27/07/2015
JOSEPH DE SAINT-GEORGE : LE VOLTAIRE DE LA MUSIQUE
Joseph de Bologne de Saint-George, dit le chevalier de Saint-George, né le 25 décembre 1745 à Baillif en Guadeloupe et mort le 10 juin 1799 à Paris, fut un célèbre musicien et escrimeur français.
« Wateau de la musique », « Voltaire de la musique », comme le surnommait l'abbé Grégoire, ou « Mozart de la musique » les qualificatifs ne manquaient pas pour nommer ce génie de la musique trop méconnu. Il eut même droit au surnom de « Don Juan noir » par jalousie et préjugé raciste.
Saint-George est né esclave en Guadeloupe, sa mère, Anne, dite Nanon (née vers 1723 au Lamentin, en Guadeloupe) étant elle-même une esclave d'origine africaine. Son père, Georges de Bologne de Saint-George (1711-1774), colon protestant d'origine néerlandaise, lui donna une éducation soignée. Il excella très jeune dans plusieurs disciplines : équitation, escrime, danse et musique.
Arrivé définitivement en métropole en 1753, il y fut rejoint, deux ans plus tard, par ses parents et entra à l’académie de Nicolas Texier de la Boëssière afin de se préparer au métier d’officier. En 1761, il fut admis dans le corps prestigieux des gendarmes de la garde du Roi et devint rapidement célèbre pour ses remarquables capacités artistiques et sportives. Il se fit notamment connaître comme violoniste prodige et escrimeur hors pair.
Saint-George dirigea l’orchestre des Amateurs et composa de nombreux concertos pour violon, des quatuors à cordes, des symphonies concertantes. Candidat pour diriger l’opéra (l'Académie royale de musique), il fut évincé lorsque deux chanteuses, Sophie Arnould et Rosalie Levasseur, ainsi qu'une danseuse, Marie-Madeleine Guimard, adressèrent un placet (pétition) à la reine pour « représenter à Sa Majesté que leur honneur et la délicatesse de leur conscience ne leur permettraient jamais d’être soumises aux ordres d’un mulâtre ».
Saint-George reçut le soutien de la communauté musicale parisienne. Louis XVI, pour trancher, attribua la responsabilité de l'opéra à son Intendant des Menus Plaisirs, Papillon de La Ferté. Ceci n'empêcha pas Saint-George d'être reçu à la cour et de devenir l'intime de Marie-Antoinette, ce qui explique, peut-être, une tentative d’assassinat menée par des hommes de la police secrète de Versailles.
En 1777, il fit jouer Ernestine, une comédie à ariettes en trois actes dont le livret avait été rédigé par Choderlos de Laclos. Protégé par la maison d'Orléans et ami du futur Philippe-Égalité, Saint-George se lia, à l'occasion de ses séjours à Londres, avec un autre grand escrimeur, le chevalier d'Éon.
À la Révolution, Saint-George s'installa à Lille et s’engagea dans la Garde nationale avec le grade de capitaine. Le 7 septembre 1792, il devint colonel de la légion franche des Américains et du Midi, en partie composée d'Afro-Antillais ; il y fit nommer lieutenant-colonel son protégé Alexandre Dumas, futur général et père de l’écrivain.
La Légion se forma à Laon avant de rejoindre Lille et l'armée du Nord sous la nouvelle désignation de 13e régiment de chasseurs à cheval où elle fut engagée dans les combats contre les Autrichiens et les immigrés, et participe à la libération de Lille.
Il devint le premier colonel noir de l'armée Française. C'est lui qui arrête, à Lille, l'avant-garde des troupes que Dumouriez a envoyées sur Paris, après sa trahison pour rétablir la monarchie.
Plusieurs fois dénoncé et accusé de royalisme — notamment au moment de la trahison de dumouriez — le chevalier fut pourtant destitué de son commandement par Bouchotte, ministre de la Guerre.
Le 4 novembre 1793, il fut arrêté à Château-Thierry, malgré le soutien de la municipalité. Incarcéré d'abord à Chantilly, puis au château d'Hondainville (Oise) il fut enfin libéré, après presque une année de détention, par ordre du Comité de sûreté générale. Tombant sous le coup d'une loi visant à épurer l'armée de ses officiers royalistes après l'insurrection de Vendémiaire (octobre 1795), il fut définitivement révoqué.
Une légende affirme que le chevalier de Saint-George se serait rendu de 1795 à 1797 à Saint-Domingue où il aurait rencontré Toussaint Louverture.
Il est mort à Paris le 10 juin 1799 d'une infection de la vessie consécutive à une blessure reçue à la jambe durant la Révolution. Contrairement à ce qui a pu être écrit, sa mort est honorée dignement et tous les journaux de l'époque lui ont rendu hommage. Membre de la célèbre Loge des Neuf Sœurs du Grand Orient de France, il fut sans doute l'un des rares anciens esclaves à être reçu maçon.
Saint-George connût une deuxième mort quand le général Bonaparte, premier consul de la première République française (et non pas encore l'empereur Napoléon Ier), après avoir rétabli illégalement l’esclavage aux Antilles le 20 mai 1802, fit brûler toutes ses œuvres le même jour. Napoléon Ier interdit par la suite aux « noirs et gens de couleur » l'entrée à l'armée (29 mai 1802), l'accès au territoire métropolitain (2 juillet 1802) et — pour ceux qui s'y trouvaient déjà — par l'intermédiaire de Claude Régnier, les mariages entrent les Noirs et les Blancs (8 janvier 1803).
Plus question alors de reconnaître qu'un noir, ravalé au rang de bétail, puisse composer de la musique. Saint-George est impitoyablement rayé des répertoires.
La destruction de ses œuvres plus les lois raciales qui fûrent édictées par la suite ont conduit à l'oubli total de Saint-George.
Saint-George revint à la mode à l'époque romantique, et fut notamment cité par Balzac, Alexandre Dumas et surtout le dandy Édouard Roger de Bully (dit Roger de Beauvoir) qui lui consacra un roman adapté au théâtre.
SON OEUVRE
Elle se compose de sept opéras, plus de 100 concertos, trois symphonies, douze quatuors à cordes, et plusieurs sonates.
Ce sont ses quatorze concertos « à violon principal » qui témoignent le mieux de sa technique hardie et pleine d’éclat (batteries, grands écarts mélodiques, contrastes de registres). Instrumentés pour cordes et vents (deux flûtes, deux hautbois et deux cors ad libitum), ils adoptent le plan vivaldien (Allegro où alternent Tutti et Soli, Adagio ou Largo expressif et influencé par l’écriture lyrique, Rondeau).
Son Œuvre musical relève encore du domaine de la Recherche. Il fut bien l’un des meilleurs représentants de l’esthétique concertante des Lumières et l’un des maillons essentiels de la chaîne musicale qui, de Rameau à Berlioz, assura la transition du Baroque au Romantisme.
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12/07/2015
Ils ont été fusillés d’avoir voulu vivre libres
Morts pour la France, la justice, la dignité et la liberté. Qui étaient-ils ? Grâce à un travail de mémoire salutaire, la réponse devient vive. La lecture de ces milliers de biographies ravive leur combat. Ils ne sont pas morts pour rien. La bête immonde a été vaincue. Combat colossal. L’ouvrage est hors normes. Fruit de huit ans de travail, 111 auteurs y ont contribué. Claude Pennetier, qui a codirigé les équipes, en souligne toute la portée : « Les fusillés occupent une place à part dans notre mémoire collective. Ils participent au grand mythe de la Résistance, au sens de vision collective génératrice d’action. La dimension exemplaire ne doit pas pour autant cacher l’épaisseur humaine et la complexité des itinéraires. »
De nombreuses rencontres prévues avec les auteurs dans toute la France
Le dictionnaire propose l’histoire sociale des fusillés. Il fallait pour que « cette entreprise éditoriale un peu folle » se concrétise le concours d’un éditeur et de nombreux partenaires. Bernard Stephan, directeur des éditions de l’Atelier, met l’accent sur une responsabilité liée à l’actualité : « Le passé n’est pas définitivement passé.
Nous voulions répondre en écho à la phrase de Georges Pitard, fusillé au Mont-Valérien le 20 septembre 1941 : “L’avenir nous redonnera la place qui nous convient.” A l’heure où un essai fait la part belle à Pétain, ce travail établit que le régime de Vichy a permis que des milliers d’opposants résistants soient fusillés. » Le projet, à l’initiative de l’historien Jean-Pierre Besse disparu au cours de sa réalisation en 2012, était de rédiger les biographies des exécutés (pour la plupart fusillés) par condamnation en France occupée.
Ce travail s’est alors tout naturellement inscrit dans la dynamique du Maitron, dictionnaire biographique du mouvement ouvrier et social. Un grand nombre de ces victimes, plus de la moitié, peuvent être considérées comme des militants liés à des syndicats, des partis, des associations : syndicalistes, militants communistes, socialistes, chrétiens, issus du sport ouvrier, nombreux étrangers des FTP-MOI, etc.
Bien qu’un grand nombre de collectivités locales aient tenu à donner le nom de fusillés à des voies et lieux publics, de nombreux suppliciés demeurent encore dans l’ombre. Le mérite de ce dictionnaire est d’engager partout ce travail de mémoire.
De nombreuses rencontres autour de sa parution et en présence des auteurs vont se dérouler aux cinq coins du pays.
La première c'est tenue à l’Hôtel de Ville de Paris, grâce au soutien de la mairie et de la maire adjointe adjointe communiste Catherine Vieu-Charrier.
Autre initiative, celle de Nicolas Bonnefoix qui, en publiant un témoignage (Jean-René, fusillé le 11 août 1942, éditions de l’Atelier), rend hommage à son arrière-grand-père, Jean-René, et qui a reçu l’appui de la ville d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne). « Ce passé de l’héroïsme surgit dans le présent comme imaginaire. Nous en avons un besoin politique et culturel vital, mais encore faut-il asseoir ce passé sur une connaissance historique solide », précise Claude Pennetier.
Outre les fusillés suite à une condamnation, un ensemble de biographies concernent les femmes exécutées hors de France et un autre est consacré aux morts sous la torture et suicidés. Et l’historien d’ajouter : « L’impôt du sang par fusillade est bien plus élevé, avec sans doute 20 000 exécutés et massacrés. » Au total, la répression peut être évaluée à 30 000 morts. Les notices des exécutés et fusillés sommaires seront publiées sur le site Maitron en ligne (code numéro d’accès dans le dictionnaire papier). Un site Internet verra le jour d’ici la fin de cette année du 70e anniversaire de la Libération.
"Les Fusillés, 1940-1944", dictionnaire sous la direction de Jean-Pierre Besse, Claude Pennetier, Thomas Pouty et Delphine Leneveu. Éditions de l’Atelier. 1952 pages, 30 euros.
19:45 Publié dans Biographie, Deuxième guerre mondiale, Résistance | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fusillés, "les fusillés, 1940-1944", dictionnaire, jean-pierre besse | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook |
09/06/2015
"Une vie de résistante, Marie-Claude Vaillant-Couturier"
Quand elle entre dans la salle du procès des dirigeants nazis à Nuremberg le 28 janvier 1946, Marie-Claude Vaillant-Couturier aimante tous les regards. Cette belle et grande femme blonde aux yeux bleus, plutôt que s’avancer vers la barre où le président du tribunal vient de l’appeler, se dirige droit vers les bancs des accusés.
Plantant ses yeux dans ceux des dignitaires nazis, cette femme sortie de l’enfer concentrationnaire sept mois auparavant défie les responsables de la solution finale. Avec elle, est entré dans cette salle le « terrible cortège de tous les rayés et tous les tondus des camps de concentration, avec le dernier corps trébuchant des affreuses files de Nuit et Brouillard, enfin tombé sous les crosses ; avec les huit mille Françaises qui ne sont pas revenues des bagnes, avec la dernière femme morte à Ravensbrück pour avoir donné asile à l’un des nôtres » (1).
À la barre, elle apostrophe les responsables nazis : « Regardez-moi car, à travers mes yeux, ce sont des centaines de milliers d’yeux qui vous regardent, par ma voix, ce sont des centaines de milliers de voix qui vous accusent. »
Par cette scène initiale, Gérard Streiff ouvre une biographie rapide et bien enlevée de cette communiste hors du commun à l’usage des jeunes lecteurs. Autant dire que, en suivant les pas de Marie-Claude Vaillant-Couturier, on arpente le monde du XXe siècle. Photographe, journaliste, militante infatigable, pacifiste et féministe, élue communiste, elle a voyagé de par le monde et traversé les classes sociales.
Issue de la bourgeoisie éclairée, elle rejoint les rangs des révoltés refusant les inégalités. Difficile avec un tel personnage, dans un texte si court, de ne pas verser dans l’hagiographie. L’auteur y parvient en refusant de l’enfermer dans la légende, mais en décrivant une femme « unique, engagée, habitée par la passion politique, d’une incroyable vitalité, élégante et discrète, humble mais tenace, simple et altière à la fois. Une sorte d’aristocrate rouge qui semble sortie d’un roman de Jean Vautrin ».
Marie-Claude Vaillant-Couturier n’entrera pas au Panthéon en ce mois de mai, François Hollande ayant choisi d’autres personnalités pour féminiser un peu ce temple républicain si masculin. À lire ce portrait, on comprend qu’il a fait une erreur. Raison de plus pour encourager sa lecture par les plus jeunes.
10:21 Publié dans Actualité, Biographie, Deuxième guerre mondiale, Résistance | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : résistance, panthéon, marie claude vaillant couturier | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook |