06/06/2019
Août 1944: L’opinion des Parisiens lors de la libération de la Capitale
En 1938, Jean Stœtzel, universitaire normalien et agrégé de philosophie crée le premier institut de sondages en France : l’Ifop ou Institut Français d’Opinion Publique qui restera jusqu’en 1963, date de la création de la SOFRES, le seul institut d’enquêtes de l’hexagone.
La naissance de l’Ifop est clairement liée à une influence américaine : professeur détaché à l’Université Colombia de New York de1937 à 1938, Jean Stœtzel y fait la connaissance de George Gallup, à l’origine du lancement -à partir de la campagne présidentielle de 1936 -et de la popularisation des sondages aux Etats-Unis.
Il est séduit par le succès de Gallup et par la méthode utilisée (un échantillon représentatif d’électeurs américains plutôt que des votes de paille tels ceux organisés pendant la campagne électorale par le Literary Digest qui annonçait la défaite de Roosevelt). Il revient en France avec l’idée de la création de l’Ifop et le souhait de voir ses enquêtes publiées dans la presse, à l’instar de celles de George Gallup dans le New York Times.
Aujourd’hui, il ne reste que peu de traces des enquêtes de l’Ifop réalisées dès après la création de l’institut, dans la période 1938-1945.
Néanmoins, au-delà de ces aléas historiques, la naissance de l’Ifop est intimement liée à deux moments historiques au cours desquels les travaux de l’institut ont été révélés au grand public : la crise et les accords de Munich en septembre 1938 puis la libération de Paris en août.
L’enquête menée dans la semaine suivant la libération de Paris marque donc la seconde naissance de l’Ifop et constitue, au regard de ses conditions de réalisation et de certains de ses enseignements sur l’état d’esprit de la population parisienne, un moment historique pour l’institut.D’un point de vue méthodologique, ce sondage a porté uniquement sur la population parisienne, à l’exclusion de la banlieue. Plus de 1000 personnes ont été interrogées du 28 août au 2 septembre 1944 à Paris.
Question : Quelle est votre opinion sur l’importance du rôle des F.F.I. dans la libération de Paris
Importance considérable : 61,9 %
Importance partielle ou secondaire : 29,9 %
Importance très faible ou influence néfaste : 7,4 %
Question : Quelle nation aura le plus contribué à la défaite allemande?
U.R.S.S : 61 %
US.A : .29,3 %
Angleterre : 11,5 %
Les 3 Alliés : 3,5 %
Autres : 3,1 %
Aucune réponse n’était présupposée pour la question. La très grande majorité des personnes interrogées se sont orientées vers l’une des trois puissances alliées, parfois en les associant. Une faible minorité a répondu: «La France», d’autres encore ont cité: «La Suisse», «La Roumanie» et «L’Allemagne elle-même»
Un sondage mené par l’Ifop en mai 1945, sur l’ensemble du territoire français désormais libéré, confirmera le point de vue de la population parisienne (URSS: 57%, Etats-Unis: 20%).
A cet égard, il convient de noter que cette perception de l’opinion publique s’inversera de manière très spectaculaire avec le temps.
En 1994, à l’occasion du cinquantième anniversaire du débarquement allié du 6 juin 1944, l’Ifop réalisa une étude internationale pour Le Monde, CNN et USA Today et posa de nouveau cette question relative à la nation ayant le plus contribué à la défaite allemande: 49% des Français interrogés citèrent les Etats-Unis, 25% l’URSS et 16% la Grande-Bretagne. Un sondage ultérieur mené en 20044accentuera cette tendance avec 58% en faveur des Etats-Unis et 20% seulement pour l’URSS.
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29/08/2017
Le destin de Lise et Artur London est indéfectiblement lié à l’histoire du 20ème siècle
Humanite.fr
Par Catherine Vieu-Charier, Adjointe à la Maire de Paris chargée des questions relatives à la mémoire et au monde combattant et Nicolas Bonnet Oulaldj, Président du groupe Communiste-Front de gauche au Conseil de Paris.
11:08 Publié dans Biographie, Libération, Occupation | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lise london, biographie, paris | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook |
18/10/2016
Ici, la peinture noire s’efface
Aurélien Soucheyre, L'Humanité
L’eau a coulé sous les ponts. Peut-être un peu trop. Certes, la journée d’hier ne se prêtait pas forcément au recueillement. C’est un 17 octobre, que des Algériens furent massacrés à Paris. Alors le dimanche 16, sous le soleil, un sourire aux lèvres, devant une Seine qui scintille, les monuments parisiens, et des arbres encore verts, il y a de quoi être interloqué devant cette question : « Savez-vous ce qu’il s’est passé ici, le 17 octobre 1961 ? » Le petit bout d’été indien et l’interrogation inattendue n’expliquent pourtant pas complètement le flottement des Parisiens et des touristes hexagonaux face à ce douloureux souvenir.
Car la plupart des personnes croisées hier méconnaissaient largement ce que les historiens britanniques Jim House et Neil MacMaster ont qualifié de plus violente répression d’État contemporaine jamais appliquée à une manifestation de rue en Europe occidentale. C’était à cinq mois de la fin de la guerre d’Algérie. Les négociations d’Évian, qui allaient déboucher sur l’indépendance, étaient ouvertes depuis des mois. Mais le climat parisien est exécrable.
Les tensions et les meurtres vont crescendo entre la police et la fédération de France du FLN. Depuis le 5 octobre, un couvre-feu discriminatoire est imposé aux seuls Algériens par le préfet de police, Maurice Papon. Absolument illégal, l’arrêté est ainsi formulé : « Il est conseillé de la façon la plus pressante aux travailleurs algériens de s’abstenir de circuler la nuit dans les rues de Paris et de la banlieue parisienne, et plus particulièrement entre 20 h 30 et 5 h 30 du matin. » Il a pourtant caractère obligatoire.
« J’ai déjà vu l’inscription être repeinte, il n’y a pas si longtemps, puis effacée »
Le 17 octobre 1961, des milliers d’Algériens décident de braver le couvre-feu en manifestant pacifiquement dans Paris. D’un historien à l’autre, entre 30 et 250 d’entre eux seront exécutés par la police. Certains finiront jetés dans la Seine. L’épisode sera très rapidement étouffé, occulté. Par bien des aspects, il n’a toujours pas à ce jour pleinement repris sa place dans l’histoire de la guerre d’Algérie. Pourtant, en 2001, le maire de Paris appose cette plaque, au pont Saint-Michel : « À la mémoire des nombreux Algériens tués lors de la sanglante répression de la manifestation pacifique du 17 octobre 1961. » Et en 2012, le président de la République, François Hollande, déclarait que « la République reconnaît avec lucidité ces faits ».
La plupart des Parisiens, certes croisés au hasard, n’ont que des souvenirs flous devant la plaque du pont Saint-Michel. « Oui, je connais. C’est Charonne », se méprenait Pauline, avant de lancer que « ce jour-là, des manifestants ont aussi été tués dans la station de métro ». L’épisode de Charonne, lui aussi lié à la guerre d’Algérie et à une manifestation pacifique réprimée dans le sang par Maurice Papon, eut lieu le 8 février 1962. Neuf français y perdirent la vie. Au pont des Arts, une plaque célèbre la mémoire des résistants Jacques Lecompte-Boinet, Vercors, et du général de Gaulle dans sa facette la plus glorieuse, celle qui va de 1939 à 1945. Nulle trace du supérieur de Maurice Papon pendant la guerre d’Algérie.
Nulle trace, non plus, d’un souvenir qui offre l’une des plus célèbres persistances au massacre du 17 octobre 1961. Car c’est juste sur la droite du pont des Arts que fut prise la photographie du graffiti : « Ici on noie les Algériens. » « Je connais surtout cette photo, en noir et blanc, avec le lampadaire et l’inscription. Je l’ai déjà vue dans la presse. C’est grâce à elle que j’ai une idée de ce qu’il s’est passé ici », mesure Laurent. À deux pas, sur le muret du quai de Conti que recouvrent les planches vertes des bouquinistes, un habitué rappelle avoir « déjà vu l’inscription être repeinte, il n’y a pas si longtemps, puis effacée ».
Le cliché, capturé par le photographe pour Avant-Garde et l’Humanité Jean Texier, décédé il y a peu, n’avait pas été publié à l’époque. Si la presse vivait sous la menace permanente de saisies et de censures, les deux titres dénoncèrent la répression, respectivement le 25 octobre puis le 7 novembre 1961, évoquant 60 morts. L’occultation d’État prendra néanmoins le pas durant des années, avant de se fissurer. Des romans, dont celui de Didier Daeninckx, des ouvrages historiques, dont celui de Jean-Luc Einaudi, des travaux journalistiques, dont celui de l’Humanité en 1985, date de la première parution de la photo de Jean Texier, font peu à peu bouger les lignes.
L’ouverture du procès Papon en 1997, pour son rôle sous l’Occupation, remettra en lumière son rôle du 17 octobre 1961, sans oublier le travail des associations contre l’oubli, la reconnaissance de la répression par des collectivités, ou encore le film Ici on noie les Algériens, sorti en 2011. Pendant que l’eau coulait sous les ponts, le travail d’histoire et de mémoire montait progressivement. Reste à le partager davantage, pour regarder pleinement l’histoire en face.
16:49 Publié dans Colonies, L'Humanité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : algérie, massacre, paris, 1961 | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook |