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04/07/2016

Rwanda. Jean Chatain, un témoin « essentiel »

rwanda_20.jpg

rwandachatain.jpgL'envoyé spécial de l'Humanité, Jean Chatain (à droite) avec deux militaires du FPR sur le pont de Rusumo, au Rwanda, en mai 1994, alors qu'il parcourait le pays dévasté. Photo : Collection Jean Chatain

L’envoyé spécial de l’Humanité en 1994 a été entendu comme témoin dans le procès des ex-bourgmestres de Kabarondo accusés de génocide.

De chacune de ses étapes au pays des Mille Collines, dévasté par le génocide, Jean Chatain garde un souvenir net, précis, glaçant. L’insoutenable pestilence de la mort. Les cadavres charriés par la rivière Akagera, devenue torrent des suppliciés. Le regard vide des rescapés, leurs récits cauchemardesques. Notre confrère était le seul reporter occidental basé en dehors de Kigali, au mois d’avril 1994. Il était cité, jeudi dernier, comme témoin dans le procès d’Octavien Ngenzi et Tito Barahira, les deux anciens bourgmestres de Kabarondo, dans le sud-est du Rwanda, qui comparaissent depuis le 10 mai devant la cour d’assises de Paris. Tous deux sont accusés de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre pour des massacres de Tutsi dans la préfecture de Kibungo (voir l’édtion du 10 mai 2016).

L’envoyé spécial de l’Humanité arrive au Rwanda à la fin du mois d’avril 1994. Il se déplace à partir de Mulindi, près de la frontière ougandaise. Il sillonne les territoires libérés par le Front patriotique rwandais (FPR) et se rend une fois par semaine à Kampala, pour envoyer ses articles. À Kigali, le gouvernement intérimaire autoproclamé ne peut certes pas dissimuler les massacres aux correspondants étrangers. Mais il s’emploie à en minimiser l’ampleur. « Le pays entier puait la mort », constate au contraire Jean Chatain, pour qui le terme de génocide s’impose très vite.

Depuis Mulindi, il rejoint Kibungo, délivrée une semaine plus tôt par le FPR. Première étape d’une effroyable expédition. Le 30 avril, l’Humanité publie, sous sa plume, le témoignage de l’évêque de Kibungo, Mgr Frédéric Rubwejango. « À l’évêché, nous avions 800 réfugiés. Le 15 avril, ils ont été massacrés devant mes yeux. Au fusil, au gourdin ! Deux jours après, les camions sont arrivés pour emmener les corps », relate-t-il.

Le religieux fait état de chantages à l’argent, « très fréquents ». À ses côtés, un prêtre, l’abbé Papias Mugobokancuro a été « racheté » aux bourreaux. Ce rescapé raconte le massacre de l’église de Kabarondo. Carnage auquel Tito Barahira aurait pris part, selon des témoignages convergents. Bourgmestre au moment des faits, Octavien Ngenzi aurait lui aussi incité la population à participer à l’attaque de ce lieu de culte, lors de l’assaut mené par les forces armées.

À l’issue de l’attaque, il aurait identifié les rescapés aux fins d’élimination des Tutsi, avant de faire ensevelir les cadavres dans une fosse commune aux abords de l’église. En lien avec des militaires et des miliciens des Interahamwe, il aurait participé, selon de nombreux témoignages, à la perquisition de domiciles suspectés d’abriter des Tutsi, contribuant à l’exécution de plusieurs d’entre eux.

Les deux accusés nient en bloc. Octavien Ngenzi se flatte même d’avoir caché des Tutsi. Or, le témoignage de l’abbé Papias Mugobokancuro, recueilli par Jean Chatain, laisse à penser que le bourgmestre faisait commerce de ces prétendus sauvetages : « À Kabarondo, nous avons commencé à recevoir des réfugiés le 8 avril. Vers le 12, il y en avait 1 200 à la paroisse.

Le 13, les gendarmes viennent et tuent. Je tombe entre leurs mains. Ils me battent et me forcent à ouvrir les portes du presbytère. Ils volent, ils pillent, ils cassent. Le 14, je réussis à me réfugier chez le bourgmestre. Je passe cinq jours chez lui, caché sous le lit. Lundi 18, les militaires viennent et transfèrent 50 personnes à Kibungo. Un lieutenant me dit : “Tu sauves ta peau pour 100 000 francs (380 francs français).

Je te donne deux jours.” Je devais donner l’argent au bourgmestre, qui le versait au lieutenant. Mardi, le lieutenant arrive à l’évêché : “Tu montes dans la voiture pour l’exécution ou bien tu donnes l’argent !” Notre économe avait réuni 60 000 francs. Jeudi, il a trouvé les 40 000 francs qui manquaient. » La seule question que se pose encore l’abbé Papias : « Comment s’est effectué le partage entre le bourgmestre et le lieutenant ? Quelle commission a prélevé le premier ? »

Lors de son audition, jeudi dernier, par visioconférence, Jean Chatain insistait sur la solidité de ce récit, « prononcé devant une dizaine de témoins ». Pour les parties civiles, le témoignage de l’envoyé spécial de l’Humanité est « essentiel ». « Jean Chatain était le seul Occidental présent sur les lieux, quelques jours seulement après les massacres dans la préfecture de Kibungo.

Il a recueilli les récits de personnes directement confrontées aux faits », insiste Me Serge Arzalier, l’avocat de l’un des Rwandais qui s’est constitué partie civile dans ce procès. Vingt-deux ans après le génocide, notre confrère, africaniste reconnu, témoin de premier plan, reste hanté par les images du génocide dont il a rapporté toute l’horreur dans les colonnes de l’Humanité.

Il est retourné à Kibungo, un mois après sa première visite. Voilà ce qu’il écrivait, le 13 juin 1994 : « Certes, il n’y a pas de limites dans l’atrocité, mais il y a une sorte de frontière psychologique où, sans que l’on sache exactement pourquoi, les survivants craquent : une horreur dans l’horreur que l’on ne peut supporter et que l’on voudrait cacher à la face du soleil. Dans ce cas précis, elle porte un nom : le cadavre mutilé d’un gosse. »

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16:05 Publié dans Guerre, International, L'Humanité, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rwanda, chatain, génocide | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook |

22/06/2016

La dernière grande manifestation interdite de la CGT avait fait neuf morts

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humanite-charonne.jpgLOI TRAVAIL - Interdire une manifestation au nom du trouble posé à l'ordre public n'est pas inédit en France. Interdire une grande manifestation organisée par la CGT, premier syndicat représentatif, est en revanche rarissime. Et la dernière fois que cela s'est produit, l'histoire s'est achevée sur un drame enseigné dans les livres d'histoire.

Il faut remonter à la fin de la guerre d'Algérie pour retrouver pareille interdiction. A l'époque, le puissant Parti communiste français et une intersyndicale réunissant la CGT, la CFTC et l'UNEF décident d'appeler à une grande manifestation parisienne le 8 février "contre le fascisme". Leur cible n'est pas tant le pouvoir incarné par le général de Gaulle mais l'Organisation de l'armée secrète (OAS) qui multiplie les attentats dans la capitale au nom de l'Algérie française.

Ironie de l'histoire, les organisateurs optent à l'époque pour un rassemblement statique place de la Bastille. Invoquant l'état d'urgence décrété depuis un an, le gouvernement et le préfet de police, Maurice Papon, décident d'interdire la manifestation. Une interdiction que vont braver les manifestants qui convergent vers la Bastille en milieu d'après-midi.

Face aux quelques 30.000 manifestants, ordre est donné par la préfecture au millier de policiers positionnés de disperser "énergiquement" les cortèges. Si certains groupes se désengagent pacifiquement, d'autres ripostent aux sommations des forces de l'ordre, entraînant des affrontements sporadiques.

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Refoulés jusque dans les escaliers du métro Charonne, certains manifestants sont pris dans une bousculade et visés par les coups de matraque et le jet de grilles émanant des forces de l'ordre. Bilan du drame: 9 morts, dont trois femmes, et plusieurs dizaines de blessés.

Depuis, les syndicats et la gauche commémorent régulièrement ce que certains historiens considèrent comme "un massacre d'Etat". Une plaque portant le nom des victimes apposée à l'intérieur de la station de métro est fleurie chaque année.

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29/05/2016

L’Assemblée refuse la réhabilitation collective des fusillés de 14-18

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Une nouvelle loi proposée par les députés Front de gauche, après l’encadrement des salaires des patrons, a été rejetée jeudi. Alors que vont débuter les commémorations du centenaire de la bataille de Verdun, l’Assemblée a refusé de réhabiliter de manière collective les fusillés pour l’exemple de 14-18.

A la demande du secrétaire d'Etat chargé des Anciens combattants, Jean-Jacques Todeschini, la majorité du groupe PS, les radicaux de gauche, les élus de droite et du centre ont voté un amendement supprimant l'article unique du texte. Défendue par le groupe front de gauche et par son président le député André Chassaigne, cette loi avait pour but de « de porter une exigence de justice à l’égard de tous ces « civils déracinés » dont parlait Henri Barbusse, sous l’uniforme desquels on reconnaissait le laboureur et l’ouvrier, et qui furent condamnés à mort, le plus souvent de manière expéditive par des conseils de guerre spéciaux ou parfois de simples officiers, pour refus d'obéissance, abandon de poste ou désertion à l'ennemi… »  
650 fusillés pour l’exemple pour des faits de désobéissance étaient concernés, et non les soldats condamnés pour crimes de droit commun et espionnage.

C’est le député Jean-Jacques Candelier qui portait la loi. Dans son adresse à l’Assemblée, il expliquait : « Le Parlement n’a pas pour mission de juger, et ce n’est pas la prétention de la présente proposition de loi. Aujourd’hui, il est simplement question de s’interroger sur la place que la Nation souhaite réellement accorder à ces soldats au sein de sa mémoire. En déposant une proposition de loi visant à procéder à une réhabilitation des « fusillés pour l’exemple » de la Première Guerre mondiale, les députés du groupe GDR poursuivent modestement le combat entamé dès les premiers mois de la Grande guerre par certains de nos illustres prédécesseurs, comme les députés Jean Parvy, Louis Andrieux, Jean-Baptiste Giray, Aristide Jobert ou Paul Meunier, qui s’exclamait à la tribune en 1916 : « Il faut en finir, Messieurs, avec les crimes des conseils de guerre ».
C’est pour cette raison qu’il lui faut aujourd’hui procéder à une réhabilitation collective et générale des fusillés et demander pardon à leurs descendants de les avoir oubliés, stigmatisés, et rejetés, alors même que dans l’ensemble, ceux-ci ont pour la plupart combattu, brandissant leurs baïonnettes face à l’artillerie pour défendre la patrie. C’est à ce prix que la nation cessera d’être hantée par Alphonse, Octave, Louis, Eugène, Paul, Emile, Lucien et les autres. C’est à ce prix que nous pourrons rendre justice à ceux ayant connu l’épreuve tragique de l’épée qui se baisse, du bruit fracassant des douze coups de fusil et du bruit mat des balles qui pénètrent dans les corps, du coup de grâce dans la tempe, de la parade devant le corps. »

Mais pour le secrétaire d'Etat aux Anciens combattants, "le moment n'est pas venu" pour une réhabilitation générale. Jean-Jacques Todeschini a rappelé que le Premier ministre Lionel Jospin avait rendu en 1998 un hommage inédit aux "fusillés pour l'exemple" et que dix ans plus tard, le président Nicolas Sarkozy avait fait de même à la mémoire de tous les soldats de la Première Guerre mondiale, sans exception.
Le secrétaire d'Etat a également rappelé l'annonce faite en 2013 par François Hollande de la création d'un espace consacré aux fusillés au Musée de l'Armée aux Invalides, ainsi que la numérisation et la mise en ligne sur le site "Mémoire des Hommes" des dossiers des conseils de guerre. Ces mesures sont effectives depuis le 11 novembre 2014.

Jean-Jacques Candelier. « Ce n’était pas infâmant de reculer de quelques dizaines de mètres, surpris par une attaque, pour mieux repartir au combat. Ce n’était pas infâmant de ne pas sortir de sa tranchée, quand devant vos yeux s’amoncellent les corps de vos camarades tombés par vagues lors d’absurdes attaques. Ce n’était pas infâmant de ne parler que corse ou breton et de ne pas être en mesure d’expliquer sa blessure. Pourtant, nombre de soldats français sont morts sous les balles de leurs camarades pour de tels faits. Les histoires du soldat Lucien Bersot, exécuté pour ne pas avoir voulu porter le pantalon tâché de sang d’un camarade mort au combat, ou du sous-lieutenant Chapelant, fusillé attaché à son brancard, sont les plus connues. »

Durant la Grande Guerre, 7,8 millions de Français ont été mobilisés. Au total, 1,3 million d'hommes ont été tués, laissant 700.000 orphelins et 600.000 veuves.

Vendredi, 27 Mai, 2016
Humanite.fr
 
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