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29/07/2013

Quand des milliers de juives étaient envoyées dans des bordels en Amérique du Sud

juiveprost.jpgC'est un chapitre peu connu de l'histoire contemporaine sur lequel se penche cette semaine l'hebdomadaire Der Spiegel. Entre 1860 et 1930, en pleine montée de l'antisémitisme, des milliers de jeunes juives pauvres d'Europe de l'Est ont émigré en Amérique du Sud dans l'espoir d'une vie meilleure, dupées par des proxénètes qui les envoyaient dans des bordels à leur arrivée.

A cette époque, les femmes blanches étaient très recherchées sur le marché de la prostitution en Amérique latine, qui se concentrait principalement dans les grandes villes portuaires, comme Buenos Aires et Rio de Janeiro. En Argentine, les prostituées juives étaient surnommées «esclavas blancas», esclaves blanches, tandis qu'au Brésil on les nommait «Polacas», les Polonaises.

L'écrivain Stefan Zweig en a fait une description dans son journal intime après avoir visité le quartier rouge de Rio en 1936:

«Les juives d'Europe de l'Est promettent les perversions les plus excitantes – qu'est-ce qui les a poussées à finir comme ça, à se vendre pour trois francs ? […] Certaines femmes sont vraiment belles – il règne chez toutes une mélancolie discrète – et c'est pourquoi leur avilissement, l'exposition dans le cadre d'une fenêtre, n'apparaît pas du tout vulgaire, émeut plus qu'il n'excite.»

Pour attirer les jeunes femmes, les proxénètes, parmi lesquels de nombreux juifs, leur promettait de leur offrir un emploi ou un mari, explique Der Spiegel:

«Pour assurer le ravitaillement, les proxénètes ne se font pas seulement passer pour des agents d'emploi […] mais pour des marieurs ou des époux. Ils se présentent lors de leurs voyages comme des gentlemen, comme des compatriotes et des coreligionnaires, se présentent bien habillés et mondains, et profitent de la misère et des peurs existentielles qui règnent dans les villes juives d'Europe de l'Est et de Russie, desquelles ils sont souvent originaires. Là-bas règnent la pauvreté, le chômage et la peur face à l'antisémitisme grandissant

Toutes ces jeunes femmes n'étaient pas des esclaves, tempère cependant Irene Stratenwerth, curatrice d'une exposition consacrée au destin tragique de ces jeunes femmes, qui a eu lieu l'an dernier au Centrum Judaicum à Berlin. Comme elle l'expliquait alors à Deutschlandradio Kultur:

«Je ne voudrais aussi pas parler absolument de prostitution forcée dans le sens où les filles auraient été contraintes de se prostituer par des forces obscures. Je dirais plutôt que de très, très nombreuses femmes étaient dans le pétrin, n'avaient en fait aucune autre possibilité de subsistance. »

Le pire était que la communauté juive implantée en Amérique du Sud, soucieuse de sa réputation, les bannissait au lieu de leur venir en aide. Ce sont donc les prostituées elles-mêmes qui ont dû s'organiser pour obtenir des droits, notamment celui d'être enterrées selon le rituel juif, qui leur était interdit, en créant leurs propres institutions et en achetant elles-mêmes des sépultures à Buenos Aires, à Rio de Janeiro et à São Paulo. Leurs tombes continuent toutefois d'être séparées par un mur de celles des juifs «intègres», précise Der Spiegel.

Image: Une prostituée juive. Document Der Spiegel.

Photo: Une prostituée juivre. Document Der Spiegel.
 

11:19 Publié dans International, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : prostitution, juive, amérique latine | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook |

24/07/2013

CHILI : 1973 - 2013 : 40 ANS DÉJÀ ! SPECIAL ANNIVERSAIRE !

chili_allende_pinochet_18b_hr_fr.jpgAu matin du 11 septembre 1973, le palais présidentiel de la Moneda est cerné et bombardé. Le président socialiste Allende annonce à la radio :

«Qu’ils le sachent, qu’ils l’entendent, qu’ils le gravent en profondeur : je ne laisserai la Moneda qu’à la fin du mandat que m’a donné le peuple, je défendrai cette révolution chilienne et je défendrai le gouvernement car c’est le mandat que le peuple m’a confié. Il n’y a pas d’alternative. Ce n’est qu’en nous criblant de balles qu’ils pourront empêcher la volonté qui est celle de faire accomplir le programme du peuple.

Si on m’assassine, le peuple suivra sa route, suivra son chemin même si les choses seront plus difficiles et plus violentes. Et ce sera une leçon objective très claire pour la majorité de ces gens que rien n’arrête. J’avais tenu compte de cette éventualité, je ne leur offre pas la facilité. Le progrès social ne va pas disparaître parce que disparaît un de leur dirigeants. Il pourra demeurer, se prolonger. Mais on ne peux le renfermer ni le mettre à genoux.».

chili1973.jpgCe 11 septembre 1973, les troupes du général Augusto Pinochet assiègent le palais présidentiel de la Moneda, à Santiago. La junte, dirigée par les commandants des armées chiliennes, demande la démission du président Salvador Allende.

Vers 9 h 30, Allende prononce un dernier discours radiodiffusé. Quelques minutes plus tard, les troupes commencent à tirer sur le palais, puis à le bombarder. Dans l'après-midi, les 50 personnes qui se trouvaient aux côtés du président se rendent aux militaires. Poussé au désespoir, Salvador Allende se suicide.

Le coup d’état militaire, organisé avec l’aide des Etats-Unis, inaugurera une dictature avec une répression politique massive.

2 279 morts et disparus ont été recensés dont 641 morts « dans des conditions non élucidées » et 3 197 « détenus disparus ».

Près de 150 000 personnes ont été emprisonnées pour des motifs politiques.

Il y a eu des centaines de milliers d’exilés politiques.

Le réseau des blogs E-Mosaïque à l’occasion de ce triste anniversaire publiera une dizaine d’articles pendant les mois d’août et Septembre pour célébrer cet évènement marquant de la tragédie humaine.

 


Coup d'Etat Chili 1973 par sybelium

20/07/2013

LEODILE BERA : ECRIVAIN COMMUNARDE

Leo_Andre_26_max.jpg« Vive la Bourse, la France se meurt  ! » écrivait, pendant le siège de Paris, la journaliste, romancière et féministe qui prit une part active à la Commune, aux côtés de Louise Michel.

« On a flétri du nom d’assassins les assassinés, de voleurs, les volés, de bourreaux les victimes. » Le 27 septembre 1871 à Lausanne, au cinquième congrès de la Ligue de la paix et de la liberté, ces mots sont ceux de la romancière et journaliste André Léo, un pseudonyme littéraire, construit avec le prénom de ses deux enfants.

Quatre mois après la Commune, dans son discours intitulé la guerre sociale, elle défend ses combattants et ses combattantes dont elle fut, elle fustige les versaillais. Elle dénonce un véritable complot contre le peuple jusqu’à ce qu’il se concrétise dans le massacre des Parisiens, transformant la capitale en « un immense abattoir humain ».

L’histoire officielle n’a jamais cessé de se venger de la Commune. Par la haine, par la caricature et par le silence. L’histoire révolutionnaire elle-même a laissé peu de place aux femmes.

André Léo, pourtant, fut une belle et grande figure. Féministe qui se bat très tôt pour l’égalité des salaires mais aussi pour le droit des femmes à aimer librement, anarchiste qui n’hésite pas à critiquer Bakounine aussi bien que Marx, proche de Louise Michel avec qui elle fonde en 1869 la Société de revendication des droits de la femme.

Collaboratrice également du journal le Droit des femmes, elle y combat les thèses de Proudhon qui a prétendu justifier de façon scientifique l’infériorité des femmes dans tous les domaines. « Lorsque l’intelligence de la femme aura cessé d’être enfermée systématiquement dans les premiers moules de la conception humaine ; quand on lui aura rendu l’air et la liberté ; quand elle recevra une instruction semblable à celle de l’homme… Alors nos physiologistes pourront reprendre leurs balances et recommencer leurs calculs. » « On ne naît pas femme, on le devient », écrira Simone de Beauvoir bien plus tard.

Léodile Bera naît le 18 août 1824 à Lusignan, dans la Vienne, lieu de résidence de la fée Mélusine qui a la particularité de se transformer le soir en serpent à l’abri des regards. Son grand-père fut un révolutionnaire, créateur en 1791 de la Société des amis de la Constitution, son père a été officier de marine puis est devenu juge de paix.

Elle vit dans un milieu cultivé de la moyenne bourgeoisie, profite de la bibliothèque familiale. En 1851, elle publie son premier roman, Une vieille fille, qui sera suivi de nombreux autres qui vont lui assurer une réelle notoriété dans le monde des lettres. Son inspiration est à certains égards proche de celle de George Sand. Dans Une vieille fille, le jeune héros finit par épouser une femme plus âgée dont il est devenu amoureux, comme François le Champi chez Sand. Elle aime aussi les paysans, qu’elle pare de bon sens et de simplicité, d’une sorte de vérité dans leur proximité avec la terre. Elle les défendra à juste titre contre Bakounine et d’autres qui ne veulent voir en eux que des rustres et des lourdauds. La même année que paraît Une vieille fille, elle épouse Pierre Grégoire Champseix, un journaliste et intellectuel progressiste, rédacteur de la Revue sociale. Ils ont deux enfants donc, et vivent en Suisse, mais Pierre Grégoire meurt en 1863.

André Léo vit de sa plume, comme romancière et journaliste. Dans la Coopération, elle publie, en 1867, des reportages sur le travail, comparant en particulier les salaires des hommes et ceux des femmes. Dans les campagnes, pour les hommes, un franc la journée avec la nourriture alors que « pour les femmes, le prix varie de 40 à 50 centimes avec la nourriture. (…) Dans les villes, pour les ouvrières, la journée est la même que celle des pauvres femmes des campagnes, 40 à 50 centimes. Cela est dû au travail des couvents, qui jettent à prix réduit sur le marché d’énormes quantités de linge confectionné. » Elle plaide et milite également pour la création d’associations ouvrières, à la fois pour de meilleures conditions de travail et pour la formation intellectuelle et morale des associés.

Revenue à Paris, elle assiste avec 200 000 personnes aux obsèques du journaliste Victor Noir, progressiste et républicain tué en duel. Le climat est tendu. Elle est avec Louise Michel. Elle est habillée en homme avec un poignard caché sous ses habits. Quelques mois plus tard, toujours avec Louise Michel, elle lance une pétition pour sauver des blanquistes condamnés à mort. Les exécutions seront renvoyées, deux jours avant la chute de l’empire.

Pendant la guerre avec la Prusse, elle milite au sein du Comité de vigilance de Montmartre. Le 18 septembre 1870, toujours avec Louise Michel, elle manifeste à l’hôtel de ville pour demander des armes pour Strasbourg assiégée. Toutes deux sont arrêtées puis libérées. Elle fonde le journal la République des travailleurs et critique avec le culte des chefs « le fétichisme politique », conséquence « du fétichisme religieux ». Elle en appelle sans cesse au peuple face à ces belles fortunes « pétries de tes misères, de la souffrance de ta femme, de la mort de ton enfant… Vive la Bourse ! La France se meurt » !

léodile bera,la communeElle est évidemment avec la Commune dès le 17 mars, comme journaliste toujours, oratrice, membre du Comité des citoyennes du 17e arrondissement, de l’Union des femmes pour la défense de Paris et le soin aux blessés qui est aussi la section féminine française de l’internationale… Elle s’efforce de faire comprendre ce qui se passe à Paris à la province et publie, à 100 000 exemplaires, un appel « Aux travailleurs des campagnes » : « Frère, on te trompe, nos intérêts sont les mêmes. (…) Si Paris tombe, le joug de la misère retombera sur votre cou. »

Dans les débats de la Commune même, elle se prononce pour la lutte armée, face aux versaillais : « Il n’est aucune conciliation qui ne serait une trahison à la cause républicaine. » Mais quand la Commune décide de supprimer les journaux d’opposition, elle demande le respect inconditionné de la démocratie : « Si nous agissons comme nos adversaires, comment le monde choisira-t-il entre eux et nous ? »

En exil, elle poursuivra ses activités de journaliste et d’oratrice politique avant de reprendre, en 1876, une carrière encore plus intense de romancière, publiant également en feuilleton, dans le Siècle. Elle ne dérogera jamais de son engagement féministe et de gauche. Léodile Bera est morte le 20 mai 1900. Elle est enterrée au cimetière d’Auteuil, à Paris, près de son époux et de ses deux enfants.

Maurice Ulrich publié par l'Humanité

10:35 Publié dans Biographie, L'Humanité, La Commune | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : léodile bera, la commune | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook |