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05/06/2014

Le débarquement et la Résistance sur les ondes de la liberté

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A partir de radio Londres, les ondes radiophoniques se font l’écho du discours en appelant à la libération nationale, à la Résistance et jouent un grand rôle dans les préparatifs du 6 juin 1944.

Petite chronique de cette marche de l’histoire.

Le chef de la France combattante refuse de parler à la BBC immédiatement après le commandant suprême des forces expéditionnaires interalliées. Le général de Gaulle s’exprimera non à 10 heures, après le général Eisenhower, mais dans le quart d’heure français de l’après-midi, à 17h30.

Son discours sera diffusé une seconde fois en début de soirée : « La bataille suprême est engagée ! Après tant de combats, de fureurs, de douleurs, voici venu le choc décisif, le choc tant espéré. Bien entendu, c’est la bataille de France et c’est la bataille de la France ! D’immenses moyens d’attaque, c’est-à-dire, pour nous, de secours, ont commencé à déferler à partir des rivages de la vieille Angleterre.

Devant ce dernier bastion de l’Europe à l’ouest fut arrêtée naguère la marée de l’oppression allemande. Il est aujourd’hui la base de départ de l’offensive de la liberté.

La France, submergée depuis quatre ans, mais non point réduite, ni vaincue, la France est debout pour y prendre part. » Des préparatifs aux discours Le débarquement se prépare depuis plusieurs années. En janvier 1944, Winston Churchill accède à la proposition du général de Gaulle selon laquelle l’insurrection nationale en France peut jouer un rôle déterminant le moment venu de la Libération.

Le chef de la France Combattante défend ce point de vue depuis les premières évocations en 1942 d’un débarquement allié (1). Ce revirement d’opinion du premier ministre du Royaume-Uni crée le changement à la BBC.

Un des « objectifs fondamentaux » du service français de la radio de Londres est, selon les nouvelles directives du Political Warfare Executive, de « préparer » les Français « pour le jour où ils pourront coopérer activement avec les forces alliées de la Libération. » (2)

La BBC parle de l’importance des maquis et retransmet les appels du conseil national de la résistance (CNR), qui appelle à la mobilisation.

En vidéo : extraits des émissions "Les Français parlent aux Français" et "Honneur & Patrie", diffusée par la France Libre sur la BBC à destination de la France occupée L’appel du CNR du 11 mars « demande aux patriotes de briser l’offensive contre le maquis, en désorganisant les transports de l’ennemi, en harcelant ses troupes, en éliminant les miliciens, en organisant des grèves de solidarité ».

Le 27 mars, le CNR lance un nouvel appel, avant toute une série, jusqu’au discours du 6 juin. Le général de Gaulle parle d’un combat « en bon ordre ! », au sein d’une « seule et même volonté », d’une « seule et même espérance ». « Derrière le nuage si lourd de notre sang et de nos larmes voici que reparaît le soleil de notre grandeur » clame Charles de Gaulle, le 6 juin 1944, à la radio de Londres.

En vidéo :le discours du Général de Gaulle prononcé aux Français dans l'après-midi du 6 juin 1944 De la radio à la France libérée Des bouleversements en mai 1944 montrent l’importance du rôle joué par la BBC dans l’organisation, de l’extérieur, de la résistance de l’intérieur, à l’approche du débarquement. Le 2 mai, l’émission « Honneur et Patrie » fusionne avec le programme « Les Français parlent aux Français ».

Le 9, le contrôle des émissions à destination des Français passe sous la direction d’un condominium franco-britannique, qui décide en session interalliée hebdomadaire des directives à adresser aux Français. Les États-Unis préconisent une occupation militaire alliée des territoires français libérés d’une durée de six mois à un an. Le Royaume-Uni s’y oppose, car ces plans vont à l’encontre de la volonté du peuple de France, trop fier pour accepter de telles conditions de libération.

Des négociations franco-américaines commencent dans le sens de la mise en place d’une administration française remplaçant l’administration de Vichy lors de la Libération. À la veille du Jour J, les désaccords sont tels que de Gaulle fait savoir à Churchill qu’il ne souhaite pas que des officiers de Liaison français accompagnent les forces alliées.

Le rôle de ces officiers a été décidé grâce à un accord écrit et signé par le comité français de libération nationale (CFLN), mais de Gaulle envisage leur retrait de l’opération Overlord.

Leur rôle consiste à indiquer aux commandants alliés, une fois en France, les bonnes personnes auprès desquelles confier la responsabilité des affaires civiles françaises. Le chef de la France Combattante ne met pas sa menace à exécution : vingt officiers de Liaison français accompagnent les forces alliées lors du débarquement en Normandie (3).

À Londres, le journaliste et producteur radio André Gillois remplace Maurice Schumann comme porte-parole de la France Combattante, quand ce dernier part sur le front en Normandie, aux côtés du général de Gaulle.

Audrey Vedel Bonnéry, université Charles de Gaulle Lille 3 (1) Jean-Louis Crémieux-Brilhac, La France libre. De l’appel du 18 juin à la Libération, p.431 (2) Centre des archives écrites de la BBC, R34/654/2, directive pour les services français de la BBC, 3-30 janvier 1944 (3) Archives nationales britanniques, cabinet de guerre britannique, 13 juin 1944, 1 L’enjeu des télécommunications. « L’aviation alliée, depuis quelques jours, avait démoli les stations allemandes de radiolocalisation. Les Allemands ont été surpris à tel point qu’en certains endroits ils n’ont pas eu le temps de faire sauter les ponts. »

Jean Oberlé, créateur du célèbre slogan « Radio Paris ment, Radio Paris ment, Radio Paris est allemand », était à la radio de Londres, quatre ans plus tôt, quand le général Charles de Gaulle vint prononcer l’Appel du 18 juin 1940. À 21 h 52, ce 6 juin 1944, il commente : « Français, notre belle Normandie est un champ de bataille, bataille qui va sans doute être dure. On se bat dans Caen, mais bien d’autres villes et villages normands vont souffrir. Souffrir pour votre libération.

L’armée de la libération est déjà sur le sol français où l’ennemi la défiait de débarquer. »

Quelques dates historiques : 18 juin 1940, l’Appel, premier discours prononcé par le général de Gaulle à la radio de Londres, ondes de la BBC.

10 juillet 1940, publication du texte du Parti communiste français intitulé Peuple de France, signé Thorez-Duclos

15 mars 1944, adoption du programme du Conseil national de la Résistance (CNR) intitulé Les jours heureux. La majorité des propositions fut effectivement adoptée entre la Libération de 1944 et le début de 1946.

Audrey Vedel Bonnery pour l'Humanité - See more at: http://www.humanite.fr/le-debarquement-et-la-resistance-sur-les-ondes-de-la-liberte-543717#sthash.wzLog1lZ.dpuf

23/05/2014

Une expo raconte la prostitution forcée dans les camps nazis

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Le destin des femmes forcées à la prostitution dans les camps de concentration nazis, tabou même pour d'anciens déportés, fait l'objet d'une exposition itinérante en Allemagne, qui débute au mémorial du camp de Ravensbrück.

Entre 1942 et 1945, au moins 200 prisonnières ont été contraintes de se prostituer dans les bordels de dix camps de concentration, selon l'historien allemand Robert Sommer, qui a identifié 170 de ces femmes.

Bordels
A peu près "70% étaient des Allemandes, considérées comme asociales par les SS, les autres venaient de Pologne, d'Ukraine, du Bélarus ou des Pays-Bas", indique M. Sommer. La plupart ont été recrutées dans le camp de concentration pour femmes de Ravensbrück, à une cinquantaine de kilomètres de Berlin, où certaines purgeaient une peine pour prostitution dans le civil, et dans le camp d'Auschwitz (aujourd'hui en Pologne).

La construction de bordels dans les camps de concentration fut décidée par le chef de la SS Heinrich Himmler en 1941, pour améliorer la productivité des prisonniers et lutter contre les pratiques homosexuelles. "Au début, les SS cherchaient des femmes volontaires" contre la fausse promesse d'une libération, explique Robert Sommer, "mais il a fallu ensuite en trouver de plus en plus", que les nazis ont alors recrutées de force.

Question de survie
"Pourquoi nous étions là? On ne nous en a rien dit", a rapporté une prisonnière dont le témoignage anonyme est présenté dans l'exposition. Dans les baraquements chauffés qui servaient de bordels, la nourriture et l'hygiène étaient un peu améliorés par rapport au reste des camps de concentration. Presque toutes les femmes qui y ont été enfermées ont survécu.

"Nous nous sommes résignées à notre sort. Nous nous disions: c'est toujours mieux que (les camps de concentration de) Ravensbrück ou Bergen-Belsen", poursuit le témoignage. "Le travail sexuel était organisé de façon bureaucratique", explique M. Sommer, qui présente aux visiteurs plusieurs cartes d'identification portant le code 998, celui des prostituées des camps, et des coupons qui permettaient aux prisonniers récompensés pour leur travail d'effectuer une visite au bordel.

Honorable

La fréquentation des bordels, interdite aux juifs ou aux prisonniers de guerre soviétiques, ne concernait qu'une infime minorité de la population des camps - 1% des prisonniers y avaient accès, selon l'historien. Ceux qui visitaient le bordel étaient "honorables", juge l'ancienne prostituée. "Simplement des hommes, heureux d'avoir une distraction humaine", peut-on lire dans son témoignage.

Certains prisonniers politiques ont tenté de résister à l'ouverture des bordels, et d'organiser leur boycott. Les résistants de Buchenwald craignaient que les lieux soient utilisés pour les espionner. Après la guerre, les victimes se sont tues, par honte mais aussi pas peur d'être considérées comme "collaboratrices". "Aucune (des femmes identifiées par M. Sommers) n'a reçu de réparation après 1945 pour leur exploitation sexuelle", indique-t-il.

Les responsables des lieux de mémoire avaient également "refusé pendant longtemps de communiquer sur ce thème, pour ne pas donner une fausse image de la situation dans les camps de concentration", expliquent les organisateurs de l'exposition. Celle-ci c'est faite en trois étapes en Allemagne avant d'être présentée courant 2010 à Rome. Une première exposition en 2005 à Vienne, puis à Ravensbrück, avait levé le voile sur le sort de ces femmes. (belga)

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06/04/2014

Dans la nuit noire, la lumière des Jours heureux

sécurité sociale, 2ème guerre mondiale, résistance , stéphane hessel, ambroise croizat, marcel paul, michel Étiévent, solidarité nationale, programme du cnr, les jours heureux, georges bidault,Le 15 mars 1944, les représentants de toutes les organisations de la Résistance signent un programme pour hâter la Libération et définir le visage de la démocratie à venir.

Un texte puissant et audacieux, qui reste d’une brûlante actualité. Depuis soixante-dix ans, le patronat rêve de s’en débarrasser.

«Outre sa formidable modernité, le plus bel enseignement que l’on peut tirer du programme du CNR, c’est l’extraordinaire message d’espoir qu’il laisse aux militants du futur. Une utopie devenue réalité. En effet, comment ces 16 jeunes, issus de tous les courants de résistance, réunis au péril de leur vie, pouvaient-ils imaginer que le programme d’invention sociale qu’ils allaient forger deviendrait réalité deux ans seulement plus tard dans une France qu’ils allaient libérer ? » Ces mots de Stéphane Hessel soulignent la portée révolutionnaire du programme du Conseil national de la Résistance, né il y a exactement soixante-dix ans, le 15 mars 1944.

Une plate-forme conçue comme une éclaircie de dignité qui marquera profondément de son empreinte l’identité sociale française. Le texte sera le fruit de neuf mois d’âpres négociations entre les différentes parties, débattues à Alger et au sein du CNR, dirigé par Georges Bidault à la suite de l’arrestation de Jean Moulin, le 21 juin 1943, puis par Louis Saillant (CGT), qui poussera la réflexion vers l’innovation sociale. C’est Pierre Villon, représentant le Front national (communiste), qui mettra un point final à sa rédaction après cinq moutures successives.

On imagine les oppositions violentes de la droite à un ensemble de mesures qui va conjuguer invention sociale et couleur révolutionnaire. C’est le rapport de forces qui fera pencher la balance vers un programme fortement ancré à gauche. Il convient de rappeler l’implantation profonde du Parti communiste dans les maquis, son poids au cœur de la Résistance et le rôle héroïque joué par la classe ouvrière. « La seule, dira François Mauriac, à être restée fidèle à la France profanée. » Ainsi que le soulignent Daniel 
Cordier et l’historien Laurent Douzou dans le film de Gilles Perret les Jours heureux : « La droite, très faible au sein du CNR, a été contrainte d’accepter le programme. Elle ne pouvait pas faire autrement… » Adopté à l’unanimité, le 15 mars 1944, et paru ensuite sous le titre « les Jours heureux », le programme développe « un plan d’action immédiate » qui croise appel à l’insurrection (fortement impulsée par Pierre Villon) et développement de la lutte pour hâter la Libération. Une seconde partie, plus politique, décline liberté, démocratie économique et sociale, et solidarité.

S’affine ainsi au fil des articles le visage d’une démocratie nouvelle où l’humain est la pierre angulaire de l’avenir, où tout développement économique de qualité à la mesure des besoins d’une nation ne peut qu’être lié à un statut social fort à la hauteur des besoins des hommes. « Tout au long de son parcours de vie, nous mettrons définitivement l’homme en “sécurité sociale”. Les mots esquissent les réformes à entreprendre, socle d’une république citoyenne où l’homme est à la fois acteur et gestionnaire de son pays, de son entreprise et de sa propre vie. »

Comment résister à la relecture d’un programme où s’affiche la volonté de placer le futur sous le signe de l’innovation sociale : « Instaurer une véritable démocratie sociale impliquant l’éviction des féodalités économiques et financières de la direction de l’économie… Droit d’accès aux fonctions de direction et d’administration pour les ouvriers et leur participation à la direction de l’économie… Association des travailleurs à la gestion des entreprises… Retour à la nation des grands moyens de production monopolisés, fruits du travail commun, des sources d’énergie, des Cies d’assurances et des grandes banques… Droit au travail… Presse indépendante… »

L’audace au service d’un peuple qui entend prendre son avenir en main loin des trusts ou des féodalités bancaires. La France de 1793 revisitée. Le programme, dont la force fut de substituer l’intérêt général à l’intérêt particulier, va féconder l’ambition des réformes de la Libération, de 1945 à 1947 : reprise en main de la finance par la nationalisation du crédit, fonction publique, Sécurité sociale, comités d’entreprise, généralisation des retraites, statut des mineurs, des électriciens, médecine du travail, éducation populaire…

Un visage de dignité rendu possible par le rapport de forces de l’époque : 5 millions d’adhérents à la CGT, 28,6 % des voix au PCF, et des ministres ouvriers tels Ambroise Croizat ou Marcel Paul, une classe ouvrière grandie par sa résistance, un patronat sali par sa collaboration. Soixante-dix ans après, ce programme est toujours d’une fabuleuse modernité à l’heure de tous les reculs sociaux et d’une finance triomphante.

Un résistant du plateau des Glières nous confiait récemment : « La force de ce programme tient surtout au fait qu’il a été réalisé. Et cela dans une France pourtant ruinée. Bel exemple de courage politique adressé à ceux qui ne cessent de nous gaver de promesses non tenues. » Un candidat à la présidence de la République ne déclarait-il pas : « Mon ennemi c’est la finance ! »

Ambroise Croizat et la sécurité sociale « Nous, combattants de l’ombre, réclamons 
un plan complet de Sécurité sociale visant à donner des moyens d’existence à tous ceux qui ne peuvent se le procurer par le travail avec gestion des intéressés et de l’État. » Cet article lumineux du programme du CNR va guider toute l’œuvre d’Ambroise Croizat, futur ministre communiste du Travail, dans la conception et la mise en place de la Sécurité sociale.

L’ordonnance du 5 octobre 1945, qui l’institue, donnera lieu à un immense chantier sous la maîtrise d’œuvre de celui que l’on baptisa 
« le ministre des Travailleurs ». Elle aboutira en moins de sept mois à la création de 138 caisses de Sécurité sociale. Des travailleurs anonymes, essentiellement, les bâtiront sur leurs congés ou hors de leur temps de travail. « Une œuvre réalisée dans un enthousiasme indescriptible, dira Roger Petit, président de la caisse primaire de Savoie, tant ceux qui se mettaient à l’ouvrage avaient conscience de construire leur avenir 
et de garantir la dignité du droit à la santé 
et au repos pour tous. »

(*) Auteur d’Ambroise Croizat ou l’invention sociale. Commandes : Michel Etiévent, 520, avenue des Thermes, 73600 Salins-les-Thermes. 25 euros + 5 euros de port.

Michel Etiévent, historien