19/02/2015
Paris, asile des crimes coloniaux
Le Colonial Tour 2015, organisé par le réseau Sortir du colonialisme, met en lumière les crimes politiques commis dans la capitale.
France, pays des droits de l’homme. Paris, capitale de la liberté, ville refuge des opprimés. Un havre pour tous ceux dont l’engagement fait planer des menaces sur leurs vies. C’est une réalité reconnue. Au cours de l’histoire, combien de poètes menacés, de militants condamnés, de dirigeants exilés ont-ils trouvé asile sur les rives de la Seine ? Et pourtant…
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03/02/2015
Maître Marc Peschier, notaire et ancien maire communiste de Vallon-Pont-d’Arc
Marc Peschier fut notaire de 1938 à 1977 et le seul élu communiste de la profession en France.
C’est pour le moins étonnant d’entendre parler de Maître Peschier, élu du PC et homme de grande valeur sur le plan humain.
Beaucoup à Vallon-Pont-d’Arc, parmi les plus anciens du village, se souviennent de Maître Peschier.
Notamment madame Raymonde Puyrouse qui militait avec lui et qui accepte de m’en parler..
Nous nous entretenons au téléphone. A l’évocation de notre notaire communiste, sa voix prend des timbres enthousiastes. Avec un accent chantant qui renvoie la lumière, l’ardeur du soleil, le vert de la vigne et le chant de l’Ardèche qui passe sous le célèbre pont, elle me parle de lui.
Parfois son mari complète, lui aussi l’a connu, ce sont ses souvenirs d’enfance. Il est très admiratif de « l’homme humain ».
« Je l’ai connu car mon beau père est un de ses grands amis, ils étaient ensemble au maquis, puis ne se sont plus quittés, c’est d’ailleurs mon beau père qui l’a « converti » au communisme. Par la suite, nous avons beaucoup milité ensemble.
Je garde de lui l’image d’un véritable humaniste, toujours prêt à rendre service. Un notaire, mais sans l’image associée du notable. Un homme simple qui se mettait au niveau de tous.
A Vallon-Pont-d’Arc, on se souvient encore de lui, on en parle encore…
Dans son étude, tous les clients sont égaux et même les nécessiteux trouvent chez lui l’écoute, le conseil et la rédaction des actes. Il applique les principes de partage du parti au sein de son étude.
Notaire par tradition, il en sera la 3e génération, et par « injonction paternelle », Il succède à son père en 1938 dans l’étude où il exercera d’abord seul, puis avec sa femme et enfin rejoint par une collaboratrice qui ne les quittera jamais.
Il est rentré au Parti Communiste par le maquis, où il est entrainé par son ami. Les idées communautaires et humanistes et le vécu de celles ci au sein du maquis séduisent le jeune homme élevé dans la tradition protestante.
C’était un homme plutôt petit, aux yeux clairs. Il ne cherchait pas à se faire remarquer, bien au contraire. Il ne se départissait jamais de son calme, mais ce qui touchait quand on le connaissait, c’était son côté chaleureux et attentif aux autres.
Il habitait une belle maison bourgeoise au centre du village où habite encore, Yvette son épouse de 94 ans.
C’était un bon vivant, et lorsqu’il était jeune, possesseur alors d’une des rares automobiles (celle de son père) de la région, il ne dédaigne pas de faire des « virées » avec ses amis, avec des retours souvent « problématiques », les fins de soirée joyeusement arrosées ont plus d’une fois cabossé la belle voiture, ou même l’ont jetée dans le ruisseau après un tonneau.
Il avait commencé sa carrière politique en 1945. A la mairie, d’abord conseiller et adjoint élu de l’union de la gauche, il fut maire de 1977 à 1983, et conseiller général de 1976 à 1982. En 1983, il ne se représente pas, mais laisse la place à un élu communiste. Il était bon gestionnaire, toujours à l’écoute, mais refusa de faire ériger quoique ce soit qui rappelle ses actes et son passé de résistant.
Des anecdotes ?
Il possédait un « cabanon au bord de l’eau », dont on suppose que nous l’appellerions notre résidence secondaire, entouré d’un grand parc. Chaque année, il ouvrait ce terrain pour permettre aux camarades de la fédération régionale du PC de planter leurs tentes ou d’installer leur caravane pour assister à la fête annuelle du parti.
Aujourd’hui le maire de Vallon Pont d’Arc est issu des familles d’exploitants touristiques qui ont transformé ce village, et il n’y a plus de notaires Peschier à Vallon Pont d’arc, juste le bureau annexe de l’étude de Joyeuse.
Le notaire, est très compétent, mais bien éloigné de l’approche de Marc Peschier.
Madame Puyrouse me promet d’essayer de me trouver des photos ou des documents. La conversation s’achève. Je raccroche.
Une figure, ce Notaire communiste, humaniste. Il paraît que c’était et c’est encore le seul notaire affilié au parti. Ce qu’on peut aisément admettre. J’aurais beaucoup aimé le connaître.
Propos recueillis par Caroline Lambert
La vie de Marc Peschier, notaire et maire communiste de Vallon Pont d’Arc .
Né le 12 septembre 1910 à Largentière, mort le 19 décembre 1994 à Vallon-Pont-d’Arc (Ardèche) ; notaire ; lieutenant de l’Armée Secrète de la Résistance puis FTPF ; membre du comité local de Libération ; maire et conseiller général communiste de Vallon-Pont-d’Arc ; président départemental de l’ANACR.
Fils unique de Marius Peschier, notaire à Vallon (Ardèche) et de Marcelle Bastidon, Marc Peschier naquit dans un milieu familial de tradition protestante. Son enfance fut marquée par un drame familial : il perdit sa mère, victime de l’épidémie de grippe espagnole, alors qu’il était âgé de huit ans. Il fut élevé par sa tante, madame Sully-Eldin, épouse du député-maire socialiste de la localité, Paul Eldin et par la deuxième épouse de son père, Rose Ozil.
Marc Peschier fut élève au lycée de Nîmes où résidaient les Sully-Eldin. Elève rebelle, il n’acheva pas ses études secondaires. Sur injonction paternelle, après son service militaire, il prépara le diplôme du notariat.
Clerc de notaire de 1936 à 1938, (Maître Boissier, notaire à Largentière, suppléa Marius Peschier décédé en 1936), il obtint son diplôme et succéda à son père à Vallon.
Proche du milieu socialiste par ses attaches familiales, mais esprit libre, Marc Peschier n’avait pas de véritable engagement politique dans la période du Front populaire. Il avait épousé en 1936 Andrée Radal dont il eut une
fille. À l’automne 1939, son épouse se tua dans un accident de voiture alors qu’elle rentrait de la côte méditerranéenne où Marc Peschier avait été mobilisé. De retour à Vallon après la défaite et l’armistice, Marc Peschier rencontra une enseignante en poste au cours complémentaire de la localité : il épousa Yvette Garayt (voir Yvette Peschier née Garayt) le 27 décembre 1941 à Apt, dans le Vaucluse.
Hostiles à Pétain et à l’Allemagne nazie, Marc et Yvette Peschier s’engagèrent dans la Résistance locale, en Basse-Ardèche. Marc utilisa son véhicule et son permis de circuler notarial pour assurer les liaisons et le ravitaillement de l’un des premiers maquis FTP installés dans les bois d’Orgnac à la fin de 1943. En contact étroit avec leurs amis Pierre et Huguette Ollier de Marichard*, Marc et Yvette Peschier s’affilièrent à
l’Armée Secrète (secteur D, Ardèche du sud). En mai1944, Marc Peschier participait au commandement du groupe 6/11 de l’AS avec le grade de lieutenant. Lors de l’occupation du village par l’armée allemande en août, il fut placé à la tête d’un détachement stationné à l’entrée des gorges de l’Ardèche.
Son parcours dans la Résistance conduisit Marc Peschier à adhérer au communisme. Il se situa sur les mêmes positions que celles de ses amis de l’AS qui rallièrent les groupes FTP du commandant Ravel (Augustin Ollier*) au début du mois d’août 1944. Il devint membre du comité local de Libération de Vallon et assura dans les mois qui suivirent la présidence du Comité cantonal.
Jusqu’à la fin du siècle, Marc Peschier demeura l’un des très rares membres de sa corporation adhérent du Parti communiste. Les pressions et les manoeuvres des autorités pour le faire céder sur ses convictions ne firent pas défaut. Alors que la Guerre froide battait son plein, les renseignements généraux diligentèrent à la demande des autorités préfectorales une enquête sur les anciens FTP ardéchois. Dans leur rapport du 14 février 1951, ils relevaient le nom de « Peschier Marc, notaire, militant des combattants de la Paix » avec les remarques suivantes : « La région de Vallon, excentrique, se prête à une action clandestine, d’autant que ce canton, de tradition protestante, comporte de nombreux communistes et d’anciens FTP » … « (…) M. Ollier (ex commandant Ravel) attache pour certaines décisions beaucoup d’attention à l’avis de M. Peschier ».
Au printemps 1956, après le vote des pouvoirs spéciaux et le retournement de Guy Mollet sur la question algérienne, le Parti communiste engagea une campagne qui marquait son opposition à l’engagement du contingent dans le conflit colonial. Celle-ci trouva un écho particulier en Ardèche où plusieurs manifestations retardèrent symboliquement le retour de rappelés dans leurs régiments. (Voir les noms de Berge Marcel, Boiron Ernest, Corbier Yves, Renoux Pierre). Dans la région de Vallon, le 25 juin 1956, Marc Peschier participa publiquement à l’une de ces manifestations. Le 24 juillet 1956, le procureur de la République écrivait au Président de la chambre départementale des notaires : « Comme suite à nos diverses conversations concernant l’affaire des incidents de Vallon (…) j’ai l’honneur de vous faire connaître que, pour cette fois-ci mon parquet n’estime pas devoir engager de poursuites disciplinaires contre Me Peschier, notaire à Vallon, mais qu’il n’en demeure pas moins que cet officier ministériel mérite d’être rappelé à l’ordre, ayant manqué à la discrétion qui s’attache aux fonctions qu’il exerce dans ce canton. J’ai l’honneur de vous prier de vouloir faire à votre confrère les représentations nécessaires et l’inviter à l’avenir à ne pas réitérer pareils actes, sous peine de sanctions. »
Marc Peschier fut à diverses reprises candidat sur les listes du PCF aux élections municipales de son village. En mars 1945, il recueillit 433 voix au premier tour et ne fut pas élu. La liste socialiste concurrente emporta l’élection. En 1959, 1965, 1971, Marc Peschier figurait sur la liste d’union de la gauche conduite par le maire sortant, le socialiste Henri Ageron. Il fut élu conseiller. Son score ne cessa de progresser (753 voix en 1971 pour 1265 inscrits, 1037 votants et 962 voix exprimées). Il devint premier adjoint au maire et en 1977, conduisit la nouvelle liste d’union aux municipales. Avec 821 voix, il obtint l’un des meilleurs scores de la liste et fut élu maire de Vallon-Pont-d’Arc. Par ailleurs, Marc Peschier fut élu conseiller général de 1976 à 1982. Gestionnaire compétent, il ne chercha cependant pas à exercer des responsabilités dans la durée. En 1983, Marc Peschier ne se représenta pas et se retira de la vie publique. Le communiste Francis Rochette lui succéda dans la fonction de maire.
L’attachement de Marc Peschier à l’esprit de la Résistance ne se démentit jamais. Dans les dernières années de sa vie, devenu président départemental de l’ANACR, il se plut à expliquer dans un discours public (le 8 mai 1992) pourquoi la place de la Mairie de son village portait le nom de Place de la Résistance, évoquant notamment ses souvenirs personnels du défilé patriotique du 14 juillet 1944 conduit par ses amis Pierre Ollier de Marichard et Jean Roume alors que dans la région Allemands et miliciens continuaient d’exercer la terreur.
Publié par l'Annuaire du Notariat
SOURCES : Arch. Dép. Rhône, 668 W 96. — Arch. Dép. Ardèche 70J (fonds du musée départemental de la Résistance). — ONAC Ardèche, dossier CVR.
Les conseillers généraux du département de l’Ardèche, publication du service des assemblées du conseil général de l’Ardèche, Privas, 1992.
La Voix du peuple de l’Ardèche ; la voix de l’Ardèche (1944-1947). – Le Dauphiné libéré, (1945-1995). — Louis-Frédéric Ducros, Montagnes ardéchoises dans la guerre, t. III, Valence, 1981.
Dossier électoral, mairie de Vallon. — Archives privées et témoignage d’Yvette Peschier.
17:51 Publié dans Biographie, Deuxième guerre mondiale, Histoire insolite, PCF, Politique | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : marc peshier, maire, pcf, notaire, ardèche, vallon-pont-d'arc | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook |