13/12/2014
Ces femmes au service de la France en 14-18
Durant la Première Guerre mondiale, les femmes ne se sont pas contentées d’être des mères et des épouses affectueuses et soucieuses de renforcer le moral de leur mari ou de leur(s) fils au front.
Devenues chefs de famille, elles se sont aussi mobilisées, ont participé à l’effort de guerre, qu’elles aient été paysannes ou ouvrières. Plusieurs d’entre elles ont apporté un soutien direct à l’armée comme infirmières, espionnes, « marraines de guerre » ou comédiennes. Nombreuses ont été les veuves.
LES PAYSANNES, « GARDIENNES DU TERRITOIRE NATIONAL »
Dès l’été 1914, les femmes remplacent les hommes partis au front. Elles permettent ainsi de nourrir les civils et les soldats. Les paysannes, « gardiennes du territoire national », comme le romancier Ernest Pérochon les surnommera en 1924, sont les premières sollicitées pour contribuer à cet effort. Le président du Conseil René Viviani les appelle, dès le début du conflit, à achever les moissons et à ne pas oublier les travaux de l’automne.
En plus d’assurer le quotidien de la ferme, elles se consacrent à la culture des champs. Bien qu’aidées par les personnes âgées et les enfants, elles dirigent les exploitations dans bien des cas aux limites du surmenage et de l’épuisement. Les travaux agricoles, auxquels elles n’ont pas été préparées, exigent une grande force physique. Les chevaux sont réquisitionnés pour le front et on voit des femmes se mettre à plusieurs pour tirer elles-mêmes une charrue.
À cela s’ajoute le poids de l’éloignement du mari ou du (des) fils. Les paysans sont envoyés prioritairement au front, les ouvriers et les employés étant affectés plutôt à des missions de soutien de l’armée. Les paysannes sont donc confrontées plus que les autres femmes au veuvage. Dans une France encore rurale, elles sont, en 1914, 3,2 millions agricultrices, ouvrières agricoles ou femmes d’exploitants.
LES OUVRIÈRES, DE LA CONFECTION À L’ARMEMENT
La mobilisation en 1914 entraîne une baisse de 20 % des effectifs de la main-d’œuvre masculine dans les usines. Les femmes travaillent déjà dans les ateliers de confection, notamment pour coudre des vêtements pour l’armée. On les trouve aussi dans les conserveries, les chocolateries et – à hauteur de 7 % – dans la métallurgie.
Après les premières semaines de guerre, au vu entre autres des faiblesses de l’artillerie française, il est décidé de développer la production d’armements, en particulier celle d’obus. Attirées par de meilleurs salaires (45 à 47 centimes de l’heure contre 40 ailleurs), les femmes sollicitent de plus en plus des postes dans les usines de la défense nationale. Mais il faut plusieurs circulaires du ministre de la guerre pour qu’elles soient davantage recrutées dans ce secteur.
À partir de juillet 1916, l’emploi des femmes y est déclaré prioritaire. Les ouvrières en usine d’armement travaillent dix heures par jour dans de mauvaises conditions, les lois sur l’insalubrité des locaux ayant été suspendues en 1915. Elles sont au contact de fumées toxiques, de gaz, de produits corrosifs et de machines coupantes utilisées sans gants.
Elles sont très nombreuses à participer, en 1917, aux grèves et aux manifestations lancées par leurs consœurs de la confection pour obtenir une augmentation des salaires et le retour des maris partis au front. Dès la fin de la guerre, les usines d’armement ferment et les femmes sont renvoyées dans leur foyer avec une maigre indemnité.
LES ESPIONNES, SOLDATS SANS ARMES
« En France, il a été parfois reproché par les soldats aux femmes de n’avoir pas su se mobiliser pour faire la guerre en 1914. Mais quand elles en ont accepté l’idée, aucune offre ne leur a été faite d’entrer dans l’armée », affirme l’historienne Chantal Antier. Elles sont ainsi plusieurs à demander, dès le début du conflit, la création d’un « service auxiliaire » féminin de la défense nationale. Un refus leur est opposé.
Des femmes vont cependant trouver une occasion de participer à une autre forme de combat en s’engageant comme espionnes. Bien que mené sans arme à feu, l’espionnage est très dangereux et peut entraîner le sacrifice de sa vie, comme l’a montré le destin tragique de la catholique lilloise Louise de Bettignies, morte dans un bagne allemand en septembre 1918, après avoir animé un vaste réseau depuis les territoires occupés du nord de la France et de la Belgique.
De part et d’autre du front, il est donc fait appel à des femmes, souvent polyglottes, pour devenir espionnes à partir de 1915. Les commandements veulent remplacer les hommes espions, plus facilement repérables que les femmes. Elles ne font pas l’unanimité dans l’opinion française, compte tenu des méthodes de séduction auxquelles quelques espionnes, comme Mata-Hari, ont recours.
Hormis ces quelques cas, les femmes espionnes ont, après avoir été formées par les services secrets, fait preuve d’un redoutable professionnalisme. Pour la France, on peut notamment citer Mathilde Lebrun, veuve, mère de trois enfants et agent double au service de la France, ainsi que Louise Thuliez ou Henriette Moriamé.
LES INFIRMIÈRES, CONSOLATRICES DES BLESSÉS
Les personnels de santé ont rarement vu une telle accumulation d’horribles blessures et de corps fracassés que durant la Grande Guerre (1 697 800 morts militaires et civils et 4 266 000 blessés pour la seule France). Du côté français, au début du conflit, les structures militaires de santé sont légères. Comme on pense que la guerre sera brève, aucun hôpital n’a été prévu près de la frontière à l’est et au nord. Les régiments ne peuvent compter que sur les médecins et les unités d’infirmiers qui leur sont attachés.
Les autorités corrigent rapidement la situation. Les hôpitaux de campagne se multiplient le long de la ligne de front à partir du début de 1915. À l’intérieur du pays, beaucoup d’hôpitaux se créent. Un grand nombre d’infirmières sont engagées après une formation accélérée. Les candidates abondent. Parmi les premières à se porter volontaire: 1 000 religieuses, qui avaient été chassées des services hospitaliers après 1905 et qui sont rappelées. La Croix‑Rouge française forme 7 000 bénévoles.
Ces effectifs sont renforcés par des infirmières venues d’Angleterre, des États-Unis et du Canada. Outre les soins donnés dans des conditions pénibles, les infirmières apportent, comme des Poilus l’ont raconté dans leurs témoignages, la douceur qui console des hommes torturés par d’extrêmes douleurs. En reconnaissance, plusieurs d’entre elles sont décorées de la Croix de guerre et de la Légion d’honneur.
LES VEUVES, UNE DIFFICILE RECONNAISSANCE
« Honneur aux femmes qui cherchent sur les champs de bataille la tombe de leurs maris… » Lors d’un discours prononcé après le 11 novembre 1918 en hommage aux héros de la guerre, le président de la République Raymond Poincaré n’a pas oublié les veuves. Elles sont 600 000. L’hommage présidentiel vise à consoler des femmes qui, en plus du malheur qui les accable, doivent multiplier les démarches pour faire reconnaître leur veuvage. L’annonce officielle de la mort du mari soldat n’intervient que plusieurs mois après. Il est vrai qu’il y a aussi beaucoup de tués non identifiables.
Les veuves se mettent en quête du corps de leur mari en se rendant dans les cimetières du front pour avoir accès aux fosses communes – mais cela n’est plus possible à partir de 1919 – ou en fouillant les champs de bataille. Pour avoir droit à la pension de veuve de guerre, la loi (votée en 1916) précise que le mari doit être tombé au front. Impossible, donc, de se prévaloir d’une disparition. Les cas de concubins ou fiancés ne sont pas non plus pris en compte.
La pension des veuves est de 800 francs par an, avec 500 francs supplémentaires par enfant mineur. Après la guerre, alors qu’il est demandé aux femmes de laisser les emplois aux hommes revenus du front, cette somme est jugée insuffisante par les concernées. Les associations de veuves protestent contre « une absence de véritable statut » dans la loi, qui leur retire la pension en cas de remariage. En 2007, l’historienne Stéphanie Petit a établi que 42 % des veuves de 14-18 se sont ensuite remariées (1).
LES « MARRAINES DE GUERRE », SOLIDAIRES DES POILUS
Les femmes manifestent, dès le début de la guerre, un grand élan de solidarité avec les soldats, dicté à la fois par la compassion et le patriotisme. Il prend plusieurs formes. Outre les infirmières qui s’engagent par milliers au front ou à l’arrière, se crée un vaste réseau féminin de soutien des poilus: celui des « marraines de guerre », initiative spécifique des Françaises, encouragée par les autorités dans un premier temps. La marraine entretient une correspondance avec le « filleul », qui est en principe choisi avec l’accord de l’officier commandant de l’unité.
Elle lui envoie des colis de denrées et, à partir de 1916, peut même le recevoir en permission dans sa famille. La presse passe des petites annonces de femmes et de soldats. Les autorités finissent par craindre que l’espionnage ne profite du phénomène. Ce mouvement, promu par Madeleine Clemenceau-Jacquemaire, fille de Georges Clemenceau, n’en concourt pas moins à la consolidation du moral des troupes en venant notamment en aide à de jeunes soldats sans attaches et à ceux des régions envahies. Les institutrices se révèlent des marraines très actives: elles connaissent l’art d’écrire des lettres et font adopter des filleuls par leurs élèves.
Cet engouement patriotique est aussi partagé par les stars féminines de la scène, qui participe à la distraction des soldats au front dans le cadre du Théâtre aux armées, fondé par le peintre Georges Scott. Parmi elles: Sarah Bernhardt, Béatrix Dussane ou Musidora.
Portraits rédigés par Antoine Fouchet (avec les historiennes Chantal Antier et Françoise Thébaud)
source http://www.la-croix.com/Actualite/France/Ces-femmes-au-service-de-la-France-en-14-18-2014-07-11-1177983#.U8BB2JRQGrw.facebook
15:43 Publié dans Guerre, Première guerre mondiale, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : femme, première mondiale, ouvrière, paysanne | |
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11/11/2014
GRANDE GUERRE : Ce qu'Emma n'a pas pu dire devant François Hollande - Exclusif l'Humanité
En déplacement dans le Pas-de-Calais pour commémorer l’armistice du 11 novembre 1918, François Hollande n’aura pas entendu la parole vraie d’Emma, mais un discours imposé à la lycéenne.


Laurence Mauriaucourt : http://www.humanite.fr/exclusif-ce-quemma-na-pas-pu-dire-devant-francois-hollande-557324
17:43 Publié dans Actualité, Guerre, Première guerre mondiale | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : hollande, lycéenne, grande guerre | |
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LA GRANDE GUERRE EXPOSEE AUX INVALIDES
Dessin de Georges Scott
Écrivains et artistes furent souvent les témoins directs d’un affrontement sans précédent, bouleversé par la technique. Une exposition au musée de l’Armée aux Invalides nous restitue leur regard.
C’est une petite aquarelle et gouache de François Flameng, un de ces peintres ou artistes qui n’ont pas marqué l’histoire mais en furent les témoins étonnés, parfois comme fascinés par ce monde entré dans un autre temps.
Elle représente des soldats allemands debout dans une tranchée, équipés de leur casque et d’un masque à gaz, de cuirasses en métal. Ils semblent venus d’ailleurs, d’une autre planète.
On se dit que les créateurs du masque de Dark Vador se sont inspirés d’images semblables. C’est à cette mutation profonde de la guerre elle-même que l’on est confronté avec l’exposition en cours au musée de l’Armée aux Invalides, à Paris, « Écrivains et artistes face à la Grande Guerre », et d’abord parce que le lieu ne fait qu’accentuer le contraste, l’incroyable décalage entre la Première Guerre mondiale et celles qui l’ont précédée. Non qu’elles ne furent pas sanglantes.
Il y eut parfois jusqu’à 35 000 tués et blessés en une seule bataille napoléonienne, mais la guerre de 14-18 n’avait jamais mis autant d’hommes face à face durant si longtemps avec une révolution sans précédent de la technique et de la puissance de feu, l’entrée sur la scène de l’histoire de l’aviation, des chars, des cuirassés, des sous-marins, des gaz asphyxiants…
Ainsi, traversant les salles adjacentes à celles de l’exposition, passe-t-on entre des centaines de sabres et de fusils dans des vitrines qui semblent encore relever, si l’on ose dire, des formes élémentaires du combat d’homme à homme, entre des portraits en pied de généraux glorieux, parfois la représentation d’une bataille avec au premier plan quelques blessés mais sans plus. Mais là, avec cette exposition, le regard change.
Dessin de Maurice Bichet
« Pas plus cubiste qu’une guerre comme celle-ci »
C’est que peintres et artistes ne sont plus invités à une représentation de commande de la guerre, mais parce que la mobilisation est générale, parce que nombre d’entre eux se retrouvent au front, ils en sont les témoins, aux premières loges. Ainsi nombre de leurs peintures sont comme un zoom avant sur le feu, les blessés, comme avec Georges Scott, Effet d’un obus dans la nuit (1915), Karl Lotze, Attelage dans une explosion d’obus (1915).
Pour d’autres, ou les mêmes, de nouveaux sujets apparaissent, en rupture avec toute la tradition. Avions, mitrailleuses sous le pinceau de Christopher Nevinson ou encore, de François Flameng, Retour d’un vol de nuit sur avions Voisin de bombardement (1918). Ils tentent de les saisir aussi avec toutes les ressources de ce qui, avant la guerre, était déjà l’art moderne, mais que ce « spectacle » radical va amplifier.
Fernand Léger, qui fut au front, dira ceci de ses peintures abstraites : « Ceux qui ont connu la guerre comprendront ma peinture. » Il écrit à sa femme : « À tous ces ballots qui se demandent si je serai encore cubiste en rentrant, tu peux leur dire bien plus que jamais. Il n’y a pas plus cubiste qu’une guerre comme celle-ci qui te divise plus ou moins proprement un bonhomme en plusieurs morceaux et qui l’envoie aux quatre points cardinaux. »
En retour, le commandement militaire va faire appel aux peintres cubistes comme André Mare et bien d’autres pour dessiner des décors de camouflage. Vallotton, avec Verdun (1917), va traduire remarquablement le chaos du champ de bataille avec un ciel troué par les projecteurs. D’autres vont, à la manière des futuristes italiens, tenter d’exprimer dans la forme le chaos, la vitesse, les charges. Pour Otto Dix, dans les tranchées, George Grosz, dans la proximité des blessés dans les hôpitaux, c’est la peinture de l’horreur qui l’emporte, avec toutes les ressources d’un expressionnisme qui semble exacerber Goya, Bosch, Grünewald.
Dessin Félix Valloton
On peint donc la mort, les destructions, la souffrance. La gloire est absente, elle sera ailleurs, plus tard, dans les discours et les commémorations. Jean-Galtier Boissière, en 1919, a peint, pour les fêtes de la victoire, le défilé des mutilés. En 1917, Vallotton peint, comme à l’infini, les croix du cimetière militaire de Châlons. Avec quelque cinq cents œuvres et pièces d’archives, c’est d’abord ce parcours dans les images de la Grande Guerre qui est proposé aux Invalides, mais c’est aussi une invitation à penser comment la grande boucherie fut en quelque sorte la matrice du XXe siècle en art, dans la littérature et la pensée, avec la naissance du dadaïsme puis celle du surréalisme. Nombre d’ouvrages, le Feu (Barbusse), les Croix de bois (Dorgelès), À l’ouest, rien de nouveau (Remarque), Orages d’acier (Jünger), vont changer à jamais l’image de la guerre, quoique…
08:34 Publié dans Actualité, Première guerre mondiale | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : première guerre mondiale, exposition invalides | |
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