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22/10/2016

Vietnam: l’agent orange, une bombe à retardement

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Par Marie Dousset, GeopolisFTV

De 1964 à 1973, pendant la guerre du Vietnam, les Américains ont déversé sur ce pays 80 millions de litres d’un puissant herbicide, l’agent «orange». Près de 40 ans plus tard, ce produit continue à intoxiquer la population. Alors que les USA refusent toujours de reconnaître leur responsabilité, la Corée du Sud vient de condamner les fabricants du produit.1973, Paris, France.

Phan Dinh Khai, qui représente la République démocratique du Vietnam, et Henry Kissinger, alors secrétaire d’Etat américain, signent les accords de paix mettant fin à dix ans de guerre entre leurs deux pays. Ainsi s’achève la guerre du Vietnam. 

2013, Hô Chi Minh-Ville, Vietnam. À l’hôpital de Tu Du, un «Village de la Paix» accueille près de 60 enfants souffrant de lourds handicaps et malformations, séquelles de l'agent orange dont ont été victimes leurs parents. La plupart d’entre eux sont orphelins ou ont été abandonnés à la naissance. Onze autres villages de la sorte existent dans tout le pays et près de 40 ans après la fin de la guerre, les conséquences du conflit marquent encore cruellement les familles vietnamiennes.
 
Un herbicide meurtrier
Entre 1965 et 1973, les avions de l’US Air Force ont largué 80 millions de litres de l'agent orange au-dessus du pays. Ce puissant défoliant contenait une substance particulièrement toxique appelée dioxine. Il s'agissait d’éliminer la végétation dans laquelle se cachaient les combattants du Vietcong.
 
Mais l’agent orange n’a pas fait qu’anéantir la végétation, il a aussi eu des impacts considérables sur les populations. Il a provoqué des malformations congénitales, des cancers ainsi que des maladies du système nerveux. Durant la guerre, entre deux et cinq millions de personnes ont été directement affectées par les épandages de ce produit chimique. Pourtant, les pensionnaires des «Villages de la Paix» sont tous nés après guerre. Ils appartiennent à la deuxième et troisième génération victimes du terrible herbicide.


Le refus américain de l'indemnisation 
Le 3 février 1994, le président Bill Clinton lève l’embargo instauré à la fin de la guerre par les Etats-Unis contre le Vietnam. Mais parmi les conditions posées par le gouvernement américain à cette décision figure le refus de toutes réparations de guerre.
 
«Le gouvernement est très prudent par rapport à la reconnaissance de problèmes qui pourraient être assimilés par d’autres nations à ce que l’on pourrait appeler des crimes de guerre», estime Chuck Searcy, ancien combattant au Vietnam et membre de l’association américaine Veterans For Peace (Vétérans pour la paix).
 
Cette réticence à indemniser les victimes se manifeste également dans l'attitude des tribunaux aux Etats-Unis. En 2005, la justice américaine a rejeté la plainte d'une association vietnamienne contre les entreprises qui ont produit l’agent orange pour le Pentagone pendant la guerre, dont Monsanto et Dow Chemicals. Pour les juges, l’herbicide n’était alors pas un poison, selon le droit international, et il n’y avait donc pas d’interdiction à utiliser ce produit. Les industriels américains viennent pourtant d'être condamnés en Corée du Sud à indemniser trente-neuf anciens combattants de la guerre du Vietnam, victimes du défoliant.
 
Toute la chaîne alimentaire touchée 
Les Etats-Unis ne peuvent pourtant pas ignorer la dangerosité de l’agent orange et de la dioxine qu’il contient. En 1949, déjà, l’explosion d’un produit contenant de la dioxine a lieu dans une usine de Monsanto. Elle provoque une maladie défigurante chez 228 ouvriers. Vingt ans plus tard, en pleine guerre du Vietnam, un de ses composants est interdit aux Etats-Unis. Le président américain de l'époque, Richard Nixon, suspend alors l’emploi du défoliant. Et aujourd'hui, les autorités indemnisent les vétérans de l'armée américaine intoxiqués par l’herbicide.  
 
Au Vietnam, la question reste d'actualité. Dans un rapport publié en août 2011, la société environnementale canadienne Hatfield Consultants constate une «haute contamination à la dioxine du sol et des sédiments» autour de la base aérienne de Biên Hoa, à 30 kilomètres d’Hô Chi Minh-Ville, l'ex-Saïgon. L'étude précise que «l’élevage de tilapia (une espèce de poisson) et autres espèces de poissons et d’animaux aquatiques comme les canards et les mollusques doit être immédiatement arrêté». Pourtant, des pêcheurs continuent de travailler dans plusieurs lacs et rivières toujours contaminés à l’agent orange. Ils vendent ensuite le produit de leur pêche sur les marchés. Toute la chaîne alimentaire est ainsi touchée. 

Le 9 août 2012, pour la première fois, Etats-Unis et Vietnam lancent ensemble des opérations de décontamination de l'herbicide sur l'un des sites les plus touchés du pays: l’ancienne base américaine de Danang. D’un budget total de 43 millions de dollars (34,8 millions d’euros) et financées en majorité par les Américains, les opérations devraient durer quatre ans. Washington a par ailleurs versé, depuis 1989, près de 54 millions de dollars pour aider les Vietnamiens handicapés, «quelle que soit la cause» de leur handicap. Pas question pour la Maison Blanche de reconnaître une quelconque responsabilité. L’aide est purement «humanitaire»


Conséquences de l'Agent Orange en Vietnam par tuttouno

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20:33 Publié dans Actualité, Guerre, International | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : viet nam, la guerre orange | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook |

18/10/2016

Ici, la peinture noire s’efface

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Aurélien Soucheyre, L'Humanité

 La mémoire du 17 octobre 1961, cinquante-cinq ans après les faits, reste diffuse à Paris, malgré un travail citoyen de plus en plus actif, et la photo emblématique de Jean Texier.

L’eau a coulé sous les ponts. Peut-être un peu trop. Certes, la journée d’hier ne se prêtait pas forcément au recueillement. C’est un 17 octobre, que des Algériens furent massacrés à Paris. Alors le dimanche 16, sous le soleil, un sourire aux lèvres, devant une Seine qui scintille, les monuments parisiens, et des arbres encore verts, il y a de quoi être interloqué devant cette question : « Savez-vous ce qu’il s’est passé ici, le 17 octobre 1961 ? » Le petit bout d’été indien et l’interrogation inattendue n’expliquent pourtant pas complètement le flottement des Parisiens et des touristes hexagonaux face à ce douloureux souvenir.

Car la plupart des personnes croisées hier méconnaissaient largement ce que les historiens britanniques Jim House et Neil MacMaster ont qualifié de plus violente répression d’État contemporaine jamais appliquée à une manifestation de rue en Europe occidentale. C’était à cinq mois de la fin de la guerre d’Algérie. Les négociations d’Évian, qui allaient déboucher sur l’indépendance, étaient ouvertes depuis des mois. Mais le climat parisien est exécrable.

Les tensions et les meurtres vont crescendo entre la police et la fédération de France du FLN. Depuis le 5 octobre, un couvre-feu discriminatoire est imposé aux seuls Algériens par le préfet de police, Maurice Papon. Absolument illégal, l’arrêté est ainsi formulé : « Il est conseillé de la façon la plus pressante aux travailleurs algériens de s’abstenir de circuler la nuit dans les rues de Paris et de la banlieue parisienne, et plus particulièrement entre 20 h 30 et 5 h 30 du matin. » Il a pourtant caractère obligatoire.

« J’ai déjà vu l’inscription être repeinte, il n’y a pas si longtemps, puis effacée »

Le 17 octobre 1961, des milliers d’Algériens décident de braver le couvre-feu en manifestant pacifiquement dans Paris. D’un historien à l’autre, entre 30 et 250 d’entre eux seront exécutés par la police. Certains finiront jetés dans la Seine. L’épisode sera très rapidement étouffé, occulté. Par bien des aspects, il n’a toujours pas à ce jour pleinement repris sa place dans l’histoire de la guerre d’Algérie. Pourtant, en 2001, le maire de Paris appose cette plaque, au pont Saint-Michel : « À la mémoire des nombreux Algériens tués lors de la sanglante répression de la manifestation pacifique du 17 octobre 1961. » Et en 2012, le président de la République, François Hollande, déclarait que « la République reconnaît avec lucidité ces faits ».

La plupart des Parisiens, certes croisés au hasard, n’ont que des souvenirs flous devant la plaque du pont Saint-Michel. « Oui, je connais. C’est Charonne », se méprenait Pauline, avant de lancer que « ce jour-là, des manifestants ont aussi été tués dans la station de métro ». L’épisode de Charonne, lui aussi lié à la guerre d’Algérie et à une manifestation pacifique réprimée dans le sang par Maurice Papon, eut lieu le 8 février 1962. Neuf français y perdirent la vie. Au pont des Arts, une plaque célèbre la mémoire des résistants Jacques Lecompte-Boinet, Vercors, et du général de Gaulle dans sa facette la plus glorieuse, celle qui va de 1939 à 1945. Nulle trace du supérieur de Maurice Papon pendant la guerre d’Algérie.

Nulle trace, non plus, d’un souvenir qui offre l’une des plus célèbres persistances au massacre du 17 octobre 1961. Car c’est juste sur la droite du pont des Arts que fut prise la photographie du graffiti : « Ici on noie les Algériens. » « Je connais surtout cette photo, en noir et blanc, avec le lampadaire et l’inscription. Je l’ai déjà vue dans la presse. C’est grâce à elle que j’ai une idée de ce qu’il s’est passé ici », mesure Laurent. À deux pas, sur le muret du quai de Conti que recouvrent les planches vertes des bouquinistes, un habitué rappelle avoir « déjà vu l’inscription être repeinte, il n’y a pas si longtemps, puis effacée ».

Le cliché, capturé par le photographe pour Avant-Garde et l’Humanité Jean Texier, décédé il y a peu, n’avait pas été publié à l’époque. Si la presse vivait sous la menace permanente de saisies et de censures, les deux titres dénoncèrent la répression, respectivement le 25 octobre puis le 7 novembre 1961, évoquant 60 morts. L’occultation d’État prendra néanmoins le pas durant des années, avant de se fissurer. Des romans, dont celui de Didier Daeninckx, des ouvrages historiques, dont celui de Jean-Luc Einaudi, des travaux journalistiques, dont celui de l’Humanité en 1985, date de la première parution de la photo de Jean Texier, font peu à peu bouger les lignes.

L’ouverture du procès Papon en 1997, pour son rôle sous l’Occupation, remettra en lumière son rôle du 17 octobre 1961, sans oublier le travail des associations contre l’oubli, la reconnaissance de la répression par des collectivités, ou encore le film Ici on noie les Algériens, sorti en 2011. Pendant que l’eau coulait sous les ponts, le travail d’histoire et de mémoire montait progressivement. Reste à le partager davantage, pour regarder pleinement l’histoire en face.

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16:49 Publié dans Colonies, L'Humanité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : algérie, massacre, paris, 1961 | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook |