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24/08/2013

Victor Hugues, corsaire de la Révolution

victor-hugues.gif1761-1826 . Personnage énigmatique, le commissaire civil délégué par la Convention aux Isles-du-Vent a épousé tous les méandres de son époque.

À la Guadeloupe, il usa de l'émancipation des esclaves noirs comme d'une arme dans la guerre contre l'Angleterre, ralliant à son armée les nouveaux libres acquis à la cause républicaine, faisant tomber les têtes des colons blancs royalistes.

Le même, huit ans plus tard, fit appliquer avec zèle, à la Guyane, le décret de Bonaparte rétablissant l'esclavage.

«C ette nuit j'ai vu se dresser à nouveau la Machine. C'était, à la proue, comme une porte ouverte sur le ciel. » Surle pont du navire qui transporte le commissaire civil délégué par la Convention aux Isles-du-Vent, une guillotine se dresse, redoutable instrument enfanté par la terreur et la vertu. La lugubre vision ouvre le Siècle des Lumières, le roman que le Cubain Alejo Carpentier consacra à l'équivoque personnage de Victor Hugues.

Investi de pouvoirs illimités par le Comité de salut public, le révolutionnaire débarque au Gosier, en Guadeloupe, à la fin du printemps 1794. Il apporte le décret du 16 pluviôse qui « abolit l'esclavage des Nègres dans les colonies ». Adopté par la Convention nationale après que Léger-Félicité Sonthonax et Étienne Polverel eurent proclamé l'émancipation des esclaves de Saint-Domingue, le texte dispose que « tous les hommes, sans distinction de couleur, domiciliés dans les colonies, sont citoyens français, et jouiront de tous les droits assurés par la Constitution ». Victor Hugues est chargé de faire appliquer la nouvelle législation dans les colonies françaises de la Caraïbe.

Ce fils d'un boulanger marseillais, qui s'est embarqué dès l'âge de treize ans comme mousse à destination des Amériques, est un personnage énigmatique. Tour à tour flibustier, commerçant, imprimeur, il séjourne pendant près de dix ans à Saint-Domingue, où il fréquente une loge maçonnique et s'imprègne des idéaux des Lumières. À la veille de l'insurrection des esclaves dirigée par Toussaint Louverture, Victor Hugues, pourtant philanthrope et humaniste, se méfie des revendications égalitaires des libres de couleur. Chez lui, comme chez la plupart des révolutionnaires, un incommensurable abîme sépare encore le réel de l'idéal. Fuyant les troubles qui agitent la Grande Île, il revient en France au début de 1790. À Paris, il se mêle aux sans-culottes, affûte ses talents de polémiste, rejoint le club des Jacobins. Un rôle d'accusateur public au tribunal révolutionnaire de Rochefort, puis de Brest, forgera sa réputation de procureur impitoyable.

Lorsqu'il revient dans la Caraïbe, en juin 1794, son mandat tient en quelques mots : « Établir solidement les principes de la Révolution dans les Isles-du-Vent, y défendre la République contre toute agression étrangère (...), punir exemplairement les contre-révolutionnaires. » Dans ces îles d'Amérique se joue alors l'un des actes de la guerre opposant la jeune République à la coalition des monarchies d'Europe. Le 23 mars, malgré la résistance des troupes de Rochambeau, la Martinique est tombée aux mains des Anglais avec l'appui des colons blancs royalistes, opposés à cette abolition au nom de laquelle ont éclaté maintes insurrections. La Guadeloupe, elle aussi, est occupée.

Révolution française 220 ans après, corsaire, Victor HuguesLa reconquête de cette dernière est impensable sans l'appui des esclaves noirs, majoritaires dans l'île. Habile tacticien, Victor Hugues usera de leur émancipation comme d'une arme. « Libérer les Noirs, c'était créer une armée pour combattre les maîtres d'esclaves, alliés des Anglais », résume l'historien martiniquais Armand Nicolas. Dès le 7 juin, le commissaire proclame l'abolition et recrute une armée de Noirs et de Mulâtres qui repousse la flotte anglaise et reprend possession de la Grande-Terre. Le 6 octobre 1794, les Anglais capitulent à Basse-Terre. Victor Hugues se retourne dès lors contre leurs complices. Le Tribunal révolutionnaire qu'il installe fait fonctionner la Machine à plein régime. Les têtes des planteurs royalistes tombent. Ceux qui échappent à la guillotine prennent la fuite. En 1790, l'île compte 9 371 Blancs. Cinq ans plus tard, ils ne sont plus que 1 092, dont 255 hommes.

Mais le camp « contre-révolutionnaire » s'étend à mesure que s'affirme l'intransigeance de l'Investi de pouvoirs. De nouveaux affranchis hostiles au système de travail « forcé » institué par les autorités révolutionnaires sur les habitations abandonnées par les maîtres seront, eux aussi, conduits à l'échafaud. Il reste qu'au coeur même de la Terreur, le nouveau régime, avec toutes ses contradictions, fait souffler sur la colonie un vent de liberté.

La Guadeloupe reconquise par la République, Victor Hugues en fait une base arrière de ses offensives contre les Anglais. Il noue des alliances avec les Indiens Caraïbes de Saint-Vincent, regagne Sainte-Lucie, lance des corsaires à l'assaut des navires de la rivale impériale, s'accommode de la revente des esclaves pris aux Anglais. Si les multiples tentatives pour reprendre possession de la Martinique n'ont pas réussi, cette « guerre de course » terrorise l'ennemi et assure à la Guadeloupe des rentrées financières appréciées de Paris.

Louant le « caractère empli d'énergie et d'audace » de cet homme « d'apparence médiocre, de manières vulgaires, de mauvaise éducation », l'aventurier Alexandre Moreau de Jonnès rapporte que Victor Hugues « lutta contre ses ennemis avec un bonheur dont aucun autre, avant et après lui, n'a pu donner l'exemple ».

À la Guadeloupe, il se fait gestionnaire sourcilleux, inflexible gardien de la séparation des pouvoirs, pourfendeur des croyances religieuses. Ce fin politique, mû par l'obsession de l'ordre, régentera l'île durant quatre ans.

Dans ce nouveau monde lointain, où l'écho des bouleversements qui se nouent à Paris parvient à contretemps, le coup d'État du 9 thermidor ne signe pas la chute du « Robespierre des îles ». Ses détracteurs invoqueront sa duplicité, plutôt que la distance, pour expliquer son exceptionnelle longévité. L'homme, il est vrai, sait louvoyer, contourner les tempêtes, épouser jusqu'à se dédire les méandres de son époque. En décembre 1798, le Directoire le rappelle à Paris. Un an plus tard, le Consulat le dépêche en Guyane, où il institue un régime de travail forcé, prélude au rétablissement de l'esclavage. Victor Hugues, commissaire, puis proconsul de la colonie, fera exécuter le décret du 30 floréal an X rendant les anciens esclaves à leurs chaînes avec autant de zèle qu'il fit appliquer en Guadeloupe le décret d'abolition de la Convention. « Si rétablir l'esclavage est une nécessité politique, je dois m'incliner devant elle », lui fait dire Alejo Carpentier.

Victor Hugues fait ensuite appliquer à la lettre le Code civil, qui interdit strictement les mariages entre Noirs et Blancs, n'admet l'adoption qu'entre personnes de même couleur, frappe de nullité les donations d'un Blanc à un Noir. On dit le proconsul autoritaire, orageux, tyrannique. L'impôt qu'il instaure, surtout, cristallise le mécontentement à son endroit.

Déporté au bagne de Cayenne après le coup d'État de fructidor, le journaliste et chansonnier monarchiste Louis-Ange Pitou brosse de lui un portrait aussi féroce qu'admiratif : « Son caractère est un mélange incompréhensible de bien et de mal ; il est brave et menteur à l'excès, cruel et sensible, politique, inconséquent et indiscret, téméraire et pusillanime, despote et rampant, ambitieux et fourbe, parfois loyal et simple ; son coeur ne mûrit aucune affection ; il porte tout à l'excès : quoique les impressions passent dans son âme avec la rapidité de la foudre, elles y laissent toutes une empreinte marquée et terrible ; il reconnaît le mérite lors même qu'il l'opprime : il dévore un esprit faible ; il respecte, il craint un adversaire dangereux dont il triomphe. (...) Le crime et la vertu ne lui répugnent pas plus à employer l'un que l'autre, quoiqu'il en sache bien faire la différence. (...) Il est administrateur sévère, juge équitable et éclairé quand il n'écoute que sa conscience et ses lumières. C'est un excellent homme dans les crises difficiles où il n'y a rien à ménager. »

Après la conquête de la Guyane par les Portugais, en 1809, Victor Hugues est accusé de trahison, puis acquitté. Il est rétabli dans ses fonctions en 1817. Il s'éteint en 1826, après avoir traversé tous les régimes. Arrivé au Nouveau Monde avec la liberté, il aura emprunté sans états d'âme les chemins tortueux qui menèrent à la restauration de l'ancienne servitude.

Rosa Moussaoui

Voir [tous les Portraits de la Révolution->http://www.humanite.fr/+-Revolution-francaise-220-ans-apres-+]

18/08/2013

VICTOR JARA : ON LUI COUPA LES DOIGTS PUIS LES MAINS POUR QU‘IL NE CHANTE PLUS !

Jara1.jpgTout d'un coup Victor essaya péniblement de se lever et comme un somnambule, se dirigea vers les gradins, ses pas mal assurés, et l'on entendit sa voix qui nous interpellait :

" On va faire plaisir au commandant. " Levant ses mains dégoulinantes de sang, d'une voix angoissée, il commença à chanter l'hymne de l'Unité populaire, que tout le monde reprit en choeur.

C'en était trop pour les militaires ; on tira une rafale et Victor se plia en avant.

Chili, 40 ans. Anniversaire du coup dEtat de Pinochet (11 septembre 1973, 11 septembre 2013)

"Savez-vous pourquoi il n'y a jamais eu de coup d'Etat aux Etats-Unis ? Parce qu'il n'y a pas d'ambassade des Etats-Unis aux Etats-Unis..." Michelle Bachelet, ancienne Présidente du Chili (fille d'un général assassiné avec la complicité des Etats Unis).

VICTOR JARA

Les mots ne sont pas innocents. On ne défie pas impunément le pouvoir, surtout s'il est entre les mains de dictateurs sanguinaires. Victor Jara en fit l'amère constat, payant de sa vie son engagement militant auprès de Salvador Allende au Chili.

Chantre de la révolution communiste, Victor Jara chantait le partage des terres, critiquait le conformisme bourgeois, dénonçait la répression militaire, condamnait la guerre du Vietnam…

Après le coup d'état du Général Pinochet, Victor Jara fut arrêté et emprisonné dans le stade de Santiago, lieu de triste mémoire. Il fut torturé et exécuté.

Pinochet a échappé à ses juges. Le monde de justice rêvé par Jara n'est pas pour demain.

" On amena Victor et on lui ordonna de mettre les mains sur la table. Dans celles de l'officier, une hache apparut.

D'un coup sec il coupa les doigts de la main gauche, puis d'un autre coup, ceux de la main droite.

On entendit les doigts tomber sur le sol en bois. Le corps de Victor s'écroula lourdement. On entendit le hurlement collectif de 6 000 détenus.

L'officier se précipita sur le corps du chanteur-guitariste en criant : " Chante maintenant pour ta putain de mère ", et il continua à le rouer de coups.

Tout d'un coup Victor essaya péniblement de se lever et comme un somnambule, se dirigea vers les gradins, ses pas mal assurés, et l'on entendit sa voix qui nous interpellait :

" On va faire plaisir au commandant. " Levant ses mains dégoulinantes de sang, d'une voix angoissée, il commença à chanter l'hymne de l'Unité populaire, que tout le monde reprit en choeur.

C'en était trop pour les militaires ; on tira une rafale et Victor se plia en avant.

D'autres rafales se firent entendre, destinées celles-là à ceux qui avaient chanté avec Victor. Il y eut un véritable écroulement de corps, tombant criblés de balles. Les cris des blessés étaient épouvantables. Mais Victor ne les entendait pas. Il était mort. "

Miguel Cabezas (extrait d'un article paru dans l'Humanité du 13 janvier 2000).

Le stade porte aujourd'hui son nom.

12/08/2013

CHARLIE CHAPLIN UN HUMANISTE !

charlot.jpgLe principal ressort comique de chaplin est la dignité. Son Charlot est un vagabond qui se veut gentleman. Cette prétention burlesque n'exclut pas la noble revendication de la dignité humaine, dont la conquête implique la ridiculisation des dignitaires indignes : policemen, gardiens de prison, comtes, banquiers, usuriers, costauds...

Dans l'Evadé écrivait Chaplin : Je mange une glace sur un balcon avec une jeune fille. A l'étage au-dessous je place une dame forte, respectable et bien habillée. En mangeant ma glace, je laisse tomber une cuillerée qui glisse à travers mon pantalon et, du balcon, vient tomber dans le cou de la dame. Le premier rire est engendré par mon propre embarras.

Le second et de beaucoup le plus grand résulte de l'arrivée de la glace sur le cou de la dame qui hurle et se met à sauter...Si simple que cela semble, il y a deux éléments de la nature humaine qui sont visés ici : l'un est le plaisir pris par le public à voir la richesse et le luxe en peine ; l'autre est la tendance du public à ressentir les mêmes émotions que l'acteur.L'une des choses les plus vite apprises au théâtre est que le peuple, en général, est satisfait de voir les gens riches avoir la plus mauvaise part.

Si j'avais fait tomber la glace dans le cou d'une pauvre femme de ménage, au lieu de rire, c'eût été de la sympathie qui fût née pour la femme. De même une femme de ménage ,n'ayant aucune dignité à perdre, le fait n'eut pas été drôle. Laisser tomber la glace dans le cou d'une riche, c'est lui faire arriver juste ce qu'elle mérite.

1952 VICTIME DU MACCARTHYSME CHARLOT
QUITTE LES ETATS UNIS
En Septembre 1952 Charlie Chaplin quitte les Etats Unis, pour Londres, il n'y reviendra que 20 ans plus tard, pour y recevoir un Oscar spécial à Hollywood.
 
Le 19 Septembre par la radio de bord du bâteau qui le mène en Angleterre, il apprend que son visa retour pour les Etats Unis est annulé.
La raison invoquée par le ministère de la justice américaine est le suivant : refoulement d'un étranger sur la base de la "moralité, de la santé publique, de la folie, de la propagande en faveur du communisme, ou d'association avec les organisations communistes ou pro-communistes".
Il est victime du Maccarthysme comme des centaines d'autres cinéastes qui furent licenciés et mis en prison. Dans l'après guerre le coût de la vie augmente spectaculairement et une vague de grèves paralyse le pays.
 
 En 1947 certains politiciens engagèrent alors une véritable "chasse aux sorcières" contre tous ceux qui étaient soupconnés d'être communistes. Nixon le futur Président des Etats Unis, destitué par la suite, le sénateur Mac Carthy qui sombra dans l'anonymat et mourut alcoolique en 1957 étaient à la pointe de ce combat.
 
Charlie Chaplin qui n'avait jamais nié ses sympathies progressistes et son amitié avec des communistes comme Pablo Picasso était renié. Son soutien à l'aide à la guerre de la Russie en 1942 fut l'une des pièces à conviction les plus lourdes qui jouèrent contre lui.
 
L'HOMMAGE D'ARAGON
A la mort de Chaplin, Aragon fut de ceux qui eurent le mot juste pour saluer le dernier voyage du Vagabond.
Dans l'Humanité du 26 Décembre 1977, l'auteur des Cloches de Bâle, d'Aurélien écrivait :
"Je ne sais pas s'il y a jamais eu d'homme qui ait eu des yeux comme les siens pour nous faire voir à la fois les pires âmes et les plus doux regards.
Il y a tant à dire, et finalement il y a tant qu'on ne peut que taire. Les mots sont pauvres pour exprimer ce que mieux que tous les yeux ont pu voir...Chaplin, Matisse, Eluard, Picasso...gens inoubliables dont, longtemps après nous, continueront à rêver ceux-là dont les yeux s'ouvriront aux merveilles du monde, à qui, peut être mieux que par l'étude et la science, un vieux film oublié viendra encore donner aux enfants de plus tard, dans quelque salle de quartier, le frémissement du rire aussi bien que l'irrépressible montée des larmes".

Voir également Biographie de Charlie CHAPLIN avec le site web "Je suis mort".
 
LE DICTATEUR
Dans le Dictateur Chaplin renonce à toute métaphore et attaque de front Hitler et l'hitlérisme. Le film fut terminé au moment où les troupes allemandes entraient à Paris et présenté peu après dans une Amérique non belligérante, où les isolationnistes étaient puissants.Chaplin fut accusé de bellicisme, traité de juif et de non-Américain. La critique fut hostile. Mais la dramatique actualité du sujet conquit le public.
Chaplin jouait dans ce film deux hommes à petite moustache : le traditionnel Charlot (un petit barbier juif) et un Adolf Hitler à la fois terrifiant et grotesque. La terreur se déchaînait quand le barbier et sa fiancée étaient traqués, dans les rues désertes, par la voix géante de Hynkel-Hitler appelant au progrom et au massacre.
Le ridicule tenait sa place dans les traditionnelles batailles de tartes à la crème entre le Führer allemand et Mussolini. Le rire est un légitime moyen de combat contre les tyrans.
 
 
 

11:44 Publié dans Biographie, Cinéma, Occupation, Résistance | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : charlie chaplin, charlot, usa | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook |