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17/06/2016

Le 16 juin 1976, jour où Hector Pieterson a été tué à Soweto

Pierre Barbancey, L'Humanité

afs.jpgAlors que des dizaines de milliers de lycéens se rassemblent à Soweto pour protester contre la volonté du régime d’apartheid d’imposer l’afrikaans comme langue d’enseignement, la police tire. Le premier à tomber est un jeune de 12 ans. Un mémorial et un musée portent son nom.

Quand, le 16 juin 1976, éclate le soulèvement de Soweto, la grande township qui s’étend non loin de Johannesburg, Nelson Mandela est emprisonné depuis quatorze ans. Quatorze longues années pendant lesquelles le régime d’apartheid, mis en place en 1948, a aggravé le sort des populations non blanches et particulièrement celui des Noirs, majoritaires dans le pays. Le 21 mars 1960, déjà, la police d’apartheid s’était distinguée en tuant, dans la township de Sharpeville, 69 Noirs sud-africains qui manifestaient contre la politique des pass, ce passeport intérieur que tout non-Blanc était censé présenter lorsqu’il se déplaçait dans le pays.

La bataille de la langue devenait presque centrale

En 1976, la tension est grande dans l’ensemble du pays. Le Congrès national africain (ANC), le parti de Mandela, multiplie les actions contre le régime ségrégationniste, notamment par le biais de sa branche armée, Umkhonto we Sizwe (ou MK, le « fer de lance de la nation »). Mais dans ces années-là, un autre mouvement créé par Steve Biko, le Mouvement de la conscience noire, prend de l’ampleur. « Le principe de base de la Conscience noire est le rejet par l’homme noir du système de valeurs qui veut faire de lui un étranger dans son propre pays et qui détruit jusqu’à sa dignité humaine », affirmait le leader charismatique du mouvement, en 1976. Quelques années auparavant, en 1971, dans un discours prononcé au Cap, il lançait : « L’arme la plus puissante dans les mains des oppresseurs est la mentalité des opprimés ! » Une autre fois, il expliquait : « Pour commencer, il faut que les Blancs réalisent qu’ils sont seulement humains, pas supérieurs. De même, les Noirs doivent réaliser qu’ils sont aussi humains, pas inférieurs… » Des idées qui avaient imprégné beaucoup de milieux universitaires et lycéens. Le langage africaniste, plus radical malgré sa référence au mouvement américain non violent, avait d’autant plus gagné les consciences que, paradoxalement, l’ANC, se battant pour une Afrique non raciale, apparaissait comme plus enclin au compromis.

Dans cet esprit, la bataille de la langue devenait presque centrale. Le pouvoir décida ainsi que l’afrikaans serait la langue d’enseignement pour les mathématiques, l’arithmétique et les études sociales. L’anglais serait la langue d’enseignement pour les sciences en général et les sujets pratiques (comme la ferronnerie ou la couture). Les langues autochtones ne seraient utilisées dès lors que pour l’enseignement religieux, la musique et la culture physique ! Pour justifier le décret publié en 1974, le vice-ministre de l’Éducation bantou déclarait alors qu’« un homme noir peut avoir à travailler dans une ferme ou dans une usine. Il peut avoir à travailler pour un employeur anglophone ou de langue afrikaans et il doit pouvoir comprendre ses instructions. Pourquoi devrions-nous commencer maintenant à nous quereller à propos de la langue d’enseignement pour les personnes de race noire ? ... Non, je ne les ai pas consultées et je ne vais pas les consulter. J’ai consulté la Constitution de la République d’Afrique du Sud ». Mais le décret passe mal dans les townships. Très mal.

Banderoles et pancartes dénonçent la politique de John Forster

Le 30 avril 1976, les élèves de l’école Thomas Mofolo junior d’Orlando Ouest, un quartier de Soweto (qui signifie SOuth WEst TOwnship), se mettent en grève en ne se rendant plus en cours. Le mouvement s’étend aux autres établissements de la township. Le 13 juin, un comité est constitué, qui appelle à un rassemblement pour le 16 juin.

Les élèves sont déterminés. Ils sont près de 20 000, ce jour-là. Des banderoles et des pancartes sont déployées, sur lesquelles on peut lire des inscriptions dénonçant la politique de John Forster, le premier ministre, ou célébrant l’Avanie, le nom que les mouvements africanistes donnaient alors à l’Afrique du Sud. Tout va très vite dégénérer. La police et l’armée de l’apartheid se déploient et tirent. L’un des premiers à tomber est un gamin de 12 ans, Hector Pieterson. Sur la photo, prise par Sam Nzima, on le voit, mourant, dans les bras d’un camarade de classe, Mbuyisa Makhubo, et sa propre sœur, Antoinette (Tiny) qui court à ses côtés. Le premier d’une longue série. Les flics sont comme à la foire. D’autres clichés, pris par Peter Magubane, les montrent, sourire aux lèvres, fiers d’eux. La révolte va s’étendre aux autres townships, comme celle d’Alexandra. Paradoxe, de nombreux jeunes de Soweto gagneront alors la branche armée de l’ANC, encouragés en cela par Joe Slovo, responsable du Parti communiste sud-africain (SACP). Theunis Swanepoel, le chef de la police qui a donné l’ordre de tirer, est mort d’une crise cardiaque, en 1998, à l’âge de 71 ans.

Depuis 1991, l’Organisation de l’unité africaine (OUA, devenue l’Union africaine) a fait de cette journée du 16 juin, la Journée mondiale de l’enfant africain. En Afrique du Sud, elle est considérée comme la Journée de la jeunesse.

L’Apartheid ébranlé 

« J’ai vu un enfant tomber. Sous une pluie de balles je me suis précipité et j’ai réalisé le cliché », se souvient Sam Nzima, qui travaillait alors pour un journal de Johannesburg, The World, auteur de la photo où l’on voit Hector Pieterson dans les bras d’un de ses camarades de classe. « C’était une marche pacifique, on a dit aux enfants de se disperser et ils ont commencé à chanter Nkosi Sikelele (l’hymne des mouvements de libération sud-africains – NDLR). La police a reçu l’ordre de tirer. » La désapprobation internationale qui a suivi les événements de Soweto (et la répression sanglante dans le reste du pays) a poussé l’ONU à décréter en 1977 un embargo sur les ventes d’armes à destination de l’Afrique du Sud. La révolte de Soweto aura ébranlé l’apartheid et reste gravée dans la mémoire de l’Afrique du Sud non raciale.

Repères

1924 Mise en place du premier gouvernement nationaliste. L’afrikaans devient langue nationale.

1944 Fondation de la Ligue de jeunesse de l’ANC par Nelson Mandela, Walter Sisulu et Oliver Tambo.

1963 Nelson Mandela est condamné à perpétuité pour terrorisme et les chefs de l’ANC sont emprisonnés ou exilés.

10 mai 1994 Nelson Mandela devient le premier président noir de l’Afrique du Sud.

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16:08 Publié dans International, L'Humanité, Monde | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : afrique du sud, apartheid, afrikaans | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook |

30/04/2016

Le 1er mai 1891 à Fourmies Maria, 18 ans, un bouquet d’aubépine au bras est assassinée

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La ville de Fourmies a atteint son apogée industrielle et démographique en 1891. Elle compte alors près de 16 000 habitants, en majorité des ouvriers qui vivent des conditions d’insalubrité importante. Parallèlement à une baisse de salaire de 10 à 15 % entre 1882 et 1891, le prix du pain a augmenté de 20 % et celui du charbon de 44 %. Durant l’hiver 1890/1891, plus de 2 000 personnes sont ainsi secourues par le bureau de bienfaisance de Fourmies.

Le contraste avec la richesse du patronat est de plus en plus insupportable et révoltante pour l’ouvrier. A l'approche du 1er mai, on craint des mouvements de grèves plus fort qu’en 1890.

Début avril, la journée du 1er Mai 1891 à Fourmies est préparée par des responsables du Parti Ouvrier Français, tels Hippolyte Culine et Paul Lafargue (gendre de Karl Marx, futur député du Parti Ouvrier en novembre 1891 à Lille).On y dénonce les « conditions de travail déplorables » et on revendique la journée de 8 heures de travail.

Selon le programme, les ouvriers étaient invités à porter à 10h leurs revendications à la mairie. Des festivités l'après-midi et un bal en soirée étaient également inscrits au programme. Le 1er Mai 1891 n’aurait jamais du se terminer dans un bain de sang...

Les patrons répliquent par une adresse très vive « contre les meneurs étrangers » et les « théories révolutionnaires ».  Affichée le 29 avril et signée par tous les entrepreneurs, sauf un, elle tente de dissuader les ouvriers de participer à la manifestation. A la veille du 1er mai, les patrons ont exprimé leur inquiétude au maire qui demande un renfort de troupes au sous-préfet d'Avesnes.  

Histoire de dissuader les ouvriers à se mettre en grève, le patronat menacera également de licenciement tous les ouvriers qui arrêteront le travail. Devant les risques de débordements, ils finiront par obtenir du préfet qu'il mobilise un important dispositif de maintien de l'ordre.

En cette journée du 1er mai, 2 compagnies d'infanterie seront donc mobilisées. Nous sommes le 1er mai 1891. A 9 heures, la plupart des ouvriers de la ville sont en grève. Une seule filature reste en activité. Après une échauffourée avec les gendarmes à cheval, quatre manifestants sont arrêtés. Le premier slogan de la journée « c'est huit heures qu'il nous faut " est alors devenu "c'est nos hommes qu'il nous faut ».

Le reste de la journée se déroulent sans aucun incident majeur. En début d'après-midi, le maire de Fourmies promet de relâcher à 17h00 les ouvriers qui avaient été arrêtés le matin.

Il est 18h15, place de l’église, face à la mairie de Fourmies, les 4 grévistes emprisonnés le matin à la mairie n’ont toujours pas été libérés.Près de 200 manifestants arrivent alors sur la place et font face aux 300 soldats équipés du nouveau fusil Lebel.

Il est 18h20, les cailloux volent, la foule pousse. Pour se libérer, le commandant Chapus fait tirer en l'air. Il est presque 18h25, le commandant Chapus s'écrie : « Feu ! Feu ! Feu rapide ! Visez le porte-drapeau ! » La troupe tire et teste leur nouveau fusil Lebel.

fourmies,premier mai,fusilladeLa fusillade va faire une trentaine de blessés et neuf morts, dont 4 jeunes femmes et un enfant, parmi lesquels Maria Blondeau, jeune ouvrière de 18 ans tenant dans les mains un bouquet d’aubépine, Kléber Giloteaux, un jeune de 21 ans ou bien encore Emile Cornaille, âgé de 11 ans avec dans sa poche une toupie...

Les « martyrs de Fourmies » ont donné le 1er mai à la France

Ces morts, promus aux yeux des ouvriers, vont très vite devenir des symboles de la République répressive et de classe. Un dixième décès sera à déplorer le lendemain. Camille Latour, un ouvrier de 46 ans, commotionné après avoir assisté à la fusillade. Les 10 morts de Fourmies seront inhumés le 4 mai devant une foule estimée à près de 50 000 personnes.

Quelques jours plus tard, à l’Assemblée Nationale, le député Georges Clemenceau déclarera « Il y a quelque part, sur le pavé de Fourmies, une tache innocente qu’il faut laver à tout prix….Prenez garde ! Les morts sont des grands convertisseurs, il faut s’occuper des morts ! ».Avec le drame de Fourmies, le 1er mai va s'enraciner dans la tradition de lutte des ouvriers.

Il représente un tournant considérable dans l’histoire du mouvement ouvrier français et mondial. A la fin de l’année 1891, l'Internationale Socialiste va renouveler le « caractère revendicatif et international du 1er mai » comme un jour à part pour le monde du travail, en hommage aux « martyrs de Fourmies » !

Il faudra attendre le 23 avril 1919 pour que le Sénat Français ratifie la journée de 8 heures. La signature des accords de Matignon par Léon Blum le 7 juin 1936, permettra une augmentation des salaires de 7 à 15 %, la reconnaissance du droit syndical dans l’entreprise, l’élection des délégués ouvriers, la création de conventions collectives, la semaine de 40 heures et les 15 jours de congés payés.

Le 1er mai deviendra un jour férié en France en 1941…C’est Lénine qui décide en 1920 de faire du 1er mai une journée chômée en Russie. L'Allemagne nazie va encore plus loin. Hitler, pour se rallier le monde ouvrier, fait, dès 1933, du 1er mai une journée chômée et payée. La France l'imitera sous l'Occupation, en 1941. En avril 1947, la mesure est reprise par le gouvernement issu de la Libération pour faire définitivement du 1er mai un jour férié et payé...De l’aubépine au brin de muguet !

En France, dès 1890, les manifestants du 1er mai ont pris l'habitude de défiler en portant à la boutonnière un triangle rouge. Celui-ci symbolise la division de la journée en trois parties : 8 heures de travail, 8 heures de sommeil, 8 heures de loisirs. Le triangle est remplacé dès 1892 par la fleur d'aubépine avec un ruban rouge, en hommage à Maria Blondeau, l’une des victimes de la fusillade de Fourmies, tuée avec un bouquet d’aubépine à la main.

En 1895, le socialiste Paul Brousse lance un concours dans son journal, pour inviter ses lectrices à choisir une fleur symbole. Peu à peu s'impose l’églantine, symbole de la Révolution française et fleur traditionnelle du nord de la France. Mais cette rose sauvage connaît un sérieux rival, le muguet, qui a pour lui de fleurir précisément début mai.

En 1907, le muguet, symbole du printemps en Île-de-France, remplace peu à peu l’églantine. Le brin de muguet est alors porté à la boutonnière avec un ruban rouge.Après la Première Guerre mondiale, la presse organise la promotion systématique du muguet blanc contre la rouge églantine. C’est sous Vichy (1941) que la fleur traditionnelle d’Ile-de-France détrône définitivement l'églantine.

Ce résumé a été élaboré d’après le livre d’André Pierrard et de Jean-Louis Chappat : « La fusillade de Fourmies » paru aux éditions Maxima.

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16:40 Publié dans Monde, Résistance, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fourmies, premier mai, fusillade | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook |

15/01/2016

LE LIVRE NOIR DE LA REPRESSION COLONIALE FRANCAISE !

Guerre_dAlgérie_1954-1962.jpg

Longtemps après, les chiffres restent approximatifs et ne fournissent guère qu’un ordre de grandeur. Pour la répression de Sétif (1945), les estimations vont de 6 000 à 45 000 morts.

madagascar1947.jpg A Madagascar (1947), il y aurait eu 80 000 victimes. En Indochine (1946-1954), les chiffres varient selon les sources de 800 000 à 2 millions de morts, et en Algérie (1954-1962) de 300 000 à 1 million.

Même sans tenir compte de la Tunisie et du Maroc, et en s’abstenant d’évoquer les responsabilités françaises dans des catastrophes plus récentes, comme le génocide rwandais, cette sinistre comptabilité atteste que, si l’on rapporte le nombre de ses victimes à celui - médiocre - de sa population, la France se place dans le peloton de tête des pays massacreurs de la seconde partie du siècle.

Elle persévéra avec tant d’obstination que l’observateur pourrait en déduire que le crime était ontologiquement lié au régime politique en place. Car c’est bien de crime qu’il faut parler.

La répression menée pendant deux décennies sur deux continents présente les caractéristiques du crime contre l’humanité tel que défini par le nouveau code pénal français : « Pratique massive et systématique d’exécutions sommaires, d’enlèvements de personnes suivis de leur disparition, de la torture ou d’actes inhumains (...) »

humanite-charonne.jpgLa seule organisation politique d’importance à se dresser contre cet enchaînement aussi cruel qu’imbécile fut le Parti communiste français (PCF). La mémoire de ses vétérans est peuplée des souvenirs d’une lutte difficile menée dans une solitude presque absolue.

En face, ce passé-là passe très aisément, et M. François Bayrou, héritier politique d’une démocratie- chrétienne impliquée plus qu’aucune autre formation dans la répression colonialiste, ne s’encombrait pas de réminiscences importunes lorsqu’il brandissait, à la Chambre, Le Livre noir du communisme vers le bord opposé de l’hémicycle.

La mémoire aussi peut être à géométrie variable.

Gilles Pérrault

Source article du Monde diplomatique

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