02/08/2013
AGROECOLOGIE : QUI SEME BIEN, NOURRIT BIEN !
Il y a ce qui plombe l’agriculture moderne – la surexploitation, la dérégulation et plus généralement la persistance des idées commises en son temps par David Ricardo. Et il y a ce qui peut la sauver. La première catégorie est depuis toujours la bête noire de Gérard Le Puill. Journaliste, essayiste et confrère au long cours (il officie pour le magazine la Terre et ici même, à l’Huma, depuis près de trente ans), il n’a de cesse de lui faire la peau au fil de ses chroniques et de ses livres.
Sorti en juin, Produire mieux pour manger tous, son dernier ouvrage, n’y coupe pas, lequel taille un costard à l’agent de change anglais qui, à l’aube du XIXe siècle, ouvrit la voie à l’agriculture industrielle mondialisée. David Ricardo, donc, célèbre pour avoir fondé la théorie des avantages comparatifs, défendant l’idée que chaque nation doit se spécialiser dans l’exploitation de ses ressources naturelles les plus abondantes. Libre au commerce de décider, par la suite, de la répartition des productions à l’échelle planétaire. C’est ainsi, note Gérard Le Puill, que la Grande-Bretagne a sacrifié son agriculture, préférant s’appuyer sur les denrées que lui fournissaient l’Inde ou la Nouvelle-Zélande. Le temps des colonies a chu, les théories ricardiennes non, qui nourrissent toujours les politiques européennes ou les orientations de l’OMC.
D’elles, et de la quête du profit tous azimuts, découle le reste. L’accaparement des terres, leur surexploitation, l’usage intensif d’engrais et de pesticides pour les grandes monocultures, la spéculation sur le blé et le riz. Ou les lasagnes au cheval. En bout de course, une agriculture qui use la Terre, sans bien nourrir les hommes.
Fatalité ? Non, répond Gérard Le Puill. Après Planète alimentaire et Demain nous aurons faim, le journaliste boucle ici sa réflexion, entamée en 2008, par un propos sinon optimiste, en tout cas combatif. Reprenant à son compte l’expérience de ceux qui défrichent d’autres voies, il en fournit des exemples, étayés de son analyse. Coureur de campagnes, éplucheur de rapports et autres études exhumés de l’histoire moderne ou des tiroirs bruxellois, Gérard Le Puill le démontre et interpelle au passage Xavier Beulin, président de la puissante FNSEA : oui, une agriculture soutenable et capable de nourrir les 9 milliards d’humains que nous serons d’ici à 2050 est possible. À condition d’en assurer « une gestion économique à haute valeur écologique », écrit-il, tirant le lien avec la « règle verte et la transition écologique défendues par Jean-Luc Mélenchon ». Cela peut passer par l’économie des fourrages ou la redécouverte de la luzerne ; par l’amélioration foncière des prairies et le bon usage de la production céréalière ; par la relance des cultures potagères ou encore l’optimisation de l’emploi des fumiers. À l’heure où il s’agit également de réduire nos émissions de CO2, cela exige, surtout, la relocalisation de cultures diversifiées et l’exploitation judicieuse de toutes les terres, sur tous les territoires. « Revendiquer la souveraineté alimentaire implique de produire sur le sol de la nation tout ce qu’il est possible de produire de manière pérenne », résume ce fils de paysans bretons, qui plaide pour que l’agriculture redevienne ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être : une activité de proximité.
Produire mieux pour manger tous d’ici à 2050 et bien après, de Gérard Le Puill. Pascal Galodé éditeurs, 320 pages, 21,90 euros.
- Durant la Fête de l’Humanité, Gérard Le Puill présentera son ouvrage au village de l’économie sociale et solidaire, au village du livre et au stand de la Terre.
09:28 Publié dans Actualité, Culture, L'Humanité, Livre, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : agriculture, agriculture verte, le puill, l'humanité | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook |
29/07/2013
Quand des milliers de juives étaient envoyées dans des bordels en Amérique du Sud
C'est un chapitre peu connu de l'histoire contemporaine sur lequel se penche cette semaine l'hebdomadaire Der Spiegel. Entre 1860 et 1930, en pleine montée de l'antisémitisme, des milliers de jeunes juives pauvres d'Europe de l'Est ont émigré en Amérique du Sud dans l'espoir d'une vie meilleure, dupées par des proxénètes qui les envoyaient dans des bordels à leur arrivée.
A cette époque, les femmes blanches étaient très recherchées sur le marché de la prostitution en Amérique latine, qui se concentrait principalement dans les grandes villes portuaires, comme Buenos Aires et Rio de Janeiro. En Argentine, les prostituées juives étaient surnommées «esclavas blancas», esclaves blanches, tandis qu'au Brésil on les nommait «Polacas», les Polonaises.
L'écrivain Stefan Zweig en a fait une description dans son journal intime après avoir visité le quartier rouge de Rio en 1936:
«Les juives d'Europe de l'Est promettent les perversions les plus excitantes – qu'est-ce qui les a poussées à finir comme ça, à se vendre pour trois francs ? […] Certaines femmes sont vraiment belles – il règne chez toutes une mélancolie discrète – et c'est pourquoi leur avilissement, l'exposition dans le cadre d'une fenêtre, n'apparaît pas du tout vulgaire, émeut plus qu'il n'excite.»
Pour attirer les jeunes femmes, les proxénètes, parmi lesquels de nombreux juifs, leur promettait de leur offrir un emploi ou un mari, explique Der Spiegel:
«Pour assurer le ravitaillement, les proxénètes ne se font pas seulement passer pour des agents d'emploi […] mais pour des marieurs ou des époux. Ils se présentent lors de leurs voyages comme des gentlemen, comme des compatriotes et des coreligionnaires, se présentent bien habillés et mondains, et profitent de la misère et des peurs existentielles qui règnent dans les villes juives d'Europe de l'Est et de Russie, desquelles ils sont souvent originaires. Là-bas règnent la pauvreté, le chômage et la peur face à l'antisémitisme grandissant.»
Toutes ces jeunes femmes n'étaient pas des esclaves, tempère cependant Irene Stratenwerth, curatrice d'une exposition consacrée au destin tragique de ces jeunes femmes, qui a eu lieu l'an dernier au Centrum Judaicum à Berlin. Comme elle l'expliquait alors à Deutschlandradio Kultur:
«Je ne voudrais aussi pas parler absolument de prostitution forcée dans le sens où les filles auraient été contraintes de se prostituer par des forces obscures. Je dirais plutôt que de très, très nombreuses femmes étaient dans le pétrin, n'avaient en fait aucune autre possibilité de subsistance. »
Le pire était que la communauté juive implantée en Amérique du Sud, soucieuse de sa réputation, les bannissait au lieu de leur venir en aide. Ce sont donc les prostituées elles-mêmes qui ont dû s'organiser pour obtenir des droits, notamment celui d'être enterrées selon le rituel juif, qui leur était interdit, en créant leurs propres institutions et en achetant elles-mêmes des sépultures à Buenos Aires, à Rio de Janeiro et à São Paulo. Leurs tombes continuent toutefois d'être séparées par un mur de celles des juifs «intègres», précise Der Spiegel.
Image: Une prostituée juive. Document Der Spiegel.
11:19 Publié dans International, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : prostitution, juive, amérique latine | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook |
24/07/2013
CHILI : 1973 - 2013 : 40 ANS DÉJÀ ! SPECIAL ANNIVERSAIRE !
Au matin du 11 septembre 1973, le palais présidentiel de la Moneda est cerné et bombardé. Le président socialiste Allende annonce à la radio :
«Qu’ils le sachent, qu’ils l’entendent, qu’ils le gravent en profondeur : je ne laisserai la Moneda qu’à la fin du mandat que m’a donné le peuple, je défendrai cette révolution chilienne et je défendrai le gouvernement car c’est le mandat que le peuple m’a confié. Il n’y a pas d’alternative. Ce n’est qu’en nous criblant de balles qu’ils pourront empêcher la volonté qui est celle de faire accomplir le programme du peuple.
Si on m’assassine, le peuple suivra sa route, suivra son chemin même si les choses seront plus difficiles et plus violentes. Et ce sera une leçon objective très claire pour la majorité de ces gens que rien n’arrête. J’avais tenu compte de cette éventualité, je ne leur offre pas la facilité. Le progrès social ne va pas disparaître parce que disparaît un de leur dirigeants. Il pourra demeurer, se prolonger. Mais on ne peux le renfermer ni le mettre à genoux.».
Ce 11 septembre 1973, les troupes du général Augusto Pinochet assiègent le palais présidentiel de la Moneda, à Santiago. La junte, dirigée par les commandants des armées chiliennes, demande la démission du président Salvador Allende.
Vers 9 h 30, Allende prononce un dernier discours radiodiffusé. Quelques minutes plus tard, les troupes commencent à tirer sur le palais, puis à le bombarder. Dans l'après-midi, les 50 personnes qui se trouvaient aux côtés du président se rendent aux militaires. Poussé au désespoir, Salvador Allende se suicide.
Le coup d’état militaire, organisé avec l’aide des Etats-Unis, inaugurera une dictature avec une répression politique massive.
2 279 morts et disparus ont été recensés dont 641 morts « dans des conditions non élucidées » et 3 197 « détenus disparus ».
Près de 150 000 personnes ont été emprisonnées pour des motifs politiques.
Il y a eu des centaines de milliers d’exilés politiques.
Le réseau des blogs E-Mosaïque à l’occasion de ce triste anniversaire publiera une dizaine d’articles pendant les mois d’août et Septembre pour célébrer cet évènement marquant de la tragédie humaine.
16:07 Publié dans Actualité, Chili : 1973-2013, Etats Unis, International | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook |