23/05/2014
Une expo raconte la prostitution forcée dans les camps nazis
Le destin des femmes forcées à la prostitution dans les camps de concentration nazis, tabou même pour d'anciens déportés, fait l'objet d'une exposition itinérante en Allemagne, qui débute au mémorial du camp de Ravensbrück.
Entre 1942 et 1945, au moins 200 prisonnières ont été contraintes de se prostituer dans les bordels de dix camps de concentration, selon l'historien allemand Robert Sommer, qui a identifié 170 de ces femmes.
Bordels
A peu près "70% étaient des Allemandes, considérées comme asociales par les SS, les autres venaient de Pologne, d'Ukraine, du Bélarus ou des Pays-Bas", indique M. Sommer. La plupart ont été recrutées dans le camp de concentration pour femmes de Ravensbrück, à une cinquantaine de kilomètres de Berlin, où certaines purgeaient une peine pour prostitution dans le civil, et dans le camp d'Auschwitz (aujourd'hui en Pologne).
La construction de bordels dans les camps de concentration fut décidée par le chef de la SS Heinrich Himmler en 1941, pour améliorer la productivité des prisonniers et lutter contre les pratiques homosexuelles. "Au début, les SS cherchaient des femmes volontaires" contre la fausse promesse d'une libération, explique Robert Sommer, "mais il a fallu ensuite en trouver de plus en plus", que les nazis ont alors recrutées de force.
Question de survie
"Pourquoi nous étions là? On ne nous en a rien dit", a rapporté une prisonnière dont le témoignage anonyme est présenté dans l'exposition. Dans les baraquements chauffés qui servaient de bordels, la nourriture et l'hygiène étaient un peu améliorés par rapport au reste des camps de concentration. Presque toutes les femmes qui y ont été enfermées ont survécu.
"Nous nous sommes résignées à notre sort. Nous nous disions: c'est toujours mieux que (les camps de concentration de) Ravensbrück ou Bergen-Belsen", poursuit le témoignage. "Le travail sexuel était organisé de façon bureaucratique", explique M. Sommer, qui présente aux visiteurs plusieurs cartes d'identification portant le code 998, celui des prostituées des camps, et des coupons qui permettaient aux prisonniers récompensés pour leur travail d'effectuer une visite au bordel.
Honorable
La fréquentation des bordels, interdite aux juifs ou aux prisonniers de guerre soviétiques, ne concernait qu'une infime minorité de la population des camps - 1% des prisonniers y avaient accès, selon l'historien. Ceux qui visitaient le bordel étaient "honorables", juge l'ancienne prostituée. "Simplement des hommes, heureux d'avoir une distraction humaine", peut-on lire dans son témoignage.
Certains prisonniers politiques ont tenté de résister à l'ouverture des bordels, et d'organiser leur boycott. Les résistants de Buchenwald craignaient que les lieux soient utilisés pour les espionner. Après la guerre, les victimes se sont tues, par honte mais aussi pas peur d'être considérées comme "collaboratrices". "Aucune (des femmes identifiées par M. Sommers) n'a reçu de réparation après 1945 pour leur exploitation sexuelle", indique-t-il.
Les responsables des lieux de mémoire avaient également "refusé pendant longtemps de communiquer sur ce thème, pour ne pas donner une fausse image de la situation dans les camps de concentration", expliquent les organisateurs de l'exposition. Celle-ci c'est faite en trois étapes en Allemagne avant d'être présentée courant 2010 à Rome. Une première exposition en 2005 à Vienne, puis à Ravensbrück, avait levé le voile sur le sort de ces femmes. (belga)
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07/04/2014
Voyage au bout de l'horreur. De l'envoyé spécial au Rwanda de l'Humanité !
30 avril 1994, de notre envoyé spécial au Rwanda.
L'HORREUR, c'est d'abord une odeur. L'odeur de corps suppliciés, en voie de décomposition. Angoissante quand on s'approche. Apre et donnant le vertige lorsqu'on se trouve au bord du trou. La preuve avec celui découvert dans le secteur de Kiziguro.
A quelques dizaines de mètres de la route, un énorme trou au milieu des arbres. Au fond, plusieurs centaines de cadavres. D'en haut, on distingue nettement les vêtements aux teintes vives ainsi que la coloration blafarde et cendrée des visages et des mains. Au-dessus de ce magma humain, une femme gît dans une pose grotesque et obscène.
Gamaliel Segnicondo, enseignant à l'école primaire, témoigne: «Les massacres ont commencé à partir du 8 avril (la mort du président rwandais remonte au 6 au soir). Depuis deux jours, les gens venaient se réfugier à la paroisse (l'église et les bâtiments environnants). Les «padre» étaient partis.» D'après lui, ils ont été près de huit cents à rejoindre ce «refuge». Ils ont été massacrés dans l'église. Silence. «On a sauvé en tout et pour tout treize personnes. Une est morte par la suite. Il ne reste que douze survivants.» La plupart des morts sont des Tutsis. La plupart car d'autres ont été tués aussi en raison de leur appartenance politique. Certains étaient des Hutus.
«Tous ont été tués à la machette, au bâton ou avec une barre de fer. Juste un coup sur le sommet du crâne, insiste Gamaliel. Pour certains, on avait pris soin, avant, de leur lier les mains. Pendant ce temps, j'étais caché car je savais que j'étais sur la liste. Puis, j'ai appris l'existence de ce trou. C'est là qu'ils jetaient les cadavres même si certains étaient encore vivants.» A l'approche des troupes du Front patriotique rwandais (FPR), les massacreurs s'enfuient. Alors Gamaliel décide d'agir pour sauver des vies: «J'ai été à la paroisse chercher des fils électriques. Avec un Blanc, un Suisse, on les a tressés pour faire un câble. Grâce à lui, nous en avons retiré huit qui étaient vivants. Ils sont parmi les douze dont je vous ai parlé.»
Gamaliel l'affirme: «Ce sont les milices MRND (le parti au pouvoir) et CDR (formation la plus extrémiste créée par les partisans de la dictature) qui ont perpétré ces massacres. Avant de fuir, ils ont ensuite détruit la paroisse et l'hôpital. Le FPR est arrivé ici le 14 au soir. Aujourd'hui, nous n'avons plus de médicaments. Nous mourons de la malaria.»
Ce charnier n'est qu'un parmi tant d'autres dans cette région. Mais il est le premier que je découvre. Hébété par le choc, je demande un peu stupidement à un des combattants du FPR si les craintes d'épidémie ne devraient pas conduire à boucher le trou le plus rapidement possible. Avec un sourire amer, l'officier me répond: «Nous y pensons. Mais nous voulions d'abord montrer ça à des journalistes. Il y a des choses qu'il faut connaître. Sinon, on ne nous croirait peut-être pas.»
Ce charnier existe, je l'ai vu, et puis après? Les premiers cadavres se trouvent à cinquante mètres au-dessous de moi. Je les regarde, mais ne peux les photographier. Un flash est inutile à cette distance. Il faudrait au moins un projecteur et un téléobjectif. Au Rwanda, il n'y a plus d'électricité depuis des semaines... Autant dire que la photo-preuve est matériellement impossible aujourd'hui. Ce charnier, il faudra bien un jour pourtant le combler avant que les conditions ne soient réunies pour produire «la» démonstration irréfutable devant la postérité.
Alors, cette atrocité sera-t-elle gommée de la mémoire? Après tout, il y a bien en Europe des gens qui nient les chambres à gaz et les crimes nazis contre l'humanité! Si l'on peut nier un génocide, pourquoi n'en réfuterait-on pas un autre? Y aura-t-il un jour des «révisionnistes» rwandais et un Faurisson africain?
Je découvrais le lendemain que cette fixation sur le puits de Kiziguro a quelque chose de dérisoire. A Rukara, non loin de là, les milices gouvernementales ont fait entrer 1.500 et 2.000 morts dans un trou similaire. Au bas mot, 700 à 800 cadavres (comment les compter?) pourrissent au soleil ou fermentent dans l'ombre intérieure des maisons.
Leur vision est repoussante, insoutenable. Quelques kilomètres plus loin, dans la paroisse de Mukarange, il y a ce bûcher improvisé où pendent bras et jambes, ainsi que des corps qui semblent s'obstiner à ne pas brûler. Un de mes interlocuteurs me dit: «Les morts, on n'a pas fini de les trouver. Dans les paroisses, c'est facile, on sait qu'ils sont là. Mais dans les forêts, combien sont-ils?»
Il a raison. De la voiture, je repère les cadavres gisant dans les fossés. De la bananeraie voisine, une puanteur horrible s'élève. Partout, l'odeur de la mort semble régner dans ce pays...
20:01 Publié dans Actualité, Guerre, International, Monde, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook |
21/03/2014
Le Constellation de la Flying Tiger : l’autre avion disparu dans le Pacifique !
52 ans avant la disparition encore inexpliquée du vol MH370 de la Malaysian Airlines, un autre avion se volatilisait déjà au-dessus du Pacifique, quelque part à l’ouest des côtes philippines. Retour sur l’une des dernières grandes catastrophes aériennes toujours inexpliquée, un demi-siècle plus tard.
Vol 739 pour Saigon
Parti de Californie, le vol 739 de la Flying Tiger Line transportait une centaine de militaires américains et 11 membres d’équipage vers le sud du Vietnam. Compagnie civile, la Flying Tiger avait été fondée en 46 par un ancien de la célèbre unité aérienne des Tigres Volants, chère au cœur des amateurs de Buck Danny. Un arrière-plan militaire qui explique sans doute en partie que l’US Army ait fait appel en 1962 à la compagnie pour envoyer une centaine d’hommes à Saigon (Ho Chi Minh Ville aujourd’hui), dans le contexte un tantinet bordélique que l’on sait. En l’occurrence, ces GI’s partent relever des camarades occupés à former les militaires vietnamiens du sud-Vietnam, en pleine guérilla contre leurs compatriotes du nord-Vietnam.
L’appareil, un Super Constellation sorti des usines Lockheed totalise plus de 17 000 heures de vol. Le trajet prévoit quatre escales, la première à Guam où l’avion se pose à 11h14. Il redécolle de Guam à 12h57 en direction des Philippines où il est censé se poser un peu après 19 heures. Ses réservoirs contiennent pour 9 heures de carburant. Le temps est clair et la mer est calme.
80 minutes après son décollage, le pilote envoie un message de routine – ce sera le dernier contact entre le sol et l’appareil, qui survole à peu près l'emplacement de la fosse des Mariannes à ce moment-là. A 15h39, l'opérateur radio de Guam tente de joindre le vol 739, sans succès. Quelques heures plus tard, l’avion n’arrivant pas, les opérations de recherches sont lancées par l’état-major. Elle reste comme l’une des plus vastes de l’histoire de l’aviation.
Le premier jour, les recherches se poursuivent tout la nuit et implique l’ensemble des forces américaines présentes dans la zone – et en pleine guerre froide, le moins qu’on puisse dire est qu’elles sont nombreuses. Les avions partent de Guam et de Clark Field, les bateaux de la 7ème flotte américaine sillonnent la zone et l’armée de l’air y ajoute ses forces stationnées à Okinawa. Tous les navires du secteur se lancent à la recherche de la moindre piste, dans une zone maritime qui couvre près de 200 000 km². Les capitaines des avions et des bateaux civils sont contactés. Rien et rien encore, quatre jours plus tard.
Les communiqués d’abord volontaristes de l’état-major laissent la place à des déclarations bien moins optimistes. La zone de recherche, rapidement élargie, dépassait 500 000 km² quand après 8 jours d’effort, les Etats-Unis annoncèrent leur intention d’abandonner les recherches.
Que s’est-il passé ?
Comme aujourd’hui, ce ne sont pas les hypothèses qui manquent. Le contexte international plus que tendu à cette époque où l’intervention américaine au Vietnam ne dit pas encore son nom est dans toutes les têtes. Les journaux ne tardent à pas à remarquer que deux autres avions de la Flying Tiger ont été sabotés le même jour, alors qu’ils transportaient du matériel militaire vers le sud-Vietnam. Bien entendu, l’opacité des réponses de l’état-major ne fait strictement rien pour calmer les médias.
La Compagnie aérienne en rajoute encore une couche en reconnaissant dans un communiqué qu’aucune thèse ne peut être écartée, y compris celle d’une forme particulièrement originale de kidnapping. En laissant entendre que ses appareils ont été sabotés ou détournés, la Flying Tiger semble surtout chercher à se défendre de toute faute humaine ou technique dans l’entretien de ses appareils – tous d’occasion.
Le hic, c’est qu’aucun élément ne peut venir infirmer ou confirmer ces hypothèses : les avions de 1962 ne sont pas truffés d’électronique et n’envoient pas d données de navigation un rythme aussi régulier qu’aujourd’hui. Aucun satellite n’est susceptible d’apporter la moindre image aux enquêteurs.
Il y a bien ce pétrolier dont l’équipage dit avoir détecté un flash brillant dans le ciel puis aperçu deux boules de feu tombant dans l’océan, mais rien de concluant : sur la zone en question, aucun débris n’est retrouvé, aucune trace de carburant, rien.Quant aux traces de condensation, elles évoquent les traînées que laissent des moteurs à réaction, ce qui n'est pas le cas des Constellation dotés de modèles à hélice.
L’épave ne sera jamais retrouvée. La conclusion du Civil Aeronautic Board ne pourra que constater « qu’en raison de l'absence de toute preuve, le Conseil n'est pas en mesure d'affirmer avec certitude le sort exact du vol 739 ». La disparition des 104 hommes et des 3 femmes présents à bord est à ce jour la plus grande des catastrophes aériennes restées inexpliquées.
14:15 Publié dans Espace, Société, Voyage | Lien permanent | Commentaires (1) | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook |