Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

28/12/2018

Biographie. Conseil de guerre pour institutrice féministe

brion helene.jpg

1918 Hélène Brion. Une institutrice féministe devant le conseil de guerre Daniel Flamant Éditions Raison et passions, 187 pages, 18 euros
Militante de la SFIO et de la CGT, Hélène Brion rejoint dès 1915 le combat pacifiste et sera suspendue sans traitement du 27 juillet 1917 au 16 janvier 1925.

L’anniversaire de l’armistice donne l’occasion de faire revivre une figure assez méconnue du féminisme et du pacifisme, celle d’Hélène Brion (1882-1962). L’écrivain Daniel Flamant propose une biographie de l’institutrice axée essentiellement sur deux périodes, d’abord celle de son procès pour propagande défaitiste après cinq mois d’incarcération. Mais les soutiens d’Hélène, personnalités prestigieuses et témoins de moralité, proches et collègues, sont nombreux. L’institutrice est brillante, ses arguments convaincants, l’accusation sans fondement. Dans un contexte politique défavorable où Clemenceau pourfend le moindre fléchissement du bellicisme, le sursis lui est accordé par le tribunal militaire. La seconde période couvre la vie militante après la Première Guerre mondiale.

Daniel Flamant trace un portrait attachant et émouvant d’une femme dont les activités militantes furent multiples et très intenses. Hélène Brion fut secrétaire générale de la Fédération nationale des instituteurs, affiliée à la CGT, en 1914, et membre de la SFIO. D’abord ralliée à l’Union sacrée au début de la Grande Guerre, elle rejoint dès 1915 la majorité pacifiste des instituteurs syndicalistes, et soutient sans faille leur combat, qu’elle lie aux luttes féministes. En tant qu’institutrice, elle est très appréciée dans son milieu professionnel, ce qui ne l’empêchera pas d’être suspendue sans traitement du 27 juillet 1917 au 16 janvier 1925. L’arrivée au pouvoir du Cartel des gauches permettra sa réintégration.

Tous les combats qu’elle a menés sont encore d’actualité

Le fil rouge de l’engagement d’Hélène Brion demeure le féminisme. La militante ne renonce pas pour autant à s’inscrire dans une perspective politique plus globale ; en février et mars 1921, elle est déléguée en Russie soviétique au comité pour l’adhésion à la Troisième Internationale. Elle en revient enthousiaste et en tire un récit lyrique, exalté, qui ne paraîtra jamais. Il semble que son engouement pour la Russie rouge ait été de courte durée, peut-être en raison de la primauté qu’elle accorde au féminisme.

Après sa retraite dans un village des Vosges, elle poursuit avec obstination une Grande Encyclopédie féministe, débutée en 1902, où elle s’efforce d’arracher à l’anonymat une foule de femmes remarquables dans tous les domaines. Témoins d’une ambition considérable, celle de sortir de l’ombre une moitié de l’humanité, les cahiers s’empilent, mais le manque de méthode complique la tâche et l’entreprise demeure inédite.

Le biographe campe avec talent et vivacité une personnalité d’envergure qui a tenté de concilier syndicalisme, engagement politique et féminisme, et a dénoncé les contradictions du mouvement ouvrier, par exemple chez les typographes qui refusaient l’accès de leur profession aux femmes, ou chez les membres de la SFIO qui militaient pour des candidatures féminines mais refusaient de « sacrifier » des circonscriptions où elles auraient eu des chances de l’emporter. Tous les combats qu’elle a menés sont encore d’actualité, souligne un auteur qui nous offre de feuilleter une captivante page d’histoire.

01/10/2018

Charles Aznavour: "Missak et Mélinée Manouchian étaient des amis intimes"

manouchian hors série.jpgDans le nouveau hors-série de l'Humanité consacré aux 70 ans de l'Affiche rouge et au groupe Manouchian, le chanteur nous raconte les liens étroits qui unissaient Missak et Mélinée Manouchian à la famille Aznavour. Extrait.

Durant la guerre, vos parents ont hébergé Missak et Mélinée Manouchian dans leur appartement parisien, rue de Navarin. Comment s’étaient-ils rencontrés?

Charles Aznavour : Nous avions autour de nous des gens comme Missak et Mélinée – jusqu’à ce qu’elle parte en Arménie – qui étaient des amis intimes. Il y avait un club qui s’appelait la JAF, la Jeunesse arménienne de France, dont Mélinée était la secrétaire. Ils étaient tous les deux orphelins. Cela les avait réunis.

Ils étaient devenus un vrai couple totalement engagé dans le Parti communiste et cela a engagé aussi ma famille. Est-ce que c’était uniquement politique ?

L’Arménie était dans le giron de la Russie communiste et les Arméniens ont eu une possibilité de vivre à peu près bien comme dans les autres pays satellites de la Russie. C’était très important pour nous. Ce que l’on faisait était simple, ma mère surtout. Mon père, je ne sais pas. Il a été obligé de fuir Paris parce qu’il était recherché. Ma mère partait avec la voiture d’enfant où des armes étaient dissimulées.

Les armes servaient, on les remettait dans la voiture, chacun quittait les lieux à toute allure et maman rentrait à la maison. Nous avons été des aides. La Résistance avait besoin d’aides qui avaient moins d’importance que d’autres, mais qui ont permis d’aider au moment où il fallait aider.

Vous étiez adolescent. Quel souvenir gardez-vous de la présence de Manouchian?

Charles Aznavour : Quand il était à la maison, il n’avait rien à faire. Il s’était amusé à m’apprendre à jouer aux échecs. Je suis resté joueur d’échecs longtemps dans ma vie. On était môme ma sœur et moi, souvent bloqué à la maison. Il y avait les rafles, la police qui venait.

On a vécu dans un immeuble au 22 rue de Navarin. Le concierge était gendarme ou policier, je ne me souviens plus. Il est certain qu’il savait ce qui se passait parce qu’il voyait des gens arriver en uniforme et repartir en civil. Au rez-de-chaussée, vivait un couple d’homosexuels juifs. Et ma sœur jouait des morceaux de musique juive pour eux. Chez nous, on connaissait la musique de toute la région, iranienne, arménienne, turque, juive. Je me souviens d’un autre couple qui a été fusillé. Ils habitaient Belleville. J’allais chez eux pour apprendre les mathématiques parce que je voulais rentrer à l’école centrale de TSF et que sans les maths, je ne pouvais pas. Je n’avais que le certificat d’études, ce n’était pas suffisant. Je crois qu’ils s’appelaient Aslanian, tous les deux engagés politiquement, tous les deux fusillés.

 
Entretien réalisé par Victor Hache

17:24 Publié dans Actualité, L'Humanité, Libération | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : charles aznavour, manouchian | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook |

24/09/2018

Révolution française. 1792. Robespierre, et la République

république.jpg

Hervé Leuwers, l'Humanité

Histoire. Pour Maximilien Robespierre, au lendemain des 21 et 22 septembre 1792, la République et son exigence démocratique sont un idéal et une œuvre à accomplir.

La Révolution française a cette particularité, par rapport aux révolutions qu’ont connues à la fin du XVIIIe siècle les États-Unis, les Provinces-Unies (Pays-Bas) et les Pays-Bas autrichiens (Belgique), de ne pas s’être d’abord opérée par le rejet d’un prince ; au contraire, pendant plus de trois années, les députés de la Constituante (1789-1791), puis de la Législative (1791-1792), ont voulu conserver à Louis XVI certaines de ses prérogatives… Ce n’est qu’à l’issue de l’insurrection du 10 août 1792, dans les deux premières séances d’une nouvelle Assemblée, la Convention nationale, que la France est pour une première fois entrée en République.

Robespierre n’est pas étranger à l’événement. Sans l’avoir préparé, il l’a appelé de ses vœux. Alors que les armées étrangères menacent les frontières, que le roi est soupçonné de trahison, il s’indigne de la complaisance de la Législative pour le général de La Fayette, en qui il craint un Cromwell prêt à se saisir du pouvoir, ou un Monck capable de restaurer l’Ancien Régime. Le 29 juillet 1792, au club des Jacobins, il n’est pas seul à envisager une défaite militaire et un triomphe de la contre-révolution ; à la tribune, il succède au militant Legendre, qui vient d’appeler à l’insurrection.

« Les grands maux appellent les grands remèdes, commence Robespierre. Les palliatifs ne font que les rendre incurables. » En formules fortes, il appelle à la déchéance de Louis XVI, au renversement de la Constitution et à la convocation d’une Convention ; loin de vouloir être élu, il propose que les députés qui ont siégé à la Constituante ou qui œuvrent à la Législative renoncent à leur réélection. Il veut croire en des hommes « neufs, purs et incorruptibles » – ce sont les mots qu’il emploie.

Quelques semaines plus tard, élu premier député du Pas-de-Calais et premier député de Paris, il choisit de représenter la capitale. Le 21 septembre 1792, il assiste à la séance inaugurale de la Convention où, sur proposition de Collot d’Herbois, les représentants décrètent l’abolition de la royauté. Le lendemain, l’Assemblée décide « que tous les actes publics porteront dorénavant la date de l’an premier de la République française ».

Désormais, Robespierre se dit républicain. L’était-il avant l’été ? La question a été d’autant plus débattue qu’au printemps 1792, au moment de l’entrée en guerre, il a publié un journal intitulé le Défenseur de la Constitution. L’ancien député entend y soutenir celle de 1791, dont il continue pourtant à déplorer les défauts ; il croit en la Déclaration des droits qui l’ouvre, et considère que le texte constitutionnel protège contre de possibles abus de pouvoir de l’exécutif, des généraux ou de certains députés. L’essentiel, selon lui, n’est pas dans la forme du gouvernement : « J’aime mieux, écrit-il en mai 1792, voir une assemblée représentative populaire et des citoyens libres et respectés avec un roi, qu’un peuple esclave et avili sous la verge d’un Sénat aristocratique et d’un dictateur. »

Il n’oublie pas, pourtant, qu’il a un moment cru en l’abolition de la royauté. C’était moins d’un an auparavant, au temps de Varennes. Le soir même de l’annonce de la fuite de Louis XVI, le 21 juin 1791, n’a-t-il pas affirmé aux Jacobins : « Ce jour pouvait être le plus beau de la Révolution ; il peut le devenir encore, et le gain de 40 millions d’entretien que coûte l’individu royal serait le moindre des bienfaits de cette journée. » La Constituante en a cependant décidé autrement.

« La République est proclamée plutôt qu’établie »

Si l’élu s’est alors plié à ce choix, c’est que, au mot de « république », Robespierre préfère la chose. La démocratie qu’il espère ne se définit pas d’abord par un mode de gouvernement, mais par des principes, qui sont l’égalité politique et une pleine souveraineté de la nation, qui ne s’aliène jamais, les citoyens devant pouvoir débattre dans des assemblées librement réunies (sections, clubs), voter, émettre des vœux, voire révoquer un député avant la fin de son mandat.

Au lendemain des 21 et 22 septembre 1792, cette exigence démocratique, qui est aussi une exigence républicaine (au sens traditionnel du mot), n’a pas changé chez Robespierre. Pour le conventionnel, la République n’est pas achevée parce que décrétée. « La République est proclamée plutôt qu’établie, écrit-il en décembre 1792. Notre pacte social est à faire, et nos lois ne sont encore que le code provisoire et incohérent que la tyrannie royale et constitutionnelle nous a transmis. » Il attend une nouvelle Constitution, de nouvelles lois, mais aussi un Code civil et l’instauration d’une éducation nationale ; il attend aussi l’exécution de Louis XVI, par laquelle il entend « cimenter la République naissante »… Pour Robespierre, la République est un idéal, une quête, une œuvre à accomplir, souvent dans la douleur ; elle se mérite.

15:26 Publié dans L'Humanité, Révolution | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook |