22/10/2016
Vietnam: l’agent orange, une bombe à retardement
Par Marie Dousset, GeopolisFTV
De 1964 à 1973, pendant la guerre du Vietnam, les Américains ont déversé sur ce pays 80 millions de litres d’un puissant herbicide, l’agent «orange». Près de 40 ans plus tard, ce produit continue à intoxiquer la population. Alors que les USA refusent toujours de reconnaître leur responsabilité, la Corée du Sud vient de condamner les fabricants du produit.1973, Paris, France.
Phan Dinh Khai, qui représente la République démocratique du Vietnam, et Henry Kissinger, alors secrétaire d’Etat américain, signent les accords de paix mettant fin à dix ans de guerre entre leurs deux pays. Ainsi s’achève la guerre du Vietnam.
2013, Hô Chi Minh-Ville, Vietnam. À l’hôpital de Tu Du, un «Village de la Paix» accueille près de 60 enfants souffrant de lourds handicaps et malformations, séquelles de l'agent orange dont ont été victimes leurs parents. La plupart d’entre eux sont orphelins ou ont été abandonnés à la naissance. Onze autres villages de la sorte existent dans tout le pays et près de 40 ans après la fin de la guerre, les conséquences du conflit marquent encore cruellement les familles vietnamiennes.
Un herbicide meurtrier
Entre 1965 et 1973, les avions de l’US Air Force ont largué 80 millions de litres de l'agent orange au-dessus du pays. Ce puissant défoliant contenait une substance particulièrement toxique appelée dioxine. Il s'agissait d’éliminer la végétation dans laquelle se cachaient les combattants du Vietcong.
Mais l’agent orange n’a pas fait qu’anéantir la végétation, il a aussi eu des impacts considérables sur les populations. Il a provoqué des malformations congénitales, des cancers ainsi que des maladies du système nerveux. Durant la guerre, entre deux et cinq millions de personnes ont été directement affectées par les épandages de ce produit chimique. Pourtant, les pensionnaires des «Villages de la Paix» sont tous nés après guerre. Ils appartiennent à la deuxième et troisième génération victimes du terrible herbicide.
Le refus américain de l'indemnisation
Le 3 février 1994, le président Bill Clinton lève l’embargo instauré à la fin de la guerre par les Etats-Unis contre le Vietnam. Mais parmi les conditions posées par le gouvernement américain à cette décision figure le refus de toutes réparations de guerre.
«Le gouvernement est très prudent par rapport à la reconnaissance de problèmes qui pourraient être assimilés par d’autres nations à ce que l’on pourrait appeler des crimes de guerre», estime Chuck Searcy, ancien combattant au Vietnam et membre de l’association américaine Veterans For Peace (Vétérans pour la paix).
Cette réticence à indemniser les victimes se manifeste également dans l'attitude des tribunaux aux Etats-Unis. En 2005, la justice américaine a rejeté la plainte d'une association vietnamienne contre les entreprises qui ont produit l’agent orange pour le Pentagone pendant la guerre, dont Monsanto et Dow Chemicals. Pour les juges, l’herbicide n’était alors pas un poison, selon le droit international, et il n’y avait donc pas d’interdiction à utiliser ce produit. Les industriels américains viennent pourtant d'être condamnés en Corée du Sud à indemniser trente-neuf anciens combattants de la guerre du Vietnam, victimes du défoliant.
Toute la chaîne alimentaire touchée
Les Etats-Unis ne peuvent pourtant pas ignorer la dangerosité de l’agent orange et de la dioxine qu’il contient. En 1949, déjà, l’explosion d’un produit contenant de la dioxine a lieu dans une usine de Monsanto. Elle provoque une maladie défigurante chez 228 ouvriers. Vingt ans plus tard, en pleine guerre du Vietnam, un de ses composants est interdit aux Etats-Unis. Le président américain de l'époque, Richard Nixon, suspend alors l’emploi du défoliant. Et aujourd'hui, les autorités indemnisent les vétérans de l'armée américaine intoxiqués par l’herbicide.
Au Vietnam, la question reste d'actualité. Dans un rapport publié en août 2011, la société environnementale canadienne Hatfield Consultants constate une «haute contamination à la dioxine du sol et des sédiments» autour de la base aérienne de Biên Hoa, à 30 kilomètres d’Hô Chi Minh-Ville, l'ex-Saïgon. L'étude précise que «l’élevage de tilapia (une espèce de poisson) et autres espèces de poissons et d’animaux aquatiques comme les canards et les mollusques doit être immédiatement arrêté». Pourtant, des pêcheurs continuent de travailler dans plusieurs lacs et rivières toujours contaminés à l’agent orange. Ils vendent ensuite le produit de leur pêche sur les marchés. Toute la chaîne alimentaire est ainsi touchée.
Le 9 août 2012, pour la première fois, Etats-Unis et Vietnam lancent ensemble des opérations de décontamination de l'herbicide sur l'un des sites les plus touchés du pays: l’ancienne base américaine de Danang. D’un budget total de 43 millions de dollars (34,8 millions d’euros) et financées en majorité par les Américains, les opérations devraient durer quatre ans. Washington a par ailleurs versé, depuis 1989, près de 54 millions de dollars pour aider les Vietnamiens handicapés, «quelle que soit la cause» de leur handicap. Pas question pour la Maison Blanche de reconnaître une quelconque responsabilité. L’aide est purement «humanitaire»…
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07/05/2014
DIEN BIEN PHU EST TOMBE ! LE TOMBEAU DE L'ELEPHANT !
L' année Diên Biên Phu, Vietnam
Vendredi, 7 Mai, 2004
Il y a aujourd'hui tout juste cinquante ans, le 7 mai 1954, l'armée coloniale française subissait sa première et la plus retentissante défaite dans une cuvette alors inconnue dans le nord du Tonkin.
Hurlements des batteries de canons, de lance-roquettes multitubes, d'explosions d'obus qui tombent en pluie ; un fracas des armes épouvantable. Soudain, tout s'arrête.
Dans le silence assourdissant qui vient de tomber monte une clameur, une vague immense qui submerge rapidement la vallée. Aux cris de " di, di, di " (en avant, en avant), les bodoï du général Giap s'extirpent des tranchées, gravissent les pitons, investissent le camp retranché.
Les bras en l'air, des milliers de soldats du corps expéditionnaire français, hagards, épuisés, sortent de leur trou.
Ce 7 mai 1954 à 17 h 30, Diên Biên Phu entre dans l'histoire. La débâcle du corps expéditionnaire français est consommée après cinquante-cinq jours et nuits de combats effroyables. Les forces armées du général Vo Nguyen Giap viennent de remporter une victoire décisive qui sonne le glas de la présence coloniale française en Indochine. Le 21 juillet 1954 seront signés les Accords de Genève.
Cinquante ans plus tard, le général Giap se souvient.Ils voulaient casser du VietLorsque le général Navarre, nouveau commandant en chef des forces françaises en Indochine, arrive à Saïgon le 19 mai 1953, sa mission est de trouver une issue honorable permettant de limiter les frais d'une " sale guerre " dans laquelle la France s'enlise depuis huit ans.
Le 20 novembre 1953, un premier contingent de 3 000 parachutistes sautent sur Diên Biên Phu, une vallée dont le nom " n'était connu que des géographes ", s'esclaffe Giap. L'objectif de l'opération " Castor " : couper la route du Haut-Laos aux viet-minh qui semblent vouloir s'y installer mais surtout les attirer dans ce coin perdu pour y livrer une bataille décisive pour, comme dit Giap, " casser du Viet ".
Début janvier quand le camp est devenu, selon Navarre, un camp retranché " imprenable ", des tracts sont largués sur les positions viet-minh mettant Giap au défi d'attaquer. Le piège fonctionne. L'état-major de l'armée vietnamienne, sur place depuis décembre, et sur les conseils de généraux chinois eux aussi présents à Diên Biên Phu, arrête un plan d'attaque rapide en deux jours et trois nuits.
Lorsqu'il arrive à son QG mi-janvier, Giap constate que le camp est devenu une sorte de " hérisson formidable " avec ses pitons fortifiés, ses tranchées, ses centaines de kilomètres de rouleaux de fer barbelés, ses tanks, ses canons. " Nous ne pouvions rien faire contre ça, mais tout le monde autour de moi était unanime pour une attaque éclair. "L'assaut est prévu pour le 25 janvier à 17 heures.
Apprenant que les Français ont été informés de la date de l'attaque, Giap reporte l'offensive au lendemain. En fait il cherche à gagner du temps.Hô Chi Minh lui a donné une consigne : " En qualité de commandant en chef, tu as au front les pleins pouvoirs. Mais ce sera une bataille d'envergure. Il faut absolument l'emporter. Pour cela, tu n'attaques que si tu es sûr de vaincre. Sinon, tu n'engages pas le combat. "Dans la journée du 25, sa décision prise, il en informe le général chinois, responsable de la délégation militaire dont les abris sont à proximité de son quartier général. " Il faut changer de stratégie sinon ce sera l'échec complet.
Je vais ordonner à mes soldats de se replier, de refaire les préparatifs. L'objectif d'anéantir le camp demeure, mais nous allons adopter un plan d'attaque au pas à pas, avec des pas sûrs. "Un changement décisif de stratégieDevant son état-major, Giap doit convaincre : " Comme vous l'avez vu, l'acheminement des vivres et des munitions, la mise en position de nos troupes ont été très difficiles. Ces préparatifs sont effectués pour une bataille où nous devons vaincre en quelques jours. Mais cette bataille peut durer des semaines, des mois, y compris pendant la saison des pluies, alors je vous pose une question, une seule : "Avec notre plan d'attaque éclair, êtes-vous sûrs à 100 % de la victoire ?" " " Si nous ne sommes pas sûrs à cent pour cent, nous devons nous replier. "" Je me souviens qu'après cette réunion, j'avais mal à la tête.
De toute ma vie c'est la décision la plus difficile que j'ai eue à prendre. Nos troupes étaient chauffées à blanc depuis des semaines, prêtes à l'assaut, elles n'attendaient plus que l'ordre de déferler sur le camp. "Ce changement de stratégie va semer le doute parmi les soldats. " Je me suis adressé personnellement aux artilleurs, l'ordre risquant d'être mal compris après les semaines d'efforts surhumains qu'ils avaient dû accomplir pour amener les canons et les hisser sur les hauteurs. "Des bruits courent chez les porteurs : " Qui nous donne cet ordre de nous mettre en position, puis de nous retirer, on ne sait pas ce que l'on doit faire. C'est un ordre contre-révolutionnaire ?
Est-ce bien le camarade commandant qui a ordonné de nous retirer ? Il faut vérifier.
"L'erreur française Sur le papier, explique Giap, les militaires français, " selon leur logique formelle, avaient raison ". " Nous étions si loin de nos bases, à 500 kilomètres, 600 kilomètres.
Ils étaient persuadés, forts de l'expérience des batailles précédentes, que nous ne pouvions pas ravitailler une armée sur un champ de bataille au-delà de 100 kilomètres et seulement pendant 20 jours. Or, nous avons ouvert des pistes, mobiliser 260 000 porteurs - nos pieds sont en fer, disaient-ils - des milliers utilisant des vélos fabriqués à Saint-Étienne que nous avions bricolés pour pouvoir porter des charges de 250 kg.
Pour l'état-major français, il était impossible que nous puissions hisser l'artillerie sur les hauteurs dominant la cuvette de Diên Biên Phu et tirer à vue. Or, nous avons démonté les canons pour les transporter pièce par pièce dans des caches creusées à flanc de montagne et à l'insu de l'ennemi.
Navarre avait relevé que nous n'avions jamais combattu en plein jour et en rase campagne. Il avait raison. Mais nous avons creusé 45 km de tranchées et 450 km de sapes de communications qui, jour après jour, ont grignoté les mamelons. "Si les pertes viet-minh furent importantes, une seule pièce d'artillerie sur vingt-quatre sera touchée, Giap ayant disséminé une centaine de bouches à feu factices pour détourner les tirs de riposte.
Neuf commandants en chef ont servi au Vietnam mais, souligne Giap, " la principale erreur est celle du gouvernement français responsable de cette sale guerre. Le peuple français nous soutenait, il avait raison ".
Cinquante-cinq jours de combats acharnés
Le 12 mars, Navarre déclare à la radio de Hanoi, " la marée offensive viet-minh est étale " et lance ses troupes dans l'opération " Atlante " contre la résistance au sud du Vietnam.
Le lendemain 13 mars 1954 à 17 heures, Giap à l'improviste attaque.
Les soldats du camp retranché sont pris sous un déluge d'obus pendant 24 heures au point que le colonel Piroth, chef artilleur, qui avait déclaré que jamais les canons de Giap pourraient être opérationnels, se suicidera quelques jours plus tard dans sa casemate.
Le plan logistique de l'état-major viet-minh est programmé pour une bataille de plus de trois mois, jusqu'au 20 juin. Pendant des semaines, les soldats vietnamiens, tels des taupes, vont progresser de boyaux en boyaux. Mais à partir du 20 avril, après cinq semaines de combats, les Français qui ont intensifié leurs bombardements aériens - ils ont été les premiers à utiliser le napalm au Vietnam - ont coupé les lignes de ravitaillement. " C'était un moment très dur ", concède Giap qui va devoir demander des renforts, faire appel aux populations locales et organiser une conférence politique pour remonter le moral de ses troupes en expliquant que désormais les conditions sont enfin réunies pour vaincre rapidement.
Mais il reste un dernier obstacle : les points d'appuis de la colline Éliane - les Français avaient donné des prénoms féminins aux collines fortifiées, Dominique, Isabelle, Gabrielle, Huguette -, " très bien tenus par des troupes d'élites " à proximité du QG du général de Castries, Commandant du camp.
En ce début mai, le camp retranché était, selon Giap, réduit à un espace étroit de 1 km sur 800 mètres de sorte que le parachutage devenait très difficile. " Je recevais dans mon QG des boîtes de conserves, des journaux envoyés à Castries. "Le dernier jourLe 6 mai à 18 heures, par vagues successives, les viet-minh attaquent Éliane 2. À 4 h 10 le 7 mai, ils font sauter une tonne d'explosif dans une sape creusée pendant des semaines sous la colline. Des décennies plus tard le cratère est toujours visible." Vers midi, on a vu se lever un peu partout des drapeaux blancs ", affirme le général Giap."
À 17 heures, le colonel commandant la division 212 m'appelle :- L'état-major français vient d'être fait prisonnier.- Est-ce que de Castries est parmi eux ?- Oui.- Mais est-ce bien de Castries ? Il faut vérifier. "" Trois minutes plus tard le colonel rappelle :- J'ai vérifié son identité, de Castries est devant moi avec son béret et sa canne. "Répartis par groupes, les 10 000 prisonniers vont parcourir 500 kilomètres en un mois, de nuit et sous la pluie.
Beaucoup mourront." Nous avons fait tout ce qui était possible ", se souvient Giap. " Les conditions de vie de nos soldats n'étaient pas non plus très bonnes. Il y avait la malaria, le béribéri, la dysenterie. Et pour les prisonniers, vaincus, c'était d'autant plus dur qu'ils n'avaient pas le moral.
"Le lendemain, Giap recevra un message d'Hô Chi Minh disant " la victoire est grande mais ce n'est qu'un commencement ". " Formidable, n'est ce pas ", s'exclame Giap.
Le tombeau de l'éléphant
Dans l'ensemble, les soldats français " connaissaient mieux le terrain que les soldats américains ", ajoutant, dans un éclat de rire, que les troupes françaises au Vietnam étaient " des vieilles connaissances ".
Cependant, les Français comme les Américains " ont toujours sous-estimé les capacités créatrices et l'énergie d'une armée populaire, de tout un peuple qui se lève pour son indépendance et sa liberté ".
Lors de notre entretien, Giap a tenu à prendre la défense du général Navarre et de De Castries dont, dit-il, " on a dit trop de mal "." C'était des officiers de valeur, Navarre avait fait une étude approfondie de la situation. De Castries ferme dans ses décisions, nous avait causé des pertes importantes dans la campagne de nettoyage qu'il avait lancée dans le delta du Tonkin. Mais ils étaient l'un comme l'autre au service d'une cause dont ils n'étaient pas responsables.
"Hô Chi Minh comparaît la lutte du Viet-minh contre l'occupant à un combat entre un tigre et un éléphant : " Si le tigre ne bouge pas, l'éléphant va le transpercer de ses puissantes défenses. Mais le tigre se déplace sans cesse, tapi le jour, il attaque la nuit, arrache par lambeaux le dos de l'éléphant, puis disparaît, attaque de nouveau jusqu'au jour ou l'éléphant meurt d'épuisement et d'hémorragie. "Diên Biên Phu fut le tombeau de l'éléphant.
Daniel Roussel
Daniel Roussel a été correspondant de l'Humanité au Vietnam de 1980 à 1986. Il vient de réaliser un film documentaire sous le titre la Bataille du tigre et de l'éléphant sur l'histoire de la bataille de Diên Biên Phu (durée 52 minutes). Le DVD de trois heures comprend aussi 1 h 30 d'entretien avec le général Giap et un film Oncle Hô, un document de 26 minutes sur Hô Chi Minh.
16:44 Publié dans Guerre, Résistance | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dien bien phu, indochine, viet nam, ho chi minh | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook |
04/10/2013
GIAP GENIE MILITAIRE VIETNAMIEN
Né le 25 août 1912 à An Xa, dans la province du Quàung Bin, décédé le 04 octobre 2013 à 102 ans.
Vo Nguyen Giap est un fils de mandarin. Il a été éduqué dans un lycée français et participe au mouvement communisme dès les années 1930. Il poursuit des études d’histoire, de droit et d’économie à Hué, puis à Hanoï.
En 1937, Giap devient professeur d’histoire à l’école Thang-Long à Hanoï et adhère au parti communiste en 1939. Lorsque celui-ci fut interdit, il s’enfuit en Chine, où il devient un des aide militaire d’Hô Chi Minch.
Après le coup de force des Japonais du 9 mars 1945, il profite de la disparition de l’administration française pour intensifier le recrutement de membres du Viet-Minh.
Vo Nguyen Giap est ministre, chargé des forces de sécurité, du premier gouvernement Hô Chi Minh. En 1946, il est nommé ministre de la Défense nationale de la république démocratique du Vietnam. C'est lui qui dirige les actions militaires contre les Français. Il est le vainqueur de la bataille de Diên Biên Phu (mai 1954).
En 1960, il prend la direction de la guérilla contre les Vietnamiens du Sud et des États-Unis. Il force les Américains à quitter le Sud du pays et participe à la réunification du Vietnam en 1975. Il démissionne du poste de ministre de la Défense en 1980, est exclu du bureau politique du parti communiste en 1982 tout en restant vice-premier ministre jusqu’en 1991.
Vo Nguyen Giap vivait retiré à Hanoï, mais s'exprimait régulièrement sur l'évolution politique de son pays. Vo Nguyen Giap est l’auteur de Guerre du peuple - Armée du peuple (François Maspero, 1967) et plus récemment a publié ses Mémoires (Anako, 2003-2004).
"MA STRATEGIE ETAIT CELLE DE LA PAIX" Entretien exclusif avec le journal l'Humanité
Vo Nguyen Giap Un entretien exclusif avec le général Vo Nguyen Giap, recueilli chez lui à Hanoï Hanoï, envoyée spéciale
À une trentaine de mètres en retrait de la rue Hoang Diêu, se situe la villa où vit le général Vo Nguyen Giap, entouré de sa femme Dang Bich Ha et de ses enfants et petits-enfants.
Un petit-fils passera la tête au cours de l’entretien que nous accorde le général, en uniforme, dans le salon du bâtiment " officiel " où s’entrecroisent les drapeaux. Sur les murs des photos de Hô Chi Minh et des messages de salutations brodés venus de tout le pays. Nous irons ensuite dans la villa familiale où nous attend Dang Bich Ha.
L’interview se déroule en français, langue que maîtrise parfaitement le général Giap. Ce sera aussi l’occasion d’exprimer son regret de ne jamais avoir pu aller en France.
" Je ne connais de Paris que son aéroport où j’ai fait escale quelques heures pour me rendre à Cuba "..
Il y a cinquante ans, la chute de Dien Bien Phu ouvrait la voie aux accords de Genève et à la fin de la première guerre du Vietnam. La France aurait, elle, pu éviter ce conflit ?
Général Giap. Nous avions proclamé notre indépendance le 2 septembre 1945 mais les colonialistes français ont voulu réimposer par la force leur domination sur la péninsule indochinoise.
De Gaulle avait déclaré à Brazzaville qu’il fallait restaurer le régime colonial par les forces armées. Nous avons toujours cherché à négocier pour éviter que le sang coule. Leclerc, envoyé à la tête de l’armée française pour reconquérir l’ancienne colonie s’est vite rendu compte qu’il ne s’agissait pas d’une promenade militaire mais, a-t-il dit, du combat de tout un peuple. Leclerc était un réaliste.
Avec Sainteny, il faisait partie de ces gens raisonnables qui étaient en faveur de pourparlers, mais du côté du gouvernement français, on ne l’entendait pas ainsi. Nous avions conclu un accord en mars 1946 et fait une grande concession sur la Cochinchine, notre objectif final de l’indépendance totale et l’unité du pays.
À la mi-avril 1946, je participais à la conférence de Dalat. Les Français ne cachaient pas leur intention de rétablir leur domination en Indochine. Je leur ai dit alors clairement que l’ère des gouvernements généraux d’Indochine était close. J’ai quitté Dalat convaincu que la guerre était inévitable.
Une fois déclenchée, il y a eu pourtant quelques chances de l’arrêter. Le président Hô a plus d’une fois appelé le gouvernement français à négocier. Pour montrer notre bonne volonté, Hô Chi Minh n’ajourna pas sa visite en France pour participer à la conférence de Fontainebleau. Pendant ce temps, la situation ne cessait de s’aggraver, au Nord comme au Sud.
À la fin novembre 1946, les troupes françaises attaquèrent et occupèrent le port de Haiphong. Un mois plus tard, le général Morlière, commandant des troupes françaises au Nord de l’Indochine, lançait un ultimatum exigeant la présence française dans un certain nombre de positions, le droit de maintenir l’ordre dans la capitale, et le désarmement des milices d’auto-défense de Hanoi. Nous décidâmes de déclencher la résistance. 1946-1975, le Vietnam a connu trente ans de guerre.
Quelles ont été les différences entre les deux conflits ?
Général Giap. La guerre reste la guerre mais avec les Américains, ce fut autre chose, un conflit néocolonial avec d’abord une intervention de troupes américaines et, après, une guerre vietnamisée.
On a alors changé la couleur de peau des cadavres. Les Américains étaient naturellement sûrs de leur victoire et n’ont pas voulu entendre les conseils des Français qui avaient fait l’expérience de se battre contre les Vietnamiens. Les États-Unis avaient effectivement engagé des forces colossales et peu de gens, même parmi nos amis, croyaient en notre capacité de les vaincre. Mais les Américains n’avaient aucune connaissance de notre histoire, de notre culture, de nos coutumes, de la personnalité des Vietnamiens en général et de leurs dirigeants en particulier.
À MacNamara, ancien secrétaire à la Défense des États-Unis que j’ai rencontré en 1995, j’ai dit : " Vous avez engagé contre nous de formidables forces artilleries, aviation, gaz toxiques mais vous ne compreniez pas notre peuple, épris d’indépendance et de liberté et qui veut être maître de son pays. " C’est une vérité que l’histoire a de tout temps confirmée. Pendant 1 000 ans de domination chinoise, (jusqu’au Xe siècle), nous n’avons pas été assimilés.
Contre les B52, ce fut la victoire de l’intelligence vietnamienne sur la technologie et l’argent. Le facteur humain a été décisif. C’est pourquoi lorsqu’un conseiller américain du service de renseignements m’a demandé qui était le plus grand général sous mes ordres, je lui ai répondu qu’il s’agissait du peuple vietnamien. " J’ai apporté une contribution bien modeste, lui ai-je dit. C’est le peuple qui s’est battu ".
Brezjinski s’est aussi interrogé sur le pourquoi de notre victoire. Nous nous sommes rencontrés à Alger, peu après la fin de la guerre. " Quelle est votre stratégie ? " interrogea-t-il. Ma réponse fut simple : " Ma stratégie est celle de la paix. Je suis un général de la paix, non de la guerre. " J’ai aussi eu l’occasion de recevoir des anciens combattants américains venus visiter le Vietnam. Ils me posaient la question : nous ne comprenons pas pourquoi vous nous accueillez aujourd’hui si bien ? " Avant, vous veniez avec des armes en ennemis et vous étiez reçus comme tels, vous venez maintenant en touristes et nous vous accueillons avec la tradition hospitalière traditionnelle des Vietnamiens. " .
Vous avez fait allusion au fait que peu de personnes croyaient en votre victoire finale sur les Américains...
Général Giap. C’est vrai. C’est le passé, maintenant on peut le dire. Nos camarades des pays socialistes ne croyaient pas en notre victoire. J’ai pu constater lorsque je voyageais dans ces pays qu’il y avait beaucoup de solidarité mais peu d’espoir de nous voir vaincre.
À Pékin, où je participais à une délégation conduite par le président Hô, Deng Xiaoping, pour lequel j’avais beaucoup d’amitié et de respect, m’a tapé sur l’épaule en me disant : " Camarade général, occupez-vous du Nord, renforcez le Nord. Pour reconquérir le Sud, il vous faudra mille ans. " Une autre fois, j’étais à Moscou pour demander une aide renforcée et j’ai eu une réunion avec l’ensemble du bureau politique. Kossyguine m’a alors interpellé : " Camarade Giap, vous me parlez de vaincre les Américains.
Je me permets de vous demander combien d’escadrilles d’avions à réaction avez-vous et combien, eux, en ont-ils ? " " Malgré le grand décalage des forces militaires, ai-je répondu, je peux vous dire que si nous nous battons à la russe nous ne pouvons pas tenir deux heures. Mais nous battons à la vietnamienne et nous vaincrons.
" Licencié en droit et en économie politique, professeur d’histoire, vous n’aviez pas de formation militaire. Or, vous avez activement participé à l’élaboration de cette conception vietnamienne de la guerre. Comment êtes-vous devenu général ?.
Général Giap. Il aurait fallu faut poser la question au président Hô Chi Minh. C’est lui qui a choisi pour moi cette carrière militaire. Il m’a chargé de constituer l’embryon d’une force armée. Lorsque nous étions impatients de déclencher la lutte contre l’occupation française, Hô nous disait que l’heure du soulèvement n’était pas encore venue.
Pour Hô, une armée révolutionnaire capable de vaincre était une armée du peuple. " Nous devons d’abord gagner le peuple à la révolution, s’appuyer sur lui, disait-il. Si nous avons le peuple, on aura tout. " C’est le peuple qui fait la victoire et aujourd’hui encore si le parti communiste veut se consolider et se développer, il doit s’appuyer sur lui. .
Le Vietnam est aujourd’hui en paix, les conflits se sont déplacés sur d’autres continents. Que vous inspire la situation internationale ?
Général Giap. Nous sommes en présence d’une situation mondiale difficile dont on ne sait quelle sera l’évolution. On parle de guerre préventive, de bonheur des peuples imposé par les armes ou par la loi du marché. Il s’agit surtout pour certains gouvernements d’imposer leur hégémonie. C’est plutôt la loi de la jungle. On ne peut prédire ce qu’il peut se passer mais je peux dire que le troisième millénaire doit être celui de la paix.
C’est ce qui est le plus important. Nous avons vu de grandes manifestations pour le proclamer. La jeunesse doit savoir apprécier ce qu’est la paix. Le tout est de vivre et de vivre comme des hommes. Faire en sorte que toutes les nations aient leur souveraineté, que chaque homme ait le droit de vivre dignement..
L’Humanité fête son centenaire. Entre notre journal et le Vietnam, il y a une longue histoire de solidarité et de lutte commune pour la paix....
Général Giap. Nous avons beaucoup de souvenirs en commun avec l’Humanité et avec le PCF. Pendant les guerres française et américaine nous avons travaillé régulièrement avec les envoyés spéciaux et les correspondants du journal. Nos relations sont un exemple de solidarité et d’internationalisme.
J’adresse à tous nos camarades et à l’Humanité, mes salutations et mon optimisme pour un monde qui, à l’heure de la révolution scientifique et technique, doit permettre à chaque homme de ne plus souffrir de la faim et de la maladie.
Entretien réalisé par Dominique Bari. L'Humanité
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