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26/11/2014

La véritable histoire de la Faucille et du Marteau

faucille et marteau,histoire

fm2.pngLa faucille et le marteau, deux outils qui entremêlés symbolisent le communisme. Que cela plaise ou pas et bien que l'Union soviétique ait disparu, cet emblème garde sa puissante signification.

Il évoque toujours l'espoir de jours meilleurs pour des millions de femmes et d'hommes à travers le monde. Mais d'où vient cet emblème ?

Qui l'a suggéré, qui l’a créé, qui l’a dessiné ? De quand date t- il ?

Que la faucille et le marteau soient un héritage de la révolution russe, rien n'est plus évident.

C'est pendant l'hiver de 1918 que le Conseil des commissaires du peuple se préoccupa de faire établir un emblème pour le sceau du gouvernement et le pays alors que diverses représentations spontanées avaient déjà vu le jour.

La tâche fut confiée à un artiste, Alexandre Léo. Celui-ci élabora un premier projet représentant une faucille, un marteau, un glaive entrecroisé devant un bouclier d'acier, le tout entouré d'une couronne d'épis.

Le Conseil des commissaires du peuple en discuta à partir du 20 avril. Lénine se prononça pour la suppression du glaive : qu'avait à faire celui-ci sur le sceau d'un état qui se voulait pacifique ?

Restèrent donc la faucille et le marteau qui furent d'ailleurs reprises en mai et juin 1918 dans bien d'autres projets. Retenons déjà la signification pacifiste de ce choix.

La faucille et le marteau furent conservés dans les armes de la RFSFR prévues par la première constitution de celle-ci en juillet 1918, puis dans les armes de l'URSS en 1922.

Dès 1918-19 d'ailleurs, en Russie, la faucille et le marteau, emblèmes très vite populaires, se croisent ou voisinent, comme ce fut le cas pour les emblèmes républicains à l'époque de la Révolution française, sur toutes sortes d'objets, plats, médailles, timbres etc., tandis que des artistes les reprennent dans leurs compositions, comme le peintre Jean Pougny, qui né en Finlande, travaillait alors en Russie.

Que représentent dans l'imaginaire alors le marteau et la faucille?

Le marteau, c'est le travail industriel assurément, mais c'est aussi l'ouvrier, plus généralement l'homme caractérisé par sa vigueur corporelle, car ce marteau peut être aussi une " masse ", lourde à porter.

Outil polyvalent utilisé dans de très nombreux métiers et même dans les travaux domestiques - qui n'a pas aujourd'hui un marteau chez soi ?, il apparaît assez bien adapté à la représentation du travail industriel ou artisanal, surtout si l'on tient compte du fait que les représentations symboliques des réalités matérielles sont souvent marquées par un certain archaïsme.

Quant à la faucille, c'est loin d'être seulement un symbole du travail agricole. Bien que le mot faucille en russe (" serp ") soit masculin, la faucille c'est l'outil de la femme à la campagne alors que les hommes utilisent plutôt la faux.

faucille et marteau,histoireLa faucille, c'est donc aussi la femme, ce que suggèrent peut-être implicitement ses formes arrondies. Une affiche du 1er Mai 1920 en Russie illustre cette interprétation. On y voit, s'avançant fièrement vers l'avenir, côte à côte, un ouvrier portant une lourde masse, un paysan pourvu d'une faux, une paysanne portant une faucille.

La meilleure illustration de cette dualité faucille - marteau se trouve dans le monument du pavillon soviétique à l'Exposition universelle de Paris en 1937, qui fut justement célèbre: un ouvrier et une kolkhozienne tendent vers le ciel, entrecroisés, le premier un marteau, la seconde une faucille.

La signification apparaît claire : la société soviétique réconcilie le travail agricole et le travail industriel sur fond de paix comme elle unit plus étroitement l'homme et la femme. Il était normal qu'en France, où la pratique des symboles politiques était familière (avec le bonnet phrygien, par exemple), l'attirance pour le symbole nouveau fut vive.

Dans la tradition républicaine et socialiste française, bien des éléments préparaient son adoption. La franc-maçonnerie avait déjà popularisé la représentation emblématique des outils du travail (le niveau, le fil à plomb).

fm1.JPGLe marteau était, à travers le personnage du " forgeron ", familier aux écoliers français qui avaient appris à l'école l'Outil de Clovis Hugues : " Le père; un forgeron musclé comme un athlète/a deux outils de fer l'enclume et le marteau " ;ou mieux encore : la Légende du forgeron de Jean Aicard : " Un forgeron forgeait une poutre de fer (. ..)/ Il chantait le travail qui rend dure la main / Mais qui donne un seul cœur à tout le genre humain ". Que de fois l'image de la " forge " avait été utilisée pour illustrer l'avenir en préparation, le rougeoiement du foyer s'identifiant au soleil levant !

Quant à la faucille, bien que cet outil ait été présenté, et parfois en plusieurs exemplaires, dans toutes les exploitations paysannes et même bien au-delà, qu'il ait été largement utilisé par les femmes dans une France encore majoritairement rurale, c'est peut-être un symbole usité, sans doute parce qu'en terme de représentation féminine, l'image de Marianne avait ici occupé le terrain.

faucille et marteau,histoireUn dessin de Steinlen, Souvenir de la Commune de Paris, met au premier plan, dans une foule ouvrière symbole du peuple, un ouvrier muni d'une masse, un paysan avec une faux, mais la femme du peuple qui conduit le cortège est ici - nous dirons : naturellement — une Marianne à bonnet phrygien.

Rien ne s'opposait en tout cas, dans le domaine des représentations symboliques, à l'adoption en France de la faucille et du marteau. Le prestige de la révolution d'Octobre aidant, la symbolique empruntée à la révolution soviétique s'acclimate sans peine dans le terreau culturel français.

faucille et marteau,histoireIl n'est donc pas étonnant que les timbres du nouveau Parti communiste fassent place en France dès 1922 à la faucille et au marteau (remplaçant la République rouge encore présente en 1921). Ce n'est qu'un peu plus tard avec la bolchévisation que le symbole est associé en 1924 au titre de l'Humanité.

Sans doute, avant cette date, la faucille et le marteau trouvent occasionnellement leur place dans le journal : le 11 octobre 1923, par exemple, un dessin de Grandjouan montre une Marianne assise et pensive à côté d'un porte - feuille d'actions, d'un sabre, d'une faucille et d'un marteau, avec cette légende : " La révolution ou la guerre, la faucille et le marteau du travail ou le sabre, il faut choisir ma petite ! " Le 4 octobre 1924, le pas décisif est accompli. L'emblème- très proche alors que celui de la RSFSR — prend place à la droite du titre de l'Humanité.

On tâtonne ensuite pour lui trouver une place définitive d'abord entre le L et le H (24 octobre 1924), puis derrière le M (16 mars 1926), et en même temps on le simplifie et or l'épure pour ne mettre en valeur finalement que les deux instruments de travail.

Beaucoup plus récemment enfin, c'est sous le titre du journal qu'ont pris place ceux-ci.

Parti populaire, ouvrier et paysan, le PCF a trouvé dans la faucille et le marteau un emblème dont la signification la plus évidente (l'union des travailleurs industriels et agricoles) semblait bien correspondre à son identité réelle, alors que cet emblème était porteur au départ — comme on a tenté de le montrer plus haut -, de contenus plus riches et plus variés qui n'ont peut-être pas été pleinement assimilés."

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faucille et marteau,histoire

19:08 Publié dans Histoire insolite, Monde, Russie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : faucille et marteau, histoire | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook |

14/04/2014

Espagne 14 avril : Commémorer mais surtout partir à la conquête de la République

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Jean Ortiz pour l'Humanité

Le 14 avril 1931 était proclamée la Deuxième République espagnole. Les listes monarchistes avaient perdu les élections municipales et le roi Alphonse XIII, désavoué, dut prendre le chemin de l'exil.

Le premier avril 1939, Franco, après une Guerre d'extermination, se vantait de "la défaite de l'armée rouge".Le 14 avril 1931 était proclamée la Deuxième République espagnole. Les listes monarchistes avaient perdu les élections municipales et le roi Alphonse XIII, désavoué, dut prendre le chemin de l'exil.

Le premier avril 1939, Franco, après une Guerre d'extermination, se vantait de "la défaite de l'armée rouge". Ecrasée, la République, le dernier référent démocratique, fut à nouveau bradée à la mort du dictateur, dans la période de pactes connue sous le nom de "transition".

La constitution de 1978 instaura une monarchie parlementaire. Le peuple espagnol ne fut pas consulté par référendum sur "république ou monarchie". En fait, la "transition" enfanta le rétablissement de la monarchie des Bourbons, corset qui permet au capitalisme de prospérer.

Un week-end de Pâques 1977, Adolfo Suarez, et quelques "aperturistas" (partisans d'un lifting démocratique) légalisèrent le PCE, moteur de l'antifranquisme. Il sortit d'une longue clandestinité. Dans la négociation, le secrétaire du PCE, Santiago Carrillo, renonça à la République et à son drapeau. Pour la majorité des communistes d'alors, le choix était entre "démocratie et dictature".

La "transition" se fit donc sans rupture avec l'architecture du régime précédent. Le pouvoir social se transvasa tout en restant aux mains de la bourgeoisie. La "transition", présentée comme "modélique", et exportée en Amérique latine, permit aux classes dominantes de maintenir le statu quo social, de pacifier la situation en faisant oublier les antagonismes de classe.

Aujourd'hui, tout l'édifice de cette "transition" aux conditions des "vainqueurs", son pacte (bancal) social, démocratique, territorial, sont épuisés. Le mythe fonctionne de moins en moins. La "transition" a servi essentiellement à recycler le système (issu du franquisme), désormais en crise totale. Derrière le rideau jadis consensuel, les forces conservatrices, sous la houlette du monarque (62% des Espagnols souhaitent qu'il abdique), sont à nu.

La tsunamique crise économique, et les résistances populaires acharnées, les nouveaux mouvements sociaux (comités et plateformes issus des "Indignés", organisations contre les expulsions locatives, "marées" enseignantes, des personnels de la santé, Syndicat andalou des travailleurs, plateformes "Podemos" des universitaires Iglesias et Monedero, "Somos Mayoria" de Julio Anguita, associations des "sans", comités de voisins...) ont entraîné une crise du modèle politique, du bipartisme, de la monarchie, des pactes de la fin des années 1970...Le peuple se républicanise; pour la première fois depuis la mort du dictateur, la popularité de la monarchie, illégitime et corrompue, en chute libre, est passée sous la barre des 50%.

Les grandes manifestations populaires se hérissent désormais de drapeaux républicains.

On assiste à un début de jonction entre le mouvement social, globalement anticapitaliste, et le mouvement mémoriel. Sont-ce les prémisses d'une deuxième et véritable "transition", sous la poussée des manifestations qui se multiplient, telles les énormes "Marches de la Dignité" du 22 Mars? L'exigence d'un processus constituant gagne du terrain.

La crise catalane , la forte revendication indépendantiste, exigent, pour de nombreux militants d'horizons différents, la reconnaissance de la réalité plurinationale de l'Espagne, une refonte du fédéralisme, vers un état plurinational, le droit à l'autodétermination et à la souveraineté de chaque composante, dans un cadre souple, renégocié, équilibré, radicalement renouvelé: une République fédérale et sociale, comme le proposent Izquierda Unida, les communistes, les libertaires de la CGT, des secteurs des Commissions Ouvrières, de l'UGT, des groupes de gauche alternative, des associations mémorielles, etc.

Au parlement de Madrid, socialistes et "populaires" (la droite bien dure) viennent de refuser ensemble aux Catalans le droit de voter lors d'un référendum en fin d'année. C'est jeter de l'essence sur le feu. Les Catalans veulent avant tout, pour qui sait décoder, une autre Catalogne, une autre Espagne; ils rejettent non pas l'Espagne mais l'Etat espagnol, le "centralisme castillan".

Pour les Républicains catalans, refuser d'entendre peut conduire au pire... Alors vite- vite, sortons de la plainte, de la mémoire exclusivement nostalgique, sentimentale. Oui vite-vite: la Troisième République. Les commémorations du 14 avril en portent plus que jamais cette année l'exigence, le sens politique.

espagne,république,gouvernementVOIR NOTRE DOSSIER : L'ESPAGNE ETAIT UNE REPUBLIQUE !

 

09:42 Publié dans Espagne, Monde, Résistance | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : espagne, république, gouvernement | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook |

07/04/2014

Voyage au bout de l'horreur. De l'envoyé spécial au Rwanda de l'Humanité !

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30 avril 1994, de notre envoyé spécial au Rwanda.

L'HORREUR, c'est d'abord une odeur. L'odeur de corps suppliciés, en voie de décomposition. Angoissante quand on s'approche. Apre et donnant le vertige lorsqu'on se trouve au bord du trou. La preuve avec celui découvert dans le secteur de Kiziguro.

A quelques dizaines de mètres de la route, un énorme trou au milieu des arbres. Au fond, plusieurs centaines de cadavres. D'en haut, on distingue nettement les vêtements aux teintes vives ainsi que la coloration blafarde et cendrée des visages et des mains. Au-dessus de ce magma humain, une femme gît dans une pose grotesque et obscène.

Gamaliel Segnicondo, enseignant à l'école primaire, témoigne: «Les massacres ont commencé à partir du 8 avril (la mort du président rwandais remonte au 6 au soir). Depuis deux jours, les gens venaient se réfugier à la paroisse (l'église et les bâtiments environnants). Les «padre» étaient partis.» D'après lui, ils ont été près de huit cents à rejoindre ce «refuge». Ils ont été massacrés dans l'église. Silence. «On a sauvé en tout et pour tout treize personnes. Une est morte par la suite. Il ne reste que douze survivants.» La plupart des morts sont des Tutsis. La plupart car d'autres ont été tués aussi en raison de leur appartenance politique. Certains étaient des Hutus.

«Tous ont été tués à la machette, au bâton ou avec une barre de fer. Juste un coup sur le sommet du crâne, insiste Gamaliel. Pour certains, on avait pris soin, avant, de leur lier les mains. Pendant ce temps, j'étais caché car je savais que j'étais sur la liste. Puis, j'ai appris l'existence de ce trou. C'est là qu'ils jetaient les cadavres même si certains étaient encore vivants.» A l'approche des troupes du Front patriotique rwandais (FPR), les massacreurs s'enfuient. Alors Gamaliel décide d'agir pour sauver des vies: «J'ai été à la paroisse chercher des fils électriques. Avec un Blanc, un Suisse, on les a tressés pour faire un câble. Grâce à lui, nous en avons retiré huit qui étaient vivants. Ils sont parmi les douze dont je vous ai parlé.»

Gamaliel l'affirme: «Ce sont les milices MRND (le parti au pouvoir) et CDR (formation la plus extrémiste créée par les partisans de la dictature) qui ont perpétré ces massacres. Avant de fuir, ils ont ensuite détruit la paroisse et l'hôpital. Le FPR est arrivé ici le 14 au soir. Aujourd'hui, nous n'avons plus de médicaments. Nous mourons de la malaria.»

Ce charnier n'est qu'un parmi tant d'autres dans cette région. Mais il est le premier que je découvre. Hébété par le choc, je demande un peu stupidement à un des combattants du FPR si les craintes d'épidémie ne devraient pas conduire à boucher le trou le plus rapidement possible. Avec un sourire amer, l'officier me répond: «Nous y pensons. Mais nous voulions d'abord montrer ça à des journalistes. Il y a des choses qu'il faut connaître. Sinon, on ne nous croirait peut-être pas.»

Ce charnier existe, je l'ai vu, et puis après? Les premiers cadavres se trouvent à cinquante mètres au-dessous de moi. Je les regarde, mais ne peux les photographier. Un flash est inutile à cette distance. Il faudrait au moins un projecteur et un téléobjectif. Au Rwanda, il n'y a plus d'électricité depuis des semaines... Autant dire que la photo-preuve est matériellement impossible aujourd'hui. Ce charnier, il faudra bien un jour pourtant le combler avant que les conditions ne soient réunies pour produire «la» démonstration irréfutable devant la postérité.

Alors, cette atrocité sera-t-elle gommée de la mémoire? Après tout, il y a bien en Europe des gens qui nient les chambres à gaz et les crimes nazis contre l'humanité! Si l'on peut nier un génocide, pourquoi n'en réfuterait-on pas un autre? Y aura-t-il un jour des «révisionnistes» rwandais et un Faurisson africain?

Je découvrais le lendemain que cette fixation sur le puits de Kiziguro a quelque chose de dérisoire. A Rukara, non loin de là, les milices gouvernementales ont fait entrer 1.500 et 2.000 morts dans un trou similaire. Au bas mot, 700 à 800 cadavres (comment les compter?) pourrissent au soleil ou fermentent dans l'ombre intérieure des maisons.

Leur vision est repoussante, insoutenable. Quelques kilomètres plus loin, dans la paroisse de Mukarange, il y a ce bûcher improvisé où pendent bras et jambes, ainsi que des corps qui semblent s'obstiner à ne pas brûler. Un de mes interlocuteurs me dit: «Les morts, on n'a pas fini de les trouver. Dans les paroisses, c'est facile, on sait qu'ils sont là. Mais dans les forêts, combien sont-ils?»

Il a raison. De la voiture, je repère les cadavres gisant dans les fossés. De la bananeraie voisine, une puanteur horrible s'élève. Partout, l'odeur de la mort semble régner dans ce pays...

Jean Chatain pour l'Humanité

20:01 Publié dans Actualité, Guerre, International, Monde, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook |