24/11/2015
Indonésie 1965, la plus terrible des répressions anticommunistes
Le massacre des militants communistes et de nombreux progressistes a débuté le 30 septembre 1965 et s’est poursuivi pendant de longs mois sous le commandement du général Suharto qui, avec l’appui des USA, voulait renverser Sukarno, père de l’indépendance indonésienne.
En 1965, le Parti communiste indonésien (PKI) était le quatrième parti dans le pays, le premier à Java, et, en importance, le troisième Parti communiste au monde avec ses 3 millions d’adhérents, après le Parti communiste d’Union soviétique et le Parti communiste chinois. Il était fort du soutien d’au moins 20 millions de sympathisants, réunis dans des organisations proches du PKI. Le parti soutenait le régime Sukarno, père de l’indépendance du pays et premier président de la République, et un des dirigeants du mouvement anti-impérialiste des non-alignés. La victoire de la Chine populaire et les échecs français de la guerre du Vietnam menaçaient la position des pays des anciens colonisateurs et des États-Unis, le nouveau venu. Ce dernier craignait une expansion continue du mouvement communiste.
En 1963, les États-Unis ont donc décidé d’éliminer Sukarno qui échappait de plus en plus à leur contrôle et se rapprochait du camp dit « socialiste ». Pour cela, il fallait absolument éliminer le Parti communiste qui était un des piliers les plus importants du régime de Sukarno, ainsi que toute la gauche indonésienne. La suite est connue, avec le pillage total de la richesse du pays : gaz, pétrole, bauxite, nickel, cuivre, or, bois, etc. L’assassinat de sept généraux de l’armée de terre, dont on ne connaît toujours pas les véritables commanditaires, a permis au général Suharto, alors commandant du Kostrad (Réserve stratégique de l’armée de terre – NDLR), d’en faire porter la responsabilité au PKI, et avec la bénédiction et l’appui désormais dévoilé des États-Unis, de lancer une campagne de diffamation pour enflammer la « colère » des populations et les pousser aux massacres les plus atroces.
Les massacres ont commencé par Java Ouest, et progressivement se sont étendus vers Java Central, puis Java Est. Les listes des personnes à exécuter ont été établies par les agents de la CIA et transmises à l’armée ; elles étaient vérifiées par les responsables locaux ; et les exécutions étaient assurées par les groupes paramilitaires composés principalement de jeunes islamistes (Ansor et Banser) entraînés et armés par l’armée de terre. Et les massacres ont continué régulièrement à s’étendre : Sumatra, Sulawesi, même les petites îles comme Kupang, Buton, Flores, Sabu, Alor… pas un lieu n’a été épargné. Ces massacres ont été massifs, systématiques, méthodiques. Ce furent les pires après l’holocauste de la Seconde Guerre mondiale commis par les hitlériens. Le nombre des victimes se situe entre 500 000 et 3 millions de personnes assassinées. Au moins 2 autres millions furent emprisonnées ou déportées dans les camps. La liste des camps de concentration et des prisons serait malheureusement bien longue à énumérer. Une des conséquences parmi les plus dramatiques de cette répression concerne le sort de centaines milliers d’enfants, abandonnés après la disparition de leurs père et mère, vivant dans les rues, de mendicité, de trafics en tout genre, de prostitution.
Tout au long de ces cinquante années, le peuple indonésien n’a cessé de lutter, malgré les répressions, malgré les disparitions forcées des activistes. En 1998, lors de « la crise financière asiatique », la colère populaire a chassé Suharto du pouvoir. Depuis l’Indonésie est entrée dans l’ère qu’on appelle « reformasi », celle des réformes. La presse est devenue libre, le rôle des militaires a été progressivement amoindri, même s’il reste encore présent, petit à petit on construit l’État de droit. À ce jour, avec le nouveau président Joko Widodo (surnommé « Jokowi »), de premières avancées ont déjà eu lieu : école et fournitures scolaires gratuites pour tous les enfants, notamment les enfants des familles les plus démunies ; gratuité des soins ; autant de signes concrets que l’ère des réformes concerne aussi les couches les plus défavorisées du peuple… Si, lors de sa campagne électorale, le président Joko Widodo a effectivement promis de régler ce problème des graves violations des droits de l’homme au cours de l’ère Suharto, il n’en demeure pas moins, qu’en juin dernier, il a signé un projet de loi de révision du Code pénal stipulant en son article 219 l’interdiction de diffuser la pensée communiste, et sanctionnant toute diffusion, que ce soit verbalement ou par écrit, par quelque canal de communication que ce soit, d’une condamnation jusqu’à sept ans de prison. Est passible d’une peine jusqu’à dix ans de prison toute tentative de fonder une organisation soupçonnée de collusions communistes. Récemment, Joko Widodo a confirmé qu’il n’allait pas présenter, au nom du gouvernement, d’excuses aux victimes des massacres de 1965.
Ce n’est pas trop de dire que la route est encore longue sur la voie d’une démocratie assumée, mais la vérité commence à surgir, la justice viendra. Du 10 au 13 novembre prochain, il y aura un Tribunal international des peuples à La Haye (Pays-Bas) pour juger le gouvernement indonésien sur le génocide de 1965 et les crimes contre l’humanité, et le jugement sera présenté par la commission de l’ONU.
Le génocide indonésien, oublié de l’Histoire
L’ancienne colonie hollandaise est presque totalement méconnue en France, à part quelques informations, comme l’annonce de l’élection du nouveau président Joko Widodo l’année dernière, ou bien, en 2013, une commande par la compagnie indonésienne à bas coûts Lion Air de 234 appareils A320 pour un montant de 18,4 milliards d’euros, ou la promotion de l’île paradisiaque de Bali, un des hauts lieux de prédilection des touristes. Pourtant, avec plus que 14 000 îles, il s’agit du plus grand archipel au monde. Avec une population estimée à 250 millions de personnes (4 fois plus que la France), il s’agit du 4e pays le plus peuplé au monde, du premier pays à majorité musulmane pour le nombre de croyants. Sa culture est méconnue, son histoire l’est tout autant, notamment ce génocide.
Repères
1942 Débarquement des troupes japonaises, qui met fin à l’administration néerlandaise.
17 août 1945 Proclamation de l’indépendance par Sukarno et Mohamed Hatta.
16 décembre 1949 Les Pays-Bas acceptent le transfert de souveraineté à la République d’Indonésie.
Avril 1955 Conférence des nations à Bandung, qui préfigure le mouvement des non-alignés.
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07/11/2015
APOCALYPSE STALINE : L'HISTOIRE REINVENTEE PAR FRANCE TELEVISION !
Svetlana Aleksievitch, conseillère en « témoignages » Isabelle Clarke admet qu’« Apocalypse Staline » ne relève pas de la catégorie de l’histoire, elle le revendique même.
Conclusion
Professeur émérite d’histoire contemporaine à l’université Paris VII-Denis Diderot.
Derniers ouvrages parus : L’intégration européenne de la France. La tutelle de l’Allemagne et des Etats-Unis, (Le Temps des cerises, 2007). De Munich à Vichy, l’assassinat de la 3e République, 1938-1940 (Armand Colin, 2008). Le Vatican, l’Europe et le Reich de la Première Guerre mondiale à la Guerre froide (1914-1955) (Armand Colin, 2010). Le Choix de la défaite : les élites françaises dans les années 1930 (Armand Colin, 2010). Aux origines du carcan européen, 1900-1960. La France sous influence allemande et américaine (Delga-Le Temps des cerises, 2014).
11:42 Publié dans Actualité, Déportation, Deuxième guerre mondiale, Guerre, International, Libération, Révolution | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : apocalypse staline, france télévision, annie-lacroix riz | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook |
28/06/2015
Quand la Grèce acceptait d'effacer la dette allemande
L'élection du nouveau premier ministre en Grèce, Alexis Tsipras, fait grincer des dents en Allemagne. Angela Merkel insiste en effet sur le «respect des engagements de la Grèce» alors que le nouvel homme fort d'Athènes souhaite, lui, renégocier la dette de son pays.
Alexis Tsipras pourrait rappeler à la chancelière qu'au lendemain de la seconde guerre mondiale, les créanciers de l'Allemagne - dont la Grèce faisait partie - avaient accepté d'effacer plus de la moitié de sa dette.
De fait, l'accord de Londres signé le 27 février 1953 a permis à la République fédérale d'effacer plus de la moitié de sa dette d'avant et d'après guerre. Ce jour-là, 21 créanciers de la RFA - dont la Grèce, la France, la plupart des pays européens, la Suisse, les États-Unis, le Canada, l'Iran, l'Afrique du Sud ou la Yougoslavie - décident d'aider l'Allemagne de l'Ouest, alors en situation de défaut de paiement. Les emprunts renégociés concernaient à la fois des obligations issues du traité de Versailles de la première guerre mondiale jamais honorées, des emprunts souscrits par la République de Weimar dont le paiement des intérêts avait été suspendu au début des années 1930 et des emprunts contractés après-guerre auprès des Alliés.
L'accord de Londres permet à la République fédérale de réduire le montant initial de ses créances d'avant et d'après guerre de près de 38 milliards de Deutsche marks - avec les intérêts - à environ 14 milliards, soit une annulation de 62% de sa dette. Un moratoire de 5 ans sur les paiements et un délai de 30 ans pour les rembourser sont également accordés ainsi qu'une réduction des taux d'intérêt. Enfin, la relation entre service de la dette et revenus d'exportations ne doit pas dépasser 5%. En d'autres termes, la RFA ne doit pas consacrer plus d'un vingtième de ses revenus d'exportation au paiement de sa dette. Ainsi, les créanciers autorisent la suspension des paiements en cas de mauvaise conjoncture.
Plusieurs arguments ont plaidé en faveur de ces conditions de remboursement d'une ampleur rare en Europe. Premièrement, l'accord portait sur des dettes contractées avant guerre et donc avant la partition de l'Allemagne en deux. La question de savoir si la seule RFA devait prendre en charge la totalité des dettes allemandes se posa.
Le chancelier Konrad Adenauer a accepté cette option dans le but de restaurer la souveraineté de la RFA et de rétablir sa crédibilité auprès des investisseurs internationaux. Le spectre des lourdes indemnités de réparation imposées par le traité de Versailles de 1919 et la montée du Nazisme planaient en outre sur les négociations. Les États-Unis souhaitaient par ailleurs que la RFA puisse être un rempart contre le bloc communiste.
Le jeune chancelier a également expliqué que des conditions de remboursement trop contraignantes pourraient mettre en péril le «miracle économique» de la jeune République. Un argument qui a convaincu les Alliés qui voulaient pourvoir compter sur un partenaire économique et un client solide.
Une dette de 80 milliards d'euros de l'Allemagne à la Grèce?
Les experts reconnaissent que ces conditions de remboursement exceptionnelles ont favorisé le redressement économique rapide de l'Allemagne. Certains, dont la coalition de la gauche radicale grecque (Syriza) désormais au pouvoir, estiment ainsi que cette remise de dette pourrait servir de modèle à la renégociation de la dette grecque.
Par ailleurs, face à l'insistance de l'Allemagne pour que la Grèce rembourse sa dette, les Grecs ont réveillé un autre souvenir de guerre. En 1941, un montant de 476 millions de reichsmarks - la monnaie allemande de l'époque - avait notamment été directement extorqué à la Grèce par l'Allemagne nazie. En 1946, l'Allemagne avait ainsi été condamnée à payer 7 milliards de dollars à la Grèce à titre de réparation pour l'occupation.
Cette dette n'était pas couverte par l'accord de Londres de 1953. Ainsi, en 2012, le député européen Daniel Cohn-Bendit avait estimé que cette créance vaudrait aujourd'hui l'équivalent de 80 milliards d'euros. Jean-Luc Mélenchon, fondateur du Parti de gauche, estime lui que «les Allemands doivent 168 milliards d'euros, à la valeur actuelle, à la Grèce. Pourquoi? Parce que les Allemands ont occupé la Grèce et lui ont fait payer les frais d'occupation».
Mais l'Allemagne rétorque qu'en acceptant le Traité de Moscou qui entérine la réunification des deux Allemagne, la Grèce a également accepté de tirer un trait sur cette dette. L'accord de Londres de 1953 repoussait en effet le règlement des réparations de guerre à la signature d'un accord de paix. Ce dernier ne fut finalement signé qu'en 1990 après la réunification, et il exonéra l'Allemagne de certaines réparations, notamment celles qu'elle aurait dû payer à la Grèce. La gauche radicale grecque, arrivée au pouvoir dimanche, souhaite désormais inciter l'Allemagne à se montrer plus clémente face à son ancien créancier.
Par Mathilde Gollal le Figaro
11:23 Publié dans Actualité, Deuxième guerre mondiale, Etats Unis, Guerre, International | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : grèce, dette, allemagne | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook |