Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

23/02/2019

Histoire. La Retirada, ce douloureux exil des Espagnols en France

retirada.jpg

Le 26 janvier 1939, l’arrivée des franquistes dans Barcelone contraint 500 000 personnes à l’exode. Ils traversent alors la frontière française pour éviter la répression. Paris piétine les principes universels, en leur réservant un accueil indigne.

À pied ou en camion, emmitouflés dans des couvertures ou dans de longs manteaux, ils seront près de 500 000 femmes, enfants, vieillards puis, plus tard, miliciens de l’armée républicaine espagnole à franchir les cols enneigés des Pyrénées. L’arrivée des troupes conduites par le général Franco, le 26 janvier 1939, à Barcelone, jette sur les routes ces acteurs et défenseurs du Front populaire, contraints de fuir l’Espagne et la terrible répression exercée par les franquistes.

La Retirada (la retraite) est considérée comme l’un des exodes les plus massifs de l’histoire contemporaine espagnole. Dans un dénuement le plus total, assaillies par le froid, la faim et la peur, en moins de quinze jours, un demi-million de personnes se pressent à la frontière française dans l’espoir d’y trouver refuge après trois années de guerre, de privations et d’exactions. Paris, qui craint d’être submergé par des éléments jugés subversifs, n’autorise l’ouverture de ses frontières que le 28 janvier.

Ce n’est que le 5 février que le gouvernement d’Édouard Daladier ouvre la voie aux combattants républicains, pourtant sous les feux franquistes et de l’aviation italienne. Cerbère, Le Perthus ou encore Prats-de-Mollo sont pris d’assaut.

Le pays des droits de l’homme, la République amie, ne tient pas ses promesses. Avant même la chute de Barcelone, ces femmes et ces hommes sont considérés comme des indésirables par les autorités françaises. Un deuxième coup de poignard, en somme, après avoir décrété la non-intervention en août 1936 qui livrera à leur sort les progressistes espagnols.

« Une République des travailleurs de toutes conditions »

C’est pourtant sur cette terre d’Espagne que se nouent les espoirs et les tragédies de l’Europe du XXe siècle. Après des années de révoltes populaires et de conflits face à un pouvoir rétrograde et conservateur, la Seconde République est proclamée le 14 avril 1931.

Un séisme politique sans précédent. La nouvelle Constitution instaure « une République des travailleurs de toutes conditions ». Outre le droit de vote accordé aux femmes, elle affiche des ambitions inédites en matière de protection sociale comme autant de ruptures révolutionnaires dans les domaines de la santé, de l’éducation publique ou encore du logement. Le Texte fondamental s’attaque aux latifundistes avec une réforme agraire sans précédent. Il ose la laïcité dans un pays où l’Église catholique est omnipuissance.

L’alphabétisation sera le moteur de cette nouvelle Espagne qui entend désormais se débarrasser de l’ignorance et des obscurantismes séculaires. Mais l’avant-gardisme de ses réformes se heurte aux forces de la réaction en Espagne comme dans le reste de l’Europe déjà rongé par les fascismes. En 1933, la coalition des droites l’emporte aux élections générales.

Les tergiversations et contradictions qui étreignent la gauche ne sont pas étrangères à sa défaite. Désormais au pouvoir, la Ceda cherche à dépecer le vaste programme de réformes encore balbutiantes avec l’aide du clergé, de l’oligarchie et de l’armée. La grève générale d’octobre 1934 est férocement réprimée par un certain général Franco. Pourtant, deux ans plus tard, le Front populaire s’impose aux législatives de février 1936.

Trois longues années meurtrières qui divisent le pays et l’Europe

Durant les six premiers mois de gouvernance, il tente de réactiver ses politiques sociales en faveur des ouvriers et des paysans ouvriers. Mais, dès la victoire des progressistes, l’armée conspire. Gradés, élites et Église sont du complot. L’extrême droite se charge d’insuffler un climat de terreur.

Le 17 juillet, le signal est donné. Des généraux se soulèvent dans les garnisons des îles Canaries et Baléares, ainsi que dans les enclaves espagnoles au Maroc pour renverser la jeune République. Le 18 juillet, le coup d’État militaire se répercute dans la péninsule. Démarre alors une guerre terrible qui va durer trois longues années. Trois longues années meurtrières qui divisent le pays et l’Europe, une vaste répétition de ce qui allait advenir.

En France, le gouvernement fait le choix de la « non-intervention », ainsi que l’exécutif conservateur anglais. L’URSS se range aux côtés de la République, tandis que l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste prêtent main-forte aux nationalistes. Les pilotes de la légion Condor procèdent aux tout premiers bombardements de populations civiles, dont l’un des plus tragiques épisodes a lieu en 1937, dans le village basque de Guernica.

Le camp républicain tient grâce à l’extraordinaire élan de solidarité internationale. L’un des plus beaux chapitres a été rédigé par ces 35 000 femmes et hommes qui ont livré bataille aux côtés des républicains au sein des Brigades internationales, faisant preuve d’un courage et d’une clairvoyance sans pareils.

Dans les zones qui tombent aux mains des franquistes, la vengeance est sauvage. Les paseos des opposants et de leurs proches, ces promenades orchestrées par les militaires et les militants de la Phalange, s’achèvent dans le sang. Encore aujourd’hui, 100 000 cadavres pourrissent dans des fosses communes. Avant même l’offensive finale contre Madrid « l’héroïque », pour nombre d’Espagnols il n’y a plus de choix : il faut partir.

Malgré la défaite, l’humiliation, les républicains s’organisent et résistent

Cet exil se transforme très vite en un nouveau cauchemar. Les points de passage militarisés aux frontières françaises donnent lieu à des fouilles dégradantes, insultantes. La plupart des femmes, des enfants et des anciens sont dispersés dans plus de 70 départements. Les structures d’hébergement sont précaires mais la solidarité des habitants, celle des militants communistes, des démocrates, améliore un quotidien douloureux.

Dans les zones frontalières, en revanche, le dénuement est grand. On parque les combattants désarmés dans des camps d’internement, de concentration qu’ils doivent parfois eux-mêmes bâtir. Les conditions de vie sont inhumaines. À Argelès-sur-Mer, Barcarès et Saint-Cyprien, on dort dans des trous creusés à même le sable. Le froid glacial, la famine et la vermine n’épargnent personne. D’autres encore sont placés à l’isolement, sans aucun autre jugement, dans des camps disciplinaires tels Collioure ou Le Vernet dans l’Ariège. Septfonds, Rieucros, Bram, Agde sont de ce dispositif qui fait honte aux autorités françaises. Ou encore le camp de « Gurs, une drôle de syllabe, comme un sanglot qui ne sort pas de la gorge », écrira Louis Aragon.

Paris trébuche sur les principes universels : des Espagnols seront renvoyés de force vers leur pays d’origine où la mort les attend. Dès le mois d’avril 1939, par un décret-loi, des milliers d’Espagnols sont embrigadés dans les compagnies de travailleurs étrangers pour fortifier les frontières. Le premier convoi de déportés vers l’Allemagne quitte Angoulême pour le camp de Mauthausen, en Autriche, le 20 août 1940, avec 900 républicains espagnols. D’autres sont déportés dans des camps en Afrique du Nord et livrés aux nazis.

Malgré la défaite, l’humiliation, les républicains s’organisent et résistent. Certains rejoignent le maquis et entrent dans la Résistance. Lors de la libération de Paris, les premiers chars qui pénètrent dans la capitale portent les noms des grandes batailles d’Espagne.

Le gouvernement de la République espagnole est en exil. Ses acteurs sont persuadés que les démocraties, libérées de la bête immonde, leur viendront en aide pour déloger le dictateur Franco. Il n’en sera rien. Troisième coup de poignard. Sur les 240 000 Espagnols qui resteront en France, 40 % sont des exilés républicains. Ils ne renonceront jamais à leur idéal, qu’ils transmettront sans répit. Un idéal qui leur survivra.

16:49 Publié dans Deuxième guerre mondiale, Guerre d'Espagne | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : retirada | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook |

06/03/2018

Ligue des champions. Le président oublié du Real Madrid

real madrid.jpg

Nicolas Guillermin, L'Humanité

ortega real_madrid.pngMilitant communiste et républicain, Antonio Ortega a dirigé le club en 1937 et 1938. Un nom que le Real, longtemps lié au franquisme, a fait disparaître de son histoire officielle.

Club le plus titré au monde et parmi les plus riches, le Real Madrid CF incarne à lui seul la version capitaliste globalisée du football. Toujours prompte à signer de juteux partenariats avec de nouveaux sponsors ou à recruter des joueurs « galactiques » pour des montants mirobolants, la Maison blanche, un de ses nombreux surnoms, est bien plus discrète lorsqu’il s’agit d’évoquer son histoire en dehors des terrains de football.

On connaissait le passé franquiste du club merengue (meringue), incarné par Santiago Bernabeu, ancien footballeur, combattant franquiste puis président qui sut utiliser sa proximité avec le régime dictatorial de Franco pour favoriser le Real durant son règne de 1943 à 1978. On savait moins que le Real Madrid avait eu à sa tête un président communiste en 1937 et 1938 issu du Front populaire, en la personne d’Antonio Ortega Gutierrez, condamné à mort après un procès sommaire dans une prison d’Alicante et exécuté le 15 juillet 1939 à l’âge de 51 ans.

Si l’information était connue en Espagne, elle s’est peu diffusée par-delà les Pyrénées durant toutes ces années. Il a fallu que Sapiens, un magazine catalan d’histoire, fasse sa une sur le dixième président du Real Madrid « assassiné par Franco » pour que l’information resurgisse via les réseaux sociaux. Dans leur enquête, l’historien Ramon Usall et le producteur de télé Frédéric Porta s’intéressent tout particulièrement à sa disparition de l’histoire officielle du club. D’Antonio Ortega, colonel communiste devenu président martyr, pas la moindre trace ne subsiste sur le site Internet du club. Juste un grand vide entre Rafael Sanchez Guerra, qui quitta la présidence au début de la guerre d’Espagne, et Adolfo Melendez, premier président après le conflit.

Le Real Madrid Club de Futbol, renommé Madrid Football Club

Originaire de la petite ville de Rabé de las Calzadas, dans la province de Burgos, rien ne prédestinait Ortega, né en 1888, à accéder aux plus hautes fonctions de ce club « royal ». Issu d’une famille modeste, Ortega commence sa carrière militaire en 1906 et grimpe les échelons. Lorsque la guerre d’Espagne éclate, il est lieutenant de carabiniers à Irun, au Pays basque. Peu de temps après, il devient gouverneur civil de Guipuzcoa et conduit les troupes républicaines dans le Nord. En mai 1937, le nouveau gouvernement républicain de Juan Negrin appelle ce militant communiste à Madrid, où il est nommé directeur général de la sécurité.

À cette époque, le Real Madrid Club de Futbol, renommé Madrid Football Club depuis 1931, date de la dissolution de la monarchie et de l’avènement de la Seconde République, a entamé sa mue. La couronne, symbolisant le titre royal accordé par Alphonse XIII en 1920, a disparu du blason et a été remplacée par une « bande de lilas » dont la couleur violette est une référence au drapeau républicain. En août 1936, quelques semaines après l’insurrection militaire, le club est saisi par le Front populaire, et la Fédération du sport ouvrier, représentée par Juan José Vallejo, prend la tête du conseil d’administration. C’est en sa qualité de directeur général de la sécurité qu’Ortega est désigné, peu après, comme président de transition afin de superviser le processus électoral qui doit mener Vallejo à la présidence.

Rapidement Ortega se prend au jeu. Dans une interview accordée au supplément de ABC, Blanc et Noir, le 15 novembre 1938, il dévoile sa vision du futur pour ce sport, loin du mercantilisme et centrée sur la formation : « Le football ne ressemblera en rien à celui qui était pratiqué avant le 18 juillet. Je veux parler de son organisation, bien sûr. Les joueurs ne seront plus échangés comme des jetons, ni les as, ni les jeunes. »

Pour le club, Ortega voit grand avec la construction d’un nouveau stade : « Madrid doit obtenir le meilleur terrain de sport en Espagne, le stade le plus important. » Une idée qui sera ensuite reprise à son compte par Bernabeu avec l’inauguration d’une nouvelle enceinte en 1947 qui prendra le nom d’Estadio Santiago Bernabeu en 1955. C’est également durant cette période que le conseil d’administration entérina le principe d’« un socio, une voix » lors des élections à la présidence du club. Mécanisme toujours en vigueur.

Alors comment expliquer l’absence de Vallejo et d’Ortega dans les annales du club ? La direction du club s’est toujours retranchée derrière les mêmes arguments selon lesquels « pendant la guerre civile, le football était paralysé » (le club n’a disputé aucune compétition entre 1936 et 1939) et que ces deux présidents n’ont pas été élus. Durant l’ère Bernabeu, la direction « madridiste » ira même jusqu’à dire que le violet est la couleur de la Castille et, au fil des années, le ton changera jusqu’à devenir bleu aujourd’hui.

Avec le temps, ce déni n’a guère évolué. Comme Sapiens le rappelle, en 2002 déjà, l’historien du football espagnol Bernardo Salazar déplorait dans le quotidien sportif AS que « dans le livre officiel du centenaire pas un mot n’est écrit sur la saisie du club par la Fédération du sport ouvrier ou la nomination d’Antonio Ortega comme président du Madrid FC ». Durant leur enquête, les deux auteurs n’ont jamais pu consulter les archives du club, trouvant porte close malgré leurs demandes répétées. Le Centre du patrimoine historique du Real Madrid « ne peut être visité, n’est pas ouvert au public », leur a-t-on expliqué.

Finalement, c’est le journaliste et écrivain de livres historiques Julian Garcia Candau qui dans Sapiens résume le mieux la vraie raison pour laquelle le Real Madrid a toujours refusé de reconnaître Ortega : « Parce qu’il est communiste, tout simplement. »

16/04/2017

Julian Grimau, 
la dignité humaine assassinée

Cathy Ceïbe, 19 Avril, 2013, L'Humanité

Grimau Huma.jpgLe 20 avril 1963, le dirigeant communiste est exécuté par un peloton franquiste au terme d’une parodie de justice. Sa réhabilitation reste d’actualité dans une Espagne qui ne veut pas se prononcer sur les crimes de la dictature. Une Espagne qui se refuse à solder les comptes du passé.

Il est des matins de printemps qui n’en sont pas. Comme ce samedi 20 avril 1963, lorsqu’un peloton d’exécution franquiste perfore de trente balles Julian Grimau. Cinquante ans ont passé depuis l’assassinat du dirigeant communiste dans la prison de Carabanchel à Madrid. De ce côté-ci des Pyrénées, des rues et des cités populaires portent ce nom qui résonne encore dans la mémoire des républicains espagnols.

Grimau est un symbole de la répression de la dictature que la générosité d’une mobilisation mondiale ne parviendra pas à sauver. Ce 20 avril 1963, il est allé à la mort avec l’état d’esprit qui fut toujours le sien, « sans attendre d’autre récompense que la conscience tranquille de celui qui a fait son devoir devant sa classe, son peuple, son parti ».

Julian Grimau est né le 18 février 1911 à Madrid. C’est un jeune ouvrier typographe qui voit alors deux Espagne se défier : l’une, réactionnaire, oligarque, dévote, militariste ; l’autre, républicaine, progressiste, agnostique. Il choisit son camp.

Grimau PCE.jpgEn 1931, il rejoint le Parti républicain démocratique fédéral. Le 18 juillet 1936, Franco déclare la guerre à la République. À l’automne, Julian Grimau adhère au Parti communiste d’Espagne (PCE) dont il deviendra, en 1937, secrétaire d’une brigade de police à Barcelone. À la fin de la guerre, il est contraint à l’exil. Il se réfugie alors à Cuba.

De retour en Europe, il participe à Prague, en 1954, au 5e Congrès du PCE, où il est élu membre du comité central que dirige Dolores Ibarruri, la Pasionaria. En 1962, il est élu secrétaire du Parti. Dans la clandestinité, Grimau assume cette lourde et dangereuse responsabilité à Madrid. Le pays, garrotté par le despote, est le théâtre de luttes sociales et ouvrières grandissantes.

Le 7 novembre 1962, il est arrêté dans un bus par deux membres de la police politique. Julian Grimau est alors transféré au sinistre siège de la direction générale de la sécurité (DGS). Pour ceux qui ont foulé la Puerta del Sol, la place épicentre de la capitale, là où se trouve le kilomètre zéro des routes espagnoles, il s’agit désormais du siège du gouvernement de la région autonome de Madrid, dirigé par la droite du Parti populaire (PP). En ce lieu, rien ne rappelle qu’on y a frappé et torturé. Que les cris sortaient des soupiraux. Que les bourreaux ont frappé et défenestré Julian Grimau, sans le tuer. Aucune plaque à la mémoire des combattants de la liberté que l’on a voulu faire taire à jamais. Le PP, ex-Alianza popular fondé par Manuel Fraga, ministre de l’Information et du Tourisme de Franco qui osa déclarer que Grimau s’était jeté dans le vide de manière « inexpliquée », nie encore son terrible passé. Ou l’assume…

Le 18 avril 1963, Julian Grimau est traduit devant un conseil de guerre (procès no 1.601/62). Outre son « activité subversive et sa propagande illégale », on l’accuse de « crimes commis pendant la guerre civile » lorsqu’il dirigeait la tcheka (centre de détention politique) de la rue Barenguer à Barcelone. Une campagne médiatique alimentée par le régime vise à discréditer Grimau, à le faire passer pour « un délinquant de première grandeur au service d’une cause criminelle » : le communisme.

Grimau Unita.jpgLe dossier est vide, et les supposés crimes proscrits. Les manifestations de soutien, elles, gonflent en Europe et en Amérique latine. Digne et courageuse, son épouse, Angela, résiste pour leurs deux fillettes, en se battant pour sa libération. Plus de 800 000 télégrammes arrivent à Madrid pour que cesse la parodie de justice d’une cour martiale dont le « conseiller légal » n’est en possession d’aucun titre juridique ! La dictature veut bâillonner cet homme, image de la lutte antifasciste, dépositaire de l’Espagne, légale, républicaine et égalitaire. Julian Grimau est un héros qu’il faut tuer.

« Ne vous y trompez pas. Ils me fusilleront sans aucune hésitation : ma mort est décidée depuis longtemps. À tous, je vous demande une chose : maintenez votre unité, continuez la lutte pour la liquidation définitive du franquisme », dit-il à ses compagnons de détention avant de tomber sous les balles. Paris, et d’autres capitales grondent de colère contre ce crime d’État. Dans l’Humanité, le poète et communiste espagnol Marcos Ana, qui a passé vingt-trois ans dans les geôles franquistes, déclare : « Avec Julian Grimau, on a voulu assassiner l’esprit même de liberté, de la dignité humaine. »

En 1964, Léo Ferré lui rend hommage : « L’heure n’est plus au flamenco. Déshonoré, Mister Franco. Nous vivons l’heure des couteaux. Nous sommes à l’heure de Grimau. » Un an plus tard, il reçoit à titre posthume la médaille d’or du Conseil mondial de la paix. Cinquante ans plus tard, la réhabilitation de 
Julian Grimau est toujours d’actualité : 
l’Espagne, atrophiée par le silence, se refuse à solder les comptes du passé.

Vers la réhabilitation ?  En 2006, une brèche s’est ouverte. Sur proposition du groupe mixte et particulièrement de la Gauche unie, le Sénat espagnol a approuvé une motion dans laquelle elle enjoignait le gouvernement socialiste de « procéder à la réhabilitation citoyenne et démocratique 
de la figure de Julian Grimau ». Car, officiellement, le dirigeant communiste 
est toujours considéré comme un criminel. 
À l’époque, tous les groupes avaient voté la motion, à l’exception du Parti populaire. L’initiative est tombée aux oubliettes 
de l’histoire. L’exécution de Julian Grimau fut pourtant un crime d’État. Un parmi des milliers d’autres perpétrés par la dictature de Franco. L’anniversaire de son assassinat est l’occasion pour les organisations mémorielles d’exiger 
des autorités l’annulation de tous les procès 
et sentences prononcés par les conseils de guerre et les tribunaux spéciaux du franquisme. C’est à leurs yeux une dette non soldée à l’égard des victimes. C’est aussi une question politique, éthique et de justice.

Grimau.jpg