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19/06/2023

Le crime d’État contre les Rosenberg

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États-Unis Il y a soixante-dix ans, après un procès inique, le couple de militants communistes, accusé d’avoir transmis des secrets atomiques à l’Union soviétique, périssait sur la chaise électrique.

Le 19 juin 1953, les époux Ethel et Julius Rosenberg sortent de leur cellule de la sinistre prison de Sing Sing dans l’État de New York. Ils sont dirigés vers la chaise électrique où ils périront, après d’interminables convulsions. Leur faute officielle : avoir transmis les secrets de fabrication de la bombe atomique états-unienne à l’Union soviétique. Dignes face à la mort, ils refuseront jusqu’au bout de reconnaître cette culpabilité et de voir fissurer leur amour en se désolidarisant l’un de l’autre, comme on le leur suggérait, en échange d’avoir la vie sauve. Ethel écrit une « lettre à (s)es fils », un texte poignant adressé à ses deux enfants âgés alors de 6 et 10 ans pour leur recommander d’être heureux et de poursuivre son combat.

Deux ans plus tôt, le procès du couple, mené par un juge aux mains de la CIA, avait été une parodie de justice. Les deux militants communistes de 36 ans et 33 ans y avaient été accablés et condamnés à la peine capitale en dépit d’un manque caractérisé de preuves. De multiples recours et un immense mouvement de solidarité internationale ne pourront rien y changer : les autorités politiques et judiciaires états-uniennes resteront inflexibles.

Le crime d’État visait rien de moins que d’installer la géopolitique états-unienne de la guerre froide en faisant taire toute résistance intérieure. Ethel et Julius se battaient depuis des années contre le fascisme, pour la paix et la justice sociale. Et ils soutenaient l’URSS, alors encore auréolée de sa révolution et de sa résistance au nazisme. Il n’en fallait pas plus pour qu’ils soient fichés, surveillés, inscrits parmi « les subversifs » de cette 5e colonne dont le maccarthysme voulait « nettoyer le pays ».

Le tort principal de ces « suspects parfaits » aura été d’avoir lutté de toutes leurs forces militantes contre la stratégie de suprématie militaire globale du Pentagone. La bombe nucléaire, dont l’efficacité pratique avait pu être démontrée sur l’échelle de l’immonde, quelques années plus tôt à Hiroshima et à Nagasaki, en était la clé. Le couple Rosenberg était convaincant. Il fallait le discréditer, le faire taire. Pour l’exemple.

Une Chasse aux sorcières menée par McCarthy

Les familles juives d’Ethel et Julius avaient fui l’Europe centrale et ses pogroms pour se réfugier à New York, dans la ville-monde et ses promesses de liberté. Citoyen des États-Unis, le couple a subi la déraison d’État orchestrée par le sénateur Joseph McCarthy. Soixante-dix ans après, cette mémoire demeure un énorme enjeu. Une chronique s’invite régulièrement dans les médias pour tenter de faire la démonstration de la « culpabilité » du couple, ou pointer insidieusement son rôle. En guise d’argument suprême, certains brandissent, comme le fit jadis l’accusation, les paroles du frère d’Ethel, David Greenglass. Ce personnage était devenu, durant le procès, l’un des principaux témoins à charge. Lui qui avait été arrêté et avait reconnu appartenir à un réseau d’espionnage au service de l’URSS constituait une cible de choix pour les procureurs. Même s’il ne jouait d’évidence qu’un rôle de second plan, il fut longuement « cuisiné » par le FBI. À la suite de quoi il déclara au procès avoir vu sa sœur taper à la machine des documents issus de la base atomique de Los Alamos.

Sordide règlement de comptes intrafamilial, aveux extorqués contre une peine fortement allégée, ou les deux à la fois ? La vérité allait resurgir cinquante ans plus tard, en 2001. Dans une interview télévisée, David Greenglass avouait avoir menti sous serment sur l’activité de sa sœur, tout en précisant curieusement « ne rien regretter ». La figure des Rosenberg comme maîtres espions nucléaires s’écroulait. Elle n’avait, il est vrai, jamais été vraiment prise au sérieux par nombre d’observateurs avertis. Le physicien britannique d’origine allemande Klaus Fuchs ne fut-il pas reconnu, entre-temps, comme l’indiscutable « orchestrateur » des « fuites » atomiques vers l’Union soviétique ?

En 2016, Barack Obama refuse leur réhabilitation

Ignorant ces révélations, de nombreux serviteurs d’une histoire conformiste s’efforcent, jusqu’à aujourd’hui, si ce n’est de justifier le bourreau, au moins de lui reconnaître des circonstances atténuantes. Quant aux autorités états-uniennes, elles continuent de se refuser à la moindre révision d’un procès si manifestement truqué. Les deux orphelins du couple Rosenberg auront tout tenté, leur vie durant, pour obtenir sa réhabilitation. Fin 2016, le plus âgé des deux, à 73 ans, frappe à la porte de la Maison-Blanche dont le locataire est encore un certain Barack Obama. En vain.

L’engagement des Rosenberg au service de la paix était incompatible avec une géopolitique de la guerre froide, redevenue malheureusement si actuelle. Outre la missive à ses enfants, Ethel Rosenberg a écrit juste avant de s’asseoir sur la chaise électrique : « Je ne suis pas seule et je meurs avec honneur et dignité, en sachant que mon mari et moi, nous serons réhabilités par l’Histoire. » Ce combat-là se poursuit, soixante-dix après leur monstrueux assassinat d’État.

19/04/2023

80 ans du soulèvement du ghetto de Varsovie : hommage à la résistance juive

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GHETTO DE VARSOVIE. Il y a 80 ans, les Juifs du ghetto de Varsovie se sont soulevés contre l'oppression nazie, espérant ainsi échapper à la déportation. Résumé de cet épisode tragique de la Seconde Guerre mondiale. 

Ce 19 avril marque le 80e anniversaire de l'insurrection du ghetto de Varsovie qui a débuté le 19 avril 1943. Une cérémonie officielle est organisée en Pologne pour commémorer cet événement qui est resté gravé dans les mémoires comme l'un des actes les plus courageux de la résistance juive pendant la Seconde Guerre mondiale. Durant près d'un mois, les Juifs du ghetto se sont battus avec acharnement contre les forces nazies, malgré leur infériorité en termes d'armement et de moyens. Cette révolte a été une réponse à la politique de déportation et d'extermination menée par les Allemands à l'encontre de la population juive de Varsovie. Elle a également été un symbole de la résistance face à l'oppression nazie. Aujourd'hui, 80 ans après ce soulèvement, découvrez l'histoire du ghetto de Varsovie, où des milliers de personnes ont vécu dans des conditions déplorables.

Le ghetto de Varsovie en résumé

Erigé en 1940 sous l'occupation nazie, le ghetto de Varsovie regroupe la population juive de la capitale polonaise, ainsi que des villes voisines. Dans un premier temps, il comprend près de 138 000 personnes et atteint jusqu'à 439 000 habitants. Les conditions de vie sont déplorables. En plus de la surpopulation, les logements sont insalubres et mal chauffés. A cela s'ajoutent la malnutrition et les problèmes d'approvisionnement en nourriture, ainsi qu'en combustible. Tuberculose, typhus… des épidémies ne tardent pas à se déclarer. Afin d'éviter une contamination aggravée, il est alors nécessaire de ramasser les corps dans les rues pour les regrouper dans des fosses communes. A la mi-1942, les nazis commencent à déporter les Juifs vers les camps de concentration. Le 19 avril 1943, l'OJC (Organisation juive de combat) mène l'insurrection contre les soldats allemands. Malgré la défaite des insurgés, le mouvement a eu un impact notable sur la résistance face à l'occupation nazie.

Source Internaute

04/06/2020

Disparition. Raymond Gurême, la voix des Tziganes s’est éteinte

Nomade deporte.jpgDernier survivant des camps d’internement des nomades créés en 1940 par le gouvernement français, cet ancien résistant et infatigable militant contre le racisme est décédé le 24 mai.

« Toujours debout, jamais à genoux. » Cette phrase, qu’il répétait souvent, résume à elle seule Raymond Gurême. À 94 ans, ce militant contre l’injustice, dernier témoin de l’internement des nomades en France pendant la Seconde Guerre mondiale, est mort le 24 mai dernier. « C’était un personnage très proche des gens, qui avait beaucoup d’humour, de joie de vivre et qui dégageait un charisme et une énergie extraordinaires », se souvient Saimir Mile, porte-parole de la Voix des Roms, dont Gurême était le président d’honneur. Malgré son âge, il était encore présent, le 16 mai dernier, lors du rassemblement annuel en mémoire de l’insurrection tzigane du camp d’Auschwitz-Birkenau, en 1944. Avec son éternel chapeau sur la tête, le petit homme sec aux yeux pétillants y invitait encore les jeunes à « ne pas avoir peur, parce que la peur n’évite pas le danger ».

Témoin d’une histoire oubliée, il n’a cessé, des écoles de France jusqu’au Conseil de l’Europe, de raconter avec humour et générosité ce douloureux passé. « Raymond disait,“ Je ne me bats pas pour une ethnie, mais pour la justice sociale. ” C’est quelqu’un qui n’a jamais accepté d’être opprimé et qui a toujours trouvé le moyen de se libérer », se souvient François Lacroix, membre du Collectif pour la mémoire de l’internement à Linas-Montlhéry. Pour Anina Ciuciu, avocate et auteure de Je suis tzigane et je le reste, « Raymond Gurême voyait l’antitziganisme comme faisant partie d’un tout. C’était quelqu’un du peuple. La misère sociale et toutes les formes de racisme le révoltaient ».

Des évasions à répétition

La vie de Raymond Gurême tient du roman d’aventures. Les premières années de ce fils de forains, né en 1925, évoquent la chanson d’Aznavour, Viens voir les comédiens. La roulotte familiale sillonne la France avec son petit cirque et son cinéma ambulant. « Quand on arrivait dans un village, tous les gosses couraient vers nous en criant joyeusement, “V’là le cirque, v’là le cinéma.” Mon père demandait la permission au maire de s’installer (…) et pas un ne refusait. À cette époque, nous apportions la civilisation dans les petites villes et les villages », a raconté le militant à la journaliste Isabelle Ligner, avec qui il a écrit le récit de sa vie, Interdit aux nomades. Lui aidait son père à rembobiner les films et faisait le clown et l’acrobate.

Mais, le 4 octobre 1940, tout bascule. Des policiers français débarquent chez les Gurême pour appliquer le décret adopté en avril, avant l’occupation allemande, interdisant la libre circulation des nomades. « Ils ont dit : “Remballez votre matériel et suivez-nous.” Et voilà, la misère a commencé. » Ses parents sont pourtant français depuis des générations, son père a même fait la guerre de 1914-1918. Mais la famille est transférée sans ménagement au camp de Darnétal, près de Rouen, puis à Linas-Montlhéry. Un dernier voyage effectué dans des wagons à bestiaux, puis à pied, sous les coups de crosses. « Ça a été terrible. Nous n’avions plus rien, ni pour manger, ni pour nous chauffer dans les baraques. Les gosses tombaient malades, des bébés mouraient… »

De cet enfer, Raymond Gurême s’évadera deux fois. La première, il est rattrapé sur dénonciation du maire de sa commune natale, à qui il avait demandé de l’aide. Après une nouvelle évasion, il file en Bretagne et trouve un emploi de travailleur agricole. Malgré le risque, il voyage plusieurs fois jusqu’à Linas pour apporter à manger à sa famille. Naturellement, il s’engage dans la Résistance, est arrêté, puis envoyé en Allemagne. Là encore, il multiplie les évasions et parvient à rejoindre la France, en 1944, où il réintègre la Résistance et participe à la libération de Paris. Mais, pour le résistant Gurême, il n’y aura ni médaille ni reconnaissance.

Une chape de plomb sur l’histoire

Nomade deporte 2.jpgAlors que les derniers camps nomades ne ferment qu’en juin 1946, Raymond a perdu sa famille de vue. Il lui faudra attendre les années 1950 pour retrouver les siens, partis en Belgique. Quant aux rescapés des camps, l’État français leur a tout pris. Ils n’auront aucune compensation et plongeront dans la misère. « Il n’y a jamais eu un centime de dédommagement. C’est quelque chose qui a créé un passif entre les familles et l’État », analyse François Lacroix. En France, une chape de plomb tombe sur l’histoire des camps tziganes . « En 1976, quand j’ai entendu parler de Linas-Montlhéry pour la première fois par des familles roms, j’ai commencé à poser des questions. Le maire n’était pas au courant et disait qu’il n’y avait aucune archive », se souvient François Lacroix, qui pointe « le silence de la police et des politiques ».

C’est ce silence que Raymond Gurême a voulu rompre. « Mais personne ne voulait nous entendre », disait-il. Au début des années 2000, peu à peu, les archives s’ouvrent et des historiens commencent à travailler sur ces heures sombres. Avec François Lacroix, ils obtiennent la mise en place d’une stèle et d’une cérémonie annuelle sur le site de l’ancien camp d’internement de Linas-Montlhéry, en face duquel Raymond Gurême a choisi de s’installer. Il faudra attendre octobre 2016 pour que François Hollande reconnaisse la responsabilité de la France dans l’internement de 6 500 Tziganes de France. Dans la foulée, la loi les obligeant à avoir un titre de circulation spécifique est abrogée. « Ce ne sont pas les Allemands qui m’ont ramassé. C’est la police française », n’avait de cesse de rappeler Raymond Gurême. L’ancien résistant, lui, n’a reçu qu’une seule récompense de la part de son pays : en 2012, après la sortie de son livre témoignage, il est fait chevalier des Arts et des Lettres, pour son combat contre les discriminations.