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10/03/2016

LA CATASTROPHE DE COURRIERES : JUSTICE, L'EDITORIAL DE JEAN JAURES DANS L'HUMANITE

jaures2.jpgLe coeur se serre de douleur et d’angoisse devant la catastrophe de la mine de Courrières. Quel est le nombre des victimes ? On ne le saura sans doute que dans un ou deux jours ; mais c’est toute une région qui est frappée au coeur. Est-il possible d’établir des responsabilités ? Il faudra les rechercher sans parti pris, mais sans faiblesse.

Est-il vrai que le rapport parlementaire sur les mines signalait l’insuffisante aération de la mine de Courrières ? Je n’ai pas eu le temps de m’en assurer. Il se peut après tout qu’il y ait encore, dans le maniement des forces naturelles, une part de fatalité que la raison de l’homme n’a pu réduire. Il se peut que, même exploitées collectivement, sans âpre souci immédiat du dividende, les mines puissent être encore parfois surprises et ravagées par l’explosion sauvage des forces aveugles.

Mais du moins la société humaine aura fait alors tout ce qui dépend d’elle pour assurer aux ouvriers mineurs un destin tolérable. Aujourd’hui, elle ne le fait point.
Quelle est, pour les ouvriers de la mine, la récompense de tant de fatigues et de tant de périls ? Ils n’ont pas dans la mine des droits certains, ou ils n’ont que des rudiments de droits. Ils peinent, ils souffrent, ils meurent, et une large part du produit de leur travail va gonfler le capital oisif.

courmort.jpgIls creusent les galeries profondes ; ils déchaînent au contact de leur pic ou de leur lampe les forces de destruction qui ensevelissent sous la terre éboulée ou dans les flammes jaillissantes des centaines d’hommes ; et ils peuvent être renvoyés par le caprice d’un porion. Ils n’ont pas la joie de se dire : « Cette mine est à nous tous ; elle est à la nation des travailleurs ; et dans la perpétuité de la propriété sociale, nos fils et les fils de nos fils trouveront à jamais une garantie de liberté, de bien-être, de dignité. »

Non, ils ne peuvent pas dire cela. Car la mine appartient au capital, elle n’appartient pas à la communauté et au travail. Cette mine où ils peinent et où ils succombent, cette mine qui est un dur chantier toujours et parfois un sinistre tombeau, ils l’aiment malgré tout ; parce que l’homme aime ce à quoi il se donne.
Mais comme ils l’aimeraient, comme ils l’adoreraient si elle était la cité souterraine du travail libre et de la justice sociale ! Même les catastrophes seraient moins cruelles si elles étaient imputables à la seule nature et si l’humanité avait fait tout l’effort qu’elle peut faire pour les prévenir.

Ce qui est terrible, c’est de se dire, devant ces morts, que la société n’a pas été juste pour eux ; qu’elle n’a pas respecté et glorifié en eux la dignité de la vie, qu’elle les a laissés à l’état de salariés, c’est-à-dire dans une condition inférieure.

Ils ont disparu avant d’avoir connu ce degré plus haut de vie matérielle et morale que l’organisation communiste assurerait à tous. Et pourtant cette organisation est possible dès aujourd’hui. La résistance des égoïsmes, la routine des préjugés s’y opposent encore ; mais dès maintenant les groupements ouvriers, fédérés dans la nation, pourraient prendre en main la grande production. Combien de temps encore permettrons-nous que la mort fauche des salariés ?
Ce sera ennoblir la mort même que d’offrir à ses coups des hommes vraiment et pleinement libres, fiers de la justice sociale enfin conquise.

Maintenant, ce sont des foules à demi pliées par la servitude qui entrent en rampant dans le tombeau. Demain, ce seront des hommes de liberté qui entreront debout jusque dans la mort.

Par quelle tragique et significative rencontre la catastrophe de Courrières coïncide-t-elle avec les combinaisons de la crise ministérielle ?
Du fond des fosses embrasées, c’est une sommation de justice sociale qui monte vers les délégués politiques de la nation.

C’est la dure et douloureuse destinée du travail qui, une fois de plus, se manifeste à tous. Et l’action politique serait-elle autre chose que le triste jeu des ambitions et des vanités si elle ne se proposait pas la libération du peuple ouvrier, l’organisation d’une vie meilleure pour ceux qui travaillent ?

C’est sous ce signe terrible que naîtra le gouvernement de demain. Comprendra-t-il ce formidable avertissement des choses ?

Par Jean Jaurès
 
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06/03/2016

Maroc, Tunisie: Une liberté arrachée à l'Etat français

decolonisation.jpg

Comparée aux guerres d'Indochine, d'Algérie et du Cameroun, la sortie de la Tunisie et du Maroc du système colonial peut apparaître, avec le recul, comme « douce ». Ce n'est cependant qu'un effet d'optique. Sur place, les populations ont mené, pendant plusieurs années, un sanglant combat pour conquérir leur indépendance.

Au début des années 1950, la Tunisie vit sous domination française depuis trois quarts de siècle, le Maroc depuis quarante années. Officiellement, il s'agit de protectorats. Mais ce mot est un voile un peu hypocrite jeté sur des pratiques coloniales classiques : violences, inégalités, racisme, guerre parfois comme celle du Rif, au nord du Maroc, de 1924 à 1926. Officiellement, lorsque commence le cycle de la décolonisation, les deux pays ­ comme d'ailleurs la voisine algérienne ­ sont « pacifiés ». En fait, le bouillonnement nationaliste n'a pas cessé. En Tunisie, un jeune leader moderniste, Habib Bourguiba, a pris la tête d'un mouvement, le Néo-Destour. Au Maroc, c'est un peu plus tard que des jeunes militants fondent l'Istiqlal. Les mots, ici, sont porteurs d'avenir : « Destour » signifie « Constitution », « Istiqlal » veut dire « indépendance ». La voie est tracée, les objectifs sont clairs.
La Seconde Guerre mondiale va agir comme un puissant accélérateur. Dans le monde colonisé, les contestations se multiplient. Pour l'Empire français, c'est un petit homme d'apparence frêle qui va donner le signal du refus : il s'appelle Hô Chi Minh et proclame l'indépendance de son pays, le Vietnam, le 2 septembre 1945. Une longue guerre commence, qui mènera à Diên Biên Phu (mai 1954). En Algérie (printemps 1945), à Madagascar (printemps 1947), des révoltes sont noyées dans le sang. En Afrique subsaharienne, un jeune mouvement, le Rassemblement démocratique africain (RDA) conteste les vieilles méthodes coloniales.

Comment les pays soumis aux protectorats auraient-ils échappé à cette spirale ? Le personnel politique dirigeant de la IVe République fera preuve, de Rabat à Tunis, du même aveuglement criminel que dans le reste de l'Empire. Imperturbables, bardés de certitudes, ils continueront à penser comme au « bon vieux temps des colonies » : « Il n'existe pas de nationalisme arabe, mais une nostalgie de l'anarchie » (François Quilici, député radical, 4 juin 1952).
Longtemps, le sultan mis en place par les Français en 1927, Mohammed ben Youssef ­ celui-là même qui deviendra Mohammed V après l'indépendance ­, a répondu aux attentes de ses maîtres. Très jeune, sans expérience, sévèrement contrôlé, il lui faudra bien des années avant d'affirmer que son pays avait droit à des évolutions. Lors d'un discours mémorable, à Tanger, en 1947, il franchit un pas majeur, déclarant : « Le peuple, qui s'éveille enfin, prend connaissance de ses droits et suit le chemin le plus efficace pour reprendre son rang parmi les peuples. Il subsiste cependant un grand écart entre ce qu'il a déjà réalisé et ce qu'il reste à faire ; s'il a déployé de grands efforts, il aura beaucoup à entreprendre avant d'atteindre son but et de se réjouir de son succès. »

La population marocaine, le parti national « Istiqlal » (qui a des contacts secrets avec le sultan) s'en réjouissent, les maîtres français laissent pointer une première inquiétude. Le résident français, le général Alphonse Juin, a des attitudes arrogantes, méprise le sultan, le menace, mais ne le fait pas plier. Mais, avant de quitter Rabat, comme s'il était le légitime propriétaire du pays, Juin impose à un gouvernement de la IVe République muet son successeur : le général Guillaume. Étrange coutume de nommer ainsi des officiers généraux pour occuper des postes civils : telle était la conception coloniale de la « protection » d'un pays.
C'est un événement extérieur au Maroc qui déclenche le processus de déposition. Le 5 décembre 1952, le dirigeant syndicaliste tunisien Farhat Hached est assassiné. On saura par la suite qu'il fut victime d'un piège tendu pas des ultras, Français de Tunisie, appuyés presque ouvertement par la police. L'écho est immense dans tout le Maghreb. À Casablanca, dans le quartier des Carrières centrales, des affrontements avec la police font quelques victimes françaises et des centaines de morts et de blessés côté marocain. Évidemment, le lobby colonial crie à l'insurrection nationaliste/communiste. Raymond Cartier, dans « Paris Match », écrit : « Le sultan doit changer ou il faut changer le sultan. » C'est bien une campagne qui commence. Et qui aboutira vite à un geste irrémédiable.

Le 20 août 1953, en début d'après-midi, Guillaume présente un ultimatum plein d'arrogance à Mohammed ben Youssef, qui naturellement le refuse. La légende dit que le sultan, qui faisait la sieste, n'eut que le temps de mettre une djellaba par-dessus son pyjama. Lui et sa famille ­ dont son fils, Hassan, le futur souverain ­ sont embarqués sans ménagement dans un avion en partance pour la Corse, étape qui précédera un exil à Madagascar. Le piège s'est refermé. On se croit débarrassé d'un sultan devenu remuant. Le peuple marocain va prendre le relais.
À Paris, les partisans de la manière forte sont fiers de leur coup. À Rabat, le clan des ultras exulte. Son leader, le grand colon Boniface, s'exclame : « Nous avons vingt ans de tranquillité devant nous. » Il ne se trompait que de dix-sept ans !

Face à cela, bien peu de politiques ou de journalistes ont protesté : la troisième gauche (« l'Express », « l'Observateur »), la gauche catholique (« Témoignage chrétien »), les communistes... L'envoyé spécial de « l'Humanité », Robert Lambotte, est expulsé. Ce drame fut également à l'origine, dès la fin août 1953, de la première grande initiative du Comité France-Maghreb, constitué en juin sous la présidence d'honneur de François Mauriac, et comptant dans ses rangs d'autres catholiques, des personnalités du monde intellectuel, des socialistes critiques, d'autres politiciens, etc.
Au Maroc même, une (stricte) minorité de Français, comprenant que l'intransigeance est en train de ruiner toute possibilité d'une future amitié franco-marocaine, publie une Lettre des 75, demandant la fin de la répression et la libération des prisonniers politiques. Peine perdue. Dès lors, « l'ordre règne au Maroc », comme l'écrit « le Monde ». « L'ordre règne » ? Oui, mais c'est un ordre colonial, fait de milliers d'arrestations arbitraires, d'interrogatoires poussés (comprendre tortures) dans les commissariats. Le parti de l'Istiqlal est dissout, ses dirigeants arrêtés ou contraints à la clandestinité.

Malgré cela, la protestation populaire commence. Elle ne s'arrêtera plus. Durant les quatre derniers mois de l'année 1953, il y aura une moyenne mensuelle d'une cinquantaine d'actes catalogués comme « terroristes » ; la barre des 100 actes est dépassée en avril 1954, celle des 200 en juin, avant de culminer à 270 en août (premier anniversaire de la déposition)... Mais le pire restait à venir. Le 20 août 1955, pour le second anniversaire de la déposition, une grande vague de protestation submerge le Maroc. À Oued Zem, au centre du pays, la communauté européenne est violemment attaquée, laissant 70 cadavres, souvent horriblement mutilés. Une répression de masse s'abat sur la population, sans distinction (probablement plus de 1 000 morts). Mais les autorités françaises ne peuvent plus éviter la question : contrôlent-elles encore le Maroc ?
C'est un gouvernement aux abois, cette fois dirigé par le « modéré » Edgar Faure, qui rappelle finalement Mohammed ben Youssef de son exil. Le sultan arrive à Nice le 31 octobre 1955, rejoint Paris, où il a des entretiens avec les autorités françaises. Lesquelles ne peuvent que se résoudre à l'inéluctable. Le sultan dut particulièrement goûter ce spectacle : le colonisateur lui demandant comme un service de revenir au pays dont il l'avait chassé deux ans plus tôt. Le sultan regagne finalement le Maroc le 16 novembre 1955, après deux ans et trois mois d'exil. Des dizaines de milliers de ses compatriotes l'acclament. La France reconnaîtra l'indépendance du Maroc le 3 mars 1956, l'Espagne, qui occupait le nord (sauf Tanger), suivra en avril.

On a vu plus haut que le leader syndicaliste tunisien Farhat Hached a été assassiné le 5 décembre 1952. Les autorités françaises et leurs hommes de main voulaient ainsi tuer dans l'oeuf la contestation urbaine, croissante. Cette année 1952 avait vu successivement l'arrestation et l'internement d'Habib Bourguiba et des principaux dirigeants du Néo-Destour, ainsi que des centaines de militants politiques (dont des communistes) et syndicalistes.
Mais ce qui inquiète au plus haut chef les officiels français, c'est la recrudescence de l'insécurité dans les campagnes. À ce moment apparaît dans la presse française un mot nouveau : « fellaghas », « coupeurs de routes » (« le Monde », 3 février 1952), présentés comme de vulgaires bandits. En fait, c'est une des formes que vient de prendre la résistance nationale.

Désormais, le sang va couler en Tunisie. En janvier 1952, l'armée française boucle le Cap Bon, région la plus atteinte par l'agitation, systématiquement ratissée, village par village, maison par maison. Au cours de cette opération, 15 personnes sont exécutées, d'autres meurent lors des combats (la presse avancera le chiffre de 200 morts), des femmes sont violées, des maisons dynamitées, des mosquées profanées, 1 500 personnes sont arrêtées, 320 transférées devant les tribunaux militaires.
Cette situation ne pouvait durer. En Tunisie ­ comme en Indochine ­, l'échec de la politique de force permit à Pierre Mendès-France, devenu président du Conseil en juin 1954, d'imaginer et de commencer à mettre en place une stratégie nouvelle, libérale, réaliste. Le 31 juillet, il se rend à Carthage, dans la banlieue de Tunis, pour y prononcer un discours de rupture avec le passé. Il emploie une formule plutôt vague : « autonomie interne ». Il décide par ailleurs de nouer contact avec Bourguiba, désormais considéré comme interlocuteur « modéré ». Mendès le rencontre en octobre. La contrepartie est le désarmement des « fellaghas ». À vrai dire, les hommes politiques du Néo-Destour ne sont pas fâchés non plus d'évincer ces guérilleros incontrôlables...

Mendès a souvent été présenté comme un « décolonisateur lucide ». En fait, son concept d'« autonomie interne» était plutôt une tentative, certes libérale, de figer la situation et, pourquoi pas, de maintenir une forme de contrôle sur la Tunisie. Mais ce néocolonialisme pouvait-il encore constituer une digue devant la soif d'indépendance du peuple tunisien ? Rien, désormais, ne pouvait arrêter le processus en cours.
Les successeurs de Mendès, Edgar Faure (convention du 3 juin 1955) et Guy Mollet (accord du 20 mars 1956), évoquent, enfin, d'abord l'autonomie interne, puis l'indépendance. C'est que, entre-temps, trois départements français, coincés entre une Tunisie et un Maroc unanimement ralliés à cette indépendance, s'étaient embrasés... Il fallait faire des choix : accepter l'irrémédiable, l'irrésistible, à Tunis et à Rabat, pour mieux préserver l'Algérie. On sait ce que cette nouvelle illusion a coûté à l'Algérie, mais aussi à la France.

  • L'auteur a notamment publié :
    « Nostalgérie. L'interminable histoire de l'OAS », éditions la Découverte, 2015.
    « "L'Humanité" censuré, 1954-1962. Un quotidien dans la guerre d'Algérie », avec Rosa Moussaoui, le Cherche-Midi, 2012.
    « Y a bon les colonies ? La France sarkozyste face à l'histoire coloniale, l'identité nationale et l'immigration », le Temps des cerises, 2011.

ROBERT LAMBOTTE, « LE CALME RÈGNE AU MAROC », « L'HUMANITÉ », 8 SEPTEMBRE 1953

Robert Lambotte est envoyé par « l'Humanité » au Maroc, où il peut rester deux semaines, avant d'être expulsé. Il commence une série de reportages par cet article au titre ironique « Quinze jours au Maroc où gronde la colère ».
C'est un mot d'ordre qu'on retrouve aujourd'hui à la première page des journaux. une poignée de journalistes invités à passer quelques heures dans les services résidentiels de rabat ou de casablanca l'ont répété sur tous les tons. ce qu'on veut accréditer avant tout, c'est l'idée que le problème marocain est réglé (...).
La supercherie est aussi grossière que la vérité facile à découvrir. Il suffit de prendre contact, de parler, d'écouter le peuple marocain. (...) L'évidence qui s'impose (...), c'est qu'aucune question essentielle ne divise le peuple marocain et qu'un objectif commun l'unit : la reconquête de l'indépendance nationale. on a cru pouvoir, à la présidence du conseil, au Quai d'orsay et à la résidence générale, pour un tour de vis supplémentaire, empêcher de se soulever le couvercle de cette immense chaudière bouillonnante que constitue à l'heure actuelle le maroc. (...) Depuis que le coup de force était décidé, toutes les médinas, tous les bidonvilles étaient encerclés par la police et les troupes pour s'opposer aux innombrables cortèges de patriotes qui clamaient leur opposition. ces manifestations populaires ont été réprimées avec une sauvagerie inouïe et le nombre des victimes, officiellement publié, est sans aucun rapport avec la réalité. »

Alain Ruscio, Historien
Vendredi, 4 Mars, 2016
Humanité Dimanche
 
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18:39 Publié dans Colonies, Politique, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : maroc, tunisie, décolonisation | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook |

28/02/2016

TINA MODOTTI, OUVRIERE, COMMUNISTE

tina1.jpgAssunta Adelaide Luigia Modotti Mondini dite «Tina Modotti», née le 17 août 1896 à Udine, Italie.

Ouvrière, mannequin, photographe, militante communiste et antifasciste. Accusée d'être, pour beaucoup, une " prostituée " pour sa vie sexuelle libre et pour les photos où elle pose nue, par d'autres accusée d'être une " espionne " pour son activité au secours rouge, elle à de nombreuses fois sauver les camarades persécutés par les fascistes.

Accusée de stalinisme pour sa relation avec Valter Vidali, mal perçue par une partie des milieux staliniens pour sa relation avec l'exilé cubain Juan Antonio Mella (en odeur de trotskisme).Aujourd'hui on ne peut pas dire si Tina était stalinienne ou trotzkiste, certainement elle fut une militante généreuse et courageuse, certainement elle fut une grande artiste, l'une des rares femmes à être des deux côtés d'une caméra, certainement elle fut une femme indépendante et libre (tant politiquement que sexuellement), dans une époque où c'était inconcevable pour une femme comme Tina aux origines prolétaires.

Fille d’ouvriers du Frioul, dans le nord-est de l’Italie, Tina Modotti émigre en 1913, à 17 ans, en Californie. Elle y trouve l’amour avec le poète et peintre Roubaix de l’Abrie Richey, dit Robo, fréquente la bohème artiste et devient actrice. Entre 1919 et 1922, elle joue dans trois films à Hollywood. Tout semble aller pour le mieux, mais Robo meurt au Mexique.

La disparition de Robo, hâte les événements. Elle est complètement libre. Weston le sera bientôt. Il abandonne son épouse, Flora May Chandler, fille d’une famille riche et puissante de Californie et mère de ses quatre enfants. Il lâche son studio de Los Angeles où il commence à se faire un nom comme portraitiste. A 35 ans, il refait sa vie. Ce sera au Mexique puisque Tina ne veut plus habiter à Los Angeles.

La culture du peuple. Quand ils arrivent en août 1923 à Mexico, ce ne sont pas des touristes mais des gens qui désirent s’intégrer. Tina aime le climat. Mexico est alors une merveille, une ville où l’air est pur, où règnent le soleil, la lumière, l’absence totale de pollution.

Elle veut devenir photographe, comme son amant mais aussi comme son oncle Pietro, à Udine. Weston de son côté est encouragé par l’accueil favorable que reçoivent ses travaux. Avant la fin septembre, il commence à travailler. Dès octobre, il croule sous les commandes. C’est Tina qui a permis à Weston de percer.

tina4.jpgAidée de sa culture et de son charme, elle trouve facilement le chemin des cercles artistiques et intellectuels mexicains. C’est ainsi qu’à l’automne 1923, Modotti présente Diego Rivera à son amant et que peu de temps après elle organise sa première exposition de photos de Weston. Très vite le couple est de toutes les soirées qui comptent. Il y a un revers à la médaille. Weston s’inquiète de l’ascendant qu’exerce sa compagne sur les autres hommes.

Son éventuelle jalousie n’empêche pas l’Américain d’accomplir sa part de contrat. S’il fait de Tina son modèle nu préféré, il lui apprend aussi les secrets de la photographie. Elle se révèle une élève très douée, s’oriente vite vers les appareils les plus maniables et notamment ceux qui peuvent se passer du tripode, pénible à transporter, que Weston utilisait tout le temps.

Dans ses compositions, elle mêle deux tendances, la construction rigoureuse à la limite de l’abstraction qui lui vient de son maître (et que l’on voit à l’oeuvre dans ses photos de fleurs ou d’intérieurs d’église que Weston admirait) et une spontanéité attirée par la rue, les visages des gens et la situation sociale très contrastée de son pays d’accueil. Modotti a fait siennes la culture et les aspirations du peuple.

Elle s’inscrit ainsi dans le courant moderniste mondial qui se manifeste déjà au Mexique sous le double signe des estridentistas et des muralistes.

A la manière des futuristes, les premiers rejettent l’art classique; les seconds conçoivent une peinture monumentale, inspirée par les fresques précolombiennes, pour la mettre sur les murs des grandes villes devant les yeux du peuple. Tina est adoptée par ces deux rameaux de la révolution artistique mexicaine. Sa photo de fils de téléphone est acclamée par les estridentistas. Elle partage avec les peintres Diego Rivera, David Alfaro Siqueiros et autres Jose Clemente Orozco une attirance pour le Mexique indien. De plus elle collabore avec eux à El Machete, journal qui se veut révolutionnaire et n’est pas encore contrôlé par le Parti communiste.

En novembre 1924, Tina Modotti présente dix tirages dans une exposition collective au Palacio de la Minera, à Mexico. Weston, qui les voit, écrit: «Les photos de Tina ne perdent rien à être comparées aux miennes. Elles sont différentes, elles sont sa propre expression, mais ne leur sont pas inférieures.»

L’apprentissage est terminé. En décembre, l’Americain revient en Californie et laisse son studio à sa compagne. Cadrant des amis et des clients fortunés, elle y démontre un grand talent de portraitiste, sensible et précise.

tina2.jpgMilitante proche du PC. En son absence, elle approfondit sa contradiction avec Weston: «Je ne peux pas, comme tu me l’as proposé, lui écrit elle, résoudre le problème de ma vie en me perdant dans des problèmes artistiques.» Weston est un partisan de l’art pour l’art, Modotti s’engage de plus en plus dans la réalité sociale et politique.

La guerre d'Espagne

Comme elle l’envisageait déjà depuis quelque temps, elle abandonne complètement la photographie pour se consacrer essentiellement à la lutte contre le fascisme en travaillant pour le Secours rouge international. Déjà au Mexique, après l’assassinat de Mella, le traumatisme du meurtre et de son intimité violée, de sa vie privée exposée au grand public par des journalistes malveillants plus l’incompréhension et le rigorisme des dirigeants du Parti communiste, tout cela avait dû faire naître en elle un sentiment de malaise vis-à-vis de sa propre beauté, sentiment qu’elle ne pouvait sans doute apaiser qu’en s’immergeant avec humilité dans le travail en faveur de la «  cause  ». Sous différents pseudonymes elle se rend ainsi dans les pays à régime fasciste pour apporter de l’aide aux familles des prisonniers politiques.

En 1936, dès le début de la guerre d’Espagne, elle est à Madrid avec Vidali. Sous le nom de Carlos, il participe à la défense de la capitale contre les fascistes franquistes tandis qu’elle travaille activement à l’organisation de l’aide internationale à la république, fait des traductions et écrit pour Ayuda, le journal du Secours rouge espagnol et s’occupe particulièrement de l’évacuation des enfants de Madrid et Valence vers Barcelone. Elle fera également partie de la garde chargée de la protection de Dolores Ibárruri, La Pasionaria, la présidente du Parti communiste espagnol. En 1937 elle représente le SRI au Congrès international des intellectuels pour la défense de la culture à Valence. Jusqu’à la fin de la guerre d’Espagne elle s’occupe de l’organisation du SRI et de l’évacuation vers l’étranger des orphelins de guerre.

Retour en Amérique

En 1939, Barcelone est occupée par les franquistes et elle parvient à fuir avec Vidali pour Paris. Elle arrive avec un faux passeport espagnol à New York, en avril, où est déjà Vidali, mais on ne la laisse pas débarquer et elle est transférée sur un bateau en partance pour le Mexique où Vidali la rejoindra quelque temps après. Elle vit sous la fausse identité de Carmen Ruiz et évite ses anciens amis. Elle travaille au soutien des réfugiés de la guerre d’Espagne. Lorsqu’elle rencontre Manuel Alvarez Bravo, elle lui confie qu’elle a abandonné la photographie. Elle ne se réinscrit pas au Parti communiste car elle est en désaccord avec le parti sur le Pacte germano-soviétique.

En 1940, le président Lázaro Cárdenas annule l’ordre d’expulsion qui la frappait. Elle reprend progressivement contact avec ses anciens amis et, vers 1941, on peut penser qu’elle envisageait d’acheter un appareil pour recommencer à photographier. Vidali est arrêté, soupçonné d’avoir trempé dans le meurtre de Trotsky, survenu en à Mexico. Terrorisée, elle n’ose presque plus quitter sa maison, passe quand même le réveillon de la Saint-Sylvestre chez le poète chilien Pablo Neruda.

Elle meurt d’une crise cardiaque dans le taxi qui la ramène chez elle, dans la nuit du 6 janvier 1942, à l’âge de 45 ans, après un dîner chez son ami l’architecte du Bauhaus Hannes Meyer.

Sources Wikipédia et Histoires et société

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