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04/08/2017

NUIT QUATRE AOUT 1789 / FIN DES PRIVILEGES

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Dans la nuit du 4 août 1789 disparaît l'ancienne France fondée sur le privilège et les vieilles structures de la féodalité. La séance du 4 août 1789 de l'Assemblée nationale est la conséquence de la Grande Peur, qui jette les paysans contre les châteaux.

Le soulèvement des campagnes rappelle aux députés le problème paysan. Les révoltes agraires ne touchent pas seulement les intérêts de la noblesse, mais également ceux de la bourgeoisie, qui avait acquis de nombreux biens fonciers.

Faut-il défendre la propriété par la force ou faire des concessions ? Nobles libéraux et bourgeois penchent finalement pour la dernière solution. Le 4 août au soir, le vicomte de Noailles, un seigneur ruiné, réclame l'abolition des privilèges fiscaux, la suppression des corvées et de la mainmorte.

Il est appuyé par le duc d'Aiguillon. L'Assemblée, d'abord réticente, se laisse entraîner par un véritable délire qui a frappé tous les contemporains. « On pleurait, on s'embrassait. Quelle nation ! Quelle gloire ! Quel honneur d'être français ! », note un témoin. Disparaissent d'un coup, dans l'élan qui emporte l'Assemblée, les corvées, les justices seigneuriales, les dîmes, la vénalité des offices, les privilèges fiscaux des provinces, des villes et des individus. C'est reconnaître l'égalité de tous devant l'impôt et devant l'emploi et achever l'unité de la nation. « Nous avons fait en dix heures, écrit un député, ce qui devait durer des mois. »

En réalité les décrets des 5 et 11 août n'abolissent que les servitudes personnelles, les corvées et le droit de chasse, tandis que les droits réels pesant sur la terre ne sont déclarés que rachetables à un taux onéreux. L'abolition de la vénalité des offices s'accompagne d'une indemnisation qui permet aux anciens titulaires de réinvestir l'argent dans l'achat de biens nationaux.

Quant aux corporations, l'article 10 du décret du 11 août se borne à leur interdire de nommer des représentants particuliers pour défendre leurs intérêts devant la municipalité. Elles ne disparaîtront qu'avec la loi d'Allarde, le 2 mars 1791.

La nuit du 4 août doit être ramenée, en dépit de son retentissement, à de plus modestes proportions, car elle a eu surtout pour but de calmer les jacqueries qui menaçaient les intérêts de la bourgeoisie autant que ceux des nobles. Elle n'en a pas moins consacré l'abolition du régime féodal et des privilèges.

Jean TULARD, Universalis

17:39 Publié dans Politique, Révolution | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : privilèges, 4 aout, révolution française | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook |

23/07/2017

Pour Louis Antoine Saint-Just, le roi « doit régner ou mourir »

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Olfa Ayed, L'Humanité

Les grands discours de la République (4/34). 13 novembre 1792 à la Convention nationale

L’unique but du comité fut de vous persuader que le roi devait être jugé en simple citoyen ; et moi, je dis que le roi doit être jugé en ennemi (…). Les mêmes hommes qui vont juger Louis ont une République à fonder : ceux qui attachent quelque importance au juste châtiment d’un roi ne fonderont jamais une République (…).

Nous nous jugeons tous avec sévérité, je dirais même avec fureur ; nous ne songeons qu’à modifier l’énergie du peuple et de la liberté, tandis qu’on accuse à peine l’ennemi commun et que tout le monde, ou rempli de faiblesse, ou engagé dans le crime, se regarde avant de frapper le premier coup. Nous cherchons la liberté, et nous nous rendons esclaves l’un de l’autre ! Nous cherchons la nature, et nous vivons armés comme des sauvages furieux ! Nous voulons la République, l’indépendance et l’unité, et nous nous divisons, et nous ménageons un tyran ! (…)

Pour moi, je ne vois point de milieu : cet homme doit régner ou mourir (…) il doit mourir pour assurer le repos du peuple, puisqu’il était dans ses vues d’accabler le peuple pour assurer le sien. L’on vous propose de le juger civilement, tandis que vous reconnaissez qu’il n’était pas citoyen, et qu’au lieu de conserver le peuple, il ne fit que sacrifier le peuple à lui-même (…).

On ne peut point régner innocemment : la folie en est trop évidente. Tout roi est un rebelle et un usurpateur. Les rois mêmes traitaient-ils autrement les prétendus usurpateurs de leur autorité ? Ne fit-on pas le procès à la mémoire de Cromwell ? Et, certes, Cromwell n’était pas plus usurpateur que Charles Ier, lorsqu’un peuple est assez lâche pour se laisser mener par des tyrans, la domination est le droit du premier venu, et n’est pas plus sacrée ni plus légitime sur la tête de l’un que sur celle de l’autre.

Citoyens, le tribunal qui doit juger Louis n’est point un tribunal judiciaire : c’est un conseil, c’est le peuple, c’est vous ; et les lois que nous avons à suivre sont celles du droit des gens (…).

Je ne perdrai jamais de vue que l’esprit avec lequel on jugera le roi sera le même que celui avec lequel on établira la République. La théorie de votre jugement sera celle de vos magistratures, et la mesure de votre philosophie, dans ce jugement, sera aussi la mesure de votre liberté dans la Constitution.

Je le répète, on ne peut point juger un roi selon les lois du pays, ou plutôt les lois de cité. Le rapporteur vous l’a bien dit ; mais cette idée est morte trop tôt dans son âme ; il en a perdu le fruit. Il n’y avait rien dans les lois de Numa pour juger Tarquin ; rien dans les lois d’Angleterre pour juger Charles Ier : on les jugea selon le droit des gens ; on repoussa la force par la force ; on repoussa un étranger, un ennemi. Voilà ce qui légitima ces expéditions, et non point de vaines formalités, qui n’ont pour principe que le consentement du citoyen, par le contrat. Tout ce que j’ai dit tend à vous prouver que Louis XVI doit être jugé comme un ennemi étranger. J’ajoute qu’il n’est pas nécessaire que son jugement à mort soit soumis à la sanction du peuple ; car le peuple peut bien imposer des lois par sa volonté, parce que ces lois importent à son bonheur ; mais le peuple même ne pouvant effacer le crime de la tyrannie, le droit des hommes contre la tyrannie est personnel ; et il n’est pas d’acte de la souveraineté qui puisse obliger véritablement un seul citoyen à lui pardonner (…).

Louis a combattu le peuple : il est vaincu. C’est un barbare, c’est un étranger prisonnier de guerre. Vous avez vu ses desseins perfides ; vous avez vu son armée ; le traître n’était pas le roi des Français, c’était le roi de quelques conjurés. Il faisait des levées secrètes de troupes, avait des magistrats particuliers ; il regardait les citoyens comme ses esclaves ; il avait proscrit secrètement tous les gens de bien et de courage. Il est le meurtrier de la Bastille, de Nancy, du Champ-de-Mars, de Tournai, des Tuileries. Il doit être jugé promptement. Peuple, si le roi est jamais absous, souviens-toi que nous ne serons plus dignes de ta confiance, et tu pourras nous accuser de perfidie.

Face aux 749 députés de la Convention nationale, le plus jeune élu de l’assemblée évoque la nécessité d’ouvrir le procès de Louis XVI, devant aboutir à son exécution pour en finir complètement avec la royauté.

Depuis le renversement de la monarchie le 10 août 1792 et la proclamation de la République le 21 septembre qui suivit, Louis XVI n’est plus roi de France. Dans ce discours emprunt de véhémence, le député de l’Aisne Louis Antoine Saint-Just profite de son manque de popularité pour se positionner comme le porte-parole du peuple trahis. En effet, ce Montagnard, proche de Robespierre, insiste sur les récentes erreurs de Louis XVI : il ne doit pas être jugé comme un citoyen mais comme l’« ennemi étranger » qui a créé une troupe de gardes suisses sans le consentement de l’Assemblée nationale.

Face à une confiance délitée du peuple envers le roi, sa simple incarcération semble inimaginable pour Saint-Just. Cette décision serait une menace pour la République et pour la liberté, estime l’élu qui insiste : le roi doit « régner ou mourir ».

Le discours du jeune député, pour qui la décision de la Convention reflétera le niveau de liberté qu’elle souhaite pour la République, aura un impact considérable pour la suite. Le procès de Louis XVI débute en décembre 1792. Sa tentative de fuite à Varennes, le 21 juin 1791, ainsi que l’utilisation des fonds publics pour financer la contre-révolution et la création d’une troupe de gardes étrangers, lui sont reprochés. Deux mois plus tard, le 21 janvier 1793, Louis XVI est guillotiné.

18:59 Publié dans Biographie, Révolution | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : saint just, discours | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook |

27/06/2017

Essai. Musique au cœur de l’histoire des États-Unis

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Aliocha Wald Lasowski Philosophe - L'Humanité

Les Indiens d’Amérique et leur musique - Frances Densmore - Traduit de l’anglais par Julien Besse, Éditions Allia, 176 pages, 12 euros
Motown Adam White Traduit de l’anglais par Christian Gauffre, Éditions Textuel, 400 pages, 59 euros
Deux ouvrages : l’un soulignant l’importance des chants chez les peuples indiens, l’autre revenant sur l’aventure de Motown Records et de la lutte à Detroit pour les droits civiques.

Les Indiens d’Amérique et leur musique

Frances Densmore

Traduit de l’anglais par Julien Besse, Éditions Allia, 176 pages, 12 euros

Comment mesurer la puissance de la musique ? Jusqu’où un chant de résistance, de révolte ou de liberté, peut-il conduire ceux qui l’entonnent ? De quelle manière, motrice et affective, la musique mobilise-t-elle des collectivités, engagées dans le soulèvement ou l’émancipation ? Pour répondre à ces questions, plongeons-nous au cœur de l’histoire, souvent violente, de l’Amérique.

C’est le massacre de Wounded Knee. Au lever du jour, le 29 décembre 1890, sur le sommet d’une colline du Dakota du Sud, les familles de 350 Sioux, affamés et sans armes, sont massacrés par le Septième régiment de cavalerie. Aucun survivant. Les femmes et les enfants ne sont pas épargnés. Cette folie barbare n’est pas oubliée aujourd’hui par les militants de l’American Indian Movement, qui, en hommage aux victimes, organisent des veillées musicales et reprennent les chants de leurs ancêtres.

Pour connaître le lien entre le chant des tribus indiennes et leur organisation sociale et politique, l’ethnomusicologue Frances Densmore, pianiste et organiste d’église, étudie leur musique à partir de 1893, trois ans après le massacre de Wounded Knee. Transcrivant d’abord à l’oreille les chansons des Sioux, Densmore les rencontre, munie d’un phonographe, et enregistre mille cinq cents chansons, auprès des Navajos, Iroquois, Creeks, Comanches ou Cheyennes. Son récit Les Indiens d’Amérique et leur musique analyse ces chants, appelés « langue des rêves ».

Issue d’une expérience mystique, la musique vocale ou instrumentale, symbolisée par un dessin sur des rouleaux d’écorce de bouleau, accompagne danses et fêtes, annonce la guérison ou la guerre, comme le chant pawnee de gratitude de la cérémonie Hako. « Les détails de la coutume du rêve ou du pouvoir de la chanson varient selon les tribus », conclut Desmore, qui insiste sur le rôle politique des mélodies. N’en est-il pas de même, dans un autre contexte, pour la musique noire américaine, confrontée à la ségrégation raciale aux Etats-Unis ?

Ce sont les émeutes de Detroit, en juillet 1967. Une semaine de troubles civils déclenchés par une descente de police, près du lieu où les musiciens de Motown Records, fondés en 1959 par Berry Gordy, se retrouvent souvent pour jouer. Dans la ville où le label de musique fait découvrir au monde le son nouveau d’une autre Amérique, celle des lois de 1964 et 1965 pour les droits civiques et le droit de vote, l’intervention de la police, de la Garde nationale et des troupes de l’armée américaine fait 43 morts, 1200 blessés et plus de 7000 arrestations. Chaos urbain. Quartiers détruits, Détroit symbolise la lutte contre la ségrégation, explique Adam White, journaliste et producteur, en ouverture de Motown, qu’il consacre aux luttes menées par d’extraordinaires artistes et musiciens à qui ce label a donnés sa chance, dream team musicale, panthéon de créateurs géniaux : Marvin Gaye, Stevie Wonder, Smokey Robinson, Diana Ross ou encore les Jackson Five. Motown est l’histoire d’une ascension fantastique, celle d’une des plus originales « usines à tubes » de l’histoire de la musique populaire américaine, passerelle culturelle entre Noirs et Blancs, où la conscience politique n’est jamais loin.

Deux mois après le célèbre discours « I have a dream », discours culminant de la marche pour la paix et la liberté de 200 000 personnes à Washington, Motown sort un album qui reprend le discours de Martin Luther King, accompagné de chansons et d’hymnes des marcheurs, comme We shall Overcome, interprété par Liz Lands.