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15/03/2015

LE DESTIN TRAGIQUE DE MONSIEUR FREMINVILLE

Christophe-Paulin_de_la_Poix_de_Fréminville.jpgMonsieur Fréminville était un officier de marine qui avait parcouru le monde entier, ainsi qu'un des grands archéologues de la Bretagne.

C'était également un savant éminent qu'on venait parfois voir de fort loin et on comprend l'étonnement des visiteurs qui n'étaient pas avertis : « Au lieu du vénérable savant à lunettes qu'on imaginait, écrivit G. Lenotre, on voyait paraître une femme mince et minaudière, vêtue d'une robe de soie, coiffée d'un chignon à la maréchale, une mouche sur la joue rasée de près et fardée ; les favoris blancs du vieux loup de mer se dissimulaient sous les rubans roses d'un bonnet à fleurs, pomponné de noeuds de dentelles rares. »

Fréminville était parfaitement conscient de l'étonnement de ses concitoyens et il essayait beaucoup de se justifier. « C'est une simple manie, disait-il, aussi innocente à satisfaire que les autres manies. » Son travestissement n'avait en effet pas de signification spéciale et le Chevalier était absolument normal. C'est là un point important pour comprendre son histoire.

En fait, il était sans doute « traumatisé » par un événement affreux qu'il avait vécu lorsqu'il était jeune et se trouvait lieutenant de vaisseau sur la Néréide. Un jour le bateau séjourna aux Antilles, et plus précisément aux Saintes. Fréminville, passionné d'histoire naturelle, passait ses journées à s'intéresser aux plantes, aux insectes, aux coquillages.

On l'avait surnommé Monsieur Coquille ou Monsieur Papillon. Il ne regardait même pas les jolies créoles de l'île. Il menait une vie qu'il trouvait passionnante jusqu'au jour où, en essayant de cueillir une branche de corail, il manqua se noyer. Après avoir été roulé par les vagues et projeté sur des rochers, il se réveilla dans une jolie chambre. Il avait été recueilli par une jeune et riche veuve qui vivait là avec sa soeur Caroline.

Sa convalescence fut agréable et rapide. Il passa des moments délicieux à se promener,à parler ou à écouter de la musique... et, on s'en doute, était devenu très amoureux de Caroline lorsque brutalement il reçut l'ordre de rembarquer. On était alors en 1822, le Romantisme faisait ses premiers pas et Caroline tomba évanouie en apprenant la nouvelle.

Puis elle passa des jours et des mois sur la plage à guetter le retour du bateau. Un jour, enfin, elle vit la Néréide au loin, mais le navire n'approcha pas de l'île et poursuivit son chemin : il avait encore une certaine mission à remplir.

Lorsqu'un peu plus tard, Fréminville revint aux Saintes, il se dirigea vers la maison de Caroline.

Il entra, mais il n'y avait personne. En passant près du cimetière, il vit une tombe toute fraîche. Sur la dalle se trouvait gravé le nom de celle qu'il aimait. Elle avait cru que le bateau ne reviendrait plus jamais et elle s'était noyée le soir du 3 novembre 1822 en tenant serrées contre elle les lettres qu'il lui avait écrites.

Fréminville tomba malade, il eut une fièvre très violente, il délira plusieurs jours. On eut peur qu'il perde la raison. Une fois guéri, il semblait normal mais, en retournant à Brest, il rapportait avec lui la robe avec laquelle on avait retrouvé Caroline. Et cette robe, il lui arrivait souvent de la vêtir.

Il en arrivait parfois à se croire être la jeune fille qu'il avait aimée, comme s'ils ne formaient plus qu'un. Il signait souvent Caroline et écrira même un petit livre sous ce nom. « Parfaitement raisonnable sur tout ce qui concernait et sa profession et la science, écrira Lenotre, il était devenu fou du seul amour qu'il avait connu. » On le verra même signer ses lettres La chevalière de Fréminville.

France Télévision

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19:25 Publié dans Biographie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : freminville | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook |

01/03/2015

De février 1945 à mai 1946, la longue naissance des comités d’entreprise

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Vieille revendication du monde ouvrier, les comités d’entreprise sont nés de la volonté du Conseil national de la Résistance. D’abord sous la forme d’une ordonnance quasiment sans contenu puis 
dans un texte bien plus progressiste soutenu par Ambroise Croizat.

La revendication d’un accès des travailleurs à la gestion des entreprises est aussi vieille que le mouvement ouvrier. Elle traverse les luttes du XIXe siècle, s’affirmant notamment dès 1884 chez Schneider au Creusot par la volonté ouvrière d’imposer une gestion indépendante de la caisse de secours.

Cette aspiration au contrôle des entreprises se prolongera dans les grèves lancées par les fédérations CGT des cheminots et des métaux entre 1914 et 1918 et surtout après 1920. Parce qu’elle était inspirée par l’expérience de la révolution soviétique, elle fut qualifiée de « soviet d’usine » par le Comité des forges. Portées par les mouvements de mai 1936, elles recevront un début d’application sous le Front populaire à travers l’institution des conventions collectives et des délégués ouvriers.

Avec les orages de la guerre, la suppression des libertés syndicales et l’institution de la charte du travail prônant la collaboration du capital et du travail, le régime de Pétain fit taire toutes ces revendications en les noyant dans de vagues « comités sociaux » désignés par le patronat lui-même. Il faut attendre l’affirmation de la résistance et l’espoir nourri au cœur des maquis d’offrir à la France un visage social de dignité pour voir germer ce que l’on appellera les comités d’entreprise.

Ils naissent à la convergence de deux réflexions collectives. La première est menée depuis le sol français par le Conseil national de la Résistance qui mûrit un programme où apparaît l’idée de l’association des travailleurs à la gestion des entreprises. La seconde est initiée sous la maîtrise d’œuvre d’Ambroise Croizat, depuis Alger.

Nommé dès sa libération du bagne pétainiste par la CGT clandestine président de la commission du Travail de l’Assemblée consultative qui entoure le Comité français de libération nationale dirigé par de Gaulle, il façonne au cœur d’une équipe de syndicalistes les grands volets de l’invention sociale de la Libération.

Au centre de cette innovation s’impose l’idée d’un véritable contrôle ouvrier de l’appareil économique.Son intervention sur Radio Alger le 6 janvier 1944 en donne la mesure : « Les larmes n’auront pas été vaines. Elles accoucheront bientôt, sur un sol libéré, la France de la sécurité sociale et des comités d’entreprise. »

Cette double réflexion peaufinée entre Alger et la France clandestine trouvera enfin réalité dans l’un des articles lumineux du programme du CNR publié le 15 mars 1944 : « Nous réclamons l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale impliquant l’éviction des féodalités financières… et la participation des travailleurs à la direction de l’économie. »

Dans le climat insurrectionnel de la France libre, face à un patronat déconsidéré par sa collaboration, la classe ouvrière, grandie par sa résistance, va s’emparer des orientations du CNR pour tenter de créer de multiples « comités spontanés » visant à exiger un réel contrôle ouvrier des entreprises.

« Nous réclamons l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale impliquant l’éviction des féodalités financières… »

Ainsi naquirent une floraison de comités à la production, de comités patriotiques, et même des comités de gestion, comme ce fut le cas dans l’Allier et à Lyon. Il y eut même des réquisitions collectives avec directions provisoires à Marseille. Inquiet devant la poussée subversive de ces « comités d’usine » et poussé par les directions d’entreprise, le général de Gaulle orienta le débat vers la publication d’une ordonnance moins périlleuse pour l’ordre établi.

Promulguée le 22 février 1945 par Alexandre Parodi, ministre du Travail, sous une forte pression patronale et contre les propositions avant-gardistes de l’Assemblée consultative menée par Croizat, elle déçut profondément les syndicalistes. Privant les comités d’entreprise de pouvoirs de décision économique, elle mettra uniquement l’accent sur l’autorité des nouvelles institutions en matière de gestion des œuvres sociales.

Il faudra attendre les élections de la « Constituante » d’octobre 1945 et la forte poussée communiste (26,2 % des voix) pour redonner aux CE les attributions réclamées par la classe ouvrière. Nommé ministre du Travail le 13 novembre 1945, Ambroise Croizat, par la loi du 16 mai 1946, modifie en profondeur l’ordonnance.

Elle double le nombre des entreprises concernées en réduisant le seuil de l’effectif de 100 à 50 salariés, donne au CE un droit d’information (et non plus de consultation) sur l’organisation et la marche de l’entreprise. Doublant les heures de délégation des salariés élus et réduisant l’âge d’éligibilité à 21 ans, elle ajoute au pouvoir de l’institution le droit d’information obligatoire sur les bénéfices et les documents remis aux actionnaires ainsi que la précieuse assistance d’un expert-comptable.

Au total et malgré les déréglementations qui vont suivre, le comité d’entreprise reste l’un des grands conquis sociaux du siècle, formidable outil d’émancipation populaire par le biais des activités sociales et culturelles.

REPÉRES

8 juin 1936. 
Accords 
de Matignon : création des délégués du personnel.

1941. Le gouvernement 
de Vichy crée les comités sociaux d’établissement 
qui ne débattent que des questions sociales.

19 novembre 1944. Ordonnance instituant 
les comités d’entreprise. 
Les questions économiques 
y sont consultatives.

26 mai 1946. Loi défendue par Ambroise Croizat.

LE CCOS EDF-GDF, un cas unique en France… C’est le 8 avril 1946, dans le sillage de la nationalisation d’EDF-GDF et du statut des électriciens et gaziers 
du 21 juin, que naît le Conseil central des œuvres sociales (CCOS). Œuvre essentielle de Marcel Paul, ministre communiste de la Production industrielle dès novembre 1945, il affiche une double originalité.

Géré uniquement par les travailleurs, il est financé sur le 1 % minimum des recettes d’EDF-GDF et non sur la masse salariale. Malgré les attaques dont il fait l’objet dès sa création de la part des gouvernements successifs et du patronat, le CCOS, qui deviendra CCAS en 1964, est à l’origine d’un fabuleux développement des activités sociales et culturelles : centres de santé et de repos, centres de vacances jeunes ou adultes, bibliothèques, expériences culturelles…

Michel Etiévent, L'Humanité
 
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19/02/2015

Paris, asile des crimes coloniaux

colonies,guerres,crimes,france,parisLe Colonial Tour 2015, organisé par le réseau Sortir du colonialisme, met en lumière les crimes politiques commis dans la capitale.

France, pays des droits de l’homme. Paris, capitale de la liberté, ville refuge des opprimés. Un havre pour tous ceux dont l’engagement fait planer des menaces sur leurs vies. C’est une réalité reconnue. Au cours de l’histoire, combien de poètes menacés, de militants condamnés, de dirigeants exilés ont-ils trouvé asile sur les rives de la Seine ? Et pourtant…

Pourtant : 21 mai 1959, 13, rue Guénégaud, 6e arrondissement. À l’entrée de son cabinet, les autorités expliquent à la femme de l’avocat Amokrane Ould Aoudia que celui-ci est décédé d’un infarctus. Algérien, il était l’un des membres les plus actifs du collectif de défense des militants du Front de libération nationale. Le lendemain seulement, on révélera que l’avocat est mort d’une balle dans le front.
 
Pourtant : 29 octobre 1965, boulevard Saint-Germain, 6e arrondissement. Le fondateur de l’Union nationale des Forces populaires opposées au roi du Maroc Hassan II, Mehdi Ben Barka, chargé de l’organisation de la Tricontinentale qui doit se tenir à La Havane, est abordé par deux policiers alors qu’il se rend à un rendez-vous à la brasserie Lipp. Il les suit sans faire d’histoire jusqu’à leur voiture où l’attendent déjà un agent des services français et un membre identifié du grand banditisme. C’est la dernière fois qu’on le voit. Son assassinat ne fait aujourd’hui plus de doute.
 
 
Pourtant : 8 décembre 1972, 177, rue d’Alesia, 14e arrondissement. Une bombe dissimulée dans sa table de nuit explose, alors que Mahmoud Al Hamchari est alité. Le jeune homme, Palestinien, avait été envoyé trois ans plus tôt en France par Yasser Arafat, afin d’y monter une représentation palestinienne. Il décède des suites de l’attentat le 9 janvier 1973.
 
Pourtant : 4 mai 1978, 4, rue Rollin, 5e arrondissement. Henri Curiel, militant internationaliste ayant grandi en Égypte et disposant d’un réseau étendu, sort de chez lui pour se rendre à un rendez-vous. Depuis quelque temps, il fait le médiateur entre Palestiniens et Israéliens intéressés par la paix. En bas de l’ascenseur, deux hommes l’attendent. Les balles atteignent Henri Curiel à travers la grille.
Il meurt.
 
colonies,guerres,crimes,france,parisPourtant : 29 mars 1988, 28, rue des Petites-Écuries, 10e arrondissement. La militante anti-apartheid Dulcie September, envoyée à Paris pour représenter l’ANC, arrive à son bureau. Elle a récemment été agressée dans le métro. La police lui a refusé une protection. Ce jour-là, elle est attendue sur le palier. Elle meurt de cinq balles dans la tête.
 
Pourtant : 8 novembre 2012, 341, rue des Pyrénées, 20e arrondissement. Nadarajah Mathinthiran quitte le Comité de coordination Tamoul en France, qu’il dirige. Quelque temps auparavant, il a essuyé une agression au sabre. Ce soir-là, ce sont des armes à feu qui ont raison de lui. Il meurt sur le trottoir.
Pourtant : 9 janvier 2013, 147, rue La Fayette, 10e arrondissement. Trois figures du PKK, le parti autonomiste kurde de Turquie, trois femmes emblématiques de trois générations de combattantes, Sakine Cansiz, Fidan Dogan et Leyla Soylemez, sont assassinées par balles, dans leur local du centre d’information du Kurdistan.
 
Cette liste est loin d’être exhaustive. Elle pourrait être complétée d’autres noms, d’autres adresses. Iraniens, Syriens, Algériens, Palestiniens…, ils sont hélas nombreux à être morts à Paris alors qu’ils pensaient y trouver la sécurité.
 
Les affaires citées ci-dessus sont celles choisies par le réseau Sortir du colonialisme, organisateur de la Semaine anticoloniale, pour leur troisième Colonial Tour : une traversée de Paris en autocar, ponctuée d’arrêts en des lieux porteurs d’une partie d’histoire, chaque fois racontée par un grand témoin. Thème cette année : « Paris capitale des crimes coloniaux ».
 
Un but : alerter. Car ces crimes ne sont ni un hasard ni une fatalité. Pour les organisateurs de l’événement, ils sont en fait permis par l’impunité organisée en France. Car aucun des crimes cités dans cet article n’a jusqu’à aujourd’hui donné lieu à la moindre poursuite judiciaire. Et pourtant, les commanditaires de nombre de ces assassinats sont connus. On sait que c’est le Mossad qui a assassiné Mahmoud Al Hamchari sur ordre de Golda Meïr.
 
On sait que le Royaume du Maroc et particulièrement son ministre de l’Intérieur de l’époque, le général Oufkir, seraient derrière la disparition de Mehdi Ben Barka. On sait que le gouvernement d’apartheid sud-africain n’est pas étranger à l’assassinat de Dulcie September, et que ses exécutants sont probablement des mercenaires issus de la bande de Bob Denard.
 
On se doute, car il y a eu des aveux que le gouvernement turc se cache derrière l’éxécution des militantes kurdes… « L’impunité est non seulement intolérable sur le plan moral, mais elle a en plus une conséquence : elle encourage d’autres assassinats politiques. On sait qu’en France, si on décide de procéder de la sorte, on ne risque pas grand-chose », se désole l’avocat Antoine Comte, qui a travaillé sur plusieurs de ces dossiers ultrasensibles. Souvent, il s’est heurté au secret d’État. Parfois, les assassins identifiés avaient été renvoyés dans les pays commanditaires… par les autorités françaises.
 
Alors les militants de Sortir du colonialisme lancent cette année un appel aux autorités pour que « ces crimes ne restent pas impunis ». Hier, alors que l’autocar roulait des lieux d’un crime à un autre, Louis-Georges Tin, président du Cran et membre du réseau, recevait un appel. C’était le cabinet de la garde des Sceaux, Christiane Taubira. La chancellerie recevra vendredi ceux qui continuent d’exiger que la France ne soit plus le « pays des crimes politiques impunis ».
 
Adrien Rouchaleou pour l'Humanité
 
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