02/01/2017
Récit. Comment on devient Élisée Reclus
Alain Nicolas, L'Humanité
Fils de pasteur et promis à la carrière de son père, il devint géographe, militant anarchiste et communard. Thomas Giraud trace le parcours sensible de ses années de formation.
Parti pour être pasteur, il revient géographe. Élisée (1830-1905)n’aura pas le destin que rêvait pour son fils Jacques Reclus, l’intransigeant pasteur calviniste de Sainte-Foy-la-Grande. Des quatorze enfants de Jacques et Zéline, plusieurs seront savants, marins, médecins, mais Élisée est le seul dont le nom ait quelque écho de nos jours. De notre mémoire reviennent quelques images fugaces, une tête barbue et chevelue d’un autre siècle, qui pourrait bien appartenir à la troupe des savants farfelus qui jouent les seconds rôles dans Tintin. On pense aussi géographie, anarchie, commune, prison. C’est peu.
Doux et inflexible
L’entreprise de Thomas Giraud est donc bienvenue, qui nous donne pour compagnon, le temps d’une lecture, cet homme qu’on imagine doux et inflexible. Confiance en l’avenir au plus noir de la défaite, refus du compromis, souci d’accorder au plus juste vie personnelle et histoire, Élisée Reclus semble répondre à un appel de notre présent. Élisée n’est pourtant pas une biographie au sens classique du terme. Les informations sur un personnage historique tel que Reclus ne sont pas difficiles à réunir avec les moyens contemporains. Un essai sur l’anarchisme aujourd’hui serait certainement utile. Moins attendue, plus profonde, est l’évocation sensible que nous propose Thomas Giraud.
Il y a un malentendu sur Élisée Reclus : « Selon les points de vue, on dira que c’est un grand savant, un humaniste à la Diderot, touche-à-tout curieux, ou bien on le décrit comme un original, confus et dilettante, dispersé, toujours impécunieux. » L’ampleur même, la variété des domaines auxquels il s’attache, le dessert. Thomas Giraud ne vise pas à le réhabiliter – il n’en a nul besoin –, mais à saisir à leur source sa curiosité et ses enthousiasmes.
émergence d’une conscience
Il le montre ainsi parcourant, très jeune, la France à pied, ralliant Nieuwied, en Allemagne, puis Orthez, attentif aux pierres, aux montagnes, aux ruisseaux. Et aux hommes, à leurs travaux et à leurs conditions de vie. Il l’imagine, enfant, ramassant des cailloux, en emplissant ses poches, jouant avec l’encre en rêvant de ses futures cartes. Ou peut-être de son projet de globe terrestre de 127 mètres de diamètre, posé sur la colline de Chaillot pour l’instruction des masses. Élisée écoute les sermons de son père, inquiétant ses ouailles, tentant de secouer leur résignation, leur passivité, de les éclairer d’une pensée sinueuse, tortueuse jusqu’à la contradiction.
Élisée et son frère Élie, s’ennuyant au séminaire de Nieuwied, finissant par le quitter, parcourant les campagnes, travaillant dans les fermes. Telles sont les images que fait naître Thomas Giraud, images de formation avant les grands accomplissements d’Élisée. La géographie n’est pas encore là, ni l’anarchie, mais ce qui va leur donner naissance s’élabore dans l’incorporation des paysages, la rencontre de grévistes, la résistance au destin voulu par le père.
Pas de biographie détaillée donc, pas même « les enfances d’Élisée Reclus », mais une tentative d’habiter poétiquement une conscience en train de s’accoucher elle-même, tel est le projet d’Élisée. Chaque fleuve franchi, chaque montagne gravie, chaque sillon retourné, chaque ouvrier croisé rapproche l’enfant du savant et du révolutionnaire qu’il deviendra. Thomas Giraud nous donne la certitude que le rendez-vous ne sera pas manqué.
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29/11/2016
Fidel Castro : un géant du XXe siècle
l'Humanite.fr Un récit de José Fort.
Rarement un révolutionnaire, un homme d’Etat aura provoqué autant de réactions aussi passionnées que Fidel Castro. Certains l’ont adoré avant de le brûler sur la place publique, d’autres ont d’abord pris leurs distances avant de se rapprocher de ce personnage hors du commun. Fidel Castro n’a pas de pareil.
Il était « Fidel » ou le « Comandante » pour les Cubains et les latino-américains, pas le « leader maximo », une formule ânonnée par les adeptes européo-étatsuniens du raccourci facile. Quoi qu’ils en disent, Fidel Castro restera un géant du XXe siècle.
12:48 Publié dans Actualité, Biographie, L'Humanité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fidel castro, cuba | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook |
14/08/2016
GEORGES SEGUY UN HOMME EXCEPTIONNEL
« Liberté, indépendance et démocratie »
« Il ne suffit pas de s’indigner, il faut s’engager ! »
6 mars 1927 à Toulouse - Montargis le13 aout 2016
Syndicaliste CGT, résistant, déporté, le mot résister est son mot favori. Il est aussi le fil rouge de sa vie. Georges Séguy c’est l’histoire d’un homme, apprenti typographe, résistant raflé par la gestapo, à 17 ans alors qu’il imprimait l’avant-garde, déporté puis rescapé à Mauthausen. Son enfance à Toulouse, sa jeunesse, la résistance, l’enfer des camps, la lutte, la CGT et tout ce que le syndicalisme lui aura appris.
LES GRANDES DATES
-1942, un soir de mars, son père, en larmes, lui annonce l’exécution de Pierre Semard, dirigeant de la CGT cheminots, grand ami de la famille Séguy. Révolté, il propose à ses camarades de la Jeunesse communiste d’entrer dans les FTP. Le jugeant « trop jeune pour prendre les armes », ils l’orientent sur l’imprimerie, où ses tâches l’amèneront à tenir aussi le rôle d’agent de liaison entre les diverses organisations résistantes.
Apprenti conducteur-typographe, il travaillait dans une imprimerie clandestine. « On imprimait des journaux de la Résistance, Libération, Franc-Tireur, l’Humanité, les journaux syndicaux de la CGT illégale. On a fait des fausses cartes d’identité. On a même édité des faux certificats de baptême catholique, à la demande de l’archevêque de Toulouse, à l’intention d’enfants juifs confiés à des familles d’accueil et dont les parents fuyaient la traque de la police de Vichy. »
-1944, il est arrêté, en février, par la Gestapo et déporté. Il témoigne de l’« horrible voyage » de Mauthausen. « Intégralement nus, entassés dans des wagons à bestiaux, trois jours, trois nuits, sans manger, sans boire, sans voir le jour. »
-1945, délivré seulement en mai, il témoigne de l’écho, au camp de Mauthausen, des nouvelles du front de Normandie et de la libération de Paris. Il a été le plus jeune déporté résistant de France. Il est rapatrié à Toulouse le 5 mai.
-1949, il est porté, à l’âge de vingt-deux ans, à la tête de la fédération des cheminots
-1954, il entre au comité central du Parti communiste français
-1967, il deviendra, jusqu’en 1982, secrétaire général de la Confédération CGT
-1982 à 2002, il est président de l’Institut CGT d'histoire sociale (IHS-CGT)
Il n’a jamais perdu de vue le serment adopté par tous les détenus de Mauthausen : « Poursuivre la lutte après la Libération de telle manière que jamais plus ça ne recommence, que la liberté, le droit des peuples priment tout. »
Convaincu, dit-il, que « si la Seconde Guerre mondiale s’était prolongée de deux à trois mois, aucun d’entre nous n’aurait survécu », il avertit : « Gardons-nous de faire table rase du témoignage des survivants sur ce que fut la barbarie nazie » car l’actualité en France et dans le monde prouve que “le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde” », témoignage et message que, dans le Loiret où il vit sa retraite, il porte encore dans les lycées et collèges où il est souvent sollicité ».
12:19 Publié dans Biographie, Monde, PCF, Résistance | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : georges séguy, syndicaliste, résistant, déporté | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook |