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13/10/2015

SALARIES EN COLERE : JAURES, LE DISCOURS DU 19 JUIN 1906

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L’historien Jean-Paul Scot revient sur le discours prononcé par Jean Jaurès lors de la séance du 19 juin 1906 à la Chambre des députés. Lequel fait le tour des réseaux sociaux après l’explosion de colère des salariés d’Air France.

Dans le conflit social qui agite Air France, des journalistes de l’Obs et de Radio France ont accusé des militants politiques et syndicaux de « mettre Jaurès à toutes les sauces » pour comprendre les violences ad hominem que Manuel Valls a qualifiées sans émouvoir lesdits journalistes d’« œuvres de voyous ».

Lors de la séance du 19 juin 1906 à la Chambre des députés, Jaurès résumait ainsi sa démonstration en répliquant à Georges Clemenceau, ministre de l’Intérieur : « Tandis que l’acte de violence de l’ouvrier apparaît toujours et est toujours défini, toujours aisément frappé, la responsabilité profonde et meurtrière des grands patrons, des grands capitalistes, elle se dérobe, elle s’évanouit dans une sorte d’obscurité (…). »

En 1906, l’état de siège décrété 
par Clemenceau en réponse 
à la grève des mineurs

« Le patronat, venait-il de dire, n’a pas besoin, lui, pour exercer une action violente, de gestes désordonnés et de paroles tumultueuses ! Quelques hommes se rassemblent, à huis clos, dans la sécurité, dans l’intimité d’un conseil d’administration, et à quelques-uns, sans violence, sans gestes désordonnés, sans éclats de voix, comme des diplomates causant autour du tapis vert, ils décident que le salaire raisonnable sera refusé aux ouvriers ; ils décident que les ouvriers qui continuent la lutte seront exclus, seront chassés, seront désignés par des marques imperceptibles, mais connues des autres patrons, à l’universelle vindicte patronale. (..). »

En 1906, le climat social était particulièrement tendu au lendemain de la catastrophe minière de Courrières, la plus meurtrière d’Europe, ayant entraîné plus de 1 100 morts le 10 mars. Face à la grève générale des mineurs du Nord et du Pas-de-Calais, reconduisant leur mouvement par référendum en dépit de la division syndicale, Clemenceau avait promis de respecter le droit de grève s’ils s’abstenaient de violences. Mais des incidents entre mineurs survenus le 21 avril lui permirent de décréter l’état de siège, d’arrêter et de traduire en justice les leaders CGT qui dénonçaient les manquements de la compagnie aux règles de sécurité.

Plus largement, la CGT avait lancé une vaste campagne nationale pour réduire la journée de travail à huit heures. Le mouvement devant culminer le 1er mai 1906, la grande presse agita aussitôt le spectre du Grand Soir. Plus de 200 000 grévistes furent recensés à Paris et plus encore en province en dépit des interdictions et de l’arrestation des dirigeants anarcho-syndicalistes. Des heurts très violents opposèrent à Paris chasseurs à cheval et manifestants (650 arrestations). Mais les grèves et les heurts continuèrent en province alors que se préparaient les élections législatives qui virent une percée socialiste.

« Le maintien de l’ordre, c’est seulement (…) la répression de tous les excès de la force ouvrière »

Jaurès n’a jamais approuvé les méthodes d’action directe des minorités agissantes et a toujours cherché à renforcer et à unifier le mouvement ouvrier tout en respectant son autonomie. Le 19 juin à la Chambre, il réplique encore à Clemenceau, posant au gardien suprême de l’ordre social : « Ce que les classes dirigeantes entendent par le maintien de l’ordre, c’est seulement (…) la répression de tous les excès de la force ouvrière ; c’est aussi, sous prétexte d’en réprimer les écarts, de réprimer la force ouvrière elle-même et de laisser le champ libre à la seule violence patronale. »

Jusqu’à sa mort, n’en déplaise à certains, Jaurès a affirmé la réalité de la lutte des classes et de l’exploitation capitaliste. Face aux réformistes qui rêvaient de paix sociale, il répondait que la grève était certes une « méthode barbare » mais qu’elle « s’imposera tant que le capital et le travail seront séparés, tant que les grands moyens de production ne seront pas la propriété commune des travailleurs eux-mêmes et de la nation ». Dès 1901, il avait formulé la stratégie de l’« évolution révolutionnaire » visant à introduire dans la société capitaliste des « formes nouvelles de propriété nationales et sociales, communistes et prolétariennes, qui fassent peu à peu éclater les cadres du capitalisme ». En 1908, il fera adopter par le Parti socialiste un programme visant à « résorber et supprimer tout le capitalisme ».

« Ne tournons pas contre eux, 
mais contre les maîtres, 
notre indignation »

La démocratie politique ne lui suffit donc pas, même si la souveraineté du peuple exige le suffrage à la proportionnelle à tous les niveaux. La « souveraineté du travail », le pouvoir des travailleurs, doit être reconnue par la participation de leurs représentants dans les conseils d’administration des entreprises, privées comme publiques, avec des pouvoirs identiques à ceux des administrateurs et des actionnaires. Tel serait le gage du nouvel ordre social.

En 1912, Jaurès espérait encore contenir les grévistes par la force de l’organisation ouvrière unifiée. Mais, conseillait-il, « lorsque, malgré tout, la violence éclate, ne tournons pas contre eux, mais contre les maîtres, notre indignation ». On comprend que Manuel Valls ait reconnu dès 2006 « applaudir plus facilement le Tigre que le fondateur de l’Humanité ».

Publié par l'Humanité du 13 octobre 2015

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06/09/2015

TRAVAIL ET DEVOIR DE MEMOIRE

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diegojuste.jpg"Je veux dire que l'Homme a un tyran : l'ignorance" Victor Hugo

Si le devoir de mémoire est un acte naturel et indispensable pour rendre hommage à tous ceux vivants ou disparus ont participé à notre histoire commune pour défendre les valeurs inscrites dans notre devise : la liberté, l'égalité la fraternité, le travail de mémoire est une notion beaucoup plus large de recherche, et de rappel sur tout ce qui concerne l'histoire universelle.

Le travail et le devoir de mémoire sont des éléments incontournables pour comprendre le présent, éviter les erreurs, les drames de hier et construire le futur.

Ils ne relèvent pas que de de l'éducation nationale qui bien sûr a un rôle majeur, mais de chacun de nous tous.

Diego Diaz

Conseiller Municipal d'Evry, délégué au monde combattant et au travail de mémoire

Animateur du blog Histoire, et du groupe FB Mémoire Vive

 

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25/06/2015

Les cent dix ans de la création du Parti socialiste

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En avril 1905, dans la salle du Globe à Paris, les différentes tendances socialistes sont réunies pour se fondre dans un parti commun à tous. 
Le nouveau parti doit compter moins de trente mille adhérents. 
Jaurès y joue un grand rôle. L’unité se fait autour du combat de classe.

Du 23 au 25 avril 1905 se réunit salle du Globe, 8 boulevard de Strasbourg à Paris, aujourd’hui disparue, le congrès de l’unité socialiste. Les séances se tiennent à huis clos et en tant que telles, elles n’auraient aucune raison de figurer dans les annales de l’histoire du mouvement ouvrier.

Il s’agit simplement de ratifier les décisions prises après plusieurs mois de négociations par les diverses organisations socialistes du pays. L’événement est la création d’une organisation politique commune, le Parti socialiste, section française de l’Internationale ouvrière, qui rassemble les anciens Parti socialiste français de Jaurès, le Parti socialiste de France de Guesde et Vaillant, le Parti ouvrier socialiste révolutionnaire d’Allemane et sept fédérations autonomes.

L’union n’est pas absolument générale. Quelques élus du PSF répugnent à s’éloigner de l’entente parlementaire avec les radicaux et les modérés laïques qui ont fait vivre plusieurs années le Bloc des gauches. Aristide Briand et René Viviani notamment hésitent, et finalement préfèrent s’engager dans une longue (et plutôt brillante) carrière ministérielle, à gauche… ou un peu moins ! Dès mars 1906, Briand devient ministre de l’Instruction publique et en octobre Viviani le rejoint au gouvernement comme ministre du Travail. Socialistes indépendants, ils forment plus tard un Parti républicain socialiste pour servir de lieu d’accueil aux élus socialistes souhaitant rester dans le jeu gouver-
nemental.

Il n’en va pas de même pour Jaurès et nombre de ses amis (Rouanet, Pressensé, Longuet, Renaudel…). Certes, Jaurès est toujours convaincu de la justesse de son soutien à la défense républicaine et à l’action laïque des gouvernements Waldeck-Rousseau (1899-1902) et Combes (1902-1905). Cette politique a obtenu des résultats tangibles : la loi de séparation des Églises et de l’État est en passe d’être votée, bientôt le seront celles du service militaire à deux ans, du repos hebdomadaire le dimanche… Mais ses limites sont visibles.

Le Bloc des gauches s’est dilué. Ses éléments les plus modérés ont pris le dessus avec le gouvernement Rouvier (1905-1906). Le blocage face aux questions économiques et sociales se fait de plus en plus net. Décidément, la réforme fiscale annoncée et attendue, celle de l’impôt sur le revenu, n’est pas pour demain ! Jaurès estime que même pour une stratégie parlementaire et réformiste, il aurait besoin d’une force socialiste organisée et en état de faire pression.

Jaurès est convaincu d’un risque proche de guerre internationale

C’est de plus une condition indispensable au rétablissement du dialogue avec les organisations syndicales de plus en plus déçues, voire ulcérées, par les atermoiements parlementaires face à des revendications élémentaires sur les salaires, la journée de travail (les huit heures six jours sur sept) ou les conditions de sécurité… La Confédération générale du travail (CGT) unie aux bourses du travail tient un langage de plus en plus révolutionnaire. Enfin, n’oublions pas que Jaurès est… socialiste. Pour parvenir à une société où les moyens de production et d’échanges seront une propriété sociale, collective, gérée par les travailleurs eux-mêmes, il est logique de regrouper tous les socialistes.

En outre, et peut-être surtout, Jaurès, mais aussi d’autres dirigeants tel Vaillant ont des préoccupations internationales. Au congrès d’Amsterdam (août 1904), l’Internationale s’est à nouveau prononcée contre la participation ministérielle à des gouvernements bourgeois. Certes, Jaurès a été ménagé. Son rôle dans l’affaire Dreyfus, son prestige impressionnent. Mais Jaurès est de plus en plus convaincu d’un risque proche de guerre internationale, et de toute façon de la nécessité de « penser internationalement » les problèmes.

Il lui faut donc donner de la force au mouvement ouvrier français pour qu’il puisse parler au sein de l’Internationale et prendre des initiatives, engager une action forte pour la paix. De son côté, Guesde estime à coup sûr que les conditions objectives ne peuvent que confirmer sa stratégie : parti de classe, le Parti socialiste entraînera avec lui les individualités et préparera la transformation révolutionnaire qui suppose auparavant organisation, propagande et travail de masse, notamment par la conquête des municipalités.

Les débuts de l’unité sont difficiles. Les méfiances, les divergences demeurent. Le nouveau parti doit compter moins de trente mille adhérents et ne pas peser plus de 8 % des suffrages. L’unité est peut-être un combat, mais aussi un chemin… À Paris et dans de nombreuses villes, elle est aidée par un soutien très large à la cause des révolutionnaires russes de 1905 qui se battent contre le tsarisme. Dans le Midi, l’unité se fait aussi autour de la lutte des vignerons et leurs premières coopératives, comme à Maraussan dans l’Hérault… C’est bien progressivement que se construit l’unité. 

La politique selon Jaurès. « Voilà comment, dans la vie de l’organisme socialiste, c’est-à-dire de la classe ouvrière constituée à l’état de parti, il y a nécessairement une double force de concentration et d’expansion, un double rythme de contraction et de détente, analogue à la systole et à la diastole du cœur, c’est-à-dire une double politique d’exclusivisme de classe 
et d’action démocratique, mais celle-ci, dominée toujours par la vigueur interne de la pensée communiste. Politique complexe à coup sûr, politique difficile et vaste qui exige du prolétariat, non pas un sec automatisme 
de pensée, mais une grande richesse de facultés diverses et harmonieuses : 
une politique au fond, 
et qui n’est ni équivoque 
ni hybride. »

Jean Jaurès, 
« Tout le socialisme », l’Humanité, 28 avril 1905.

Gilles Candar, président de la Société d’études jaurésiennes., L'Humanité

Repères 

1871 Le mouvement socialiste est durement réprimé. 
1878 Création de la Fédération du Parti des travailleurs socialistes de France (FPTSF). 
1880 La désunion s’installe. 
1882 Cinq partis représentant cinq grandes tendances sont créés. 
1902 Regroupement autour de deux partis : le Parti socialiste français (Jaurès) et le Parti socialiste de France (Guesde). 
1904 Au congrès d’Amsterdam, l’internationale se prononce contre la participation aux gouvernements bourgeois.

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09:32 Publié dans L'Humanité, Politique, Révolution | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, ps, naissance, jaurès | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook |