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30/07/2023

La bataille de Koursk. La Wechmacht ne se remettra pas de cette défaite imposée par l'armée Rouge

Koursk.jpg

Cinquante jours : c’est le temps qu’a duré la bataille de Koursk, opposant la Wehrmacht à l’Armée rouge du 5 juillet au 23 août 1943. La plus grande bataille de chars de l’histoire – et une des plus importantes dans les airs –, avec ses pertes humaines et matérielles gigantesques, est moins connue que celle de Stalingrad. Elle n’en est pas moins décisive en cet été 1943, où la Seconde Guerre mondiale bascule.

Si elle a duré beaucoup moins longtemps que la bataille de Stalingrad (six mois et vingt-deux jours, du 11 juillet 1942 au 2 février 1943), la bataille de Koursk (cinquante jours, du 5 juillet au 23 août 1943) n’en a pas moins été décisive – elle l’a même peut-être été davantage. Stalingrad marquait un tournant plus politique que militaire, mais les Allemands gardaient leurs capacités offensives et demeuraient à l’initiative, comme le montra la contre-offensive de von Manstein sur Kharkov en février-mars 1943.

Après leur défaite à Koursk, les nazis perdirent cette capacité d’initiative et furent contraints de reculer. Il fallut encore deux longues années avant que le drapeau rouge ne flotte sur le Reichstag, mais, en août 1943, Hitler avait déjà perdu la guerre. C’est ce qu’écrivit le journaliste Alexander Werth, correspondant britannique en URSS pendant le conflit mondial, dans son magistral « la Russie en guerre. De Stalingrad à Berlin » (1) : « En gagnant la bataille de Koursk, la Russie avait gagné la guerre. »

Après la reddition de von Paulus à Stalingrad en février 1943, Hitler et ses généraux cherchèrent à prendre leur revanche et à frapper un grand coup à l’est, afin de redonner le moral aux Allemands et plus particulièrement à l’armée.

La défaite soviétique à Kharkov avait conduit à la formation d’un saillant (2) sur le front à Koursk. Il mesurait 200 kilomètres de large et s’avançait vers l’ouest jusqu’à 150 kilomètres. Les troupes soviétiques des fronts centre et de Voronej qui s’y trouvaient menaçaient les flancs et l’arrière des groupes d’armées allemands du centre et du sud. À leur tour, ces groupements ennemis, occupant les têtes de pont d’Orel et de Belgorod-Kharkov, pouvaient infliger de puissantes attaques de flanc aux troupes soviétiques à Koursk.

Opération Citadelle

Dès le mois de mars 1943, les Allemands lancèrent les préparatifs d’une grande offensive estivale. L’opération (nom de code « Citadelle ») prévoyait des frappes dans des directions convergentes du nord et du sud sur les flancs du saillant de Koursk. Ensuite, il était prévu de frapper à l’arrière du front sud-ouest (opération « Panther ») et de lancer une offensive en direction du nord-est afin d’atteindre l’arrière profond du groupe central des troupes soviétiques et de créer une menace pour Moscou. Les meilleurs généraux de la Wehrmacht et les troupes les plus prêtes au combat furent mobilisés. Au total, 900 000 hommes, environ 10 000 canons et mortiers, jusqu’à 2 700 chars et canons d’assaut, et environ 2 050 avions. Cela représentait près de 70 % des chars dont disposaient les forces du Reich, jusqu’à 30 % des divisions motorisées et plus de 20 % des divisions d’infanterie, ainsi que plus de 65 % de tous les avions de combat opérant sur le front soviéto-allemand.

La Stavka – le quartier général soviétique – reçut de diverses sources des renseignements sur les préparatifs des nazis. Les agents du renseignement soviétique opérant à l’étranger obtinrent des informations sur l’offensive allemande. Le groupe du communiste hongrois Alexandre Sandor Rado, en Suisse, transmit des indications précises, jusqu’à la date et l’heure de l’offensive. En Grande-Bretagne, sous la houlette du général de division Sklyarov, les officiers du renseignement avaient obtenu un rapport analytique préparé pour Churchill et intitulé « Évaluation des intentions et actions allemandes possibles dans la campagne russe de 1943 ». Les partisans soviétiques, à l’arrière, livraient aussi des informations sur les convois d’hommes et de chars qui confirmaient les préparatifs allemands.

Pour Joukov, il faut « saigner l’ennemi »

Le commandement soviétique était confronté à un choix difficile : attaquer ou défendre. Joukov, maréchal chef de l’état-major soviétique, et son adjoint le maréchal Vassilievski proposèrent de « saigner l’ennemi » dans une bataille défensive, puis de passer à la contre-offensive. Un certain nombre de chefs militaires s’y opposèrent – Vatoutine, Malinowski, Timochenko, Vorochilov –, mais Staline soutint la proposition de Joukov et Vassilievski. La décision finale fut prise fin mai-début juin. La date de l’attaque était fixée au 5 juillet 1943.

Du côté soviétique, les fronts du centre et de Voronej comptaient, à la veille de l’assaut, 1 300 000 hommes, plus de 19 000 canons et mortiers, 3 444 chars et canons automoteurs, 2 172 avions. La défense soviétique reposait sur un échelonnement de lignes défensives comprenant mines, pièces d’artillerie, lance-roquettes et chars. Ces lignes étaient disposées en profondeur, jusqu’à 250 à 300 kilomètres. Le tout était soigneusement dissimulé.

Les troupes soviétiques étaient dirigées par des commandants célèbres tels que Joukov, Vatoutine, Koniev, Rokossovsk. Ils étaient opposés à des généraux allemands non moins expérimentés – Man-stein, Model, Goth.

Prévenus que l’attaque allemande aurait lieu le 5 juillet à 3 heures du matin, les quartiers généraux des fronts centre (commandant Rokossovski) et Voronej (commandant Vatoutine) décidèrent de mener une contre-préparation d’artillerie dans la nuit. Elle commença à 1 h 10. Les Allemands subirent des pertes et durent retarder le début de leur offensive de trois heures.

En quelques jours, les chars allemands réussirent à pénétrer de 10 à 12 kilomètres sur la face nord du saillant de Koursk et jusqu’à 35 kilomètres sur la face sud. En matière de chars, la Wehrmacht avait la supériorité sur l’Armée rouge, non pas en nombre mais en qualité des équipements. Le T-34 soviétique n’avait qu’un canon de 76 mm et le T-70 un canon de 45 mm ; le char lourd allemand T-VI Tiger avait un canon de 88 mm qui pouvait percer le blindage du « Trente-Quatre » – son surnom – à une distance pouvant atteindre 2 kilomètres. Le canon du T-34 ne pouvait pénétrer le blindage des chars Tiger et Panther qu’à une distance de 300 à 400 mètres, c’est-à-dire au corps-à-corps. C’est ce qui se produisit au cours de cette première et gigantesque bataille de chars, notamment près de Prokhorovka.

Des pertes gigantesques

Le matin du 12 juillet, les chars soviétiques concentrés là passèrent à l’attaque. Ils étaient plus nombreux que ceux des Allemands – 3 contre 2 environ. Les chars soviétiques allèrent à la rencontre des chars allemands au plus près, à bout portant. Les formations de combat des adversaires étaient si mélangées que les Tiger et les Panther exposaient leur blindage latéral, qui n’était pas aussi solide que le frontal, au feu des canons soviétiques.

Lorsque la bataille commença finalement à se calmer vers la fin de la journée du 13 juillet, on put compter les pertes. Elles étaient gigantesques. La 5e armée de la garde soviétique avait pratiquement perdu sa puissance de combat. Les Allemands, de leur côté, n’avaient plus que 250 chars en état de service. Ils disposaient encore du 24e Panzer Corps, mais l’envoyer au combat signifiait perdre la dernière réserve. Le potentiel du côté soviétique était incommensurable. Le 15 juillet, la Stavka décida de déployer les forces du front de la steppe du général Koniev sur l’aile sud du saillant de Koursk. Les chars soviétiques furent concentrés à la hâte au nord-est de Prokhorovka et reçurent l’ordre, le 17 juillet, de passer à l’offensive. Les unités allemandes, cependant, avaient commencé à s’éloigner du champ de bataille.

Des deux côtés, jusqu’à 1 200 chars et canons automoteurs participèrent à la bataille de Prokho- rovka. Les pertes en matériel des troupes soviétiques s’élevèrent à 500 chars, sur les 800 engagés (soit 60 % de la composition d’origine) ; les Allemands avaient perdu 300 chars sur 400 (75 %). Mais la bataille de Koursk ne fut pas seulement une bataille de chars. L’aviation y joua aussi un grand rôle. Les pilotes français du régiment Normandie-Niémen s’y distinguèrent particulièrement (3). Le 14 juillet 1943, les Français exécutèrent 25 missions et remportèrent 3 victoires dues au commandant Pouyade et aux lieutenants Albert et Castelain. Mais, ce même soir, le sous-lieutenant Jean de Tedesco manquait à l’appel, abattu dans la région de Bolkhov. Au total, le groupe déplorera 6 morts et remportera 17 victoires homologuées.

Après Prokhorovka, la phase offensive de la bataille commença du côté de l’Armée rouge. Le 3 août, après que les troupes des fronts de Voronej et des steppes eurent repoussé l’ennemi vers leurs positions d’origine sur l’aile sud du saillant de Koursk, l’opération « Belgorod-Kharkov » commença (opération « Roumiantsev »). Le 5 août, l’Armée rouge libéra Orel et Belgorod. Le soir même, sur ordre de Staline, le premier salut d’artillerie fut donné à Moscou – 12 salves tirées par 124 canons – en l’honneur des libérateurs. « Oui, le temps des salves victorieuses avait commencé », note Alexander Werth (4). Le 23 août 1943, l’Armée rouge libéra Kharkov. C’était la fin de la bataille de Koursk. Les Soviétiques avaient repoussé l’ennemi vers l’ouest de 140 à 150 kilomètres.

La Wehrmacht perdit 30 divisions, dont 7 de chars, 1 500 tanks, plus de 3 000 avions, 3 000 canons et environ 500 000 soldats furent tués, blessés ou portés disparus. Les pertes des troupes soviétiques furent encore plus importantes : 860 000 tués ; plus de 6 000 chars et canons automoteurs, 5 000 canons et mortiers, 1 500 avions. Néanmoins, l’équilibre des forces au front avait changé en faveur de l’Armée rouge. Elle disposait d’un nombre incomparablement plus élevé de nouvelles réserves que la Wehrmacht.

La victoire soviétique près de Koursk, puis dans la bataille du Dniepr (24 août-23 décembre 1943) acheva un tournant radical dans la Grande Guerre patriotique. La stratégie offensive de la Wehrmacht subit une faillite définitive. À la fin de 1943, 37 pays étaient en guerre contre les puissances de l’Axe. L’effondrement du bloc fasciste avait commencé.

En novembre-décembre 1943, lors de la conférence de Téhéran, première rencontre entre Staline, Roosevelt et Churchill, la décision finale fut prise d’un débarquement allié en Normandie en 1944. « À la fin de l’année 1943, l’Armée rouge avait libéré la moitié du territoire occupé par les Allemands en 1941-1942 », note l’historien américain Geoffrey Roberts (5).

La bataille de Koursk donne encore matière à réflexion : c’est une leçon à la fois tactique et stratégique pour les militaires du monde entier. Elle fut l’une des plus grandes batailles de l’histoire de l’humanité.

Source L'Humanité

(1) « La Russie en guerre. De Stalingrad à Berlin, 1943-1945 » (tome 2), d’Alexander Werth, Tallandier, 2010 ; rééd. coll. « Texto » 2022. (2) Partie du front formant une avancée, une saillie. (3) Voir « l’Humanité magazine » n° 830 du 10 novembre 2022, « Des ailes françaises dans le ciel soviétique », par Bernard Frederick, et sur humanite.fr (4) « La Russie en guerre », ouvrage cité. (5) « Les Guerres de Staline. De la guerre mondiale à la guerre froide », de Geoffrey Roberts, préface d’Annie Lacroix-Riz, Delga, 2014.

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04/06/2020

Disparition. Raymond Gurême, la voix des Tziganes s’est éteinte

Nomade deporte.jpgDernier survivant des camps d’internement des nomades créés en 1940 par le gouvernement français, cet ancien résistant et infatigable militant contre le racisme est décédé le 24 mai.

« Toujours debout, jamais à genoux. » Cette phrase, qu’il répétait souvent, résume à elle seule Raymond Gurême. À 94 ans, ce militant contre l’injustice, dernier témoin de l’internement des nomades en France pendant la Seconde Guerre mondiale, est mort le 24 mai dernier. « C’était un personnage très proche des gens, qui avait beaucoup d’humour, de joie de vivre et qui dégageait un charisme et une énergie extraordinaires », se souvient Saimir Mile, porte-parole de la Voix des Roms, dont Gurême était le président d’honneur. Malgré son âge, il était encore présent, le 16 mai dernier, lors du rassemblement annuel en mémoire de l’insurrection tzigane du camp d’Auschwitz-Birkenau, en 1944. Avec son éternel chapeau sur la tête, le petit homme sec aux yeux pétillants y invitait encore les jeunes à « ne pas avoir peur, parce que la peur n’évite pas le danger ».

Témoin d’une histoire oubliée, il n’a cessé, des écoles de France jusqu’au Conseil de l’Europe, de raconter avec humour et générosité ce douloureux passé. « Raymond disait,“ Je ne me bats pas pour une ethnie, mais pour la justice sociale. ” C’est quelqu’un qui n’a jamais accepté d’être opprimé et qui a toujours trouvé le moyen de se libérer », se souvient François Lacroix, membre du Collectif pour la mémoire de l’internement à Linas-Montlhéry. Pour Anina Ciuciu, avocate et auteure de Je suis tzigane et je le reste, « Raymond Gurême voyait l’antitziganisme comme faisant partie d’un tout. C’était quelqu’un du peuple. La misère sociale et toutes les formes de racisme le révoltaient ».

Des évasions à répétition

La vie de Raymond Gurême tient du roman d’aventures. Les premières années de ce fils de forains, né en 1925, évoquent la chanson d’Aznavour, Viens voir les comédiens. La roulotte familiale sillonne la France avec son petit cirque et son cinéma ambulant. « Quand on arrivait dans un village, tous les gosses couraient vers nous en criant joyeusement, “V’là le cirque, v’là le cinéma.” Mon père demandait la permission au maire de s’installer (…) et pas un ne refusait. À cette époque, nous apportions la civilisation dans les petites villes et les villages », a raconté le militant à la journaliste Isabelle Ligner, avec qui il a écrit le récit de sa vie, Interdit aux nomades. Lui aidait son père à rembobiner les films et faisait le clown et l’acrobate.

Mais, le 4 octobre 1940, tout bascule. Des policiers français débarquent chez les Gurême pour appliquer le décret adopté en avril, avant l’occupation allemande, interdisant la libre circulation des nomades. « Ils ont dit : “Remballez votre matériel et suivez-nous.” Et voilà, la misère a commencé. » Ses parents sont pourtant français depuis des générations, son père a même fait la guerre de 1914-1918. Mais la famille est transférée sans ménagement au camp de Darnétal, près de Rouen, puis à Linas-Montlhéry. Un dernier voyage effectué dans des wagons à bestiaux, puis à pied, sous les coups de crosses. « Ça a été terrible. Nous n’avions plus rien, ni pour manger, ni pour nous chauffer dans les baraques. Les gosses tombaient malades, des bébés mouraient… »

De cet enfer, Raymond Gurême s’évadera deux fois. La première, il est rattrapé sur dénonciation du maire de sa commune natale, à qui il avait demandé de l’aide. Après une nouvelle évasion, il file en Bretagne et trouve un emploi de travailleur agricole. Malgré le risque, il voyage plusieurs fois jusqu’à Linas pour apporter à manger à sa famille. Naturellement, il s’engage dans la Résistance, est arrêté, puis envoyé en Allemagne. Là encore, il multiplie les évasions et parvient à rejoindre la France, en 1944, où il réintègre la Résistance et participe à la libération de Paris. Mais, pour le résistant Gurême, il n’y aura ni médaille ni reconnaissance.

Une chape de plomb sur l’histoire

Nomade deporte 2.jpgAlors que les derniers camps nomades ne ferment qu’en juin 1946, Raymond a perdu sa famille de vue. Il lui faudra attendre les années 1950 pour retrouver les siens, partis en Belgique. Quant aux rescapés des camps, l’État français leur a tout pris. Ils n’auront aucune compensation et plongeront dans la misère. « Il n’y a jamais eu un centime de dédommagement. C’est quelque chose qui a créé un passif entre les familles et l’État », analyse François Lacroix. En France, une chape de plomb tombe sur l’histoire des camps tziganes . « En 1976, quand j’ai entendu parler de Linas-Montlhéry pour la première fois par des familles roms, j’ai commencé à poser des questions. Le maire n’était pas au courant et disait qu’il n’y avait aucune archive », se souvient François Lacroix, qui pointe « le silence de la police et des politiques ».

C’est ce silence que Raymond Gurême a voulu rompre. « Mais personne ne voulait nous entendre », disait-il. Au début des années 2000, peu à peu, les archives s’ouvrent et des historiens commencent à travailler sur ces heures sombres. Avec François Lacroix, ils obtiennent la mise en place d’une stèle et d’une cérémonie annuelle sur le site de l’ancien camp d’internement de Linas-Montlhéry, en face duquel Raymond Gurême a choisi de s’installer. Il faudra attendre octobre 2016 pour que François Hollande reconnaisse la responsabilité de la France dans l’internement de 6 500 Tziganes de France. Dans la foulée, la loi les obligeant à avoir un titre de circulation spécifique est abrogée. « Ce ne sont pas les Allemands qui m’ont ramassé. C’est la police française », n’avait de cesse de rappeler Raymond Gurême. L’ancien résistant, lui, n’a reçu qu’une seule récompense de la part de son pays : en 2012, après la sortie de son livre témoignage, il est fait chevalier des Arts et des Lettres, pour son combat contre les discriminations.

06/06/2019

Août 1944: L’opinion des Parisiens lors de la libération de la Capitale

Paris libéré.jpg

En 1938, Jean Stœtzel, universitaire normalien et agrégé de philosophie crée le premier institut de sondages en France : l’Ifop ou Institut Français d’Opinion Publique qui restera jusqu’en 1963, date de la création de la SOFRES, le seul institut d’enquêtes de l’hexagone.

La naissance de l’Ifop est clairement liée à une influence américaine : professeur détaché à l’Université Colombia de New York de1937 à 1938, Jean Stœtzel y fait la connaissance de George Gallup, à l’origine du lancement -à partir de la campagne présidentielle de 1936 -et de la popularisation des sondages aux Etats-Unis.

Il est séduit par le succès de Gallup et par la méthode utilisée (un échantillon représentatif d’électeurs américains plutôt que des votes de paille tels ceux organisés pendant la campagne électorale par le Literary Digest qui annonçait la défaite de Roosevelt). Il revient en France avec l’idée de la création de l’Ifop et le souhait de voir ses enquêtes publiées dans la presse, à l’instar de celles de George Gallup dans le New York Times.

Aujourd’hui, il ne reste que peu de traces des enquêtes de l’Ifop réalisées dès après la création de l’institut, dans la période 1938-1945.

Néanmoins, au-delà de ces aléas historiques, la naissance de l’Ifop est intimement liée à deux moments historiques au cours desquels les travaux de l’institut ont été révélés au grand public : la crise et les accords de Munich en septembre 1938 puis la libération de Paris en août.

L’enquête menée dans la semaine suivant la libération de Paris marque donc la seconde naissance de l’Ifop et constitue, au regard de ses conditions de réalisation et de certains de ses enseignements sur l’état d’esprit de la population parisienne, un moment historique pour l’institut.D’un point de vue méthodologique, ce sondage a porté uniquement sur la population parisienne, à l’exclusion de la banlieue. Plus de 1000 personnes ont été interrogées du 28 août au 2 septembre 1944 à Paris.

Question : Quelle est votre opinion sur l’importance du rôle des F.F.I. dans la libération de Paris

Importance considérable : 61,9 %

Importance partielle ou secondaire : 29,9 %

Importance très faible ou influence néfaste : 7,4 %

 

Question : Quelle nation aura le plus contribué à la défaite allemande?

U.R.S.S : 61 %

US.A : .29,3 %

Angleterre : 11,5 %

Les 3 Alliés : 3,5 %

Autres : 3,1 %

Aucune réponse n’était présupposée pour la question. La très grande majorité des personnes interrogées se sont orientées vers l’une des trois puissances alliées, parfois en les associant. Une faible minorité a répondu: «La France», d’autres encore ont cité: «La Suisse», «La Roumanie» et «L’Allemagne elle-même»

Un sondage mené par l’Ifop en mai 1945, sur l’ensemble du territoire français désormais libéré, confirmera le point de vue de la population parisienne (URSS: 57%, Etats-Unis: 20%).

A cet égard, il convient de noter que cette perception de l’opinion publique s’inversera de manière très spectaculaire avec le temps.

En 1994, à l’occasion du cinquantième anniversaire du débarquement allié du 6 juin 1944, l’Ifop réalisa une étude internationale pour Le Monde, CNN et USA Today et posa de nouveau cette question relative à la nation ayant le plus contribué à la défaite allemande: 49% des Français interrogés citèrent les Etats-Unis, 25% l’URSS et 16% la Grande-Bretagne. Un sondage ultérieur mené en 20044accentuera cette tendance avec 58% en faveur des Etats-Unis et 20% seulement pour l’URSS.

Sources IFOP