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16/04/2017

Julian Grimau, 
la dignité humaine assassinée

Cathy Ceïbe, 19 Avril, 2013, L'Humanité

Grimau Huma.jpgLe 20 avril 1963, le dirigeant communiste est exécuté par un peloton franquiste au terme d’une parodie de justice. Sa réhabilitation reste d’actualité dans une Espagne qui ne veut pas se prononcer sur les crimes de la dictature. Une Espagne qui se refuse à solder les comptes du passé.

Il est des matins de printemps qui n’en sont pas. Comme ce samedi 20 avril 1963, lorsqu’un peloton d’exécution franquiste perfore de trente balles Julian Grimau. Cinquante ans ont passé depuis l’assassinat du dirigeant communiste dans la prison de Carabanchel à Madrid. De ce côté-ci des Pyrénées, des rues et des cités populaires portent ce nom qui résonne encore dans la mémoire des républicains espagnols.

Grimau est un symbole de la répression de la dictature que la générosité d’une mobilisation mondiale ne parviendra pas à sauver. Ce 20 avril 1963, il est allé à la mort avec l’état d’esprit qui fut toujours le sien, « sans attendre d’autre récompense que la conscience tranquille de celui qui a fait son devoir devant sa classe, son peuple, son parti ».

Julian Grimau est né le 18 février 1911 à Madrid. C’est un jeune ouvrier typographe qui voit alors deux Espagne se défier : l’une, réactionnaire, oligarque, dévote, militariste ; l’autre, républicaine, progressiste, agnostique. Il choisit son camp.

Grimau PCE.jpgEn 1931, il rejoint le Parti républicain démocratique fédéral. Le 18 juillet 1936, Franco déclare la guerre à la République. À l’automne, Julian Grimau adhère au Parti communiste d’Espagne (PCE) dont il deviendra, en 1937, secrétaire d’une brigade de police à Barcelone. À la fin de la guerre, il est contraint à l’exil. Il se réfugie alors à Cuba.

De retour en Europe, il participe à Prague, en 1954, au 5e Congrès du PCE, où il est élu membre du comité central que dirige Dolores Ibarruri, la Pasionaria. En 1962, il est élu secrétaire du Parti. Dans la clandestinité, Grimau assume cette lourde et dangereuse responsabilité à Madrid. Le pays, garrotté par le despote, est le théâtre de luttes sociales et ouvrières grandissantes.

Le 7 novembre 1962, il est arrêté dans un bus par deux membres de la police politique. Julian Grimau est alors transféré au sinistre siège de la direction générale de la sécurité (DGS). Pour ceux qui ont foulé la Puerta del Sol, la place épicentre de la capitale, là où se trouve le kilomètre zéro des routes espagnoles, il s’agit désormais du siège du gouvernement de la région autonome de Madrid, dirigé par la droite du Parti populaire (PP). En ce lieu, rien ne rappelle qu’on y a frappé et torturé. Que les cris sortaient des soupiraux. Que les bourreaux ont frappé et défenestré Julian Grimau, sans le tuer. Aucune plaque à la mémoire des combattants de la liberté que l’on a voulu faire taire à jamais. Le PP, ex-Alianza popular fondé par Manuel Fraga, ministre de l’Information et du Tourisme de Franco qui osa déclarer que Grimau s’était jeté dans le vide de manière « inexpliquée », nie encore son terrible passé. Ou l’assume…

Le 18 avril 1963, Julian Grimau est traduit devant un conseil de guerre (procès no 1.601/62). Outre son « activité subversive et sa propagande illégale », on l’accuse de « crimes commis pendant la guerre civile » lorsqu’il dirigeait la tcheka (centre de détention politique) de la rue Barenguer à Barcelone. Une campagne médiatique alimentée par le régime vise à discréditer Grimau, à le faire passer pour « un délinquant de première grandeur au service d’une cause criminelle » : le communisme.

Grimau Unita.jpgLe dossier est vide, et les supposés crimes proscrits. Les manifestations de soutien, elles, gonflent en Europe et en Amérique latine. Digne et courageuse, son épouse, Angela, résiste pour leurs deux fillettes, en se battant pour sa libération. Plus de 800 000 télégrammes arrivent à Madrid pour que cesse la parodie de justice d’une cour martiale dont le « conseiller légal » n’est en possession d’aucun titre juridique ! La dictature veut bâillonner cet homme, image de la lutte antifasciste, dépositaire de l’Espagne, légale, républicaine et égalitaire. Julian Grimau est un héros qu’il faut tuer.

« Ne vous y trompez pas. Ils me fusilleront sans aucune hésitation : ma mort est décidée depuis longtemps. À tous, je vous demande une chose : maintenez votre unité, continuez la lutte pour la liquidation définitive du franquisme », dit-il à ses compagnons de détention avant de tomber sous les balles. Paris, et d’autres capitales grondent de colère contre ce crime d’État. Dans l’Humanité, le poète et communiste espagnol Marcos Ana, qui a passé vingt-trois ans dans les geôles franquistes, déclare : « Avec Julian Grimau, on a voulu assassiner l’esprit même de liberté, de la dignité humaine. »

En 1964, Léo Ferré lui rend hommage : « L’heure n’est plus au flamenco. Déshonoré, Mister Franco. Nous vivons l’heure des couteaux. Nous sommes à l’heure de Grimau. » Un an plus tard, il reçoit à titre posthume la médaille d’or du Conseil mondial de la paix. Cinquante ans plus tard, la réhabilitation de 
Julian Grimau est toujours d’actualité : 
l’Espagne, atrophiée par le silence, se refuse à solder les comptes du passé.

Vers la réhabilitation ?  En 2006, une brèche s’est ouverte. Sur proposition du groupe mixte et particulièrement de la Gauche unie, le Sénat espagnol a approuvé une motion dans laquelle elle enjoignait le gouvernement socialiste de « procéder à la réhabilitation citoyenne et démocratique 
de la figure de Julian Grimau ». Car, officiellement, le dirigeant communiste 
est toujours considéré comme un criminel. 
À l’époque, tous les groupes avaient voté la motion, à l’exception du Parti populaire. L’initiative est tombée aux oubliettes 
de l’histoire. L’exécution de Julian Grimau fut pourtant un crime d’État. Un parmi des milliers d’autres perpétrés par la dictature de Franco. L’anniversaire de son assassinat est l’occasion pour les organisations mémorielles d’exiger 
des autorités l’annulation de tous les procès 
et sentences prononcés par les conseils de guerre et les tribunaux spéciaux du franquisme. C’est à leurs yeux une dette non soldée à l’égard des victimes. C’est aussi une question politique, éthique et de justice.

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25/09/2016

L’entrée des communistes dans la Résistance avant le 22 juin 1941 : la preuve par le sang

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Pierre Chaillan, L'Humanité

résistances,communistes,fusillésUn des premiers actes de résistance dans Paris occupé: le 11 novembre 1940, les lycéens et étudiants bravent l’interdit et manifestent pour commémorer la victoire de la France contre l’Allemagne en 1918. Parmi eux, beaucoup sont venus à l’appel de l’UEC.

Les communistes n’ont pas attendu l’invasion de l’URSS par l’armée nazie pour entrer dans la Résistance. Ils s’organisent à partir de 1940, forment les premiers noyaux clandestins de la Résistance armée. La lecture du dictionnaire des fusillés permet de mesurer la réalité de cet engagement des militants.

Nous sommes en 1940. Marcel Delattre, jeune militant, est arrêté à Bègles (Gironde) suite à une distribution de tracts du Parti communiste clandestin. Interné au camp de Mérignac, il est fusillé le 21 octobre 1941 au camp de Souge. 148 communistes sont arrêtés dans la région bordelaise le 22 novembre 1940. La plupart seront fusillés… Jean Lemoine vit à Romainville (Seine-Saint-Denis). Le 26 avril 1941, il y est interpellé par des policiers français pour « activités de propagande communiste ».

Il est condamné à dix ans de travaux forcés, transféré à la prison de Caen (Calvados). Le 11 mai 1942, il est désigné pour faire partie du contingent d’otages exécutés en représailles d’une action de la Résistance en Seine-Maritime. Recherché pour « menées communistes » et pour avoir participé à la grande grève des 100 000 mineurs du Nord et Pas-de-Calais de mai-juin 1941, Léon Bailleux est fusillé le 14 avril 1942 au fort du Vert-Galant, à Wambrechies (Pas-de-Calais).

Ouvrier tourneur chez Hispano-Suiza, Georges Vigor est interpellé à son domicile le 20 janvier 1941 par des policiers de Gentilly (Val-de-Marne), étant considéré comme un « meneur très actif et dangereux ». Fin septembre 1940, la mairie avait informé le commissariat que l’ouvrier était susceptible de s’occuper d’impression et de distribution de tracts communistes clandestins. Il est fusillé le 15 décembre 1941 à Châteaubriant (Loire-Atlantique).

Ces vies retirées par l’occupant nazi avec l’aide active de l’État vichyssois que l’on retrouve parmi les milliers de biographies de fusillés dans le dictionnaire qui vient de paraître à l’occasion du soixante-dixième anniversaire de la Libération (1) illustrent tragiquement à quel point l’engagement des communistes est considéré comme une menace à anéantir aux premières heures de l’Occupation. Les militants du PCF qui s’organisent dans les premiers réseaux clandestins se voient sévèrement réprimés. Emprisonnés dès 1940, nombreux sont internés. Certains sont exécutés. D’autres, dont de nombreuses femmes, sont déportés…

Force clandestine et Organisation spéciale : l’engagement est total

Au regard de ce travail biographique sans précédent, la thèse qui voudrait que les communistes aient attendu l’invasion de l’URSS le 22 juin 1941 pour entrer en résistance ne tient pas. L’engagement incontestable des militants mené au péril de leur vie dans de nombreuses régions de France et secteurs de travail se trouve mis en lumière. Par dizaines, ils participent ou sont à l’initiative des premières manifestations antinazies et actes de sabotage, comme le note la Gestapo le 21 février 1941 (2). Les communistes pour leur part commencent à se constituer en force clandestine, capable de mener des campagnes de distribution de tracts, de journaux et des attentats.

Au niveau national : Charles Tillon, futur responsable des FTP, lance un appel le 17 juin 1940, les deux dirigeants politiques du PCF Maurice Thorez et Jacques Duclos le 10 juillet de la même année. L’Organisation spéciale (OS) est constituée, elle est chargée de protéger les imprimeries clandestines, ainsi que les responsables pourchassés. À la Libération, l’OS est reconnue « unité combattante à partir d’octobre 1940 ». On en retrouve les acteurs, pour la plupart fusillés entre 1941 et 1942. La liste des noms est trop longue pour qu’ils soient tous énumérés, citons Gaston Carré, Raymond Losserand, Antonin Revéreault, Louis Coquillet, Louis Marchandise, Marcel Viaud…

Autres organisations ayant joué un rôle important dans la lutte armée, les FTPF et les FTP-MOI combattent à partir de mai 1941. En zone occupée ou « libre », les militants dans leur entreprise, leur ville ou village, les anciens des Brigades internationales ayant combattu en Espagne, les étrangers, juifs, Arméniens, antifascistes italiens, ceux de l’Affiche rouge… Là encore, leurs biographies jalonnent le dictionnaire et sont éloquentes. Une preuve irréfutable. Les communistes, par milliers, ont pris une part conséquente à la lutte contre l’occupant et ont subi la répression nazie à partir de 1940 et jusqu’aux dernières heures de la Libération.

(1) Les Fusillés (1940-1944). 
Éditions de l’Atelier, 1 952 pages, 30 euros. 

(2) Lire la France dans la tourmente, 1939-1944, de Roger Bourderon et Germaine Willard. Éditions sociales, 1982.
 
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08/09/2016

L'HUMANITE CLANDESTINE

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huma1942.jpgCe numéro du 24 juillet 1942 est très représentatif des orientations de la résistance communiste, qu’illustrent deux articles : un bref éditorial et l’annonce de l’exécution de Georges Politzer et de Jacques Solomon.

Par Roger Bourderon, Historien

« Du pain et des armes » : Le titre de l’éditorial résume en ce printemps 1942 deux fondements majeurs de la résistance communiste, qu’un article, « L’appel au combat », développe.

Le pain : évoquant l’ampleur des manifestations du 14 Juillet, l’article insiste sur la lutte contre la pénurie alimentaire et le pillage des richesses par les nazis. Il appelle les ouvriers à revendiquer jusqu’à la grève, les ménagères à s’unir et à manifester, les paysans à ne pas donner leurs récoltes « aux boches ». Ces consignes sont en concordance avec la montée du mécontentement (Pétain a parlé en août 1941 du « vent mauvais » qui souffle sur la France) qu’atteste entre autres la manifestation de ménagères rue de Buci le 31 mai 1942 – une autre est en cours d’organisation, rue Daguerre, pour le 1er août.

Les armes : l’article en élargit le sens, qualifiant d’« arme terrible » les sabotages (machines, moteurs, matériel ferroviaires) et la lutte pour empêcher les départs d’ouvriers en Allemagne : en mai, l’occupant exige le transfert dans le Reich d’ouvriers qualifiés, et en juin Vichy accepte le principe de la « Relève », envoi de main d’œuvre contre libération de prisonniers – de fait un marché de dupes. En juin et juillet, l’Humanité dénonce la manœuvre. Dans notre numéro, un autre article, « N’allez pas en Allemagne », exhorte les ouvriers à refuser ce transfert, soulignant que « Mieux vaut lutter en France en hommes libres que travailler en esclaves au pays de la croix gammée ».

Recruter les militants communistes les plus actifs, rôle essentiel de la lutte armée

Une place essentielle est donnée aux francs-tireurs et partisans (le sigle FTP n’apparaît pas encore), structurés en avril 1942 dans la logique de la lutte armée lancée l’été 1941 : prendre des armes à l’ennemi, tuer les « boches » et les traîtres, être ouvert à tous les patriotes, recruter les militants communistes les plus actifs, rôle essentiel de la lutte armée pour que s’ouvre un second front et pour préparer le soulèvement armé de la nation.

Clin d’œil aux gaullistes : l’Humanité du 17 juillet cite parmi les manifestations du 14 Juillet la revue à Londres des « troupes de la France combattante », terme utilisé ce jour-là pour la première fois (au lieu de « France libre ») par de Gaulle attentif aux contacts en cours avec la Résistance intérieure. L’éditorial de notre numéro fait des francs-tireurs « l’avant-garde de la France combattante ». Autre signe : dans l’hommage aux fusillés figure d’Estienne d’Orves (Honoré et non Jean), premier gaulliste exécuté par les Allemands le 29 août 1941. De premiers contacts existent au printemps 1942 entre France libre et PCF, via le colonel Rémy, agissant il est vrai sans mandat. Ils conduiront en janvier 1943 à l’envoi à Londres de Fernand Grenier comme représentant du PCF auprès du général de Gaulle.

Voici des extraits de cet article signé « Le Parti communiste français (SFIC) » : « Jacques Solomon, docteur ès sciences, (…) a été fusillé sans jugement, après avoir été maintenu au secret depuis la date de son arrestation. (…) Georges Politzer, agrégé de philosophie, (…) a été maintenu au secret comme J. Solomon et fusillé aussi sans jugement. (…) Nous saluons avec émotion (leur) mémoire, (…) leurs noms seront inscrits à jamais parmi les noms des héros morts pour la France et le progrès humain, aux côtés des noms de Jean d’Estienne d’Orves, Pierre Semard, Gabriel Péri, Jean Catelas, etc. (…) Nous nous vengerons. »

Arrêtés par la police française le 15 février (Politzer) et le 2 mars 1942 (Solomon), livrés aux Allemands, fusillés le 23 mai, ces deux militants communistes ont lancé la première revue clandestine pour les intellectuels, l’Université libre (novembre 1940), et en février 1941 la Pensée libre, avec Jacques Decour, professeur d’allemand, arrêté le 17 février 1942 et fusillé le 30 mai. Ces revues dénoncent la politique vichyste, fustigent l’idéologie raciste nazie et marquent la naissance de la résistance intellectuelle communiste dans une période où subsistent des contradictions dans la ligne politique (dénonciation de la « guerre impérialiste », libération sociale comme condition de la libération nationale).

La création du Front national de lutte pour l’indépendance par le PCF en mai 1941 et l’agression contre l’URSS en juin clarifient la situation et favorisent l’union des intellectuels refusant l’oppression. En juillet 1941, Aragon lance l’idée d’unir les écrivains autour d’un journal, les Lettres françaises, dont l’élaboration commence avec des non-communistes. Sa sortie, prévue en février 1942 mais stoppée par l’arrestation de son directeur, Jacques Decour, aura lieu en septembre. L’année 1942 est celle de la mise en place du Comité national des écrivains (CNE), dont les Lettres françaises deviennent l’organe en 1943, avec des auteurs de toutes tendances, communistes, comme Paul Eluard ou Elsa Triolet, ou non, comme Jean Paulhan, Jean Guéhenno, François Mauriac, Jean-Paul Sartre, Jean Bruller (Vercors), souvent issus du réseau des éditions Gallimard. Dans le même temps se structurent les résistants d’autres professions intellectuelles, musiciens, artistes, juristes, etc.

Dans l’Humanité du 24 juillet 1942  «  Du pain et des armes. Tel est le cri qu’ont fait retentir les manifestants du 14 Juillet. (…) La résistance ouvrière aux départs en Allemagne s’accentue. Le devoir des ouvriers français est de lutter par tous les moyens afin de ne pas aller travailler pour l’ennemi. Les patriotes français ont pour devoir de renforcer les détachements de francs-tireurs et partisans qui sont, sur le sol de la patrie, l’avant-garde en armes de la France combattante. »

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