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20/12/2021

Les lettres émouvantes des députés communistes incarcérés sous Vichy

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Tandis que le PCF est interdit en France fin 1939, 46 députés du Parti condamnés pour « trahison » échangent des mots de soutien depuis leur prison – ces messages seront interceptés par le gouvernement collaborationniste.

L’historien et expert en technologie des communications Antoine Lefébure vient de faire paraître Conversations secrètes sous l’Occupation aux éditions Tallandier, passionnant essai centré autour des méthodes de surveillance de la population employées par le régime vichyste entre 1940 et 1944.

Avec son aimable autorisation, nous en publions un extrait, retraçant les parcours de plusieurs députés communistes français incarcérés pour leurs convictions politiques à partir de 1939 – et les lettres qu’ils ont écrites à leurs proches, dont les autorités collaborationnistes se sont emparées.

En situation de guerre, les écoutes peuvent avoir des conséquences judiciaires dramatiques. Le gouvernement dispose d’un arsenal législatif redoutable : d’abord, le décret-loi du 26 septembre 1939 qui dissout le parti communiste et interdit toute propagande en sa faveur ; celui du 20 janvier 1940 qui fait des « propos défaitistes » un délit d’opinion puni comme une forme de sabotage ; enfin, le décret Sérol du 9 avril 1940 qui punit de mort tout individu « coupable de trahison », étant considérée comme trahison « la participation à une entreprise de démoralisation de l’armée ou de la nation ayant pour but de nuire à la défense nationale ».

Ce décret exceptionnel est envoyé dans les circonscriptions militaires, complété par une circulaire de Daladier qui signe en tant que ministre de la Défense :

« Ce nouveau texte légal atteint, en fait, tous les actes particulièrement graves de propagande, accomplis par des individus qui s’efforcent de ruiner le moral du pays et notamment par les agitateurs communistes ainsi que par leurs complices. »

La raison pour laquelle les communistes deviennent une cible privilégiée vient du pacte germano-soviétique d’août 1939. Jusque-là considérés comme antifascistes, ils passent depuis l’alliance Hitler-Staline dans le camp ennemi. Une vague anticommuniste déferle, le gouvernement Daladier fait saisir L’Humanité et dissout le PCF le 26 septembre. Les militants sont soupçonnés de pacifisme, voire de défaitisme, de saboter l’effort de guerre.

Il est frappant de constater que l’extrême gauche est beaucoup plus surveillée que la cinquième colonne nazie. Pourtant, les militants, avertis, se méfient et la commission de contrôle postal de Blois ne peut que le constater en février 1940 :

« L’attention des membres de la Commission a été maintes fois attirée et orientée sur la surveillance de la propagande communiste. Des listes de nombreux suspects de communisme sont en notre possession ; l’examen de leur courrier, attentivement fait, permet d’affirmer que la propagande par lettre est inexistante.

Que sont les pensées intimes de ces gens ? Mystère, car le silence total sur ces questions paraît être la règle. »

S’appuyant sur la loi portant dissolution du parti communiste, le gouvernement défère devant le tribunal militaire de Paris 44 députés communistes, poursuivis pour tentative de reconstitution de la ligue dissoute.

C’est de ce procès dont parle le sergent Boussingault, militant communiste que l’armée a voulu envoyer au bagne en 1935 et qui y a échappé après une campagne de propagande musclée du Parti. Parlant du procès monté contre les députés communistes, Boussingault le commente pour son ami Frevez du syndicat des techniciens de Denain :

« As-tu vu le procès ? 3 dégonflés sur 44, le reste ne se laisse pas faire, et pour faire le procès à huis clos faut-il qu’ils aient la frousse.

Tous les jours, on nous dit morts, mais j’ai l’occasion de lire des journaux de toutes couleurs et aussi fascistes (car mon peloton est presque au complet composé de ces éléments) et ces journaux réclament à cor et à cri la plus dure répression, même le peloton d’exécution.

Pour un parti mort, nous nous portons bien, il est vrai qu’il est des morts qu’il faut qu’on tue. Comme tu dis, nous, il faut nous préparer à tout, même au pire, et c’est avec confiance que nous pouvons envisager l’avenir.

Pour toi, comme ça doit être dur de faire le boulot que tu fais, mais je sais que tu dois prendre cela avec courage car ça changera.

Je termine, mon cher Henri, en t’envoyant mes meilleures amitiés et mon accolade fraternelle.

–Jules »

Résistant, Boussingault sera arrêté par la police française, livré aux Allemands et décédera dans le camp de concentration de Mauthausen. Une rue porte son nom à Valenciennes.

Les députés communistes emprisonnés ont également droit à une surveillance particulièrement étroite. La commission de contrôle postal de Lille rend compte du courrier d’Arthur Musmeaux, un député communiste du Nord incarcéré à la Santé. Nous sommes le 10 avril 1940, il écrit à sa femme et à son fils :

« Ma chère Zélia, mon cher petit Jean,

Tu auras été stupéfaite en apprenant le résultat du procès, toi qui dans toutes tes lettres espérais me voir acquitté, ou tout au moins condamné à une peine légère, combien j’avais raison de te dire de ne pas te bercer d’illusions, ce que l’on voulait c’était pour nous empêcher de donner notre opinion sur les événements pendant toute la durée de la guerre. [...]

J’aurais été un homme infâme si, pour obtenir ma liberté, j’avais renié mon passé, renié mes idées, mon idéal, mes amis, je me suis défendu devant mes juges avec énergie, tout en continuant à affirmer mes idées, mes principes, mes espoirs en un régime meilleur, c’est peut-être là qu’est mon véritable crime. »

Incarcéré dans plusieurs prisons pendant la guerre, déporté en Algérie, Musmeaux survivra à l’Occupation et sera réélu député de 1945 à 1973.

Conseiller municipal de Paris, Maurice Gardette a été interné administrativement en décembre 1939. En juillet 1940, il se trouve enfermé dans le fort de l’île d’Yeu d’où il écrit à sa femme :

« Ici, la vie devient intenable tellement les brimades se succèdent : deux camarades las de cette vie se sont évadés cette semaine. [...]

Ici, il ne faut pas être malade, il y a ici un camarade qui est en train de perdre la vue sans qu’il lui soit donné aucun soin, d’autres sont tuberculeux et bien malades. Il y a également de grands mutilés et invalides de guerre. [...]

Par ailleurs, on fait tout pour pousser à la guerre des nerfs à son maximum, espérant ainsi une rébellion qui retarderait notre libération. »

Il n’y aura pas d’issue pour Gardette, transféré deux fois avant d’être interné à Châteaubriant dans la Loire-Atlantique. Désigné comme otage, il sera fusillé avec vingt-six autres communistes par les Allemands, le 22 octobre 1941.

Secrétaire général des Jeunesses communistes, Jean Rieu est arrêté le 20 mai 1940 par la police. Interné au fort du Hâ à Bordeaux, il est déféré devant la justice militaire pour avoir fait de la propagande communiste, délit assimilé à la trahison et pouvant entraîner la peine capitale. Il écrit à son avocat le 1erjuin :

« Aux différents interrogatoires que j’ai subis, j’ai affirmé ma fierté d’être membre de la Jeunesse communiste et d’avoir des responsabilités dans cette organisation, car les documents dont j’étais porteur ne laissaient aucun doute sur mon activité. Évidemment, j’ai refusé de bénéficier des articles du Code pénal qui prévoient une atténuation de peine si l’inculpé fait preuve de repentir ou s’il aide la Justice.

J’avais pressenti un avocat de Bordeaux pour assurer ma défense. Après avoir pris connaissance de mon dossier, il m’a déclaré que si je ne modifiais pas mes réponses aux interrogatoires, je serais son premier condamné à mort depuis trente-cinq ans de métier.

Il est évident qu’à 19 ans, on ne s’avance pas le cœur joyeux vers le poteau d’exécution. Mais un combattant révolutionnaire songe avant tout à sa classe, à son Parti. À l’audience, je défendrai la politique des Jeunesses communistes, quelles qu’en soient les conséquences pour mon avenir. »

Condamné à vingt ans de prison par le tribunal militaire français de Clermont-Ferrand en janvier 1941, Jean Rieu s’évade en octobre 1943 de la prison de Saint-Étienne. Arrêté à nouveau en mars 1944, il est déporté à Dachau d’où il revient. Il sera ensuite membre du Comité central du PC.

Les avocats spécialisés dans la défense des communistes sont une cible évidente pour les écoutes qui les suivent dans la moindre de leurs activités. Dans les dossiers revient souvent le nom d’une avocate particulièrement active, Juliette Goublet. Le personnage vaut une mention.

Avec un père préfet et un grand-père capitaine du port de Landerneau, Juliette Goublet fut vite initiée aux affaires publiques. À 22 ans, elle était déjà avocate au barreau de Paris ; elle partit aider les républicains en Espagne avant de prendre en charge les dossiers des élus et des militants communistes inculpés à partir de 1938. La surveillance de son courrier était constante.

En 1942, elle vira de bord et s’afficha comme une partisane de la collaboration franco-allemande. Avec beaucoup de publicité, elle partit travailler en Allemagne comme « ouvrier soudeur ». Condamnée à la Libération, elle fit ensuite une carrière littéraire.

Conversations émouvantes entre Juliette Goublet et une de ses confrères, toutes deux chargées de défendre des militants communistes. Juliette téléphone à Odette Moreau qui accompagnera plus tard au poteau d’exécution Gabriel Péri.

En ce 31 mai 1940, elles parlent d’un autre condamné à mort, fusillé pour sabotage sur des moteurs d’avion Farman :

« Bonjour, Odette. J’ai beaucoup pensé à votre petit client.

– Ma chère, il ne s’est pas réveillé de la nuit. Son frère s’est réveillé, mais personne n’a fait de bruit. Les guichets étaient fermés. Ce qu’il y a de plus terrible, c’est qu’on va de la Santé au fort d’Ivry, moi l’avocat et l’aumônier, et qu’aussitôt arrivés sur les lieux, on a juste le temps de faire trois pas et qu’il est mort. C’est extraordinaire, ma chère. On arrive dans le fort, il y a un grand chemin, une haie et on descend de voiture près du poteau, on fait deux pas, l’aumônier et l’avocat pour se préserver et c’est tellement rapide, on entend une fusillade, le corps tombe à terre et il est mort.

– On n’a pas le temps de réaliser. Mais tu as bien vu s’il était vraiment mort au moins ?

– Bien sûr qu’il était mort. Ensuite, on l’achève par une balle de revolver dans l’oreille.

– Eh bien, c’est rassurant.

– Je suis partie de chez moi à 3 heures, et à 4 heures on quittait la Santé. »

« Pour ne pas leur donner l’impression que je sollicite d’eux une faveur, je leur dirai qu’il y a intérêt qu’un rapport médical soit annexé à la demande de recours en grâce et surtout je vais tâcher d’obtenir un examen mental. Puis j’irai voir le général Héring, en lui suggérant la même chose. J’indiquerai que l’enquête a été mal faite par la police, qu’elle s’est trompée parce qu’elle est impuissante à trouver les coupables. Ils n’ont pas eu l’idée de mettre un ou deux policiers dans l’usine, de les embaucher avec le personnel afin de savoir quels étaient les auteurs du sabotage. Il fallait bien, tu comprends, que la police trouvât un coupable. Je vais demander un complément d’enquête en suggérant de faire embaucher des policiers dans l’usine de façon à mieux dépister les actes criminels qui peuvent s’y commettre.

– Pendant ce temps, ça fera durer l’affaire. »

Lors d’une conversation téléphonique, le 6 juin 1940, il apparaît que Juliette Goublet continue à exercer son métier d’avocat sans faiblir. À sa correspondante, elle demande un service :

« J’ai actuellement deux infanticides et trois ou quatre condamnés à mort dont je m’occupe de toute mon âme. Avez-vous votre voiture ? Nous pourrions monter ensemble demain à Fresnes sous réserve de vous payer une partie de vos frais d’essence. »

Son interlocutrice lui demande si un de ses clients emprisonnés, Rambeau, « est vraiment communiste » alors qu’il est accusé de sabotage. Juliette répond, furieuse :

« Ma chère, je tiens à vous déclarer que le parti communiste, même clandestin, n’a jamais donné d’ordre de sabotage et qu’il s’élève de toutes ses forces contre de tels actes. »

Conversations secrètes sous l’Occupation est publié aux éditions Tallandier.

Source Retronews

19:18 Publié dans Occupation, PCF | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : députés communistes, vichy, prisonniers | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook |

10/08/2020

1925 : les candidates du Parti communiste sont élues

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Alors qu’elles n’ont pas le droit de vote, des candidates du Bloc ouvrier et paysan se présentent aux municipales de 1925. Plus d’une dizaine d’entre elles sont élues.

Les 3 et 10 mai 1925, les Français votent pour les élections municipales. Rien de bien original a priori, si ce n’est que le Parti communiste présente une dizaine de femmes en position d'éligibilité sur ses listes. Alors que les femmes n’ont toujours pas le droit de vote en France.

« En ce qui concerne les femmes, on sait qu'un certain nombre d'entre elles sont présentées, notamment par le Parti communiste.

En banlieue, c'est une femme qui, dans chaque commune, est tête de liste des candidatures communistes. À Paris, une femme a été désignée pour tenir le drapeau des revendications féminines. »

La « banlieue rouge » se fait le chantre de l’égalité entre femmes et hommes. Tout comme Avignon, où la liste communiste est menée par « Mmes Antoinette Bellot, manœuvre au P.-L.-M., et Angèle Rame, coiffeuse. »

L’Humanité s’enflamme pour ces candidatures d’émancipation.

« Et nous n'avons garde, dans cette revue rapide, d'oublier de mentionner l'enthousiasme suscité par les candidatures de nos camarades femmes.

Le but que s'était proposé le Parti communiste en désignant des ouvrières comme candidates a été atteint et au-delà. Dans l'histoire politique de ce pays, dans la lutte menée depuis tant d'années pour l'émancipation politique et économique de la femme, l'année 1925, par suite de l'initiative du P.C., aura une importance considérable. En dépit de toutes les manœuvres, de toutes les circulaires gouvernementales ou préfectorales, les bulletins de vote aux noms de Lucienne Marrane, de M. Faussecave, de Suz. Girault et des autres seront escomptés.

Sources Retronews

18:40 Publié dans PCF, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : femmes, élections, pcf | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook |

18/11/2019

MARCEL PAUL SYNDICALISTE, RESISTANT, DEPORTE, MINISTRE COMMUNISTE, CREATEUR D'EDF

Marcel Paul, déporté, ministre

Marcel Paul, déporté, ministre Né le 12 juillet 1900 à Paris (XIVe arr.), mort le 11 novembre 1982 à L’Île-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) ; ouvrier électricien ; syndicaliste CGT, secrétaire de la Fédération CGTU des Services publics, hospitaliers, éclairage et force motrice (1931-1936), secrétaire adjoint (1936-1937) puis secrétaire général (1937-1939) de la Fédération réunifiée de l’Éclairage, président (1946-1956), secrétaire général (1956-1966), président d’honneur (1966-1982) de la Fédération CGT de l’Énergie, ex-Éclairage, président du Conseil central des œuvres sociales (CCOS) ; militant communiste, conseiller municipal de Paris (1935-1938), député de la Haute-Vienne (1945-1947), ministre de la Production industrielle (novembre 1945-novembre 1946), membre du Comité central du Parti communiste (1945-1964) ; résistant, déporté à Buchenwald, président-fondateur de la Fédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes (FNDIRP).

Marcel Paul naquit le 12 juillet 1900 à Paris (XIVe arr.) sous le nom de Marcel Dubois. Sa mère, Marie, Clémentine Dubois, couturière, qui avait vingt-et-un ans au moment de sa naissance, l’abandonna ; son père, Marcel Paul, né le 12 décembre 1878 à La Roche-Chalais (Dordogne), qui le reconnut pour son fils le 29 mai 1913 à Denain (Nord), mourut le 20 août 1918 à la guerre, dans l’Aisne. Il ne vit jamais son fils.
Le petit pupille de l’Assistance publique ne resta probablement que quelques jours à l’hospice. Il fut envoyé à Moncé-en-Belin (Sarthe), près du Mans, un village de « placement nourricier ». Il prit goût à l’école grâce à son instituteur, dont il parlait avec émotion, et réussit au Certificat d’études. Il fut à l’âge de treize ans loué comme valet de ferme à un petit cultivateur puis, l’année suivante, à un fermier plus aisé. Lorsque celui-ci mourut en 1915, Marcel Paul devint, sous les ordres de la fermière, « l’homme » de la famille.

La guerre fut déterminante dans sa prise de conscience politique. Il trouva un tract des Jeunesses socialistes contre la guerre (selon lui en 1915) et ne tarda pas à adhérer à cette organisation, en cachette. Il déclarait se souvenir d’avoir participé à deux collectes pour l’envoi de délégués français aux conférences internationales contre la guerre de Zimmerwald et Kienthal. En 1917, la Marine ayant besoin de troupes fraîches, l’Assistance publique fut mise à contribution. Marcel Paul se retrouva engagé. Il passa par deux écoles d’électro-mécaniciens de la Marine, celle de Lorient puis celle de Toulon. Il en sortit avec un brevet d’électricien. Il fut nommé successivement électricien de 2e classe, de 1re classe et quartier-maître électricien. Il fut officiellement incorporé dans la Marine nationale, le 4 avril 1919, 2e dépôt des équipages de la flotte à Brest, avec un engagement de quatre ans. Il embarqua sur le Diderot, cuirassé d’escadre qui nécessitait une main-d’œuvre qualifiée. Il participa à une émeute de marins à Brest en juin 1919. Lors des grèves de 1920, envoyé à la centrale électrique de Saint-Nazaire, il aurait, avec d’autres marins, refusé de remplacer les grévistes et fraternisé avec eux. De juin 1920 à avril 1922, il fut en mer, sur des cargos armés (le Toul) et des sous-marins bourlinguant à travers toute la Méditerranée. En 1922, dit-il, « j’étais sorti de mon écrasement. J’étais devenu un ouvrier ».

Démobilisé le 4 avril 1922 à Toulon, c’est à Paris qu’il se rendit, se mettant à la disposition de l’Assistance publique. Embauché dans une entreprise de travaux publics du XVe arrondissement, il fut envoyé sur un de ses chantiers de l’Aisne, région dévastée par la guerre. Il s’installa à Saint-Quentin. Et ce fut la rencontre avec le mouvement syndical. Il adhéra à la CGTU du Bâtiment et commença à militer. Ayant, d’après son témoignage, été licencié pour avoir participé à une grève, il regagna Paris et fut embauché courant 1922 ou début 1923 comme électricien à la STCRP (Transports en commun de la région parisienne), à l’entretien des caténaires des tramways, au dépôt Didot, porte de Châtillon. Et il prit une chambre à Paris, rue Rambuteau. Après une altercation avec un ingénieur, il quitta l’entreprise et travailla à la Compagnie des compteurs de Montrouge où il resta très peu de temps. Enfin, en avril 1923, il entra à la CPDE. Les premiers jours, il travailla à la centrale électrique de Saint-Ouen qui, avec celle d’Issy-les-Moulineaux, fournissait le courant à Paris.

Marcel Paul arriva ainsi dans l’industrie électrique. La centrale de Saint-Ouen, alimentée au charbon, avait de quoi plaire à l’ancien marin, ce type d’usine ayant plus d’un point commun avec un bateau. Il ne resta que quelques jours à Saint-Ouen. Mais longtemps après, il retrouva cette usine et ne la quitta plus. Le dernier appartement qu’il occupa, à partir de 1969, et dans lequel il mourut, était situé 14, cité Marcel Cachin à L’Île-Saint-Denis. De la fenêtre, on voyait la centrale de Saint-Ouen.

Ayant fait grève le 1er Mai 1923, il fut aussitôt muté de la production à la distribution, au service de l’éclairage public, section Étienne-Marcel à Paris, comme contrôleur vérificateur de compteurs. Il travailla dans ce service jusqu’en 1929. Il s’était marié le 28 avril 1923 avec Suzanne Bailles (née en 1902 à Paris), employée de commerce. Le couple se sépara assez vite, tout en restant en contact au moins jusqu’en 1941. En 1923, ou 1924, il adhéra au Parti communiste et, jusqu’en 1927, milita à peu près autant sur le plan politique que syndical.

Syndicalement, il commença son activité militante comme collecteur pour « l’Avenir social » , l’orphelinat ouvrier de La Villette-aux-Aulnes, patronné par la CGTU et le Parti communiste. Jusqu’à la fin de sa vie, il ne cessa de s’occuper de l’enfance malheureuse et, plus généralement, de considérer que les « œuvres sociales » sont une des composantes essentielles du syndicalisme. Assez rapidement, il devint l’un des animateurs du groupe syndical CGTU de la section Étienne-Marcel. Ce groupe syndical était rattaché au syndicat CGTU des producteurs et distributeurs d’énergie électrique de la région parisienne, syndicat dirigée par les militants de la Ligue syndicaliste (voir Paul Martzloff).

Politiquement, il militait au 1er rayon du Parti communiste. C’est là qu’il se frotta aux débats de l’époque — c’était la phase de « bolchevisation » — et fit la connaissance de nombreux militants plus expérimentés. Sur le territoire de ce rayon se trouvaient notamment les grandes usines à gaz de La Villette et de Saint-Denis (Le Landy), foyers révolutionnaires (il y avait eu des grèves avec occupation en 1922 et 1923) où travaillaient des militants avec lesquels Marcel Paul se lia : Émile Dubois, Pierre Kérautret, Corentin Cariou. Marcel Paul rappelait aussi l’influence qu’avaient eue sur lui les cheminots Gaston Monmousseau, Lucien Midol et Pierre Semard, avec leurs récits et leurs analyses des grèves de 1920, ainsi que l’ingénieur chimiste J. Delers. Avec d’autres camarades communistes, il fut emprisonné plusieurs jours en 1925, pour action contre la guerre du Rif.

1927 fut une année importante. Il était alors secrétaire de la cellule 124 de la CPDE (1er rayon) et secrétaire de la commission « travail syndical » du sous-rayon du IIe arrondissement. En octobre, il fut élu membre du comité du 1er rayon. Et il accéda au début de l’année 1927, au terme d’une lutte conduite par François Salom, Léon Mauvais et lui-même, à la direction du syndicat des producteurs.

En septembre 1927, au premier congrès de fusion de la Fédération CGTU de l’Éclairage avec la Fédération des Services publics, il fut élu à la commission exécutive, la tendance communiste l’ayant emporté sur celle de la Ligue syndicaliste. Quelques jours plus tard, le IVe congrès confédéral CGTU (auquel il n’assistait pas, semble-t-il), l’élut membre titulaire de la CE. En février 1927, il entra aussi à la commission de contrôle de l’Union des syndicats CGTU de la région parisienne. En 1929 (mars ?), il devint secrétaire du syndicat des producteurs, en remplacement de François Salom élu conseiller municipal de Paris. Appointé par le syndicat, il ne vit pas sa situation matérielle améliorée.
Il n’était pas encore un dirigeant national du Parti communiste, mais il assista à la réunion du 21 juillet 1929 à Villeneuve-Saint-Georges, sans doute comme secrétaire d’un syndicat important. Il fut parmi les militants arrêtés et fit plusieurs semaines de prison à la Santé. Cependant, il figura parmi les délégués au Ve congrès confédéral CGTU tenu du 15 au 21 septembre 1929. Ce congrès ne le réélut pas à la CE. Pour quelles raisons ? À ce même congrès, c’est un autre militant de l’Éclairage qui « monta » à la CE : Léon Mauvais. Au congrès fédéral de novembre 1931, Marcel Paul fut élu secrétaire de la Fédération CGTU des Services publics et de l’Éclairage, aux côtés de Bernard Sestacq ; Émile Dubois, secrétaire sortant, accepta de rester au secrétariat pour assurer la transition jusqu’à fin 1932. Quelques jours auparavant, le VIe congrès confédéral CGTU avait réélu Marcel Paul à la CE (il fut réélu aux VIIe et VIIIe congrès, 1933 et 1935), cependant que Léon Mauvais accédait au bureau confédéral.

À partir de 1932, l’activité de Paul prit une dimension plus vaste, elle devint si foisonnante qu’elle est difficile à cerner. Avec le syndicat des producteurs et avec celui des employés, il mena l’action pour un statut unique du personnel des sociétés d’électricité de la région parisienne. Il se passionna peu à peu pour les questions de statut du personnel ; il en devint un des spécialistes. À partir de 1932, il fut l’un des principaux responsables de l’intersyndicale CGTU des Services publics de la région parisienne. Au sein de cette intersyndicale, il travailla à mettre sur pied un premier réseau d’œuvres pour le personnel de ce secteur. En avril 1934, au 22, rue de Bondy (aujourd’hui rue René-Boulanger), s’ouvrirent un dispensaire, un service juridique et un groupement d’achats en commun. L’intersyndicale siégea dans ces locaux, et Marcel Paul, quittant la rue Rambuteau, y élut domicile. Il s’attacha beaucoup à ces « œuvres » , germe de ce qu’il développa à l’EDF-GDF en 1947.
Autre volet de son activité, surtout à partir de 1933 : la lutte pour l’unité et contre la menace fasciste. Un attentat à Marseille en fut un épisode retentissant. Marcel Paul se rendit à Marseille pour une réunion du syndicat des hospitaliers, le 4 août 1933. Ce syndicat était passé de la CGT à la CGTU avec ses quelque huit cents adhérents. Vers 11 h 30, Marcel Paul sortait de l’Hôtel-Dieu, place Villeneuve, accompagné d’Alphonse Gir, électricien dans cet hôpital et d’Edmée Dijoud, infirmière. Soudain, ils furent agressés par une dizaine d’individus. Marcel Paul fut atteint à la tête et laissé sans connaissance. Edmée Dijoud se précipita pour le protéger et fut sauvagement frappée (elle mourut un mois plus tard). Soigné d’abord à l’Hôtel-Dieu, Paul en fut sorti clandestinement et conduit au domicile d’un militant du syndicat, employé à la morgue de l’hôpital, Coitrini.

Marcel Paul suivait de près l’évolution des idées au sein de la CGT. En 1932, il écrivit trois articles dans la Vie ouvrière. Les deux premiers (16 et 30 septembre) jugeaient encourageants les résultats du récent congrès CGT des Services publics. Le troisième (14 octobre) analysait le congrès CGT de l’Éclairage et prenait vigoureusement à partie les positions « réformistes » de Clément Delsol. Plus question pour Marcel Paul de faire le coup de poing avec les confédérés. En septembre 1934, mandaté par la CGTU, il se rendit à Nice au congrès CGT des Services publics, dont la majorité était favorable à la réunification, pour faire connaître aux congressistes la position de sa confédération. Les propositions votées par ce congrès furent acceptées par la CGTU et contribuèrent à enclencher le processus de réunification. Quelques jours auparavant, accompagné par Pierre Kérautret, il était intervenu dans le même sens au XIIIe congrès de la Fédération CGT de l’Éclairage, beaucoup plus réticent à l’égard de la CGTU.
C’est vers 1932 que Marcel Paul et Maurice Thorez commencèrent à se voir régulièrement. Jusqu’à la guerre, Thorez fit appel à lui pour les questions économiques et notamment l’énergie. Les deux hommes étaient du même âge, tous deux « du siècle ». Issus de « corporations » voisines, mineurs et électriciens, métiers qui touchent à l’énergie, ils avaient accédé en même temps aux responsabilités nationales, l’un en 1930, l’autre en 1931. Paul manifesta jusqu’à la fin de sa vie une grande admiration pour Thorez, particulièrement pour son rôle dans la réalisation du Front populaire et dans la bataille du charbon, à la Libération (il citait souvent le discours de Waziers). Mais ces deux personnalités étaient peut-être trop proches, pas assez complémentaires, pour travailler ensemble quotidiennement. Paul était discipliné, mais n’aimait guère recevoir d’ordres ; il n’aurait pas supporté de jouer les seconds. Par ailleurs, il se sentait plus à l’aise dans l’action et les structures syndicales. Contrairement à Léon Mauvais, il se tint à distance de l’appareil du PC ainsi que de l’Internationale communiste et il ne fit un voyage en URSS qu’en 1963, pour raisons de santé.

En 1935, Maurice Thorez convoqua Paul pour lui annoncer que le PC le présentait aux élections municipales dans le XIVe arrondissement. Paul protesta, invoqua ses lourdes responsabilités syndicales. Peine perdue. La campagne était déjà engagée sur son nom. L’appelé s’inclina mais n’apprécia pas. Il n’était pas chaud pour aller guerroyer dans cet antre qu’était alors le conseil de Paris, que la CGTU appelait « la caverne d’Ali Baba » ou « la maison de Topaze ». Il fut élu le 12 mai dans la seconde circonscription de Plaisance. Léon Mauvais fut élu dans la première. Le comité de rayon du XIVe publia une affiche « Plaisance a voté rouge ! ». C’était son premier mandat politique. Il devait marquer un tournant dans sa vie. Ses interventions au conseil municipal furent nombreuses en faveur de ce quartier alors misérable de la capitale.
Ce mandat politique gêna bien Marcel Paul en 1936. Il avait été de toutes les grandes batailles syndicales depuis 1932, avait participé de très près aux négociations pour la réunification et avait appartenu à la délégation confédérale CGTU, en particulier celle du 24 juillet 1935 qui déboucha sur l’accord. Or, il ne figura pas parmi les délégués au congrès confédéral de Toulouse en mars 1936. Il fut par contre l’un des principaux animateurs du congrès de la Fédération CGT de l’Éclairage réuni quelques jours plus tôt à Toulouse également et fut élu secrétaire adjoint (non permanent).

Au conseil de Paris, il intervint longuement, lors des séances des 10 et 11 juillet 1936, en faveur du relèvement des salaires du personnel dépendant de cette instance. Il poursuivit son travail à l’intersyndicale des Services publics (en 1936, il était gérant du journal). Il avait également été élu membre de la CE de l’Union des syndicats CGT de la région parisienne en janvier 1936 et fut réélu jusqu’en avril 1938. Jusqu’en 1939, il resta l’un des secrétaires non appointés du syndicat des producteurs. À ce titre, il fut signataire (avec Émile Pasquier, Émile Loiseau, Clément Baudoin, René Perron et Raymond Durault), de l’accord intervenu avec le patronat électricien de la région parisienne, le 4 juillet 1936, dans le bureau de Roger Gaspard, directeur de cabinet du secrétaire d’État aux Travaux publics, Paul Ramadier. Cet accord — un statut unique pour les électriciens de la région parisienne — était le résultat de plusieurs années de luttes et il fut salué par le journal du syndicat comme « un grand pas ». C’était en effet une avancée vers ce qui devint en 1946 le statut national. Le patronat et notamment Ernest Mercier, celui que l’on surnommait « le roi de l’électricité » , s’étaient jusque là farouchement opposés à ce statut. En juillet 1936, un statut-type pour toutes les sociétés du gaz et de l’électricité fut élaboré par la direction fédérale, en relation avec la récente loi sur les conventions collectives. De leur côté, P. Ramadier et R. Gaspard créèrent en octobre 1936 une commission tripartite État/patronat/Fédération CGT de l’Éclairage, chargée d’élaborer un modèle de statut qui vit le jour début 1937. Par rapport à la loi du 28 juillet 1928, c’était un progrès considérable.
Le XVe congrès fédéral, réuni en juin 1937, à Lyon, fut un nouveau tournant dans la vie de Paul et dans celle de la Fédération de l’Éclairage. Paul prit la parole lors de la deuxième journée. Il fixa les orientations qui, selon lui, devaient être celles de la Fédération dans la nouvelle situation politique (Léon Blum venait de céder la place à Camille Chautemps). Il intervint sur d’autres questions, en particulier le statut national, idée qui avait fait son chemin depuis 1936. Il fut élu secrétaire général de la Fédération. Il avait auparavant été réélu au comité fédéral par 521 voix sur 561 exprimées, seuls Lucien Barthes et Émile Pasquier obtenant un meilleur score que lui (541 et 523 voix). Pour se conformer à la règle des incompatibilités, en mai 1938, il démissionna du conseil municipal ; il fut remplacé par Raymond Losserand.

Jusqu’à la guerre, Paul allait travailler dans trois directions. D’abord les questions revendicatives. Il intervint le 6 octobre 1937 lors d’un meeting CGT des Services publics et des fonctionnaires, au Vél’ d’Hiv., contre la vie chère et pour les 40 heures. Puis, il participa à la constitution d’un syndicat de cadres, conformément à une décision du XVe congrès. En mai 1938, le Groupement national des cadres (GNC) techniques et administratifs de l’Énergie et de la lumière était sur pied avec un local indépendant ; son président était un ami de Paul, John Ottaway. Le GNC devait être l’un des premiers syndicats de cadres affilié à la CGT. Marcel Paul s’intéressa également aux questions de politique énergétique. Il siégeait dans la commission de l’énergie du Comité confédéral d’études économiques qui élabora en 1936-1937 un plan décennal d’équipement électrique. Il fit à cette époque la connaissance de Pierre Simon, polytechnicien, spécialiste en hydro-électricité, qui avait été appelé fin 1936 à la direction des forces hydrauliques et des distributions d’énergie électrique au ministère des Travaux publics et qui prit une part essentielle dans le décret-loi du 17 juin 1938, établissant un plan de trois milliards pour relancer l’équipement hydro-électrique du pays et instituant une première grille nationale des salaires. L’expérience nouvelle qu’il fit alors avec P. Simon lui servit lorsqu’il devint plus tard « homme d’État ».
Autre volet, la politique étrangère. Il se rendit au nom de la CGT auprès du gouvernement républicain espagnol et obtint l’accord du ministre de Monzie pour qu’une ligne haute tension (à la Tour-de-Carol) soit jetée entre le réseau électrique français et le réseau espagnol, afin d’alimenter les usines d’armement restant aux mains des républicains. En septembre 1938, quelques jours avant la signature des accords de Munich, le bureau fédéral mandata Marcel Paul pour se rendre en Tchécoslovaquie affirmer « la solidarité au peuple tchécoslovaque et à ses organisations syndicales en particulier ». Dans le même temps, l’UD de Seine et Seine-et-Oise avait mandaté Jean-Pierre Timbaud et André Tollet. Il se joignit à eux. Le soir même de sa rentrée de Prague, le 21 septembre, il participait à la CE de la CGT qui adopta une résolution « contre les projets actuels de démembrement et d’isolement de la Tchécoslovaquie ». Dans l’organe fédéral Force (avril 1939), il concluait un article par ces mots : « Céder, position par position, à l’ennemi qui veut vous abattre, ce n’est point accumuler ni rassembler les moyens de le battre, mais se préparer à soi-même de cruelles défaites. » Fin 1938, il fut délégué au congrès confédéral de Nantes.

La période suivante — la guerre — peut apparaître mieux connue. Les récits de Marcel Paul et des témoins sont nombreux, mais beaucoup plus difficiles à apprécier en raison du peu de sources écrites disponibles. Marcel Paul fut mobilisé (le 3 ou le 6 septembre). Il gagna le 2e dépôt des équipages de la flotte à Brest et fut affecté comme quartier maître électricien sur le Richelieu. Il apprit que malgré les démarches de ses camarades non mobilisés, il n’était pas réintégré à la CPDE, sans être pour autant révoqué. Il apprit aussi que Clément Delsol et ses amis, au cours du comité fédéral du 5 novembre, l’avaient exclu (avec Jacques Alliez, Lucien Barthes et Émile Pasquier) de la direction fédérale, Gabriel Borie devenant secrétaire général et Clément Delsol secrétaire. Émile Pasquier et Jacques Alliez, accompagnés de Fernand Gambier, lui rendirent visite mais il était surveillé et l’entrevue ne fut pas longue. Il était également en contact avec d’autres militants. Identifié, il fut arrêté, transféré à Paris et interrogé dans un local du 2e bureau aux Invalides. Selon lui, son dossier avait été subtilisé et détruit par un militant de l’industrie électrique, du nom de Godefroy, mobilisé dans ce service — il l’apprit après la guerre, de la bouche de l’intéressé. Aussi, faute de chefs d’accusation, fut-il envoyé dans la boucle de Sedan. Il fut affecté à la pose et au désamorçage des mines. Lors de l’offensive allemande en mai, son unité se replia en grand désordre sur les bords de la Loire. À deux reprises, il fut arrêté. Une première fois dans le Gâtinais. Plusieurs centaines de prisonniers étaient parqués dans une église, il réussit (avec deux autres soldats) à s’évader et vécut avec eux dix jours dans une ferme abandonnée à Courtempierre (Loiret). Dix jours plus tard, il était repris et conduit au camp de prisonniers de Château-Landon (Seine-et-Marne) d’où il s’évada encore. Déguisé en civil, il se cacha dans la forêt, puis profita des premiers retours de l’exode pour s’intégrer dans une colonne de civils qui regagnaient Paris. Il y arriva le 22 ou 23 juin.
Il tenta aussitôt de retrouver la liaison avec le Parti en se rendant au domicile d’Émile Pasquier (à Ivry) qui n’était pas chez lui. Et il gagna alors, sur une bicyclette qu’il avait récupérée pendant la débâcle, Le Mans. Là, il trouva la filière : Many Ballanger, la femme de Robert Ballanger. Par elle, Paul entra en relation avec Auguste Havez, responsable régional du parti, à Rennes. Dans son Témoignage, il écrivit : « La direction du parti m’avait investi de la responsabilité de délégué du Comité central pour les dix départements : Ille-et-Vilaine, Loire-inférieure, Finistère, Morbihan, Côtes-du-Nord, Maine-et-Loire, Mayenne, Deux-Sèvres, Vendée et Sarthe. J’étais ce que l’on appelait alors l’un des “ inter ” agissant avec un camarade à Rennes. » Mais, ailleurs, dans une interview à Henri Alleg, non publiée, il déclara : « J’avais retrouvé dans l’ouest un camarade qui assurait la liaison avec moi lorsque j’étais dans la Marine, Auguste Havez. Il était à Rennes et nous avions décidé de nous partager le secteur, lui à Rennes, et moi le sud de la région de l’ouest, avec un PC à Nantes. » Cette version paraît plus plausible. Durant cette période, son pseudonyme était Jacques. Il s’occupa particulièrement de ramasser des armes et des explosifs pour constituer des dépôts (de retour à Paris, il utilisa ces derniers). En novembre 1940, il quitta la région nantaise. Pour des raisons de sécurité, la direction du Parti lui avait demandé de revenir dans la région parisienne ; il continua toutefois à suivre diverses actions dans l’ouest jusqu’à fin janvier 1941. Il trouva une cache 38, rue Amelot (XIe arr.), dans le quartier de la République, et se partagea entre les comités populaires et l’organisation spéciale (OS). Il devint l’un des responsables des comités populaires de la région parisienne, principalement de ceux des services publics. Pour l’électricité, il était en relation avec Émile Pasquier qui l’avait retrouvé le 1er janvier 1941, et à partir de juin avec Fernand Gambier ; pour le gaz, Jean Duflot et Pierre Kérautret ; pour les hôpitaux, Émile Valley, Corentin Celton, Pacaud, François Cochennec ; pour les égouts, Édouard Maury ; le service de nettoiement, Charles Charpentier, Louis Florange ; les transports parisiens, Moïse Blois ; pour les TIRU, Charles André et Célestin Louapre. La soeur de son ex-femme, Georgette Sillis, était l’un de ses agents de liaison. Au sein de l’OS, il participa à des actions contre l’occupant. Il apprit à se servir de certains explosifs avec France Bloch-Sérazin et organisa, avec Jean Baillet et Maurice Ottino, un attentat (manqué) contre un train officiel allemand en forêt de Chantilly. Il prenait aussi la parole sur des marchés.

Marcel Paul fut arrêté le 13 novembre 1941 dans un café, boulevard de Grenelle, alors qu’il avait rendez-vous avec un ingénieur catholique résistant appartenant au service des travaux de Paris, J. Janselme. Un rapport de police du 8 janvier 1941 signale : « Des informations ayant fait connaître que Paul a repris ses activités clandestines et se trouve chez son ex-femme 22 rue Rambuteau. » Autre note du 7 janvier 1941 : « Inspecteurs Helbois et Rochet arrêtent Madame Paul et Aubert Gaston. Madame Paul, à la suite de visite domiciliaire, remet spontanément cinq exemplaires d’un tract l’Humanité, dissimulé entre deux coussins. Interrogée, Madame Paul refuse d’indiquer provenance. » Fin octobre, la police avait trouvé sa trace. Dans un rapport du 31 octobre, on lit : « Paul M. déploie une grande activité. Il a rendez-vous lundi au square Louvois avec deux de ses lieutenants, Charpentier et Florange. Quelques communistes descendront au métro Quatre-Septembre et se dirigeront à pied vers le square où ils rencontreront Paul. » Ils auraient été dénoncés par Albert Clément, rédacteur en chef du Cri du peuple qui fut abattu par la Résistance en mars 1942. Ce qui expliquerait que l’arrestation de Paul fut menée par le commissariat de Saint-Denis, et que c’est là qu’il fut aussitôt conduit. Malgré les coups, il refusa de parler, il avait un rendez-vous avec Jean Laffitte, intermédiaire direct de Duclos. Ayant peur de flancher, il tenta de se suicider au gaz et lorsqu’il se réveilla à l’hôpital de Saint-Denis, le rendez-vous était passé. Il fut à nouveau interrogé, cette fois à la préfecture de police de Paris, et finalement incarcéré à la Santé le 18 novembre, cinq jours après son arrestation. Le 22 novembre, il était condamné à six mois de prison pour activité communiste. Selon un rapport de police du 19 décembre « au cours de son interrogatoire, a refusé de répondre aux questions. Sa femme purge 18 mois de prison. » Son arrestation aussitôt connue, ce fut Émile Pasquier qui prit la suite comme responsable syndical clandestin du gaz et de l’électricité. La direction du PCF se fit beaucoup d’inquiétude pour le sort de Marcel Paul d’autant que, dans une lettre du 18 mai 1942, le chef du personnel de la CPDE demandait au juge d’instruction s’il était exact qu’il eût été condamné pour activités communistes, auquel cas il serait révoqué. Il reçut d’ailleurs sa lettre de révocation, ce qui signifiait qu’il n’était plus couvert par son entreprise, en clair, qu’on pouvait le mettre sur une liste d’otages. À la Santé, il retrouva de nombreux camarades communistes, Havez, Cochennec, Valley... Il participa à la confection de deux numéros d’un journal clandestin, le Patriote enchaîné, qui lui valut d’être condamné en août 1942, à quatre-vingt-dix jours de cellule, le mitard : isolement total, pièce sans air, à peu près pas de nourriture. Durant son séjour à la Santé, il souffrit de gale, de rhumatismes, de furonculose, d’eczéma, d’anémie, d’hypertension, d’éréthisme cardiaque (Arch. de la cour d’appel de Paris, section spéciale).

En février 1943, après une longue instruction, il passa devant la section spéciale et fut condamné le 23 février à quatre ans de prison et cent francs d’amende. Transféré à la centrale de Fontevrault, « après avoir dit-il passé près de sept mois dans le quartier des otages de la Santé » , il participa avec Henri Jourdain et d’autres, à l’organisation de résistance de la centrale, qui obtint que les détenus ne travaillent plus et aient des libertés de déplacement et de rassemblement. Au cours de l’été, les détenus de Fontevrault furent transférés à Blois. Là, se retrouvèrent, venus de Fontevrault, Clairvaux, Poissy, des centaines de communistes dont certains se connaissaient bien : Paul, Pasquier, Havez, Valley, Anker, Jourdain... Une tentative d’évasion (appuyée de l’extérieur par Pierre Georges, futur colonel Fabien) échoua. En février 1944, une partie des détenus, dont Paul et Pasquier, furent livrés aux Allemands et dirigés sur le camp de Compiègne, antichambre de la déportation. Paul tenta à nouveau l’évasion : il absorba un médicament, à forte dose, qui le rendit très malade, fut conduit à l’hôpital, opéré, mais un médecin nazi veillait. Le 27 avril, pour 1 800 détenus environ — dont beaucoup de personnalités —, c’était le départ, le « transport » pour Auschwitz. Là, on tatoua sur le bras de Marcel Paul le n° 186187. Le 14 mai, le « transport » du 27 avril quitta Auschwitz pour Buchenwald. Là, Paul reçut le matricule 53057. Il fut l’un des principaux artisans du « comité des intérêts français » , organisation créée dans le camp à l’image du CNR et présidée par le colonel Manhès. Marcel Paul figurait parmi les cinq membres du bureau, comme représentant du Parti communiste. C’est lui qui représentait la France au sein du comité international clandestin. Il y mena une lutte opiniâtre pour faire reconnaître et respecter les intérêts des détenus français (le camp comptait plus de trente nationalités) : arrêt des brutalités des chefs de blocs et des kapos, accès aux responsabilités, part sur les colis de la Croix rouge. C’est ainsi que des milliers de vies françaises furent sauvées par l’organisation résistante, en particulier la vie de Marcel Dassault, qui ne cessa de témoigner sa reconnaissance à Marcel Paul (en 1946, à nouveau en 1954 et en 1985-1986 lors du procès du maire de Sartrouville). Des adversaires tentèrent après la Libération d’attaquer Marcel Paul sur son comportement dans le camp, mais à chaque fois, des déportés de toutes tendances témoignèrent en sa faveur (Le livre blanc sur Buchenwald). Il fut l’un des dirigeants principaux de l’insurrection qui libéra le camp.

Il fut aussitôt rapatrié avec les « personnalités ». Son retour avait été annoncé à la radio ; au Bourget, l’attendaient Fernand Gambier et celle qui devint par la suite sa compagne, Suzanne Barès (voir Suzanne Barès-Paul). Mais il retourna à Buchenwald avec Manhès pour s’occuper du rapatriement des Français. Si bien qu’il n’était pas présent à la conférence-congrès de la Fédération de l’Éclairage réunie les 23 et 24 avril à la Mutualité. Il rentra à Paris à la veille du 1er mai, et participa au défilé dans la délégation des déportés. Place de la Nation, il fut l’un des cinq orateurs de la CGT. Après un peu de repos dans un établissement de cure à Cauterets, il reprit sa place à la direction de la Fédération de l’Éclairage. En juin, il participa au nom de la CGT aux travaux de la commission Perrier, chargée de préparer la nationalisation du gaz et de l’électricité.
Du 26 au 30 juin, il assista au Xe congrès du PCF et fut élu membre du Comité central. Il n’entra jamais au Bureau politique, mais y fut invité quand il était ministre. Au cours de ce congrès, il fut cité par Maurice Thorez comme l’un de ceux dont le parti « peut être fier ». Délégué à l’Assemblée consultative provisoire, il intervint longuement au nom de la CGT, le 3 août, dans l’ultime débat de cette assemblée, consacré à la nationalisation du gaz et de l’électricité, pour défendre le projet du CNR et de la CGT. Il ne fut pas élu à la direction de la CGT au XXVIe congrès en avril 1946 (il n’était pas présent car il était alors ministre), ni par la suite. La voie confédérale n’était décidément pas la sienne ; de plus, il ne s’entendait pas très bien avec Benoît Frachon et pas du tout avec l’ingénieur électricien Pierre Le Brun, élu secrétaire confédéral à ce congrès. Le Parti communiste lui avait demandé de suivre la Fédération de la Haute-Vienne aux prises avec « l’insubordination » de Georges Guingouin, ce qui l’amena à être candidat dans ce département lors des élections législatives d’octobre 1945. Il fut élu, puis réélu en juin 1946, mais démissionna de ce poste en 1947, la voie parlementaire ne le tentant pas non plus.

Le 19 novembre 1945, le gouvernement avait été formé par le général de Gaulle. Marcel Paul devint ministre de la Production industrielle. Il remplaça Robert Lacoste, qui fut également son successeur jusqu’en 1950. Marcel Paul prit Émile Pasquier comme directeur de cabinet, Frédéric Manhès et l’ingénieur Roger Lescuyer comme directeurs adjoints, et Suzanne Barès comme secrétaire particulière — elle devait être sa secrétaire pendant trente-sept ans. Le nom de Marcel Paul reste attaché à la nationalisation de l’électricité et du gaz (loi du 8 avril 1946) et au statut du personnel de ces deux industries : « Je me suis accroché à cette nationalisation comme un chien qui n’a pas mangé depuis huit jours s’accroche à un os. » Les détails de cette bataille sont rapportés dans Et la lumière fut nationalisée. Le 14 mai, il était présent à la première réunion des conseils d’administration d’EDF et de GDF. Pour diriger EDF, il avait fait appel à Pierre Simon. Les cadres des ex-sociétés furent associés de près à la mise en place des nouvelles structures. EDF et GDF ne connurent pas les difficultés des Charbonnages de France, dirigés par Léon Delfosse, aux prises avec une hiérarchie hostile.

Marcel Paul, déporté, ministre Comme ministre, il avait à la fois la responsabilité de l’industrie et du commerce ; la campagne qu’il engagea contre la hausse des prix fit du bruit : il avait exigé que le prix de vente des casseroles et d’autres ustensiles soit gravé sur chaque exemplaire ; on parlait des « casseroles Marcel Paul ». Pour sa part, il estimait que durant l’année qu’il passa rue de Grenelle, le centre de ses préoccupations fut la bataille de la production, de la « renaissance française ». Le 16 avril 1946, il représentait la France avec René Mayer et Hervé Alphand, à la conférence franco-britannique d’Essen qui devait fixer le contingent de charbon de la Ruhr attribué à chacun des trois pays. Selon Jean Janiaud, alors journaliste à Franc Tireur, qui accompagnait la délégation française, Marcel Paul réussit à convaincre les britanniques d’accorder davantage à la France. Le 22 avril, il se rendit en Pologne pour les mêmes raisons. Fin 1946, il quitta le gouvernement comme les autres communistes pour faire place à un cabinet socialiste homogène que présidait Léon Blum. Lors de la formation du cabinet Ramadier, il ne fut plus ministre. Il reprit son poste à la Fédération de l’Éclairage. En février 1947, il fut élu président du Conseil central des œuvres sociales (CCOS) d’EDF-GDF, vice-président en mars 1948 et à nouveau président de septembre 1949 jusqu’au 17 février 1951, date de la dissolution de cet organisme par le gouvernement. Installé à mi-temps au moins au CCOS, 22 rue de Calais, ancien siège du Gaz de banlieue (société ECFM), il travailla à mettre sur pied un des plus important réseau d’œuvres sociales géré uniquement par le personnel, sans ingérence patronale (on était bien au delà de la loi de 1945 sur les comités d’entreprise). En 1996, ces activités sont toujours alimentées par un prélèvement de 1 % sur les recettes d’EDF-GDF. Marcel Paul fut profondément blessé par la dissolution du CCOS élu et par son éviction du poste de président. Il se considérait en effet comme le père des œuvres sociales d’EDF-GDF. Pendant la période 1947-1950, il continua de se préoccuper des problèmes énergétiques et milita activement pour le développement de l’hydraulique. Fin 1946, dans la préface d’une brochure de G. Jouve et J. Dubois, La bataille de l’électricité. Chantages et anticipation atomique, il se prononça pour l’utilisation de l’énergie nucléaire. En 1948, il prit l’initiative de former un « Comité pour l’équipement énergétique français » , dont il était l’un des vice-présidents et dont le président était l’ingénieur Albert Caquot. Comme avec Pierre Simon, Paul avait su, pour réaliser un grand dessein, obtenir le concours d’un homme éloigné du mouvement ouvrier. Ce comité joua un rôle important pour s’opposer aux plans gouvernementaux qui freinaient la construction des barrages. Marcel Paul s’était tellement impliqué dans cette bataille qu’en janvier 1950 il fit voter par le conseil d’administration du CCOS un don à EDF de 700 millions (les économies du CCOS pour 1949) comme contribution du personnel à l’équipement hydro-électrique du pays. La direction du parti jugea qu’il y avait là des tendances opportunistes et, au cours du XIIe congrès du PCF (2-6 avril 1950) qui réexamina le rôle des nationalisations dans un pays capitaliste, Marcel Paul dut faire une sorte d’autocritique. Il se retira du comité Caquot. C’est à la même période (mai 1950) qu’Émile Pasquier et Pierre Le Brun furent exclus du CA d’EDF pour avoir critiqué l’emprunt EDF. Y a-t-il une relation entre les débats du XIIe congrès du PCF et la « montée » de Léon Mauvais au secrétariat de la Fédération de l’Éclairage à l’issue du XVIIIe congrès fédéral auquel assistait Benoît Frachon, en novembre 1950 ? Ce n’est pas certain. Léon Mauvais, qui depuis 1945 était secrétaire à l’organisation du PC, avait été pressenti pour passer à nouveau à la Confédération. Cette arrivée fut mal perçue par plusieurs dirigeants fédéraux, notamment les non communistes (L. Mauvais ne militait plus dans l’Éclairage depuis 1930). Certains l’interprétèrent comme une volonté de la direction du parti de faire contrepoids à l’autorité toute puissante de Paul, voire de chercher à le remplacer. Léon Mauvais quitta le secrétariat fédéral au congrès de 1956, Marcel Paul redevint secrétaire général à ce même congrès, le poste de président étant supprimé. Il dirigea la Fédération de l’Éclairage (devenue en 1956 Fédération de l’Énergie) sans interruption jusqu’à fin 1962.

Lors de la guerre d’Algérie, il participa à des meetings contre la torture et intervint, au nom de la Fédération, pour tenter de sauver Fernand Iveton , militant communiste à l’usine à gaz d’Alger (avec Me Joe Nordmann, il fut reçu par René Coty, président de la République, mais Iveton fut guillotiné le 11 février 1957). Le 2 mars 1957, dans une lettre à Marcel Paul, rendue publique, Robert Lacoste, alors ministre résident en Algérie, accusa la Fédération d’aider les maquis rebelles. Comme d’autres syndicalistes, Marcel Paul fut menacé ensuite par l’OAS. Le 22 novembre 1961, une charge de plastic fut découverte devant son domicile. La Fédération fit savoir qu’en cas de coup de force « le personnel des industries électrique et gazière passera immédiatement les installations d’électricité et de gaz à zéro et les mettra hors d’état de fonctionner » (Force, décembre 1961).

Fin 1962, Marcel Paul tomba malade. Depuis un certain temps, des divergences étaient apparues au sein de la direction fédérale. La personnalité du dirigeant syndical, résistant et déporté, ancien ministre, membre du Comité central, était-elle devenue, au fil des années, pesante pour ses collaborateurs directs, la nouvelle génération qui aspirait à davantage de responsabilités ? Des inimitiés, des ambitions ont certainement interféré. Ce fut l’affaire de la reprise des activités sociales qui déclencha la rupture. Le gouvernement avait accepté que les syndicats (et d’abord la CGT, majoritaire à EDF-GDF) reprennent la gestion des œuvres sociales, mais il mettait une condition, jugée inacceptable par la Fédération CGT : Marcel Paul ne serait pas administrateur (lettre du ministre Jeanneney à la Fédération, 22 avril 1960). En 1963, le gouvernement maintenait cette discrimination, mais la direction fédérale considéra malgré tout qu’il était temps de mettre fin à la gestion patronale qui avait duré douze ans et elle décida la reprise sans Marcel Paul. Celui-ci estima que le compromis passé avec le gouvernement était inacceptable. Il ne fut pas soutenu par la direction du PCF et par le bureau confédéral. Il se sentit abandonné. Ce fut un choc violent. Ces dissensions aggravèrent-elles son état ? Début 1963, il partit se soigner près de Moscou, à Borvika. Il était en URSS quand eut lieu le XXIIe congrès fédéral en mars 1963, qui entérina de fait les nouvelles orientations. Il fut réélu secrétaire général, mais c’est Roger Pauwels qui fut chargé de l’intérim. Marcel Paul ne revint plus à la Fédération. Au XXIIIe congrès fédéral, en avril 1966, il prononça un long discours qui brossait, comme il aimait le faire, une vaste fresque des luttes des gaziers et des électriciens depuis un siècle. Il déclara : « Les épreuves que j’ai subies n’ont pas risqué d’ébranler les convictions de lutte qui ont été celles de toute ma vie et rien ne pourra m’en détourner. » Rien de plus. Peu de gens surent la nature de ces épreuves. Jusqu’au bout, il resta un militant discipliné. Il fut vivement applaudi, et le congrès unanime l’élut président d’honneur de la Fédération, poste qu’il conserva jusqu’à sa mort. En 1964, il ne fut pas réélu au Comité central du PCF. La question de la reprise des œuvres sociales était demeurée en lui, malgré les années, une plaie ouverte. Il n’en continua pas moins, chaque fois qu’on le lui demandait, d’« aider » la Fédération et ses syndicats et il était de tous les défilés.
À partir de 1963, il se consacra à la Fédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes (FNDIRP) dont il était président et l’un des fondateurs, et au Comité international des rescapés de Buchenwald-Dora, qu’il présidait également.

C’est juste après la cérémonie du 11 novembre 1982 à l’Arc de Triomphe où il représentait la FNDIRP et où il s’était entretenu brièvement avec François Mitterrand, qu’il mourut à son domicile de L’Île-Saint-Denis, au début de l’après-midi, après un court malaise. À l’exception de l’Humanité qui titra à la une, l’événement ne fit l’objet que de « brèves ». Les médias furent tout aussi discrets à l’occasion des obsèques qui rassemblèrent plusieurs milliers de personnes devant le Père-Lachaise et où prirent la parole Jean-Pierre Chevènement, ministre de la Recherche et de l’Industrie, au nom du gouvernement, Paul Laurent au nom du Parti communiste français, François Duteil, au nom de la CGT et de la Fédération de l’Énergie, Louis Terrenoire (FNDIRP), Jean Lloubes (Association Buchenwald), Robert Sheppard (Comités internationaux des camps). Plusieurs mois après sa mort, l’Humanité continuait de publier des lettres de lecteurs qui faisaient part de souvenirs qu’ils avaient de Marcel Paul. Il était resté très populaire parmi les militants communistes, le personnel d’EDF-GDF et les anciens déportés.
Il est enterré près des principaux dirigeants communistes. Son nom a été donné à des rues et à des équipements culturels dans plusieurs villes.

Sources Maitron