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21/02/2014

Les 70 ans de l'affiche rouge

manouchian-grand.jpgL’Humanité publie un hors-série hommage au groupe Manouchian, pour les 70 ans de l’Affiche Rouge. Un CD inédit de HK et les Saltimbanks chantant l’Affiche Rouge est inclus, avec également un poster reproduisant l’Affiche Rouge et aussi le poème saisissant de Louis Aragon.

Il y a 70 ans, le 21 février 1944, les 23 membres du groupe Francs-Tireurs et Partisans de la Main-d’Oeuvre Immigrée (FTP-
MOI), dirigés par Missak Manouchian étaient exécutés au Mont-Valérien pour cause de résistance après des mois d’insoutenables tortures puis un jugement expéditif par un tribunal militaire allemand.

Les nazis en firent une affiche qui par la suite devint célèbre par l’inversement de son idéologie. L’Affiche Rouge, instrument de propagande utilisée pour contrer la Résistance, désignant les 23 membres de groupe Manouchian d’armée criminelle, stigmatisera l’origine étrangère de ces derniers faisant preuve d’un racisme et d’une hostilité incomparable.

« Il est très utile de se remémorer l’Affiche rouge, alors que sévit une sorte de chasse à l’étranger, avec son cortège d’antisémitisme, de racisme et de haine de l’autre » souligne Patrick Le Hyaric, le directeur de l’Humanité, dans son éditorial.

Ce hors-série de 52 pages de l’Humanité consacré aux 70 ans de l’Affiche Rouge permet de se remémorer le sacrifice du groupe Manouchian qui suscite depuis ce jour admiration et dignité. L’Humanité vous dévoile des documents d’archive qui pour la plupart ne sont jamais parus encore jusqu’à aujourd’hui, avec notamment un portrait de Missak Manouchian, un entretien avec Julien Lauprêtre, des témoignages poignants notamment celui de Léon Londini ou encore Roger Trungan ainsi que divers documents.

Ce hors-série s’accompagne d’un disque de l’artiste HK et les Saltimbanks contenant 5 chansons extraites du nouvel album « HK et les déserteurs » dont l’Affiche Rouge (Léo Ferret), En groupe en ligue en procession (Jean Ferrat), Les loups sont entrés dans Paris (Serge Reggiani), Noir et Blanc (Bernard Lavilliers) et l’Auvergnat (Georges Brassens).

Safouane Abdessalem

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HK: "Ces étrangers qui se sont battus et qui sont morts pour la France"

Le hors série consacré au 70 ans de l'Affiche rouge et au groupe Manouchian est accompagné d'un disque du chanteur Kaddour Haddadi, dit HK, dans lequel il reprend, avec "les déserteurs", l’Affiche rouge ou En groupe, en ligue, en procession.

Entretien avec le chanteur qui sort en parallèle son nouvel album

Le numéro spécial de «l’Humanité» sur Missak Manouchian s’accompagne d’un disque dans lequel figurent certains titres que vous interprétez dans votre nouvel album, HK et les Déserteurs, dont l’Affiche rouge. Que représente pour vous ce poème d’Aragon, chanté et mis en musique par Léo Ferré?

Kaddour Haddadi. Il y a une devise que j’ai faite mienne depuis quelques années: «Faisons de nos vies une œuvre d’art; et de notre art, un acte de résistance.» Cette chanson, l’Affiche rouge, c’est exactement ça. Tout d’abord, cette histoire de Missak Manouchian et de ses compagnons de lutte, «amoureux de vivre à en mourir» (dixit Aragon). Ces étrangers qui se sont battus et qui sont morts pour la France. Ceux-là, «noirs de barbe et de nuit», que l’occupant nous présentait comme des criminels sur cette affiche de propagande, placardée «sur les murs de nos villes». Ces hommes, incroyablement dignes jusqu’à ces derniers mots écrits par Missak Manouchian avant son exécution: «Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand.» Une leçon d’engagement, de résistance et de vie! Et puis, il y a le génie combiné de Louis Aragon, puis de Léo ferré, qui ont immortalisé l’histoire de ces grands hommes.

La chanson, l'affiche rouge par HK : http://www.humanite.fr/node/558782

Vous interprétez également En groupe, en ligue, en procession. Quelle lecture faites-vous de cette chanson de Jean Ferrat ?

Kaddour Haddadi. Les gens me connaissent pour notre chanson On lâche rien, qui accompagne un bon nombre de cortèges et de manifestations depuis quelques années. En groupe, en ligue, en procession est justement un hymne à ceux qui manifestent «depuis 200 générations» (dixit Jean Ferrat). À ceux qui se révoltent, qui se mobilisent, à ceux qui marchent ensemble. Je trouve ce texte fort, je dirais même fondateur. Quand Jean Ferrat se définit comme «celui que l’on fait taire, au nom des libertés dans l’air», je me rends compte à quel point nous sommes tous ses héritiers. Toute sa vie, il a mis son art au service de ses idées et de ses combats.

Vous proposez aussi trois autres titres: Les loups sont entrés dans Paris (Serge Reggiani), Noir et blanc (Bernard Lavilliers) et l’Auvergnat (Georges Brassens). Diriez-vous qu’il y a un point commun à ces chansons ?

Kaddour Haddadi. Ce sont surtout des chansons que j’aime, écrites et interprétées par d’immenses artistes. J’ai une préférence particulière pour les Loups. J’aime cette double lecture, ce parallèle avec la montée du nazisme en Europe dans les années 1930. Ce parallèle aussi que l’on peut faire avec notre époque, et le retour sournois des discours xénophobes banalisés, jusque parmi nos dirigeants politiques.

27/01/2014

1934-2014 : LA DROITE EN MANIFESTATIONS

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Article publié par l'Humanité

Ce dimanche, une foule hétéroclite de catholiques intégristes, d'identitaires d'extrême-droite, de familles BCBG, de Bonnets rouges et de partisans de Dieudonné, a vite délaissé ses mots d'ordre hostiles à l'action gouvernementale pour appeler à l'insurrection réactionnaire et laisser libre cours à des slogans antisémites et xénophobes.

L'appel du nébuleux collectif "Jour de colère" est parvenu à coaguler la France de la réaction, ce dimanche, au vu des slogans proférés entre la place de la Bastille et les Invalides. Au départ du cortège, une foule hétéroclite, entre 17.000 personnes (police) et 160.000 (organisateurs), s'est réunie autour des mots d'ordre proférés à l'encontre des politiques sociales et sociétales menées par François Hollande. Ainsi, un animateur de la manifestation éructe au micro: "Vous êtes ici parce que vous ne supportez plus la médiocrité!". "Le peuple, la France en colère, on va se faire entendre!". Ou, plus menaçant: "François, t’as intérêt à nous écouter!".

"Journalistes collabos"

Parmi les participants, des soutiens de Dieudonné multiplient les quenelles collectives. Des couples BCBG reprennent des chansons du polémistes, dont le Chaud ananas qui a valu à son auteur une condamnation pour incitation à la haine raciale. Ailleurs, une charge en règle contre les médias: "Les journalistes collabos, on n’en veut pas!", "(notamment le) Petit Journal à qui nous réservons un accueil particulier".

Dans les rangs, des Bonnets rouges, ou revendiqués comme tels. Le collectif breton à l'origine de ce mouvement avait pourtant appelé à ne pas prendre part à la manifestation. Des drapeaux royalistes flottent aussi dans le ciel parisien. Les slogans anti-Hollande cèdent le pavé à des "Le roi à Paris, à mort la République".

Des groupuscules du Mariage pour tous, proches de l'extrême-droite, prennent aussi part à la démonstration ultradroitière. Comme les homens, torses à l'air lorsqu'il s'agit de prendre la pause.

A couvert lorsque les premières gouttes tombent sur le cortège.

Dans le cortège aussi, des familles traditionalistes relancent les slogans contre la loi consacrée au mariage pour tous.

Au bout du parcours, un barnum avec podium et écran géant, attend les manifestants. Jour de colère se présentait pourtant comme un collectif sans moyen. Les discours de fin de manifestation, déclamés par des anonymes représentants d'obscures mouvements, chauffent à blanc la foule qui entonne des "Hollande démission".

A 18 heures, heures de dissolution théorique de la manifestation, des groupes font face au cordon de CRS. "Police politique! Police politique" hurlent-ils. Des centaines de personnes, cagoulées et portant des masques de ski pour certaines, ont lancé des projectiles, bouteilles, pétards, barres de fer, poubelles et fumigènes contre les forces de l'ordre qui ont répliqué par des tirs de gaz lacrymogènes, a constaté l'AFP.

Ce dimanche 26 janvier 2014, Paris a pris des airs de 6 février 1934 (voir la vidéo).

Le MRAP demande que les "coupables de ce déferlement de haine antisémite soient lourdement sanctionnés". Pour le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (Mrap), cette manifestation "agrégeait dans la même haine antirépublicaine, les chrétiens intégristes homophobes et les nationalistes racistes islamophobes, renforcés par la composante radicale du public de l'antisémite Dieudonné". "Les organisateurs, poursuit le Mrap dans un communiqué, ayant semé le vent de la haine, ne pouvaient que récolter la tempête de la violence en fin de cortège."

  • A lire aussi:

L'ultradroite retrouve le pavé

Manif anti-Hollande, l'UMP fait marche arrière

S.G. (photos Joseph Korda)

12/01/2014

Faisons aujourd’hui entrer les résistantes au Panthéon!

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À qui la patrie reconnaissante? Par Frédérick Genevée, historien.

"La décision présidentielle d’une ou de nouvelles panthéonisations est éminente. Elle devrait à mon sens reposer sur quelques principes. D’abord, dans la manière de décider. Si une consultation a été engagée, il me semblerait plus démocratique que cela soit le Parlement qui en décide et non un seul homme – fût-il élu au suffrage universel direct. Il faudrait aussi, non seulement en finir avec la masculinité caricaturale de cette institution, que l’on trouve non seulement inscrite dans sa devise « Aux grands hommes, la patrie reconnaissante », mais surtout dans sa composition.

Combien d’ouvriers au Panthéon?

Il me semble donc qu’il faudrait, cette fois-ci, faire entrer de nombreuses femmes au Panthéon. Pas une, pour se donner bonne conscience, mais plusieurs. Il n’est pas tolérable que seules deux femmes y reposent aujourd’hui, dont l’une parce qu’elle est la «femme de ».

Il est aussi nécessaire d’être attentif à la diversité sociale. Combien d’ouvriers au Panthéon? Aucun. Combien de personnalités issues de l’immigration ? Trop peu. Le Panthéon ne peut trouver ou retrouver sa fonction démocratique qu’en étant à l’image de ce que fut et est la société française.

Résistance

Si l’on accepte le principe de la panthéonisation et de l’érection d’un temple républicain, il faut y faire entrer celles et ceux qui ont servi la République et qui ont défendu ses principes démocratiques et d’égalité. Toutes les cultures et sensibilités politiques qui ont concouru à la défense de notre liberté doivent y être représentées, cela exclut évidemment les personnalités qui ont porté dans l’histoire de France des discours de haine, de racisme et d’antisémitisme, donc de l’extrême droite.

Il est enfin une période –outre celle de la Révolution française– qui peut incarner facilement, aux yeux de tous et notamment des plus jeunes, ce que furent le pire et le meilleur de la France, c’est évidemment celle de la Seconde Guerre mondiale. Et le meilleur, c’est la Résistance.

Il en découle qu’il faut faire entrer les résistantes au Panthéon ! Sans entrer en opposition avec d’autres propositions nombreuses et légitimes, plusieurs noms de personnalités circulent qui ont retenu mon attention parce qu’elles sont à la fois différentes mais ont en commun la Résistance, la déportation et une vie d’engagement. Je pense à Germaine Tillion, résistante, déportée à Ravensbrück, grande intellectuelle engagée contre la torture pendant la guerre d’Algérie. Je pense à Geneviève de Gaulle-Anthonioz, résistante, déportée à Ravensbrück, qui consacra ensuite une grande partie de sa vie, à la tête d’ATD-Quart Monde, à la lutte contre la pauvreté.

D’autres femmes, d’autres résistantes ont partagé avec elles l’enfer de Ravensbrück. Je voudrais ici montrer en quoi leur parcours mérite le Panthéon. Marie-Claude Vaillant-Couturier, jeune photographe engagée, a fait en 1933 les premiers reportages clandestins sur les camps de concentration nazis d’Oranienburg et de Dachau ; résistante, elle est déportée à Auschwitz, puis à Ravensbrück. Elle est ensuite la seule femme à témoigner au procès de Nuremberg ; élue députée communiste, elle s’engage pour la défense de nombreuses causes et est notamment la première, en 1964, à prendre, à l’Assemblée, la défense de Mandela et de ses compagnons condamnés par le régime de l’apartheid.

Emancipation

Enfin, Martha Desrumaux, ouvrière textile: elle s’engage très tôt dans le syndicalisme et au Parti communiste, dont elle devient une des dirigeantes ; résistante, elle fut aussi déportée à Ravensbrück. Sa présence comblerait l’absence totale des ouvriers parmi ceux qui sont honorés au Panthéon.

À elles quatre, elles incarnent la diversité des engagements et la lutte pour l’émancipation des femmes. Elles méritent d’être honorées et d’être montrées en exemple en ces temps où la bête immonde surgit à nouveau.

Frédérick Genevée, l'Humanité