. Ce soir-là, ce sont des armes à feu qui ont raison de lui. Il meurt sur le trottoir.
Pourtant : 9 janvier 2013, 147, rue La Fayette, 10e arrondissement. Trois figures du PKK, le parti autonomiste kurde de Turquie, trois femmes emblématiques de trois générations de combattantes, Sakine Cansiz, Fidan Dogan et Leyla Soylemez, sont assassinées par balles, dans leur local du centre d’information du Kurdistan.
 
Cette liste est loin d’être exhaustive. Elle pourrait être complétée d’autres noms, d’autres adresses. Iraniens, Syriens, Algériens, Palestiniens…, ils sont hélas nombreux à être morts à Paris alors qu’ils pensaient y trouver la sécurité.
 
Les affaires citées ci-dessus sont celles choisies par le réseau Sortir du colonialisme, organisateur de la Semaine anticoloniale, pour leur troisième Colonial Tour : une traversée de Paris en autocar, ponctuée d’arrêts en des lieux porteurs d’une partie d’histoire, chaque fois racontée par un grand témoin. Thème cette année : « Paris capitale des crimes coloniaux ».
 
Un but : alerter. Car ces crimes ne sont ni un hasard ni une fatalité. Pour les organisateurs de l’événement, ils sont en fait permis par l’impunité organisée en France. Car aucun des crimes cités dans cet article n’a jusqu’à aujourd’hui donné lieu à la moindre poursuite judiciaire. Et pourtant, les commanditaires de nombre de ces assassinats sont connus. On sait que c’est le Mossad qui a assassiné Mahmoud Al Hamchari sur ordre de Golda Meïr.
 
On sait que le Royaume du Maroc et particulièrement son ministre de l’Intérieur de l’époque, le général Oufkir, seraient derrière la disparition de Mehdi Ben Barka. On sait que le gouvernement d’apartheid sud-africain n’est pas étranger à l’assassinat de Dulcie September, et que ses exécutants sont probablement des mercenaires issus de la bande de Bob Denard.
 
On se doute, car il y a eu des aveux que le gouvernement turc se cache derrière l’éxécution des militantes kurdes… « L’impunité est non seulement intolérable sur le plan moral, mais elle a en plus une conséquence : elle encourage d’autres assassinats politiques. On sait qu’en France, si on décide de procéder de la sorte, on ne risque pas grand-chose », se désole l’avocat Antoine Comte, qui a travaillé sur plusieurs de ces dossiers ultrasensibles. Souvent, il s’est heurté au secret d’État. Parfois, les assassins identifiés avaient été renvoyés dans les pays commanditaires… par les autorités françaises.
 
Alors les militants de Sortir du colonialisme lancent cette année un appel aux autorités pour que « ces crimes ne restent pas impunis ». Hier, alors que l’autocar roulait des lieux d’un crime à un autre, Louis-Georges Tin, président du Cran et membre du réseau, recevait un appel. C’était le cabinet de la garde des Sceaux, Christiane Taubira. La chancellerie recevra vendredi ceux qui continuent d’exiger que la France ne soit plus le « pays des crimes politiques impunis ».
 
Adrien Rouchaleou pour l'Humanité
 
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