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28/03/2017

MIGUEL HERNANDEZ, LE POETE OUBLIE

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Miguel Hernández Gilabert (30 octobre 1910 à Orihuela, province d'Alicante – 28 mars 1942 à Alicante) est l'un des plus grands poètes et dramaturges espagnols du XXe siècle.

Poète espagnol appartenant à la génération dite de 1936, Miguel Hernández, chevrier de son état jusqu'à l'âge d'homme, fut d'abord un autodidacte passionné de littérature et surtout de poésie. Ébloui par les formes les plus hermétiques de la poésie espagnole, et notamment par l'œuvre de Góngora, il se forgea un langage personnel à travers imitations et fréquentations, et parvint à la création métaphorique véritable, pure transposition d'une vie quotidienne violemment charnelle, où s'affrontent douleur et joie, amour et solitude, espoir et désespoir.

Il combattit, les armes à la main, dans les rangs de l'armée républicaine, et sa poésie est étroitement liée à cet engagement qui le conduisit à l'emprisonnement, puis à la mort. Essentiellement attaché à la terre dont il pétrit littéralement chacune de ses images, Miguel Hernández est un poète venu du peuple qui écrit pour le seul peuple, mais avec la rigueur du grand artiste pour qui le langage est l'objet d'une quête perpétuelle.

Si je naquis de la terre,
Si je suis né d'un ventre humain
malheureux et pauvre,
ce ne fut que pour devenir
le rossignol des malheurs...
I - Du chevrier au poète+ SUR INTERNET


M.Hernandez.jpgMiguel Hernández naît le 10 octobre 1910 à Orihuela (province d'Alicante), d'une famille de pauvres chevriers. Il fréquente le collège entre neuf et treize ans et demi, puis devient berger à son tour, sans cesser pour autant de se nourrir de poésie espagnole (saint Jean de la Croix, Garcilaso, Góngora, Antonio Machado...) ou française (Verlaine, Paul Valéry...). Miguel commence à écrire des poèmes vers l'âge de seize ans.

Il imite ses grands prédécesseurs (1928-1933) et participe à des cercles poétiques, notamment avec les frères Sijé, jeunes catholiques épris de littérature moderne et soucieux de lutter contre le conformisme et l'étouffement de la vie provinciale. Miguel découvre l'œuvre de Rafael Alberti et celle de Federico García Lorca. Il chante essentiellement les paysages de son terroir dans un langage fortement teinté de gongorisme.

Poussé par le désir de devenir poète à part entière, Miguel Hernández gagne Madrid (1931). Il y a froid et faim et rentre déçu à Orihuela. Il compose alors son premier recueil, qui paraît à Murcie en 1933 : Expert en lunes (Perito en lunas). La critique se montre sévère pour ce livre écrit en hendécasyllabes, où transparaît, à travers le néo-gongorisme des métaphores savantes et subtiles, l'originalité d'un lyrique en quête d'une écriture plus brève, plus synthétique, qui ne sacrifierait en rien l'épaisseur du vécu quotidien.

En 1934, Miguel publie dans Cruz y Ruya une pièce de théâtre : Qui t'a vu et qui te voit et ombre de ce que tu es (Quien te ha visto y quien te ve y sombra de lo que eres). Cet auto-sacramental, empreint de la marque de Calderón, évoque la perte de la grâce par l'homme puis la rédemption par l'Eucharistie. Le poète a su donner relief aux paysages et prêter chair aux allégories. L'écriture dramatique entraîne un approfondissement de la quête intérieure du Moi. Après cette œuvre, Miguel Hernández s'éloigne de la foi et abandonne le contenu théologique de ses symboles, cela malgré sa participation à la revue de Ramón Sijé, El Gallo crisis (1934-1935).II - Madrid. « Éclair qui n'a de cesse »+ SUR INTERNET


C'est en 1933 que Miguel rencontre le grand amour de sa vie, Josefina Manresa, couturière, fille d'un garde civil. En mars 1934 il retourne à Madrid où il travaille à l'encyclopédie taurine de José María de Cossío. Il devient l'ami de Pablo Neruda et de García Lorca, et de plusieurs autres écrivains célèbres. Le séjour madrilène, décisif sur le plan poétique, est marqué de déchirements et de remises en question. À la suite de difficultés financières, Miguel rentre à Orihuela. En février 1936 paraît Éclair qui n'a de cesse (El Rayo que no cesa). Ce recueil, qui est le fruit d'une longue gestation, chante un amour sensuel et douloureux, à travers des images somptueuses, qui, partant de l'éclair initial, abordent tous les aspects de la matière. L'élégance, le raffinement des sonnets n'entravent point la sourde et violente tension lyrique :

Comme le taureau je suis né pour le deuil
et la douleur, comme le taureau je suis marqué
par un feu infernal au côté,
et comme mâle à l'aine par un fruit.
(XXXIII)
Le poète se définit comme terre,

Je m'appelle Miguel mais je m'appelle argile.
Argile est ma profession et ma destinée
qui de sa langue tache tout ce qu'elle lèche...
(XV)
ultime image de l'amour auquel il se voue totalement.III - La guerre+ SUR INTERNET


Dès 1936 Miguel Hernández s'engage comme volontaire dans l'armée républicaine. Il épouse civilement Josefina Manresa, et voyage en U.R.S.S. (1937). Un livre naît de la guerre : Vent du peuple (Viento del pueblo, 1937), qui exprime les rêves et les espoirs du poète soldat, au nom d'un peuple qui a refusé l'asservissement,

Jamais les bœufs n'ont fait souche
dans les plaines d'Espagne...
mais qui est décimé par la lutte fratricide,

Sang, sang sur les arbres et les pavés,
sang sur les eaux, sang sur les murs
et crainte que l'Espagne s'écroule
sous le poids du sang qui suinte en ses trames
jusqu'à mouiller le pain qui se mange.
Miguel écrit plusieurs œuvres pour le théâtre, entre autres Le Laboureur de plus grand air (El Labrador de más aire, 1937). Son premier fils meurt en 1937. Dans L'Homme aux aguets (El Hombre acecha, 1939), qu'il dédie à Neruda, il s'identifie à tous les amputés, à toutes les victimes, puis il interpelle les poètes, proclamant son indéfectible espoir en une fonction militante de la poésie.

Un homme attend au fond d'un puits irrémédiable,
tendu, troublé, l'oreille au guet.
Un peuple a crié liberté ! le ciel s'envole.
Et les prisons s'envolent.
IV - L'emprisonnement : 1939+ SUR INTERNET


En route vers le Portugal, Miguel Hernández est arrêté par la police de ce pays et remis entre les mains de la garde civile espagnole. Libéré à la suite de plusieurs interventions, il se rend à Orihuela, mais il est de nouveau arrêté, puis transféré à Madrid. Condamné à mort à l'issue d'un procès sommaire (1940), il voit sa peine commuée en trente années d'emprisonnement. Entre 1938 et 1940 il écrit Cancionero et romancero d'absences (Cancionero y romancero de ausencias, 1958), où il dit la douleur de la solitude, dans de brefs poèmes en vers courts, avec fort peu d'images et d'adjectifs, suivant des rythmes populaires qui créent une grande tension dramatique.

Que veut-il donc encor le vent
chaque fois, oui, plus irrité ? Nous séparer.


Miguel Hernández est transféré de Palencia à Ocaña puis à Alicante. Les conditions déplorables de l'internement ont raison de sa santé. Le poète meurt de tuberculose pulmonaire le 28 mars 1942. Parmi les poèmes écrits en prison se trouvent la fameuse Berceuse de l'oignon (Nanas de la cebolla, 1939) écrite pour son deuxième fils, né en 1939,

L'oignon est un givre
dur et pauvre.
Givre de tes jours
et de mes nuits.
Faim et oignon
froid noir et givre
immense et rond...
et la Casida de l'assoiffé (Casida del sediento, mai 1941) :

Je suis le sable du
désert : désert de soif.
Ta bouche est l'oasis
où je ne dois pas boire.
[...]
Corps : ô puits interdit
à celui que la soif et le soleil ont calciné.
Poète singulier de par sa formation face à une génération nourrie dès l'enfance de la plus haute culture, Miguel Hernández traduit dans un langage universel les événements d'un destin personnel ; il communique aux métaphores les plus audacieuses la saveur immédiate des choses quotidiennes. Explorant les mêmes mots, pain, vent, terre, prison, il redécouvre et réinvente d'autres sens, selon une démarche ascétique qui le conduit à la nudité et à la transparence :

Seulement l'ombre. Sans astre. Sans ciel.
Êtres. Volumes. Corps qu'on peut toucher
à l'intérieur de l'air qui ne peut s'envoler
dans l'intérieur de l'arbre aux choses impossibles.


Marie-Claire ZIMMERMANN, Universalis

17/09/2016

Le saint communiste

saint.jpgLa photo ci-contre fut prise en septembre 1936 aux alentours de Huesca (province d’Aragon). Cet homme fut identifié comme un curé qui, quelques instants après avoir été photographié, allait être fusillé par des miliciens républicains dans le village de Sietamo.
 
Durant des décennies, cette image de curé martyr fit l’objet d’un véritable culte à Huesca et dans ses environs. On édita de petites estampes, des calendriers, on l’invoquait dans des prières. Mais en 1995, Jean-Paul II franchit un pas supplémentaire et, dans l’une de ses fournées de béatification de martyrs de la guerre civile, sanctifia ce jeune et beau curé qui défiait la mort avec le sourire de celui qui sait se trouver dans le bon camp. Dieu soit loué !
Ce cliché avait été réalisé par Hans Guttman, membre des Brigades internationales et photographe professionnel, qui en Espagne changea son nom en Juan Guzman.
Son problème était qu’il ne comprenait pas l’espagnol et pas toujours tout ce qui se passait autour de lui. Ainsi, lorsque les combattants républicains s’emparèrent du village de Pompenillo, sur la route de Huesca, Guttman ou Guzman, comme on voudra, réalisa une série de photos : un garde civil mort, un habitant prisonnier, le curé du village quelque temps avant d’être fusillé… et bien d’autres photos qu’il identifia à sa manière.

A la fin de la guerre civile, Guttman partit au Mexique où il vécut le reste de sa vie. Sans doute ne sut-il jamais que le pape avait sanctifié le martyr qu’il avait eu face à lui durant quelques instants.
 
Le photographe mourut de vieillesse, et c’est en ordonnant ses papiers et ses négatifs qu’est apparue la surprise : le « curé » fusillé de la photo n’était pas du tout curé. Guttman s’était trompé en référençant son cliché. En réalité ce jeune homme était un brigadiste communiste allemand ! La preuve en est fournie par d’autres photos, prises quelques jours plus tard, où ce même jeune homme figure, en compagnie de ses camarades, avec la salopette typique que revêtaient alors les combattants républicains.

Ainsi donc, les bigots de la région du Haut-Aragon ont adoré durant des décennies les petites estampes et images sacrées d’un prétendu martyr qui, pour avoir été communiste et probablement mécréant, devait sans aucun doute séjourner en enfer. Et alors ? Va-t-on le faire redescendre des hauteurs célestes ? Peut-on déloger un saint de son poste ? Le pape n’est-il pas infaillible, et par là même censé ne pas s’être trompé en le sanctifiant ? Mon Dieu, que de questions sans réponses ! »

(D’après une info publiée dans le quotidien El Periodico de Catalunya.)

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13:37 Publié dans Espagne, Guerre d'Espagne, Photos | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : saint, espagne, curé, photo | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook |

17/07/2016

Il y a 80 ans éclatait la guerre d'Espagne

espagnerepublique.jpg

Publication initiale en juillet 2004 - Entretien réalisé par Théophile Hazebroucq, L'Humanité

Il y a 80 ans, le 18 juillet 1936, un coup d'État militaire se répercute dans l'Espagne. S'en suit une guerre civile de trois ans. A cette occasion nous republions notre entretien avec Rémi Skoutelsky, historien spécialiste de la guerre d'Espagne, qui revient sur cet événement et sa postérité dans le siècle passé.

Comment éclate la guerre civile espagnole ?

Rémi Skoutelsky
. Au début du XXe siècle, l'Espagne est encore quasiment au XVIIIe. La Catalogne et le Pays basque sont développés, mais le reste du pays est totalement féodal. Après les élections municipales de 1931, le roi, grand-père de l'actuel Juan Carlos, s'enfuit, et la République est proclamée. Elle ne sera pourtant jamais légitime. La petite bourgeoisie patriote est numériquement faible, et du côté ouvrier, la force dominante anarchiste reste hostile à toute " démocratie bourgeoise ". Les deux piliers de la monarchie, l'Église et l'armée ne songent nullement à un compromis.

C'est un gouvernement de front populaire - alliance des socialistes, des communistes, et des républicains de gauche - qui est au pouvoir depuis le mois de février en Espagne. S'il y a déjà eu de nombreux putschs dans le pays, celui de 1936 s'inscrit dans un contexte international particulier. En Europe, la lutte fait rage entre l'alliance fascisme-nazisme et le mouvement ouvrier, surtout depuis que le Komintern a abandonné sa ligne gauchiste qui mettait dans le même sac démocratie et fascisme.

La conjuration militaire déclenche le putsch à l'issue de plusieurs semaines de guerre civile larvée : grèves dures d'un côté, assassinat de militants et de républicains de l'autre. Avant même l'intervention de Mussolini et Franco au côté des factieux, le monde entier lit les événements à travers la grille fascisme-antifascisme. L'échec du coup d'État entraîne une révolution dans la zone restée fidèle à la République et, inévitablement, la guerre civile, qui plonge immédiatement l'Espagne au coeur des affrontements internationaux.

Pour quelles raisons l'Angleterre et la France refusent-elles d'intervenir ?

Rémi Skoutelsky.
Les intérêts de ces deux États ne sont pas identiques. La bourgeoisie anglaise est d'emblée favorable aux putschistes, même si elle voit d'un mauvais oeil l'ingérence de Hitler et Mussolini. La France, elle, est gouvernée par un Front populaire. La première réaction de Blum est d'ailleurs d'envoyer des avions en Espagne, qui permettront de constituer l'escadrille Malraux. Au bout d'une dizaine de jours cependant, il estime que la meilleure tactique consiste à installer un cordon sanitaire autour de l'Espagne afin que ni l'Italie ni l'Allemagne ne puissent aider les nationalistes. Compte tenu du rapport de forces initial, cela aurait peut-être assuré la victoire républicaine.

Mais malgré l'accord de non-intervention, Allemands et Italiens continuent à ravitailler Franco sans discontinuer. En France, le gouvernement doit affronter une violente campagne de droite . Les radicaux, par crainte que l'Allemagne ne se saisisse de ce prétexte pour déclarer la guerre à la France, menacent de faire exploser la coalition de Front populaire si Blum aide l'Espagne. En outre, la Grande-Bretagne a prévenu la France de la caducité de leur alliance si la guerre éclatait pour ce motif-là. Mais la peur la plus déterminante, chez Blum, est vraisemblablement celle d'une réaction de l'armée en France. Il maintient donc la politique de " non-intervention ", même si les armes soviétiques passeront par la frontière des Pyrénées.

La guerre d'Espagne génère un formidable mouvement de solidarité qui conduit pour la première fois des milliers de volontaires à combattre pour une nation qui n'est pas la leur. Comment s'explique cet élan ? Qui s'engage, et pourquoi ? Quel rôle jouent les Brigades Internationales sur le terrain ?

Rémi Skoutelsky
. Toute l'Europe vit au rythme de ce premier conflit de l'ère des médias. Les opinions publiques sont exacerbées. En France par exemple, les tensions restent vives après la fin de la grève générale de l'été 1936. On y vit en fait une véritable guerre civile par procuration, à travers l'Espagne. Entre 1936 et 1939, être de gauche, antifasciste, ou humaniste, c'est d'abord soutenir la République espagnole. Le corollaire de l'existence de régimes fascistes est l'arrivée massive dans les pays voisins de l'Espagne, à commencer par le nôtre, d'une importante immigration antifasciste.

Des centaines de communistes allemands, d'anarchistes italiens ou de réfugiés des pogroms juifs polonais rejoignent dès l'été 1936 les milices ouvrières espagnoles. Lorsque l'URSS se décide enfin à aider la République, par des livraisons d'armes d'une qualité au demeurant douteuse, il ne saurait être question d'envoyer en masse des soldats. Elle cherche en effet à se rapprocher de la France et de la Grande-Bretagne et ne veut surtout pas prendre le risque de s'attirer leur hostilité. Étant donné le potentiel de volontaires antifascistes, le Komintern décide donc de créer les Brigades internationales. Elles draineront 35 000 combattants : des ouvriers, dans leur écrasante majorité, de tous pays mais d'abord de France, plus tout jeunes, et loin d'être tous communistes. Ils joueront un rôle fondamental dans la bataille de Madrid et dans l'organisation de l'armée républicaine.

 Quel est l'élément décisif de la défaite du camp républicain ?

Rémi Skoutelsky. Quoi qu'en disent certains historiens, le déséquilibre en armement est flagrant, quantitativement et qualitativement, entre les républicains qui ne disposent que du matériel soviétique pas toujours de première main, et Franco qui bénéficie d'une aide à guichet ouvert des nazis. C'est d'abord cela qui a pesé. L'affrontement inégal entre une armée professionnelle côté factieux, renforcée de surcroît par des dizaines de milliers de soldats italiens (heureusement pas très motivés), et des militants prêts au sacrifice suprême mais inexpérimentés côté républicain constitue, à mon avis, avec le déséquilibre des armes,la première cause.
Les divisions du camp républicain lui ont aussi porté préjudice et il est trop simple de les attribuer uniquement au Parti communiste espagnol. Mais son rôle de parti de "l'ordre" et l'interventionnisme de moins en moins discret des Soviétiques pour remettre en cause les conquêtes révolutionnaires de l'été 1936 pèsent.L'attaché militaire de l'ambassade de France - pas à proprement parler un gauchiste - note alors : "Si le gouvernement d'ici devait perdre la guerre, ce ne serait pas pour des fautes tactiques et techniques, mais pour avoir porté atteinte à sa seule force, l'élan révolutionnaire de l'armée."Pourquoi les divisions républicaines ne se sont-elles pas effacées derrière une sorte d'union sacrée ?

Rémi Skoutelsky. On a peine à imaginer la violence de la société espagnole de l'époque, y compris au sein du mouvement ouvrier. Les luttes entre socialistes et communistes français, dans les années vingt-trente, par exemple, ne sont rien à côté des affrontement entre la centrale syndicale socialiste, l'UGT (Union générale des travailleurs), et les libertaires de la CNT-FAI (Confédération nationale du travail - Fédération anarchiste ibérique). Les méfiances réciproques ne s'effacent guère pendant la guerre civile. Si des militants anarchistes sont " liquidés ", des communistes sont également assassinés par des libertaires. L'important est de comprendre que cette méfiance, exacerbée par le rôle des Soviétiques, se traduit à tous les niveaux : du gouvernement aux unités sur le front. La tentative d'éradication du POUM, parti communiste antistalinien (après les journées insurrectionnelles de Barcelone en mai 1937) n'est pas faite non plus pour apaiser les inquiétudes des démocrates.Quel lien peut-on établir entre cette guerre d'Espagne et la Seconde Guerre mondiale ?

Rémi Skoutelsky. Il s'agit d'un prélude, de la première bataille. Le gouvernement républicain ne s'y était d'ailleurs pas trompé. Son objectif, à partir de l'été 1938, était de tenir jusqu'à la guerre pour bénéficier de l'aide de la Grande-Bretagne et de la France.
Par ailleurs, elle a joué le rôle fondamental de laboratoire de l'armée nazie : la " guerre éclair " qui écrasera la France en quelques semaines est, par exemple, testée en Aragon. Enfin, les vétérans de la guerre civile joueront un rôle déterminant du côté des Alliés. On retrouvera ainsi des Espagnols dans la Résistance française et des anciens des Brigades internationales, dans les FTP (Francs-tireurs et partisans), les FFI (Forces françaises de l'intérieur), les commandos américains ou encore les maquis de Tito.

La dictature de Franco peut-elle être imputée à l'indifférence des puissances occidentales ?

Rémi Skoutelsky.
Après-guerre, c'est certain. À partir de 1943, Franco se rapproche des Américains. La tentative des maquisards espagnols de reprendre l'offensive, à partir du Val d'Aran en 1944, est un désastre. La guerre froide arrivant, Franco est dans le " bon " camp. Mais, au-delà, on peut retenir un aspect positif de cette guerre. À mon avis, l'Europe est née en Espagne, car les peuples européens se sentent directement concernés par ce qui s'y passe. L'internationalisme n'est pas qu'un humanisme. Il repose sur la solidarité, donc sur un sentiment de proximité : ce qui se passe là-bas peut se passer chez nous.

Mais le phénomène des Brigades internationales est aussi étroitement lié aux conditions historiques : il reste unique dans l'histoire. Il serait toutefois faux de prétendre que la conscience internationaliste est morte avec la République espagnole. Il n'est qu'à voir l'élan de solidarité en France au moment des attentats de Madrid, ou les mouvements altermondialistes. Le rapport à la violence, à l'engagement physique, lui, est différent.

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La guerre d'Espagne 1936-1939 par Monde-contemporain

18:52 Publié dans Actualité, Espagne, Guerre, Guerre d'Espagne | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : guerre espagne, 80 ans | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook |