11/08/2014
Palestine, les traces de la mémoire
Tel-Aviv (Israël), envoyée spéciale.
Depuis Shuk Ha’Carmel, vieux marché de Tel-Aviv, le quartier yéménite dégringole en ruelles animées. Sur le seuil des maisonnettes fleuries de bougainvilliers, les vieux juifs orientaux y parlent un hébreu musical, adouci par leur accent arabe.
L’offensive militaire à Gaza, si proche, ne semble pas troubler la quiétude de ce quartier populaire. Au détour d’une allée, surgit la ville nouvelle, avec ses tours de verre tutoyant le ciel. À l’ombre des grues, la spéculation immobilière va bon train, chassant toujours plus loin les habitants les plus modestes.
Aux portes de la vieille cité arabe de Jaffa, l’orgueilleuse Tel-Aviv est-elle sortie des sables, bâtie en 1909 par des pionniers sur des terres désertées, comme le proclame le mythe ?
Sous la légende, il y a l’histoire, celle de la Nakba, lorsqu’en 1948, les Palestiniens furent chassés de leurs terres après la proclamation de l’État d’Israël.
À Tel-Aviv même, quelques traces témoignent encore de l’existence passée de trois villages palestiniens détruits par les « conquérants ». Il y a plus d’une décennie, Eitan Bronstein est parti à la quête de ces traces ténues, partout en Israël, pour réhabiliter la mémoire de ces villages arabes rayés de la carte par la colonisation.
Avec l’association Zochrot (« Elles se souviennent », en hébreu), il milite pour la reconnaissance, en Israël, de la Nakba. « Il fallait retrouver le fil d’une mémoire effacée, raconter l’histoire palestinienne qui est aussi la nôtre », explique-t-il.
Des archives brûlés dès 1948
Là, à la lisière du quartier yéménite, il désigne, au milieu d’un parc, le centre du village de Manshiya, aujourd’hui disparu. Quelques maisons palestiniennes s’élevaient encore là jusque dans les années 1970. Il n’en reste plus qu’une, guettée par les chantiers voisins.
Avec ses poutres apparentes, ses murs ocre et ses balcons ottomans, elle semble surgie d’un autre univers. À quelques pas, la mosquée Hassan Bek de Manshiya se dresse face à la mer. Détruite en 1948, elle a été réhabilitée par la communauté musulmane, qui a tenu à élever encore son minaret.
En 2000, lorsque des émeutes ont éclaté dans les villes arabes d’Israël en écho à la seconde Intifada, la mosquée a été attaquée avec des engins incendiaires. Elle est aujourd’hui ceinte d’un muret surmonté de hautes grilles. Au pied des marches menant à la salle de prière, une plaque d’égouts de la Société des eaux de Palestine témoigne de l’époque du mandat britannique. Plus loin, entre la plage et la route menant à Jaffa, les ruines encore apparentes d’une maison arabe servent de fondations à l’édifice aux vitres noires abritant le « musée des conquérants ». Un panneau, à l’entrée, arbore le symbole de l’Irgoun, milice sioniste née en 1931, dans la Palestine mandataire, d’une scission de la Haganah (l’ancêtre de l’armée israélienne).
En arrière-plan des initiales de cette organisation, une carte du « grand Israël » englobe les territoires palestiniens et même la Jordanie. « Lorsque ces miliciens ont conquis Jaffa en avril 1948, avant la proclamation de l’État d’Israël, leur premier geste fut de brûler les archives, il est donc très difficile de reconstituer l’histoire de ces ruines », explique Eitan Bronstein. Au nord de la ville, dans le quartier de Ramat Aviv, près de l’université, le militant de la mémoire vous guide encore sur les traces d’un autre village disparu, Sheikh Muwannis. Il déambule entre les immeubles flambant neufs, désignant des lieux invisibles, faisant revivre par la parole le bourg arabe jadis entouré d’orangeraies.
Là encore, une maison est restée debout. La bâtisse verte, rénovée dans les années 1990 par un architecte italien, tient aujourd’hui lieu de club universitaire ouvert aux conférences, fêtes et célébrations. C’était la demeure du mokhtar, le chef du village, Ibrahim Abu Kheel. Les polygones étoilés des carreaux au sol et les arcades ouvrant sur le patio ombragé attestent du passé arabe de cette maison au design contemporain. Étudiants et professeurs ont mené une lutte résolue pour faire apposer une plaque rappelant le passé palestinien de la Maison verte. Las, ils se sont heurtés, jusqu’ici, à l’intransigeance du président de l’université. De l’autre côté de la route, un terrain vague envahi de broussailles traîne sa désolation jusqu’au pied de l’immeuble blanc où est sis le siège du Shin Bet, les services israéliens.
Ici et là, d’imposantes pierres tombales émergent des buissons d’épineux. C’est le cimetière de Sheikh Muwannis. Les curieux, vite repérés par les caméras de vidéosurveillance, sont aussitôt rappelés à l’ordre par des hommes en uniforme. Même ceux dont les aïeux reposent ici n’ont pas le droit de venir s’incliner sur leurs tombes.
Rien ne signale ce lieu aux frontières floues, voué à l’oubli. À Manshiya, à Sheikh Muwannis et partout en Israël, les militants de Zochrot ont entrepris un patient travail d’exhumation, localisant les villages palestiniens détruits, plaidant pour la préservation et la signalisation de leurs vestiges, insistant sur la portée politique et symbolique qu’aurait la reconnaissance du droit au retour des réfugiés. « C’est une démarche provocatrice, nous touchons à un tabou, à quelque chose de très sensible dans la constitution de l’identité d’Israël comme “État juif”, admet Eitan Bronstein.
La réécriture de l’histoire a effacé la Nakba des imaginaires et des représentations. » Lui tient à retrouver, pour les faire connaître, « les signes manquants » d’une mémoire collective amputée.
Rosa Moussaoui pour l'Humanité : http://www.humanite.fr/palestine-les-traces-de-la-memoire...
Palestine, les traces de la mémoire
Tel-Aviv (Israël), envoyée spéciale. Depuis Shuk Ha’Carmel, vieux marché de Tel-Aviv, le quartier yéménite dégringole en ruelles animées. Sur le seuil des maisonnettes fleuries de bougainvilliers, les vieux juifs orientaux y parlent un hébreu musical, adouci par leur accent arabe. L’offensive militaire à Gaza, si proche, ne semble pas troubler la quiétude de ce quartier populaire. Au détour d’une allée, surgit la ville nouvelle, avec ses tours de verre tutoyant le ciel. À l’ombre des grues, la spéculation immobilière va bon train, chassant toujours plus loin les habitants les plus modestes. Aux portes de la vieille cité arabe de Jaffa, l’orgueilleuse Tel-Aviv est-elle sortie des sables, bâtie en 1909 par des pionniers sur des terres désertées, comme le proclame le mythe ? Sous la légende, il y a l’histoire, celle de la Nakba, lorsqu’en 1948, les Palestiniens furent chassés de leurs terres après la proclamation de l’État d’Israël. À Tel-Aviv même, quelques traces témoignent encore de l’existence passée de trois villages palestiniens détruits par les « conquérants ». Il y a plus d’une décennie, Eitan Bronstein est parti à la quête de ces traces ténues, partout en Israël, pour réhabiliter la mémoire de ces villages arabes rayés de la carte par la colonisation. Avec l’association Zochrot (« Elles se souviennent », en hébreu), il milite pour la reconnaissance, en Israël, de la Nakba. « Il fallait retrouver le fil d’une mémoire effacée, raconter l’histoire palestinienne qui est aussi la nôtre », explique-t-il.
Des archives brûlés dès 1948
Là, à la lisière du quartier yéménite, il désigne, au milieu d’un parc, le centre du village de Manshiya, aujourd’hui disparu. Quelques maisons palestiniennes s’élevaient encore là jusque dans les années 1970. Il n’en reste plus qu’une, guettée par les chantiers voisins. Avec ses poutres apparentes, ses murs ocre et ses balcons ottomans, elle semble surgie d’un autre univers. À quelques pas, la mosquée Hassan Bek de Manshiya se dresse face à la mer. Détruite en 1948, elle a été réhabilitée par la communauté musulmane, qui a tenu à élever encore son minaret. En 2000, lorsque des émeutes ont éclaté dans les villes arabes d’Israël en écho à la seconde Intifada, la mosquée a été attaquée avec des engins incendiaires. Elle est aujourd’hui ceinte d’un muret surmonté de hautes grilles. Au pied des marches menant à la salle de prière, une plaque d’égouts de la Société des eaux de Palestine témoigne de l’époque du mandat britannique. Plus loin, entre la plage et la route menant à Jaffa, les ruines encore apparentes d’une maison arabe servent de fondations à l’édifice aux vitres noires abritant le « musée des conquérants ». Un panneau, à l’entrée, arbore le symbole de l’Irgoun, milice sioniste née en 1931, dans la Palestine mandataire, d’une scission de la Haganah (l’ancêtre de l’armée israélienne). En arrière-plan des initiales de cette organisation, une carte du « grand Israël » englobe les territoires palestiniens et même la Jordanie. « Lorsque ces miliciens ont conquis Jaffa en avril 1948, avant la proclamation de l’État d’Israël, leur premier geste fut de brûler les archives, il est donc très difficile de reconstituer l’histoire de ces ruines », explique Eitan Bronstein. Au nord de la ville, dans le quartier de Ramat Aviv, près de l’université, le militant de la mémoire vous guide encore sur les traces d’un autre village disparu, Sheikh Muwannis. Il déambule entre les immeubles flambant neufs, désignant des lieux invisibles, faisant revivre par la parole le bourg arabe jadis entouré d’orangeraies. Là encore, une maison est restée debout. La bâtisse verte, rénovée dans les années 1990 par un architecte italien, tient aujourd’hui lieu de club universitaire ouvert aux conférences, fêtes et célébrations. C’était la demeure du mokhtar, le chef du village, Ibrahim Abu Kheel. Les polygones étoilés des carreaux au sol et les arcades ouvrant sur le patio ombragé attestent du passé arabe de cette maison au design contemporain. Étudiants et professeurs ont mené une lutte résolue pour faire apposer une plaque rappelant le passé palestinien de la Maison verte. Las, ils se sont heurtés, jusqu’ici, à l’intransigeance du président de l’université. De l’autre côté de la route, un terrain vague envahi de broussailles traîne sa désolation jusqu’au pied de l’immeuble blanc où est sis le siège du Shin Bet, les services israéliens. Ici et là, d’imposantes pierres tombales émergent des buissons d’épineux. C’est le cimetière de Sheikh Muwannis. Les curieux, vite repérés par les caméras de vidéosurveillance, sont aussitôt rappelés à l’ordre par des hommes en uniforme. Même ceux dont les aïeux reposent ici n’ont pas le droit de venir s’incliner sur leurs tombes. Rien ne signale ce lieu aux frontières floues, voué à l’oubli. À Manshiya, à Sheikh Muwannis et partout en Israël, les militants de Zochrot ont entrepris un patient travail d’exhumation, localisant les villages palestiniens détruits, plaidant pour la préservation et la signalisation de leurs vestiges, insistant sur la portée politique et symbolique qu’aurait la reconnaissance du droit au retour des réfugiés. « C’est une démarche provocatrice, nous touchons à un tabou, à quelque chose de très sensible dans la constitution de l’identité d’Israël comme “État juif”, admet Eitan Bronstein. La réécriture de l’histoire a effacé la Nakba des imaginaires et des représentations. » Lui tient à retrouver, pour les faire connaître, « les signes manquants » d’une mémoire collective amputée.
10:02 Publié dans Actualité, Culture, Guerre, International, L'Humanité, Monuments | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : israël, palestine, nakba, tel aviv | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook |
13/07/2014
JEAN JAURES : COMMENT JUGER LES REVOLUTIONNAIRES
Il est toujours permis à l'historien d'opposer des hypothèses au destin.
Il lui est permis de dire : Voici les fautes des hommes. voici les fautes des partis et d'imaginer que, sans ces fautes, les évènements auraient eu un autre cours.
J'ai dit aussi comment, après l'écrasement de l'hébertisme et du dantonisme il fut frappé de doute, d'aveuglement et de vertige.
Mais, ce qu'il faut jamais oublier, quand on juge ces hommes, c'est que le problème qui leur était imposé par la destinée était formidable et sans doute "au dessus des forces humaines".
Peut-être n'était-il pas possible à une seule génération d'abattre l'Ancien Régime, de créer un un droit nouveau, de susciter des profondeurs de l'ignorence, de la pauvreté et de la misère un peuple éclairé et fier, de lutter contre le monde coalisé des tyrans et des esclaves, de tendre et d'exaspérer dans ce combat toutes les passions et toutes les forces et d'assurer en même temps l'évolution du pays enfiévré et surmené vers l'ordre normal de la liberté réglée.
Il a fallu un siècle à la France de la Révolution, d'innombrables épreuves, des rechutes de monarchie, des réveils de république, des invasions, des démembrements, des coups d'Etat, des guerres civiles pour arriver enfin à l'organisation de la République, à l'établissement de la liberté égale par le suffrage universel.
Devenue introuvable depuis plus de vingt ans, l'Histoire socialiste de la Révolution française de Jean Jaurès est pourtant une des plus importantes histoire des événements révolutionnaires jamais écrites. Reconnue comme source d'inspiration majeure par les plus grands historiens à l'échelle internationale, elle fut une des premières histoires de la Révolution qui traita de dimensions jusqu'alors presque inconnues : les mouvements populaires, l'histoire économique mais aussi l'histoire des mouvements révolutionnaires en Europe et les luttes anticoloniales au sujet desquels presque personne n'avait porté attention avant lui...
15:35 Publié dans Actualité, Révolution | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : la révolution française, jean jaurès | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook |
11/07/2014
VAINQUEURS DU TOUR DE FRANCE, ET MORTS POUR LA FRANCE
11 Heures, le clairon sonne, c’est la fin de 4 années horribles de combats, la fin de la première guerre mondiale et de ce qui aurait du être la der des der. Le 11 novembre 1918 laisse derrière elle plus de 8 millions de morts, plus de 21 millions de blessés, et des Milliers de disparus.
Cette guerre 14-18 aura aussi, mis fin et détruit la carrière de nombreux sportifs, parmi eux une centaine de coureurs cyclistes, tombés et morts pour la France.
Ils ont écrit l’histoire du vélo cette pourquoi en cette semaine du 11 Novembre si vous flâner, dans l’Artois, la Marne, ou la Somme pensez à eux, ils étaient les pionniers du cyclisme, ne les oublions pas.
Petit Breton, Faber, Lapize. Ces héros du Tour de France
Lucien Mazant dit Lucien Petit Breton né le 18 octobre 1882 à Pléssé (Loire).Vainqueur de Paris-Tours 1906, Milan San Remo 1907, Paris-Bruxelles et du Tour de Belgique 1908, mais surtout vainqueur des Tour de France 1907 et 1908. Lucien Petit Breton décédera le 20 décembre 1917 sur le front dans l’Aube.
François Faber Né le 26 Janvier 1887 à Aulnay sur Iton dans l’Eure. Vainqueur du Tour de Lombardie 1908, de Paris-Tours 1909 et 1910, de Bordeaux-Paris 1911, de Paris-Roubaix 1913 et du Tour de France 1909, il décédera le 9 Mai 1915 à Carency au lieu dit Berthonval. Une plaque lui rend hommage dans la nécropole de Notre Dame de Lorette sur la colline de Ablain St Nazaire. Son corps malheureusement ne fût jamais retrouver.
Octave Lapize Né le 24 Octobre 1887 à Montrouge (Iles de France) 3 fois champion de France sur route en 1911-12-13 en 1907 il fut champion de France Des 100 km et de cyclo-cross, vainqueur de Paris-Roubaix 1909-1911, de Paris-Tours 1911, de Paris-Bruxelles 1911-12 et 13. Vainqueur du Tour de France 1910 et l’histoire retiendra qu’il fût le premier à avoir franchi les Pyrénées. Il décédera le 14 Juillet 1917 lors d’un combat aérien dans la région de Noviont aux Près (Meurthe/Moselle). Son corps repose au cimetière de Villiers sur Marne.
Alavoine,Bonino,Debrieu,Engel,Friol,Gombault,Maitrot,Quaissard,Rugère,Thé,Lutz, (et tout les autres....)
Emile Quaissard né le 30 aout 1886 à Bourg en Bresserejoindra comme bon nombre de cycliste passionné de vitesse, l’aviation militaire, Emile Quissard il tombera le 15 Avril 1917 à bord de son Splad, près de Montivilliers lors d’un combat aérien situé au dessus des lignes allemandes.
Emile Friol né le 6 Mars 1881 à Tain-l’Hermitage. Deux fois champions du Monde de vitesse 1907 et 1910, 4 fois champion de France de vitesse en 1904-1906-1907-1910, Deux fois champions d’Europe en 1907 et 1910, plus de 50 Victoires décédera le 6 Novembre 1916 à Dury.
LEGENDES DU TOUR : CHRONIQUES DE JEAN EMMANUEL DUCOIN POUR L'HUMANITE
Il y a cent ans, des hommes, dont beaucoup de cyclistes, allaient entrer dans la Grande Guerre. Du Chemin des Dames hier à Verdun aujourd’hui, le Tour leur rend hommage.
Traces éternelles des martyrs cyclistes
Si le Tour s’enorgueillit de sa fièvre romantique, il a surtout de la mémoire et n’hésite jamais à la procession historique monumentale. De terribles carnages se sont tenus autrefois sur ces lieux, dont il n’est pas sûr que les coureurs entendissent jamais parler.
Pourtant devraient-ils aimer les boursouflures de cette tragédie. Car elles les concernent, sinon par goût ou curiosité du passé, du moins par la généalogique cycliste. Les géants de la route, en effet, ne furent pas épargnés par ces chemins de tous les drames qui entamèrent l’esprit des hommes durant quatre ans. Ils payèrent même un lourd tribut, en particulier quelques anciens vainqueurs de la Grande Boucle.
François Faber, «le géant de Colombes», qui, malgré sa nationalité luxembourgeoise, avait choisi de combattre pour la France, fut tué en 1915, d’une balle de shrapnell en plein front.
Le Français Octave Lapize, pilote de chasse, fut abattu au-dessus de Verdun en juillet 1917. Quant à Lucien Petit-Breton, héros de cette France républicaine du début du siècle qui cherchait par le Tour à se consolider par l’appropriation de sa géographie, il tomba à son tour en décembre 1917, fauché dans sa jeune vie…
Les noms des autres martyrs cyclistes, moins connus, pourraient s’égrener au rythme des sanglots. Émile Engel, Frank Henry, mais aussi Marceau Narcy, tué pendant la bataille de la Marne; Jean Perreard, Victor Millagou, François Cordier, Pierre-Gonzague Privat, tué deux jours après la chute d’Hourlier et de Comès. Ou encore le plus jeune frère de Louis Trousselier, Auguste Trousselier, lui aussi coureur. Camille Fily, mort en Belgique en mai 1918. Ou Albert Niepceron, tué avec toute sa compagnie dans une attaque aussi imbécile qu’inutile, le 23 octobre 1918.
Autant de champs d’honneur visibles sur les routes du Tour. Autant de traces que l’on sent éternelles, immuablement enracinées dans la terre martelée, là où résonnent les mots de Céline: « La raison est morte en 14… après c’est fini, tout déconne. » Achevons le décompte macabre. D’autant que le cyclisme ne fut pas, et de loin, le sport qui compta le plus de morts. Le football et surtout le rugby arrivent largement en tête de cette sanglante énumération.
Sauf que le legs d’amour du Tour, qui reste la seule épreuve sportive à dominer ceux qui l’incarnent, ne se départit jamais de sa mythologie. Ils compteront donc, ces jours, à arpenter pas à pas ces vestiges de fer, de sang et de corps mêlés, là où de temps à autre un casque ou un os émerge d’une glaise presque stérilisée, dans les vapeurs des restes d’ypérite qui teignent le sol d’un jaune hideux.
Comme si le Tour soudain se mettait à déclamer Aragon: « Déjà la pierre pense où votre nom s’inscrit / Déjà vous n’êtes plus qu’un mot d’or sur nos places / Déjà le souvenir de vos amours s’efface / Déjà vous n’êtes plus que pour avoir péri.» "
- See more at: http://www.humanite.fr/la-memoire-des-forcats-aux-chemins-des-drames-547222
17:22 Publié dans Actualité, Première guerre mondiale, Sport | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tour de france, champions, morts, françois faber, octave lapize | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook |