Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

23/04/2022

Pio La Torre, une vie à combattre la Mafia

pio.jpg

Il était la voix forte du Parti communiste italien en Sicile et le premier à avoir dénoncé et combattu la mainmise de Cosa Nostra jusque sur la péninsule. Le 30 avril 1982, le député Pio La Torre était abattu en pleine rue. Prémices d’un électrochoc pour la société et les institutions, sa mort marque un tournant décisif dans la lutte contre la mafia.

Le 30 avril 1982 au matin, Pio La Torre, député et secrétaire régional du Parti communiste italien (PCI), est abattu avec son chauffeur Rosario Di Salvo en plein Palerme par Cosa Nostra, la Mafia sicilienne. Cette exécution s’inscrit dans un contexte particulier. Bien que divisée par une guerre interne qui cause un millier de morts entre 1978 et 1983, la Mafia mène en parallèle une terrible offensive contre l’État italien, en assassinant une quinzaine de ses représentants (membres des forces de l’ordre, magistrats, hommes politiques). L’année 1982 constitue l’apogée de ce déchaînement de violence mafieuse : Cosa Nostra élimine Pio La Torre puis, trois mois plus tard, le préfet de Palerme, Carlo Alberto Dalla Chiesa.

La Sicile fait figure de laboratoire

Né à la périphérie de Palerme, en 1927, dans une famille de paysans, Pio La Torre s’engage au PCI dès 1945 et participe aux luttes paysannes qui ont marqué le climat social de l’après-guerre en Sicile. Il se heurte d’emblée à Cosa Nostra et le refus de se soumettre à la domination mafieuse devient alors le fil rouge de toute sa vie militante. En tant que dirigeant de la CGIL (Confederazione Generale Italiana del Lavoro, syndicat proche du PCI), il mène la bataille de l’occupation des terres non cultivées pour libérer les paysans du joug de la Mafia qui contrôle le territoire et les travailleurs pour le compte des grands propriétaires terriens.

En pleine guerre froide, la Sicile fait figure de laboratoire. Le succès des forces de gauche aux élections régionales de 1947 risque de compromettre l’équilibre international des blocs (1). En Sicile, Cosa Nostra est utilisée comme bras armé par le gouvernement démocrate chrétien local – avec le soutien logistique de la CIA qui fournit des armes et favorise la réactivation de réseaux néofascistes – pour réprimer le mouvement paysan. Une quarantaine de syndicalistes sont assassinés mais La Torre s’investit pleinement, ce qui lui confère un grand prestige auprès des militants et de la population. Accusé à tort d’avoir frappé un policier lors d’une manifestation, il est emprisonné pendant un an et demi, jusqu’en août 1951, puis reprend son engagement politique.

Collusions entre  Cosa Nostra  et la Démocratie chrétienne

En 1952, La Torre est élu pour la première fois au conseil municipal de Palerme, où il siège jusqu’en 1966, et devient secrétaire général de la CGIL en 1959. Il dirige le PCI sicilien de 1962 à 1967, puis intègre en 1969 la direction centrale du PCI. En 1963, il obtient son premier mandat à l’assemblée régionale de Sicile (ARS).

Au conseil municipal de Palerme et à l’ARS, il révèle l’ampleur des collusions entre Cosa Nostra et la Démocratie chrétienne, parti largement majoritaire en Sicile jusqu’à sa dissolution en 1994. En échange du soutien électoral que la Mafia garantit au parti grâce au contrôle qu’elle exerce sur le territoire, les élus centristes lui permettent d’infiltrer l’économie légale en obtenant des appels d’offres pour les travaux du plan d’urbanisme de la ville.

La Torre brise ainsi l’omerta en dénonçant sans relâche le système politico-mafieux qui permet à la Mafia de blanchir l’argent sale issu du trafic de stupéfiants grâce à la spéculation immobilière.

Lien avec le pouvoir politique depuis 1943

Élu au Parlement en 1972, Pio La Torre intègre la commission parlementaire anti-Mafia. Il préface et cosigne le premier rapport de la minorité publié en 1976, intitulé « Mafia et politique », dans lequel il analyse le lien que Cosa Nostra a tissé avec le pouvoir politique depuis le débarquement allié en 1943 et dénonce le système de pouvoir mis en place au niveau local par la DC. Ce document est précieux car il retrace également l’évolution des activités de Cosa Nostra, qui passe en quelques décennies de mafia agraire à mafia urbaine, suivant ainsi les mutations de l’économie régionale.

Fort de cette fine connaissance du phénomène mafieux acquise sur le terrain, La Torre dépose, en mars 1980, une proposition de loi prévoyant l’institution d’un délit d’association mafieuse. En octobre 1981, en pleine guerre de la Mafia, il revient en Sicile pour diriger la section régionale du PCI. La bataille pour la paix – et contre l’ouverture d’une base de l’Otan – qu’il engage à Comiso vise également à empêcher Cosa Nostra de s’implanter dans la région de Raguse.

En mars 1982, il insiste auprès du président du Conseil, Giovanni Spadolini (premier non-démocrate-chrétien à ce poste depuis la Libération) pour que son projet de loi soit enfin discuté à la Chambre. La seule concession qu’il obtient est la nomination au poste de préfet de Palerme du général Carlo Alberto Dalla Chiesa, héros national de la lutte contre le terrorisme pour avoir arrêté les principaux chefs des Brigades rouges. Cependant, La Torre ne peut en mesurer les effets : il est assassiné quelques jours avant sa prise de fonction.

Une lutte ouverte contre la Mafia

La Torre n’a eu de cesse de revendiquer sa conception globale et salvatrice de la lutte contre la Mafia qui s’intègre dans un projet de développement économique, social et démocratique de la Sicile. C’est donc l’omniprésence de Cosa Nostra dans la société et l’économie siciliennes qui a transformé son combat politique pour le peuple sicilien en lutte ouverte contre la Mafia.

L’exécution de Pio La Torre et Rosario Di Salvo donne lieu à une mobilisation citoyenne importante mais cantonnée à la seule sphère militante. Ce n’est qu’après l’assassinat du préfet Dalla Chiesa, de sa femme Emanuela Setti Carraro et de leur policier d’escorte Domenico Russo, le 3 septembre 1982, qu’elle prend de l’ampleur et que l’État italien réagit.

La loi visionnaire imaginée par La Torre, adoptée en urgence le 13 septembre 1982 et qui porte son nom, marque un tournant dans la lutte contre la Mafia. Elle institue le délit d’association mafieuse en fournissant une définition précise du phénomène (entre autres, la force du lien associatif, le contrôle du territoire par la violence et le rapport congénital à la politique pour infiltrer l’économie) et met en place une mesure révolutionnaire, la confiscation des biens.

Le maxi-procès de 474 mafieux en 1986-1987

Grâce à ce formidable instrument juridique qui permet de sanctionner la seule appartenance à la Mafia, la magistrature palermitaine, emmenée par les juges Giovanni Falcone et Paolo Borsellino, se lance dans une instruction tentaculaire qui débouche sur le maxi-procès de 1986-1987, où 474 mafieux sont renvoyés à la barre. La condamnation à perpétuité des principaux chefs mafieux constitue la première victoire judiciaire de l’État italien.

La confirmation de ce verdict en cassation, en janvier 1992, déclenche la vengeance de Cosa Nostra. Les attentats spectaculaires qui coûtent la vie aux juges Falcone et Borsellino ainsi qu’à leurs escortes, respectivement le 23 mai et le 19 juillet 1992 (2), suscitent l’effroi en Sicile comme dans la péninsule.

Le mouvement anti-Mafia actuel s’est forgé à la suite des assassinats retentissants de 1982 et de 1992. Le message anonyme « C’est ici qu’est mort l’espoir des Palermitains honnêtes », retrouvé sur le lieu de l’assassinat de Dalla Chiesa le lendemain, marque le début d’une prise de parole par une partie, certes encore très mince et largement minoritaire, de la société palermitaine.

Une première nationalisation de la mobilisation a lieu grâce à un appel à la grève générale lancé par tous les syndicats et à l’organisation d’une grande manifestation à Palerme en octobre 1982. Les étudiants venant des autres régions du Sud gangrenées par la Mafia (Campanie et Calabre) y découvrent de nouvelles formes d’action collective (marches aux flambeaux, séminaires de réflexion) qu’ils vont importer dans leurs régions d’origine.

Dans les années 1980, de concert avec les enseignants, les veuves et les filles de victimes interviennent auprès des jeunes dans les écoles, notamment en Sicile et à Milan. Des fondations sont créées à la mémoire des victimes, des collectifs citoyens apparaissent et on assiste à une première tentative de structuration du mouvement anti-Mafia. Cette mobilisation citoyenne, qui se renouvelle à chaque anniversaire, est l’embryon de la mobilisation massive qui se vérifie après les massacres de 1992.

Rupture entre les représentants politiques et les citoyens

Sensibilisée à la question mafieuse, la génération qui a grandi dans le climat de violence des années 1980 donne ainsi vie à une mobilisation anti-Mafia collective et citoyenne d’une ampleur inédite dans les années 1990. L’année 1992 est d’autant plus cruciale que l’opération « Mains propres », menée par la magistrature milanaise, met au jour un système de corruption qui touche, dans des mesures différentes, tous les partis politiques et entraîne leur dissolution. Discréditée, la classe politique n’apparaît pas légitime pour défendre les idéaux de justice et de légalité incarnés par les victimes de la Mafia. Lors des obsèques des juges Falcone et Borsellino, on assiste ainsi à une véritable rupture entre les représentants politiques et les citoyens qui s’approprient dès lors les valeurs des défunts.

L’association Libera, créée en 1995 par le prêtre Luigi Ciotti, regroupe les proches de victimes et promeut la mémoire de celles-ci auprès des jeunes, notamment en organisant chaque 21 mars la « Journée de la mémoire et de l’engagement en souvenir des victimes des mafias ». Colonne vertébrale du mouvement anti-Mafia citoyen, Libera est désormais un réseau présent dans toute la péninsule qui rassemble plus de 1 600 associations (fondations en mémoire des victimes, syndicats de travailleurs et d’élus, associations cultuelles et environnementalistes locales et nationales, coopératives).

Selon Nando Dalla Chiesa (3), il s’agit de « la meilleure expression du “Made in Italy” sur le plan citoyen », qui tente de faire bouger les lignes aussi à l’international grâce à son réseau Libera Internazionale auquel adhèrent près de 80 associations d’Europe, d’Afrique et d’Amérique latine. En 1996, l’organisation lance une pétition pour la réutilisation sociale des biens confisqués aux mafieux qui recueille un million de signatures et contraint l’État à légiférer en ce sens.

À travers sa branche Libera Terra, elle aide des jeunes à créer des coopératives agricoles sur les terrains confisqués. Elle montre ainsi qu’une alternative à la criminalité est possible en promouvant un modèle économique solidaire et vertueux capable de supplanter le modèle mafieux. Les produits, commercialisés sous l’étiquette « Les saveurs de la légalité » pour inciter à la consommation critique, sont la concrétisation de l’engagement anti-Mafia social qui a guidé la vie de Pio La Torre.

(1) Les États-Unis font alors pression sur le gouvernement d’unité nationale, composé des partis issus de la Résistance, en conditionnant l’aide du plan Marshall à l’exclusion des partis de gauche de la majorité gouvernementale. Dès lors, la DC détient la majorité absolue et le PCI, bien qu’étant le Parti communiste le plus fort d’Europe, sera toujours relégué dans l’opposition. (2) Le 23 mai 1992, les policiers d’escorte Antonio Montinaro, Rocco Dicillo, Vito Schifani et l’épouse du magistrat, Francesca Morvillo, sont tués aux côtés de Giovanni Falcone lors du massacre de Capaci où 500 kg d’explosifs éventrent une autoroute ; cinquante-sept jours plus tard, Agostino Catalano, Emanuela Loi, Walter Cosina, Vincenzo Li Muli, Claudio Traina meurent avec Paolo Borsellino dans l’attentat à la voiture piégée en plein Palerme. (3) Sociologue spécialiste du phénomène mafieux, militant des premiers collectifs anti-Mafia à la suite de l’assassinat de son père, le préfet Dalla Chiesa, sénateur et secrétaire d’État dans les années 2000, il est président d’honneur de Libera.

Source l'Humanité

20:34 Publié dans Biographie, Etats Unis, L'Humanité, Résistance | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pio la torre, mafia, pci | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook |

09/05/2020

CECILE ROL TANGUY : L'HOMMAGE DE LA REPUBLIQUE

cecile rol tanguy2.jpg

Palais de l’Elysée, le samedi 9 mai 2020

Communiqué

Elle était l’un des visages féminins de la Résistance française et de la Libération de Paris. Cécile Rol-Tanguy s’est éteinte à l’âge de 101 ans, 75 ans jour pour jour après la Victoire des forces alliées sur le nazisme. Le feu de l’engagement semblait couler dans ses veines et la Résistance était presque pour elle une affaire et un honneurde famille.

e aux lendemains de la Première Guerre mondiale, elle était la fille de François Le Bihan,un ouvrier électricien,militant du PCF et de la CGT, dépor-résistant qui mourra à Auschwitz en 1943, et de Germaine Jagan et, qui fut, elle aussi, résistante. Forgée par les combats de ses parents et formée à la sténodactylographie, elle n’a pas 18 ans lorsqu’elle est employée à la fédération CGT des Métaux de Paris en 1936, à l’heure du Front populaire et de la Guerre d’Espagne.

Elle rencontre alors Henri Tanguy, qui dirige la fédération et qui part bientôt combattre en Espagne auprès des Brigades Internationales pour défendre les républicains. Peu après son retour, ils se marient mais déjà la guerre éclate. La lune de miel des jeunes époux sera ainsides plus courtes: Henri est mobilisé en première ligne.

Seule, elle entre en Résistance dès les premières heures,fin juin 1940, lorsque les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris. Elle tape à la machine toutes sortes de documents qui peuvent servir le combat contre l’Occupant et contre Vichy. En août 1940, elle retrouve son époux, démobilisé, qui rejoint immédiatement les rangs de l’armée de l’ombre sous le nom de «colonel Rol» en hommage à l’un de ses camarades tombé en Espagne.

Cécile devient alors l’agent de liaison de son mari, qui prendra la tête des FFI de la région parisienne en mai 1944.Avec les époux Aubrac, ils vont ainsi former l’un des couples les plus emblématiques de la Résistance.

De son côté, elle prend tous les risques pour faire vivre le réseau communiste des Francs-tireurs et partisans et les FFI de la région parisienne. Elle fait du landau de ses enfants le moyen peu soupçonnable de faire passer messages et tracts, armes et explosifs. C’est ainsi qu’elle berne l’ennemiet qu’elle berce la Résistance.

Au fond de la nuit, de transmissions en livraisons, elle sème l’espoir d’une aube nouvelle sous les noms de «Jeanne»,« Yvette» ou «Lucie», des identités que cette combattante de la liberté revêt comme des armures.

Le 19 août 1944, c’est elle qui rédige l’appel à l’insurrection des Parisiens que lui dicte son époux. Puis elle l’épaule au cours des jours et des nuits fiévreuses qui suivent, où il coordonne le soulèvement de Paris depuis le PC souterrain de la place Denfert-Rochereau. Quelques jours plus tard, Henri Rol-Tanguy reçoit avec le général Leclerc la reddition du général von Choltiz et les chars alliés entrent dans la capitale.

Paris fête sa Libération.Le 26 août, elle est l’unique femme présente à la réception qu’organise le général De Gaulle pour remercier les responsables de la Résistance parisienne. Mais surtout, après quatre ans de précautions et de prudences, de clandestinité et d’angoisses, Cécile Rol-Tanguy peut enfin marcher dans la rue sans avoir à se retourner: c’était pour elle le goût retrouvé de la liberté.

Veuve depuis 2002, Cécile Rol-Tanguy avait alors poursuivi le travail de mémoire qu’avait mené son époux en présidant l’ANACR (Association Nationale des Anciens Combattants de la Résistance) et l’ACER (l’association des Amis des Combattants en Espagne Républicaine), et en racontant à tant et tant de jeunes Français l’histoire au prisme de sa vie.

A force de témoignages, elle est de celles qui ont entretenu la flamme de la Résistance et qui ont permis de mettre en lumière le rôle des femmes parmi les héros qui luttaient clandestinement pour «maintenir la France» les femmes qui sont trop longtemps restées dans l’ombre des combattants de l’ombre. C’est toujours en leur nom qu’elle acceptait de recevoir les plus hautes distinctions que la République française lui a décernées. Avec l’humilité presque surprise de celle qui soutenait toujours n’avoir fait que son devoir, en répondant simplement aux ordres de sa conscience.

Le Président de la République s’incline devant la vie de cette combattante de la liberté et adresse à ses enfants et ses petits-enfants, ses proches et ses camarades de combat ses condoléances attristées.

06/06/2019

Août 1944: L’opinion des Parisiens lors de la libération de la Capitale

Paris libéré.jpg

En 1938, Jean Stœtzel, universitaire normalien et agrégé de philosophie crée le premier institut de sondages en France : l’Ifop ou Institut Français d’Opinion Publique qui restera jusqu’en 1963, date de la création de la SOFRES, le seul institut d’enquêtes de l’hexagone.

La naissance de l’Ifop est clairement liée à une influence américaine : professeur détaché à l’Université Colombia de New York de1937 à 1938, Jean Stœtzel y fait la connaissance de George Gallup, à l’origine du lancement -à partir de la campagne présidentielle de 1936 -et de la popularisation des sondages aux Etats-Unis.

Il est séduit par le succès de Gallup et par la méthode utilisée (un échantillon représentatif d’électeurs américains plutôt que des votes de paille tels ceux organisés pendant la campagne électorale par le Literary Digest qui annonçait la défaite de Roosevelt). Il revient en France avec l’idée de la création de l’Ifop et le souhait de voir ses enquêtes publiées dans la presse, à l’instar de celles de George Gallup dans le New York Times.

Aujourd’hui, il ne reste que peu de traces des enquêtes de l’Ifop réalisées dès après la création de l’institut, dans la période 1938-1945.

Néanmoins, au-delà de ces aléas historiques, la naissance de l’Ifop est intimement liée à deux moments historiques au cours desquels les travaux de l’institut ont été révélés au grand public : la crise et les accords de Munich en septembre 1938 puis la libération de Paris en août.

L’enquête menée dans la semaine suivant la libération de Paris marque donc la seconde naissance de l’Ifop et constitue, au regard de ses conditions de réalisation et de certains de ses enseignements sur l’état d’esprit de la population parisienne, un moment historique pour l’institut.D’un point de vue méthodologique, ce sondage a porté uniquement sur la population parisienne, à l’exclusion de la banlieue. Plus de 1000 personnes ont été interrogées du 28 août au 2 septembre 1944 à Paris.

Question : Quelle est votre opinion sur l’importance du rôle des F.F.I. dans la libération de Paris

Importance considérable : 61,9 %

Importance partielle ou secondaire : 29,9 %

Importance très faible ou influence néfaste : 7,4 %

 

Question : Quelle nation aura le plus contribué à la défaite allemande?

U.R.S.S : 61 %

US.A : .29,3 %

Angleterre : 11,5 %

Les 3 Alliés : 3,5 %

Autres : 3,1 %

Aucune réponse n’était présupposée pour la question. La très grande majorité des personnes interrogées se sont orientées vers l’une des trois puissances alliées, parfois en les associant. Une faible minorité a répondu: «La France», d’autres encore ont cité: «La Suisse», «La Roumanie» et «L’Allemagne elle-même»

Un sondage mené par l’Ifop en mai 1945, sur l’ensemble du territoire français désormais libéré, confirmera le point de vue de la population parisienne (URSS: 57%, Etats-Unis: 20%).

A cet égard, il convient de noter que cette perception de l’opinion publique s’inversera de manière très spectaculaire avec le temps.

En 1994, à l’occasion du cinquantième anniversaire du débarquement allié du 6 juin 1944, l’Ifop réalisa une étude internationale pour Le Monde, CNN et USA Today et posa de nouveau cette question relative à la nation ayant le plus contribué à la défaite allemande: 49% des Français interrogés citèrent les Etats-Unis, 25% l’URSS et 16% la Grande-Bretagne. Un sondage ultérieur mené en 20044accentuera cette tendance avec 58% en faveur des Etats-Unis et 20% seulement pour l’URSS.

Sources IFOP