09/06/2015
"Une vie de résistante, Marie-Claude Vaillant-Couturier"
Quand elle entre dans la salle du procès des dirigeants nazis à Nuremberg le 28 janvier 1946, Marie-Claude Vaillant-Couturier aimante tous les regards. Cette belle et grande femme blonde aux yeux bleus, plutôt que s’avancer vers la barre où le président du tribunal vient de l’appeler, se dirige droit vers les bancs des accusés.
Plantant ses yeux dans ceux des dignitaires nazis, cette femme sortie de l’enfer concentrationnaire sept mois auparavant défie les responsables de la solution finale. Avec elle, est entré dans cette salle le « terrible cortège de tous les rayés et tous les tondus des camps de concentration, avec le dernier corps trébuchant des affreuses files de Nuit et Brouillard, enfin tombé sous les crosses ; avec les huit mille Françaises qui ne sont pas revenues des bagnes, avec la dernière femme morte à Ravensbrück pour avoir donné asile à l’un des nôtres » (1).
À la barre, elle apostrophe les responsables nazis : « Regardez-moi car, à travers mes yeux, ce sont des centaines de milliers d’yeux qui vous regardent, par ma voix, ce sont des centaines de milliers de voix qui vous accusent. »
Par cette scène initiale, Gérard Streiff ouvre une biographie rapide et bien enlevée de cette communiste hors du commun à l’usage des jeunes lecteurs. Autant dire que, en suivant les pas de Marie-Claude Vaillant-Couturier, on arpente le monde du XXe siècle. Photographe, journaliste, militante infatigable, pacifiste et féministe, élue communiste, elle a voyagé de par le monde et traversé les classes sociales.
Issue de la bourgeoisie éclairée, elle rejoint les rangs des révoltés refusant les inégalités. Difficile avec un tel personnage, dans un texte si court, de ne pas verser dans l’hagiographie. L’auteur y parvient en refusant de l’enfermer dans la légende, mais en décrivant une femme « unique, engagée, habitée par la passion politique, d’une incroyable vitalité, élégante et discrète, humble mais tenace, simple et altière à la fois. Une sorte d’aristocrate rouge qui semble sortie d’un roman de Jean Vautrin ».
Marie-Claude Vaillant-Couturier n’entrera pas au Panthéon en ce mois de mai, François Hollande ayant choisi d’autres personnalités pour féminiser un peu ce temple républicain si masculin. À lire ce portrait, on comprend qu’il a fait une erreur. Raison de plus pour encourager sa lecture par les plus jeunes.
10:21 Publié dans Actualité, Biographie, Deuxième guerre mondiale, Résistance | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : résistance, panthéon, marie claude vaillant couturier | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook |
02/06/2015
Le Vatican et la Croix-rouge ont aidé des milliers de Nazis à s'échapper
Gerald Steinacher, un chercheur à l’Université de Harvard, vient de publier un ouvrage : « How Hitler's henchmen fled justice » (Comment les hommes de main d'Hitler sont parvenus à fuir la justice). Ayant eu accès aux archives du Comité international de la Croix Rouge (CICR), il a découvert comment des criminels comme Adolf Eichmann, Josef Mengele et Klaus Barbie ont pu échapper aux alliés.
Ce serait le Haut Commissariat aux Réfugiés du Vatican qui aurait sciemment procuré des sauf-conduits aux nazis. Pourquoi ? Steinacher pense que le Vatican était motivé par son espoir de faire renaître la Chrétienté Européenne, et sa crainte de l’Union Soviétique.
Munis de ces papiers, les criminels de guerre pouvaient se présenter aux contrôles de la Croix Rouge. Celle-ci, dépassée par les millions de réfugiés, faisait confiance aux références du Vatican. Il est également probable que certains de ses employés aient sympathisé, humainement ou politiquement, pour ces individus. La Croix-Rouge aurait ainsi émis 120.000 des formulaires de voyage et permis à 90% des anciens nazis de fuir par l’Italie, et d’aller en Espagne, ou en Amérique du Nord ou du Sud, en particulier en Argentine. A certains points de passages, ils devaient être mêlés à des Juifs qui tentaient de gagner la Palestine en passant par l’Italie…
Steinacher estime qu’environ 8.000 Waffen-SS auraient pu trouver refuge en Angleterre et au Canada en 1947.
La Croix Rouge a refusé de commenter directement l’ouvrage de Steinacher, mais on peut lire sur son site qu’elle regrette que des criminels nazis aient abusivement utilisé les papiers qu’elle a pu leur fournir.
L’ouvrage de Steinacher est également intéressant parce qu’il permet de faire une importante incursion dans la pensée du Vatican. Les archives du Saint Siège sont toujours interdites d’accès depuis 1939, et pour l'instant le Vatican a refusé de commenter.
source http://www.express.be/joker/fr/platdujour/le-vatican-et-la-croix-rouge-ont-aide-des-milliers-de-nazis-a-sechapper/146982.htm
16:48 Publié dans Deuxième guerre mondiale, International, Occupation, Résistance | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vatican, hitler, nazis, croix rouge | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook |
17/05/2015
«Transition» espagnole: assez de bourrage de crâne!
Le seul et premier référent démocratique reste la Seconde République de 1931, même si la République a été consensuellement sacrifiée sur l’autel du rétablissement de « la démocratie » ; une démocratie par ailleurs bancale, incomplète, une Constitution non laïque, prônant l’économie de marché, un roi chef d’Etat et d’une armée garante de « l’unité de l’Espagne », une loi électorale profondément injuste favorisant le bipartisme « libéral », et une monarchie illégitime (pas de consultation référendaire du peuple espagnol). Par ailleurs, la monarchie est par définition non démocratique, vu que le pouvoir n’y émane pas du peuple des « citoyens ».
Par conséquent, la véritable « transition » reste, selon nous, à mener à bien.
Aujourd’hui, tout le modèle politique que les « transitionnalistes » nous ont tant et tant vanté, la monarchie prétendument « immaculée », la « transition », ce paradigme exportable que supposément le monde entier enviait, apparaissent obsolètes, en décalage total avec les profondes mutations d’une Espagne plurinationale, et d’une société qui veut sortir de l’étouffoir post et néo-franquiste.
Pour comprendre la situation de crise structurelle, globale, que vit cette Espagne aujourd’hui, ainsi que le moment actuel d’accélération de l’histoire, le jaillissement inédit de « Podemos », il faut partir de cette « transition », de ce mythe qui se décompose, et la-le « déverrouiller » définitivement, en finir avec le bourrage de crâne d’une « démocratie exemplaire », « octroyée »... Les uns et les autres, franquistes « d’ouverture » (« Alliance Populaire », « Centre Démocratique et social »), gauche modérée (PSOE) et communiste (PCE), majoritairement « carrilliste », ont voulu faire de la « transition » un récit fondateur, identitaire, « modélique » ; or nous sommes loin de la réalité.
C’est parce que la « transition » reste une « histoire du présent » que le moment exige de remettre en cause toutes les mythifications, les mystifications, sur cette période déterminante de l’histoire espagnole. Ce sont en fait les classes dominantes franquistes, la finance, qui ont fait la « transition », et qui se sont par ailleurs très vite démocratiquement recyclées dans la monarchie parlementaire, qui ont basculé sans aucun scrupule, à peine maquillées, du côté de la nouvelle donne « démocratique », voire « socialiste».
La principale critique que l’on doit porter à la « transition », c’est qu’elle n’a pas marqué de rupture de fond avec le franquisme, que l’Espagne n’a pas été véritablement défranquisée. Le poids des forces sociales et politiques les plus déterminées n’a pas été suffisant pour imposer une rupture pleinement démocratique avec la dictature.
Peu à peu la politique des compromis a entraîné la démobilisation du peuple. C’est donc la politique des « pactes », le projet du système, celui porté par le « centriste » de l’UCD Adolfo Suarez, nommé le 3 juillet 1976 président du gouvernement, qui l’a emporté. Le secrétaire général du puissant PCE, Santiago Carrillo, et A Suarez, franquiste « modernisateur », « réformiste », dernier Secrétaire général du parti unique franquiste (le « Mouvement national ») et recyclé en démocrate UCD, restent les deux principales figures politiques qui ont ourdi l’essentiel de l’architecture de la « transition », avec l’accord global du roi Juan Carlos, héritier du dictateur.
Le PCE était le grand parti de l’anti-franquisme, le principal référent antifasciste. Lors de la Semaine sainte de 1977, le 9 avril, la direction du PCE, par la négociation, « imposa » pour les uns, « troqua » pour les autres, la légalisation du parti contre le renoncement à la République et à son drapeau... Le référendum constitutionnel du 6 décembre 1978 (87,8% de « oui ») paracheva un consensus contre-nature.
Dès lors, le PCE, déchiré entre courants opposés, inscrivit son action dans le cadre des pactes de « la transition », (Loi pour la Réforme politique approuvée par référendum le 15 décembre 1976...) et d’une monarchie « poutre maîtresse » du continuisme franquiste, des intérêts de l’oligarchie. Le PCE implosa et s’affaiblit considérablement...Il changea de cap tardivement mais radicalement, à son 18ième congrès, en 2009 ; il s’engagea dans une mutation difficile, considérant la « transition » « épuisée », l’analysant comme le rétablissement de la dynastie des Bourbons, et prônant désormais une Troisième République anticapitaliste, sociale, fédérale, répondant aux défis d’aujourd’hui, et notamment à la crise du « pacte territorial ».
REPOLITISER
Dans les années 1970, dans le cadre de fortes pressions internationales « occidentales », et d’un climat anxiogène de peur, réel, mais volontairement surévalué, toutes les grandes forces politiques espagnoles ont donc contribué à évacuer de la « transition » le contenu social de classe, à la dépolitiser. Qu’est-ce que le Pacte de la Moncloa (25 octobre 1977), signé par l’ensemble des grandes forces politiques et syndicales, soutenu par le PCE, sinon la volonté de modérer les revendications pour ne pas gêner le processus consensuel en cours, de mettre le pied sur le frein de l’activisme social ?
On sait aujourd’hui que la « transition » a été supervisée, au printemps 1977, par une alliance entre les Etats-Unis, la CIA (Vernon Walters, numéro deux de la centrale, H. Kissinger, déstabilisateur du Chili d’Allende) et la social-démocratie (W. Brandt, président de l’Internationale Socialiste, H. Smith, chancelier allemand). Pour Washington, il fallait ripoliner le franquisme afin de maintenir l’Espagne à tout prix sous contrôle « occidental » (l’Espagne adhéra à l’OTAN en décembre 1981). La « transition » ne fut pas aussi « pacifique » que certains historiens le prétendent encore (répression violente du 1er mai 1977, 5 ouvriers assassinés à Vitoria le 3 mars 1976).
Sans rupture donc, le franquisme social, idéologique, politique, économique, a continué (certes sans le dictateur), à survivre allègrement. La loi d’amnistie du 16 octobre 1977 (votée par tous à l’exception de la néo-franquiste « Alianza Popular » de Fraga Iribarme), amnistiait à la fois les bourreaux et leurs victimes, verrouillait (et verrouille encore, le juge Garzon s’y est cassé les dents) l’impunité du franquisme. Au nom de la « réconciliation » imposée, d’une imposture : la « responsabilité collective », au nom de l’effacement des responsabilités, elle renvoie en quelque sorte dos-à-dos franquistes et antifascistes. Elle ne solde pas véritablement les comptes du franquisme. L’article deux stipule : sont amnistiés « les délits commis par les fonctionnaires et agents de l’ordre public contre l’exercice des droits des personnes ».
Tout au long de la « transition », les classes dominantes ont garanti (et garantissent encore) le statut structurant, hégémonique, du « bloc oligarchique ». De plus, elles ont voulu « tirer un trait sur le passé », qui désormais refait surface. Elles ont imposé «le pacte de l’oubli ». L’oubli (en surface) résulte donc de stratégies politiques, d’un pacte entre deux « camps » très inégaux, et non d’une prétendue amnésie des Espagnols.
Il découle de tout cela que l’Espagne n’a pas fait de l’antifascisme un élément clé de son identité. Elle peut « s’enorgueillir » de posséder le seul parc thématique fasciste au monde : « le Valle de los Caídos », la « Vallée des Morts », à la gloire des « vainqueurs de la croisade », et dont la géante basilique-tombeau de Franco a été creusée dans la roche par des milliers de prisonniers politiques esclaves.
Ce parc national, entretenu aux frais des contribuables, rappelle que le soulèvement politico-militaire de juillet 1936 était bien une implacable contre-offensive de classe afin d’exterminer ces ouvriers des villes et de la campagne qui mirent en cause, par la République (très réformiste) proclamée le 14 avril 1931, et la victoire électorale du Front Populaire en février 1936, les intérêts des classes dominantes. Il leur fallait anéantir à tout jamais tout projet de justice sociale. Sans retour en arrière possible. C’est pourquoi le franquisme fut l’une des dictatures les plus longues et sanglantes de l’histoire contemporaine...et la « transition » un bricolage de classe.
Par Jean Ortiz, universitaire, article publié par l'Humanité
21:01 Publié dans Espagne, Guerre d'Espagne, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : espagne, franco, hitler | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook |