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23/04/2019

BLOCH FRANCE LA CHIMISTE DE LA RESISTANCE

bloch_2.jpgNée le 21 février 1913 à Paris, exécutée le 12 février 1943 à Hambourg (Allemagne) ; militante communiste ; résistante, chimiste de l’Organisation spéciale (OS) puis des FTPF.

France Bloch était la fille de l’écrivain Jean-Richard Bloch et de Marguerite Bloch. Elle avait un frère (Michel Bloch) et deux sœurs (Marianne et Claude). Les premières années de sa vie s’écoulèrent à la campagne, à la Mérigote, près de Poitiers, jusqu’à l’installation de ses parents à Paris. Elle passa ensuite deux ans au collège Sévigné à Paris, puis elle poursuivit ses études secondaires à Poitiers, ses parents s’étant réinstallés en 1929 à la Mérigote. Elle passa son baccalauréat (série philosophie, puis l’année suivante celui de mathématiques). Elle y prépara une licence de chimie. En octobre 1934, elle entra au laboratoire du professeur Marquis à l’Institut de chimie et se lia à Marie-Élisa Nordmann. Elle y poursuivit jusqu’à la guerre des travaux de recherche.La guerre d’Espagne la convainquit de la nécessité de s’engager dans le combat antifasciste. Elle adhéra au Parti communiste dans le XIVe arrondissement et milita activement pour le soutien aux républicains espagnols et contre la non-intervention gouvernementale et le traité de Munich.
En mai 1939, elle épousa Frédo Sérazin, militant communiste de la métallurgie dont elle eut un fils, Roland, en janvier 1940. Son mari fut arrêté en février 1940. France, que l’administration de Vichy avait écartée comme juive et communiste de son laboratoire, donnait des leçons particulières pour vivre.
bloch_3.jpgEn 1941, elle entra dans un des premiers groupes de Francs-tireurs et partisans (FTP) dirigé par Raymond Losserand. Elle installa un laboratoire rudimentaire dans un logement de deux pièces, place du Danube (XIXe arr.) et fabriqua pour ses camarades des bombes et des explosifs qui furent utilisés dans la lutte armée. Elle était en liaison avec le groupe de l’Ouest commandé par le colonel Fabien et le colonel Dumont.
Le 16 mai 1942, elle fut arrêtée par la police française en raison de ses activités. Après des interrogatoires effroyables et quatre mois de cellule, elle comparut devant un tribunal spécial allemand et fut condamnée à la peine de mort comme ses dix-huit co-inculpés en septembre 1942. Ces derniers furent immédiatement exécutés. France Bloch fut déportée en Allemagne le 10 décembre 1942 et enfermée dans une forteresse à Lübeck-Lauerhof. Le 12 février 1943, elle fut guillotinée à Hambourg dans la cour de la maison d’arrêt Holstenglacis, quelques jours avant son trentième anniversaire.Elle avait écrit trois lettres, la copie de deux d’entre elles ont été conservées par une surveillante de la prison puis recueillie par une mission de rapatriement du Ministère des prisonniers et déportés, la troisième est restée introuvable.

Enterrée au cimetière Friedhof Ohlsdorf de Hambourg, sa dépouille mortelle fut transférée en 1958 au cimetière de l’ancien camp de concentration de Natzwiller-Struthof (Bas-Rhin).

Son frère Michel, arrêté en 1941, fut délivré par les FFI à la Libération.Son mari Frédo fut assassiné par la Milice et la Gestapo à Saint-Etienne, le 15 juin 1944.
Sa grand-mère Louise Laure Bloch, raflée à Néris-les-Bains le 12 mai 1944, mourut à Auschwitz le 4 juin 1944.

À titre posthume, France Bloch-Sérazin a été décorée de la Légion d’honneur, de la Médaille de la Résistance et de la Croix de guerre.

France Bloch-Sérazin est commémorée à Poitiers où la salle polyvalente du lycée Victor Hugo et un collège portent son nom qui est également gravé sur une plaque commémorative apposée dans l’université. A Paris, le 4 décembre 2008, une plaque a été apposée sur la façade de l’immeuble 1 avenue Debidour (XIXe arr.) rappelant que " dans cet immeuble France-Bloch-Sérazin avait installé un laboratoire où elle fabriquait des explosifs pour la résistance".

En 1988, la municipalité de Hambourg fit apposer une plaque devant la prison, sur le mur du square Kleine Wallanlagen, en mémoire de France Bloch-Sérazin et de Suzanne Masson, guillotinées (en allemand "mit dem Fallbeil enthauptet") rappelant leur combat contre le nazisme. Dans un baraquement préfabriqué transformé en musée, une photo de France Bloch-Sérazin a été exposée et dans le hall de la mairie de Hambourg un panneau lui a été consacré en 2013, dans le cadre de l’exposition "Hier+Jetz" sur les personnes condamnées et exécutées pendant la période nazie.
Deux films lui ont été consacrés : en Allemagne en 1993, "France-Bloch-Sérazin. Auf den Spuren einer mutigen Frau" (Sur les traces d’une femme courageuse) scénario de Hans et Gerda Zorn, réalisation Loretta Walz, et en France en 2005, "France Bloch et Frédo Sérazin", film de Marie Cristiani.

Sources le Maitron

11:31 Publié dans Biographie, Résistance | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : france bloch, résistante | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook |

12/03/2019

Douarnenez Ces sardinières qui ont su tenir tête à leurs patrons

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En 1924, une immense grève éclata à Douarnenez. Les « Penn Sardin », ouvrières des usines de conserverie de sardines, ont bataillé pour obtenir une augmentation de salaire. Elles ne lâchèrent rien, malgré les nombreuses intimidations 
des patrons.

Douarnenez (Finistère, Bretagne), envoyée spéciale. 

À ces mots, la France du début du XXe siècle imagine un lieu de conformisme où les familles vivent de l’exploitation des champs et où règne un certain conservatisme. Pourtant, cette commune de 12 259 habitants étonnera lors des municipales de 1921 en élisant le premier maire communiste de France, Sébastien Velly. Mais un autre souvenir marque également la mémoire collective. Car, trois ans plus tard, une formidable grève qui, dans son domaine n’avait pas de précédent, va éclater. Les sardinières, ouvrières travaillant dans les usines de conserverie, vont se soulever violemment contre leurs patrons. Penn Sardin (Tête de sardine) était leur surnom.

Munies de sabots et de coiffes bretonnes, pas pour le folklore mais bien par mesure d’hygiène, elles travaillaient jour et nuit. « Quand le poisson débarquait, les ouvrières devaient accourir jusqu’à l’usine pour le traiter rapidement », se souvient Michel Mazéas, maire PCF de Douarnenez pendant vingt-quatre ans, dont la mère fut l’une d’entre elles. Et, pour le savoir, des jeunes filles couraient à travers la ville en criant « À l’usine ! À l’usine ! » Douarnenez comptait alors 21 conserveries. Les rues vivaient au rythme de l’arrivée des poissons. À ce moment-là, la majorité des femmes travaillent, excepté les épouses de notables. Les « petites filles de douze ans » prennent aussi le chemin de l’usine, écrit Anne-Dénès Martin dans son livre Ouvrières de la mer. « Aucune législation du travail n’était respectée, pour les patrons cela ne comptait pas », renchérit Michel Mazéas. Et si la pêche était bonne, les femmes pouvaient travailler jusqu’à soixante-douze heures d’affilée !

Pour se donner du courage, elles chantaient. « Saluez, riches heureux / Ces pauvres en haillons / Saluez, ce sont eux / Qui gagnent vos millions. » Certaines sont licenciées pour avoir fredonné ce chant révolutionnaire dans l’enceinte de leur usine. Conditions de travail déplorables, flambées des prix, salaires de misère, c’en est trop. Le 20 novembre 1924, les sardinières de la fabrique Carnaud vont décider de se mettre en grève. Elles demandent 1 franc de l’heure, alors que le tarif de rigueur est de 80 centimes. Les patrons refusent. « L’ambiance est tendue », écrit Jean-Michel Boulanger, dans un livre consacré à une figure locale qui deviendra mythique par son engagement auprès des sardinières : Daniel Le Flanchec, maire communiste de 1924 à 1940. « Pour cette classe sociale très à part, il n’était pas envisageable d’entamer des discussions avec les ouvriers. C’était même en accord avec le préfet », raconte encore Michel Mazéas.

Trois jours plus tard, un comité de grève est mis en place. Le lendemain, ce sont les 2 000 sardinières qui arrêtent le travail et marchent dans les rues de Douarnenez. Une pancarte est dans toutes les mains : « Pemp real a vo » (« Ce sera 1,25 franc »).

Aux côtés des femmes, Daniel Le Flanchec. Ce « personnage éloquent, tonitruant », comme le décrit Michel Mazéas, et que les sardinières appellent leur « dieu », leur « roi », accompagne le mouvement. Un meeting se tient début décembre sous les Halles. Il réunit plus de 4 000 travailleurs et des élus. Le 5 décembre 1924, l’Humanité titre : « Le sang ouvrier a coulé à Douarnenez ». Le journaliste raconte comment une « charge sauvage commandée par le chef de brigade de Douarnenez piétina vieillards et enfants ». Ordre venant du ministre de l’Intérieur. L’élu communiste, en voulant s’interposer devant l’attaque des gendarmes, sera suspendu de ses fonctions pour « entrave à la liberté du travail ».

La tension monte, les patrons ne veulent toujours pas négocier, des casseurs de grève s’immiscent dans le mouvement. Dans le même temps, des représentants syndicaux et politiques de la France entière se joignent aux grévistes. C’est dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier que tout va basculer : des coups de feu retentissent. Des cris se font entendre : « Flanchec est mort ! » Il est retrouvé blessé dans la rue. La colère explose. L’hôtel des casseurs de grève est saccagé. Un chèque y sera retrouvé, signé de la main d’un des patrons d’usine. Les conservateurs, qui ont tenté d’assassiner l’élu, avoueront plus tard qu’ils voulaient « seulement combattre le communisme ». Finalement, le 8 janvier, après près de cinquante jours de bataille acharnée, les patrons céderont. Les sardinières obtiendront 1 franc horaire, avec heures supplémentaires et reconnaissance du droit syndical. L’une d’entre elles sera même élue au conseil municipal. Mais, les femmes n’ayant pas encore le droit de vote, la liste sera invalidée. « Cet épisode aura un impact énorme en France. On en parlait partout : à la Troisième Internationale, à l’Assemblée nationale.

Des vivres et de l’argent arrivaient de tous les coins de l’Hexagone », raconte Michel Mazéas. Daniel Le Flanchec, déporté pour avoir refusé de retirer le drapeau français du fronton de la mairie, périra dans un camp nazi. Aujourd’hui, des vingt et une conserveries que comptait Douarnenez, il n’en reste que trois. Et leur production est pourtant mille fois supérieure à celles d’alors.

Les sardinières au XXIe siècle

À Douarnenez, le port-musée de la ville est ouvert tout l’été 
et consacre deux parties de son exposition permanente 
à l’histoire de cette industrie. Informations sur 
www.port-musee.org. On trouve au musée des Beaux-Arts 
de Quimper la peinture d’Alfred Guillou sur les Sardinières 
de Concarneau. À voir, le film les Penn Sardines (2004), 
de Marc Rivière, fiction qui a pour toile de fond cette révolte. Enfin, Claude Michel, chanteuse locale, a consacré quant à elle des albums à ces airs fredonnés alors dans les usines.

11:44 Publié dans L'Humanité, Résistance | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : douardenez, penn sardin | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook |

10/01/2019

Histoire. Explorez un continent de luttes et d’espoir

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Le Maitron, dictionnaire du mouvement ouvrier, et ses 190 000 portraits des « obscurs et sans-grade » qui ont fait l’histoire, est désormais en accès libre sur le Net.

Qui connaît Gaston Magot ? Seul un paragraphe d’un livre aux pages jaunies, précieusement conservé sur une étagère de la maison familiale, retrace le parcours de mon aïeul, résistant du Lot. On savait que ce postier, en plus d’avoir eu la bonne idée d’adopter ma grand-mère, avait occupé de hautes responsabilités à la fédération postale CGT. Qu’il s’était évadé du camp de Saint-Sulpice-la-Pointe, dans le Tarn, en mars 1943, avant de rejoindre le maquis de Corrèze. La légende familiale disait aussi que c’est grâce à lui que notre maison s’ouvrait sur la rue Paul-Éluard et bien d’autres mondes. Et c’est à peu près tout. Le camarade Magot, disparu en 1974, est réapparu le 5 décembre 2018. Ce jour-là, le Maitron, dictionnaire biographique du mouvement ouvrier et des mouvements sociaux, a mis en libre accès ses 187 412 notices biographiques sur le Net (1).

187 412 vies de révoltes et d’espoir, sur une période allant de 1789 à 1968, réunies dans les 56 volumes de ce dictionnaire créé dans les années 1950 par Jean Maitron, grand promoteur de l’histoire sociale à l’université, et publiées aux éditions de l’Atelier, ont soudainement été mises sur le devant de la scène. On a donc appris, grâce à cela, que le camarade Magot, outre sa participation au maquis de Corrèze, a aussi aidé à la création de nombreux syndicats en Mayenne et à un journal sous le Front populaire.

Tout un chacun peut découvrir les parcours de ces « obscurs et sans-grade » et de tous « ceux qui étaient demeurés le levain méconnu de l’histoire », pour reprendre les mots de Jean Maitron dans le premier tome paru, en 1964. Aujourd’hui comme hier, l’objectif du Maitron est de « mettre en valeur la dimension collective du mouvement ouvrier et des mouvements sociaux. Pour en saisir la richesse, la complexité, il faut dépasser l’histoire des dirigeants, des élus, des théoriciens, pour élargir cette histoire à l’ensemble des militants », explique Paul Boulland, chercheur au CNRS et codirecteur du dictionnaire.

Parfois, ils n’ont même pas de prénom. La cantinière Lagarde a été « blessée le 23 juin 1848 sur la barricade de la rue de Chabrol », nous apprend ainsi le Maitron. On n’en saura pas plus. Qu’importe les faibles traces laissées aux archives, la citoyenne Lagarde a toute sa place dans ce panthéon des « vaincus » de l’histoire.

Idem pour les frères Durandeau. Hector et Jacques, ouvriers itinérants, appartenaient à l’organisation clandestine des papetiers en 1789. Au moulin Galibert à Burlats (Tarn), ils provoquèrent une grève, en mars, révoltés par le manque de nourriture. Avant d’être envoyé un mois et demi en prison, l’aîné a eu le temps de lancer au maître papetier : « Je me f. de vous. Vous n’avez qu’un moulin, et moi j’en ai cinq cents. » Libérés, ils reprirent leur route vers les Cévennes, puis vers Avignon, « semant des ferments de révolte », écrit Rémy Cazals, l’un des très nombreux historiens ayant travaillé à cette immense œuvre collective.

L’histoire de ceux qui « dressaient l’avenir contre la mort »

En allant lire les faits d’armes de Gaston Magot, on a aussi découvert le sort de son camarade Robert Goualard. Ce soudeur PTT a été arrêté le 12 novembre 1941, à 29 ans, avec sa femme, Rolande. Les gendarmes ont trouvé chez eux de la pâte à polycopier et des « brochures bolcheviques ». Il sera fusillé, six mois après son mariage, et ne connaîtra jamais son fils.

Toutes ces histoires de ceux qui « dressaient l’avenir contre la mort », comme l’écrit Paul Éluard, sont désormais un bien commun, accessible à tous. Comme le poète, qui voulait « montrer la foule et chaque homme en détail », le Maitron permet de comprendre la grande histoire de façon charnelle, à hauteur d’homme.

En rebondissant de liens en liens, on comprend que les vies, comme les engagements, ne se découpent pas en tranches. En témoigne le parcours d’Apolonio de Carvalho, autre grand méconnu de la Résistance. Ce Brésilien, embastillé à la suite d’une insurrection populaire dans son pays en 1935, s’engage dans les Brigades internationales aux côtés de la République espagnole. Puis c’est la retirada de l’autre côté des Pyrénées, l’internement au camp d’Argelès, à Gurs. Il s’évade et rejoint alors la Résistance française, où il devient responsable des FTP-MOI pour la zone sud.

À la Libération, ce communiste retourne au pays où il sera persécuté et torturé pendant la dictature des années 1960. Il sera réfugié en Algérie, en France, avant de participer à la création du Parti des travailleurs à São Paolo. On tombe aussi, en explorant cet immense continent des luttes, sur les combats de Jean Tillet. Fondateur du syndicat des travailleurs de la porcelaine, il a joué un rôle central dans la grande grève de 1905 à Limoges déclenchée après que les ouvrières ont dénoncé le droit de cuissage d’un contremaître... cent treize ans avant le mouvement #MeToo.

Le Maitron exprime « une vision du monde, celle de rendre toute leur place aux femmes et aux hommes qui ont été des acteurs majeurs de la transformation de la société. Cette multitude constitue la richesse du mouvement ouvrier », insiste aussi Claude Pennetier, autre codirecteur du Maitron et historien au CNRS. Militant du Parti communiste jusqu’au pacte germano-soviétique, qui l’a profondément marqué, Jean Maitron a voulu sortir l’histoire du culte de la personnalité. Et donner à voir, aussi, le parcours de tous ceux qui ont « échoué » à imposer leurs idées, qu’ils soient aussi dans les courants minoritaires ou périphériques. Anarchistes, socialistes, communistes, ou les fouriéristes qui ont fini leur vie dans des communautés « icariennes » au Texas, ces récits constituent un immense réservoir d’expériences sociales et politiques. « Chaque biographie est une manière d’interroger l’engagement. On espère que c’est comme ça que les gens vont s’en emparer », plaide Paul Boulland.