21/06/2019
La conférence de versailles. 1919, les impérialismes face aux révolutions
La conférence de la paix à l’issue de laquelle sera signé le traité de Versailles, le 28 juin, est le fruit de calculs et de rapports de forces entre les grandes puissances capitalistes devant la peur de la révolution des soviets.
La guerre de 1914-1918 laisse la France épuisée, mais, avec ses alliés, l’Angleterre, l’Italie, le Japon et les États-Unis, elle est victorieuse. Les dégâts sont considérables : des millions d’hectares de terres agricoles inexploitables, l’industrie et les mines du Nord détruites, un million et demi de morts, des millions de blessés, des invalides à foison. La victoire a un goût de cendres. Le président américain Wilson, dès janvier 1918, a énoncé 14 propositions pour mettre fin au conflit et asseoir une paix durable. Ces préceptes semblent frappés du sceau du bon sens et de la justice, personne n’est en situation de les rejeter.
Une conférence de la paix est décidée, elle se tiendra à Paris, à partir du 18 janvier 1919. Le traité de paix sera signé à Versailles. Il n’y a pas de hasard. Clemenceau impose Versailles, car c’est là que la paix de 1871 a été signée par Thiers dans la galerie des Glaces. C’est aussi dans ce château que, le 18 janvier 1871, Guillaume Ier a été sacré empereur d’Allemagne. Il faut laver ces affronts ! Il est prévu d’autres traités de paix avec l’Autriche, la Hongrie, la Bulgarie et la Turquie.
Les frontières, des barrières économiques
La Russie est absente. La révolution bolchevique de 1917 est une épine dans le pied des vainqueurs. Au lieu d’associer le pouvoir des soviets à une paix générale, on lui fait la guerre, les vainqueurs expédient armes, troupes et soutiennent à bout de bras les armées blanches. En France, les luttes sociales gagnent du terrain après cinq années d’étouffement. En Angleterre aussi ; en Allemagne, c’est la révolution spartakiste qui tente d’imposer les soviets. Du côté des Alliés, la peur domine. Partout, l’armée intervient pour écraser les révolutions en cours. La conférence de la paix, chargée de rédiger les clauses des traités, ne va pas y aller avec le dos de la cuillère ! On n’invite pas l’Allemagne aux négociations.
En parlant de 1914-1918, certains évoquent une guerre de circonstance, un mécanisme infernal lié à des accords en cascade. N’est-ce que cela ? C’est un peu court. Le capitalisme allemand veut gagner en Europe la place que les autres impérialismes lui refusent ailleurs. Les Krupp et consorts exigent des débouchés, le besoin d’acier est immense, et les frontières sont autant de barrières économiques. C’est une guerre impérialiste de domination. Fatalement, la paix débouchera sur des réponses impérialistes.
On dépèce l’Allemagne. Ses colonies sont avalées avec voracité par les Anglais, les Français et les Japonais. L’Italie va être flouée… la France exige la restitution de l’Alsace-Lorraine, c’est un des points de Wilson. La Prusse est à l’origine des principes conquérants et guerriers, on crée la Pologne en partie sur ce territoire. La France demande la Sarre, la Rhénanie au titre de dédommagements. Ça coince… Sous prétexte (juste) de ne pas faire des Alsace-Lorraine à l’envers, l’Angleterre met des bâtons dans les roues à Clemenceau. Au fond, cette dernière refuse une France en situation de dominer l’Europe. Elle préfère une Allemagne amoindrie, mais pas trop, et une France faible économiquement.
La conférence n’en reste pas là. Elle examine chaque partie du globe pour reconfigurer les pays, créer de nouvelles nations. Sauf en Amérique, chasse gardée des États-Unis depuis la doctrine Monroe. Wilson avait annoncé urbi et orbi que les peuples décideraient de leur sort… Mais voilà, on ne peut demander à des gens sans expérience d’administrer leur pays, donc, on remodèle l’Afrique sans discussion, on tripatouille au Moyen-Orient, et je te file la Syrie, tu prends la Mésopotamie (Irak). La Palestine, des sionistes la demandent, pourquoi pas ? On l’avait promise au Hedjaz, tant pis… Les Kurdes et les Arméniens demandent l’autonomie ? Pas question, ils tomberaient illico dans l’escarcelle des Soviétiques… Le Japon, ah, il demande une clause d’égalité raciale dans le préambule de la SDN. Pas question ! Bon, on lui donne une partie de la Chine…
Une partie de Monopoly géante
Les beaux principes sont bafoués, une partie de Monopoly géante est engagée, les peuples assommés. Le traité de Versailles est signé le 28 juin, l’Allemagne n’a pas à dire son mot, pire, les réparations de guerre, qu’elle doit accepter, ne sont pas encore quantifiées. On parle de milliers de milliards… Alors que les peuples croyaient à une libération, que les colonies escomptaient les prémices d’autre chose qui n’est pas encore nommée indépendance, c’est un joug renforcé qui leur tombe dessus. Le traité de Versailles et les suivants ne préparent rien d’autre qu’une guerre, à l’échelle du désastre de ses clauses.
Une « paix injuste et dangereuse »…
Daniel Renoult, dans l’Humanité du 24 juin 1919, indique : « (…) Nous prétendons que cette paix, précisément parce qu’elle est injuste, est dangereuse pour la France. D’abord, elle accumule contre notre pays des haines terribles. Elle aiguise, outre-Rhin, l’horrible désir des revanches. (…) Elle nous impose, enfin, le fardeau du militarisme maintenu, la nécessité de l’occupation militaire prolongée avec, pour conséquence, des charges écrasantes pour les finances qui plient déjà. Non, cette paix à la fois odieuse et maladroite n’est pas la nôtre, celle du peuple français et de ses héroïques soldats. »
19:02 Publié dans Etats Unis, International, L'Humanité, Première guerre mondiale | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : conférence de versailles, 1919 | |
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15/01/2019
ROSA LUXEMBURG UNE REVOLUTIONNAIRE EXEMPLAIRE
Après des études à Zurich, elle devient allemande par son mariage, milite dans les rangs de la social-démocratie et défend, au côté de Karl Liebknecht, l'idée que la spontanéité des masses est le moteur de toute révolution. Elle entend ainsi combattre, tout ensemble, le révisionnisme que Lénine impose au parti bolchevique. Son hostilité militante à la guerre lui vaut d'être emprisonnée.
C'est de prison qu'elle écrit, avec Karl Liebknecht et Clara Zetkin, les Lettres de Spartakus (1916-1918), qui vont servir de ciment à l'extrême gauche de la social-démocratie, la ligue de Spartakus. Tout en critiquant l'autoritarisme de Lénine, elle applaudit à la révolution russe et rêve de déclencher un mouvement identique en Allemagne. Aussi combat-elle avec acharnement la République de Weimar, qui est proclamée le 9 novembre 1918.
Sur le plan théorique, le nom de Rosa Luxemburg reste attaché à un certain romantisme révolutionnaire. On retiendra notamment son intérêt pour les communautés précapitalistes, ces " sociétés communistes primitives " qu'elle oppose à la société marchande (Introduction à l'économie politique, 1925) - façon critique et originale de concevoir l'évolution des formations sociales, à contre-courant des visions " progressistes " linéaires, dominantes à son époque.
Après avoir participé, le 30 décembre, à la fondation du parti communiste allemand, elle se joint, tout en la jugeant prématurée, à l'insurrection fomentée par l'extrême gauche berlinoise en janvier 1919 ; c'est alors qu'elle est arrêtée et assassinée par les militaires du régime de Weimar.
En quelques dates 1871. Naissance de Rosa Luxemburg en Pologne, alors sous domination russe. Études à Varsovie puis à Zurich. 1893. Séjour à Paris. Elle y crée Sprawa Robotnicza, revue de la social-démocratie polonaise diffusée clandestinement en Pologne. 1898. S’inscrit au Parti social-démocrate allemand ; rédige Réforme ou révolution ; rédactrice en chef du quotidien Sächsische Arbeitzeitung. 1905. Se rend clandestinement dans Varsovie en révolution ; arrêtée et emprisonnée de mars à juillet 1906 ; rédige Grèves de masse, parti et syndicats. 1908. Publie Question nationale et autonomie. 1910. Rupture avec Karl Kautsky et la majorité du SPD ; se lie à Karl Liebknecht, avec lequel elle dénonce le « militarisme allemand » ; se prononce contre les crédits de guerre en 1914. 1913. Publie l’Accumulation du capital. 1916. Fonde avec Karl Liebknecht, Franz Mehring et Clara Zetkin la Ligue des spartakistes. 1916. Emprisonnée (jusqu’en 1918), elle rédige et fait paraître la Crise de la social-démocratie. 1919. À la tête de la Ligue, puis du Parti communiste allemand (DKP), fondé le 1er janvier, elle participe (le 6 janvier) à l’insurrection de Berlin ; le 14, alors que la révolution est écrasée, elle écrit son dernier article, « L’ordre règne à Berlin ». Le 15, elle est assassinée d’une balle dans la tempe et son corps jeté dans le canal de la Landwer. |
12:35 Publié dans Biographie, International, Première guerre mondiale | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rosa luxemburg, biographie | |
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28/12/2018
Biographie. Conseil de guerre pour institutrice féministe
L’anniversaire de l’armistice donne l’occasion de faire revivre une figure assez méconnue du féminisme et du pacifisme, celle d’Hélène Brion (1882-1962). L’écrivain Daniel Flamant propose une biographie de l’institutrice axée essentiellement sur deux périodes, d’abord celle de son procès pour propagande défaitiste après cinq mois d’incarcération. Mais les soutiens d’Hélène, personnalités prestigieuses et témoins de moralité, proches et collègues, sont nombreux. L’institutrice est brillante, ses arguments convaincants, l’accusation sans fondement. Dans un contexte politique défavorable où Clemenceau pourfend le moindre fléchissement du bellicisme, le sursis lui est accordé par le tribunal militaire. La seconde période couvre la vie militante après la Première Guerre mondiale.
Daniel Flamant trace un portrait attachant et émouvant d’une femme dont les activités militantes furent multiples et très intenses. Hélène Brion fut secrétaire générale de la Fédération nationale des instituteurs, affiliée à la CGT, en 1914, et membre de la SFIO. D’abord ralliée à l’Union sacrée au début de la Grande Guerre, elle rejoint dès 1915 la majorité pacifiste des instituteurs syndicalistes, et soutient sans faille leur combat, qu’elle lie aux luttes féministes. En tant qu’institutrice, elle est très appréciée dans son milieu professionnel, ce qui ne l’empêchera pas d’être suspendue sans traitement du 27 juillet 1917 au 16 janvier 1925. L’arrivée au pouvoir du Cartel des gauches permettra sa réintégration.
Tous les combats qu’elle a menés sont encore d’actualité
Le fil rouge de l’engagement d’Hélène Brion demeure le féminisme. La militante ne renonce pas pour autant à s’inscrire dans une perspective politique plus globale ; en février et mars 1921, elle est déléguée en Russie soviétique au comité pour l’adhésion à la Troisième Internationale. Elle en revient enthousiaste et en tire un récit lyrique, exalté, qui ne paraîtra jamais. Il semble que son engouement pour la Russie rouge ait été de courte durée, peut-être en raison de la primauté qu’elle accorde au féminisme.
Après sa retraite dans un village des Vosges, elle poursuit avec obstination une Grande Encyclopédie féministe, débutée en 1902, où elle s’efforce d’arracher à l’anonymat une foule de femmes remarquables dans tous les domaines. Témoins d’une ambition considérable, celle de sortir de l’ombre une moitié de l’humanité, les cahiers s’empilent, mais le manque de méthode complique la tâche et l’entreprise demeure inédite.
Le biographe campe avec talent et vivacité une personnalité d’envergure qui a tenté de concilier syndicalisme, engagement politique et féminisme, et a dénoncé les contradictions du mouvement ouvrier, par exemple chez les typographes qui refusaient l’accès de leur profession aux femmes, ou chez les membres de la SFIO qui militaient pour des candidatures féminines mais refusaient de « sacrifier » des circonscriptions où elles auraient eu des chances de l’emporter. Tous les combats qu’elle a menés sont encore d’actualité, souligne un auteur qui nous offre de feuilleter une captivante page d’histoire.
10:32 Publié dans Biographie, L'Humanité, Première guerre mondiale | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : 1918 hélène brion | |
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